Bien avant les fermenteurs à levain actuels, l’appareil à levain baptisé «L’idéal» est encore en bois et dispose déjà du joint hydraulique comme les pots à choucroute.
Adam Maurizio, relate les croyances populaires sur les récipients à levain, où l’on considérait le bois de chêne et le côté fusionnel et filiale, récipient/levain-chef comme important.
Il écrit notamment ce passage (1): « Les bons récipients à levain ou à fermentation sont objet d’héritage et viennent des pères et des grands-pères, car “ils sont accoutumés à la fermentation et on sait, avec eux, comment vit le levain”. Quand on achète un nouveau récipient pour cet usage, c’est toujours sous la condition que le tonnelier le fabriquera aussi rapidement que possible afin qu’aussi la pâte lève dans le délai minimum. On cherche un bois sans départ de branches et de préférence on choisit le chêne. Si on est dans un pays où le chêne ne pousse pas, on s’arrange pour qu’au moins un bout de planche soit en chêne. La cuve à levain à couvercle, soit il est question ici, sert aussi parfois accessoirement de berceau. Dans ses lettres de Grèce, Flaubert parle de cette coutume. Du reste, ce récipient a la place d’honneur dans la maison des paysans, il se trouve sur le banc, au dessous des images saintes, et, même quand il vient des hôtes on ne le dérange pas de sa place. Il reste là même pendant la fête d’un mariage. Dans un récipient neuf, la pâte ne surit que très lentement, parfois au bout de quatre jours seulement. On dit que tout « courant d’air est nuisible » à la date mélangée de levain. On traite le récipient en question presque comme un être vivant. Il y a des cuves qui supportent le froid, d’autres aiment la chaleur, chaque cuve a ses habitudes et ses goûts. Il y en a qui s’arrangent d’entendre du bruit, et d’autres veulent du calme. On ne doit jamais les prêter que par un temps ensoleillé, jamais la nuit « afin qu’elles ne refroidissent pas ».
L’ouvrage de Maurizio a été enfin réédité 87 ans après sa traduction en français, car il reste une source encore non égalée de nos jours.
Émile Dufour précise que les appareils à levain (comme celui de la photo ci-dessus) ont été remplacé dans les fournils par la feuillette de vin (soit un tonneau de 110 litres), défoncé dans sa partie supérieure (2).
Le premier fermenteur de l’entreprise Böcker avait également en 1908, un tuyau en hêtre perforé aménagé dans un apparat, ( un récipient important en taille, aux murs extérieurs maçonnés) qui comme une espèce de conteneur permettait de disposer d’un levain de qualité constante. Cet outil dénommé « appareil pour acidifier la pâte et substrats similaires », dérivait d’un petit.
Deux autres témoignages fortement imprégnés de tradition orale décrivent cette diversité des levains à travers le Monde. En Finlande, des levains ménagers sur seigle sont conservés depuis parfois un siècle dans des plats en bois, au point que la culture populaire dit « qu’ils ont la signature du charpentier » (4).
Dans un village de Géorgie, on trouve cet autre témoignage de diversité gustative : la saveur du deda’s pouri (le pain de la mère), vient de ce que le blé pousse en montagne et du choix du ferment. La Géorgie est un pays où l’on cultive des blés du pays rien que pour les panifier à certaines fêtes, c’est le cas de la variété-population Dolly.
« Dans mon village natal », nous raconte Georges Papashvily, « une mariée reçoit de sa mère un jarre de ferment qu’elle emporte sous son nouveau toit. Pour son premier pain, elle utilise la moitié de ce trésor et le reste est disposé dans une cruche en pierre, entretenu par addition de farine et d’eau.
Toute sa vie elle puisse dans cette cruche. Si le ferment vient à être perdu, la femme s’adresse à une voisine. Nous connaissions les diverses saveurs de tous les pains du village : aigre, franche, sucrée, de noisette, laiteuse, légèrement opiacée (cette femme débarrassait mal son blé des graines de pavot), résineuse (venant d’une louche en bois de pin) et nous empruntions du ferment selon notre goût » (5) .
L’emploi du bois a de quoi rapprocher la fermentation du vin en tonneau à la fermentation du levain, avec l’action des tannins inhibiteurs d’enzymes qui régulerait peut-être la fermentation.
Sources:
(1) MAURIZIO Adam, Histoire de l’alimentation végétale, Payot, Paris, 1932, réédité en 2019 chez Ulmer, p.509-510
(2) DUFOUR Émile, Traité pratique de panification française et parisienne, Paris, 1ère édition en 1937, 4ème édition 1957, p.165.
(3) BÖCKER Georg, Grundsätze von Anlagen für Sauerteig, soit, Principes de base des équipements pour le levain, publié dans le Handbuch Sauerteig, Behr’s Verlag, 2006, p. 329-331.
(4) SALOVAARA Hannu, Hilpi KATUNPÄÄ & Jouko SAVOLAINEN, Une approche de classification de lactobacilles (et) Type de levures, isolés dans le levain de seigle finlandais, dans Acta Alimentaria Polonica, , vol.X, 1984, p. 231-246.
(5) PAPASHVILY Georges, La cuisine russe, éd. Time-Life, 1969, p. 48.
J’en ai un similaire, mais sans le Zylinder, héritage d’une minoterie.
Meilleurs voeux d’éternité et de saveur à tous nos bons boulangers.
Jean B.