La canne 1/3

Ce chapitre est composé principalement d’extraits d’une conférence de mes Frères en compagnonnage, Jean Philippon, Bordelais la Constance, compagnon cuisinier des Devoirs Unis et Serge Étienne, Champenois l’Ami de l’Honneur, compagnon métallier des Devoirs Unis, qui eut lieu au musée du Compagnonnage de Tours, le 4 mai 2002.

Extraits auxquels sont venues s’ajouter mes recherches personnelles. Le Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton de mon ami Frédéric Morin, maître de canne, m’a également permis d’avoir un regard différent sur la canne aux XVIIIe et XIXe siècles.

La canne de voyage

La canne sert avant tout d’appui au compagnon lorsqu’il se déplace à pied d’une ville à une autre. Elle permet aussi d’avoir dans les mains un objet pour se défendre contre toute agression, qu’elle soit humaine ou animale.

Durant des siècles, elle ne fut qu’un bâton de marche durant des siècles et, à ce titre, rien ne permet de distinguer la canne d’un compagnon des cannes ou des bâtons des autres voyageurs.

C’est la raison pour laquelle à ce jour, il n’a pas été possible d’identifier une canne de compagnon antérieure au début du XIXe siècle, bien que l’on soit sûr, par les archives et l’iconographie, que les compagnons de l’Ancien Régime en étaient porteurs lors de leurs déplacements, leurs cérémonies et leurs rixes.

La canne au XIXe siècle

Après avoir été un symbole de pouvoir et utilisées par l’ensemble de la noblesse pendant tout le XVIIIe siècle, les cannes changent de main quand la révolution éclate. En changeant de siècle, la France change d’aspect, grande bénéficiaire de la Révolution, la bourgeoisie arrive au pouvoir. La canne cesse d’être signe de puissance, elle devient symbole de confort et d’élégance.

Elle connaît son apogée entre 1830 et 1870. Dans son Traité de la vie élégante, paru en 1830, Balzac explique l’importance de la canne dans la tenue et le comportement. « L’esprit d’un homme se devine à la manière dont il porte sa canne » écrit-il… Développant son propos, il indique néanmoins que l’élégance est innée, et que l’on n’apprend pas à se servir d’une canne sans tomber dans le maniérisme.

Tout au long du XIXe siècle, l’importance de la canne ne cesse de croître. Il est aussi incongru pour un homme de sortir sans sa canne qu’à une femme de se promener sans chapeau. Tout homme élégant en possède d’ailleurs plusieurs, pour toutes les circonstances.

Paris est alors la capitale incontestée de la canne. Ce sont les cannes parisiennes qui jouissent de la plus grande notoriété, et cela bien au-delà des frontières. Plus de 1 000 personnes travaillent à Paris à leur fabrication. Le chiffre annuel de fabrication est de 5 millions, ce qui donne une idée plus concrète du phénomène de mode et de l’engouement suscité par la canne.

Les compagnonnages n’étant pas imperméables aux phénomènes de mode, voient se transformer l’usage de la canne. Au XVIIIe siècle elle n’était qu’un bâton de voyage et, en cas de nécessité, un bâton de combat.

Elle devient un attribut d’apparat, en particulier lors des conduites. Le port de la canne par l’ensemble des compagnons au XIXe siècle, reflète une volonté de leur part d’affirmer leur appartenance à une aristocratie.

Il s’accompagne du port de la cravate, obligatoire jusqu’en 1970 pour passer à table chez les compagnons du Devoir (A.O.C.D.D.).

La canne dans le légendaire des compagnons boulangers

La symbolique légendaire adoptée par les compagnons boulangers est identique à celle relatée par A. Perdiguier dans le Livre du compagnonnage :
« La mort de Maître Jacques ; Un jour s’étant éloigné de ses disciples, il fut assailli par dix disciples de Maître Soubise, qui voulaient l’assassiner et, voulant se sauver, il tomba dans un marais, dont les joncs l’ayant soutenu, le mirent à l’abri de leurs coups.
[Après son assassinat], les compagnons lui ayant ôté sa robe, lui trouvèrent un petit jonc qu’il portait en mémoire de ceux qui l’avaient sauvé lorsqu’il tomba dans le marais. Depuis lors les compagnons ont adopté le jonc. »

Le symbole de flexibilité est également présent, comme le rapporte J.-F. Piron, Vendôme la Clef des Cœurs, compagnon blancher-chamoiseur du Devoir, commentant la cérémonie de départ d’un compagnon :
« Appui, force et soumission : la canne est l’appui du voyageur, sa force ; comme arme défensive ; et sa flexibilité est le symbole de la soumis- sion qu’un compagnon doit avoir aux règlements qu’il s’est engagé à observer.

Si notre canne est de jonc, c’est pour nous rappeler l’image du roseau sans cesse agité par les vents et les tempêtes, mais qui malgré cela résiste à leur impétuosité pour nous apprendre que nous devons constamment résister à l’impétuosité de nos passions, si nous voulons devenir hommes parfaits. »

La canne au combat

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les combats à coups de cannes sont fréquents. Le port de la canne par des compagnonnages du Devoir non reconnus, comme les boulangers, est considéré comme une provocation et les vrais compagnons cherchent à les en déposséder.

Les contestations entre les compagnonnages portent souvent sur la manière de porter les couleurs mais aussi sur le port de la canne ou ses dimensions. Nous savons que les compagnons tailleurs de pierre ne toléraient pas que les compagnons boulangers s’en parent, les premiers ayant une pomme également en ivoire !

Ainsi, dans ses mémoires, Jean-Baptiste Arnaud, Libourne le Décidé, rapporte qu’à Chinon, en 1837, il fut sommé, ainsi que son camarade, de remettre sa canne à de vrais compagnons :
« L’un d’eux nous demanda d’un ton railleur si, par hasard, nous n’étions pas tailleurs de pierre :

  • Non, messieurs, lui répondis-je sur le même ton, nous sommes boulangers.
  • Ah ! Ah ! Fit le même interlocuteur, je m’en serais douté, car vous portez des cannes semblables aux leurs, c’est à s’y méprendre […]
  • C’est, on le voit bien, une mauvaise querelle que vous nous cherchez.
  • Non, certes, répliqua l’orateur du groupe, c’est tout bonnement un ordre que nous voulons vous donner au nom de tous les vrais compa- gnons du Tour de France.
  • Lequel s’il vous plaît ?
  • Celui de nous rendre vos cannes de bonne volonté, si vous voulez nous éviter la peine d’employer la force. […]
  • Je leur demandai de quel droit ils voulaient nous contraindre à leur donner des cannes que nous avions achetées et payées avec l’argent gagné péniblement par les travaux de l’atelier. […]
  • Vous nous demandez de quel droit nous voulons que vous nous donniez vos cannes, répondit un doleur que je venais de reconnaître aux insignes qu’il avait aux oreilles, à cela je réponds :
  • Que les principaux corps d’état qui nous ont donné la Lumière du Devoir, nous ont donné en même temps l’ordre, à nous et à tous les vrais compagnons, de vous arrêter chaque fois que vous seriez por- teurs des insignes du compagnonnage…»

Dérober la canne de son adversaire équivaut à lui dérober ce qu’il à de plus cher et s’affirmer le vainqueur, fier d’exhiber son trophée auprès de ses Pays ou Coteries. Mais les compagnons boulangers ne sont pas non plus des saints et exempts de tout reproche, ce que nous fait découvrir cet extrait du procès-verbal écrit par le com- missaire de police de Tours en 1826 :
Procès-verbal contre Laumage, pour coups et blessures volontaires à Macé
L’an mille huit cent vingt-six, le vingt et un septembre vers dix heures du matin. Devant nous, Augustin Bernardin François Delisle, commissaire de police de la ville de Tours pour l’arrondissement de l’est, s’est présenté l’agent de police Commandaire, lequel nous a fait le rapport suivant.
Hier soir vers huit heures, le nommé Macé, garçon boulanger travaillant chez le sieur Suzanne, place du Gand Marché, passait tranquillement rue du Commerce avec les nommés Haber, garçon boulanger chez le sieur Gaulepied, Gilet, ouvrier boulanger chez le sieur Cholet et Bali, ouvrier boulanger chez le sieur Chabot.
Le nommé Laumagne, compagnon boulanger travaillant chez le sieur Bienvau à Rochecorbon, portant une longue canne de com- pagnon, accompagné de deux autres compagnons, attaque Macé et dit : « Voilà des cochons de rendurcis ». Macé répondit seulement :
« Nous sommes des jeunes gens tranquilles ». Laumagne voulut lui porter un coup de canne que para un de ceux qui étaient avec lui, et Macé continua sa route. Laumagne le suivit et, arrivé rue du Change, volontairement et sans aucune provocation lui porta un coup de sa canne sur le dos et tellement fort que la canne cassa.
Des habitants indignés par ce fait ont arrêté Laumagne et, me trouvant sur les lieux, me l’ont remis. Je l’ai conduit à la salle provisoire des dépôts à la mairie et ai déposé la canne en question, brisée en deux morceaux. Les ouvriers et compagnons ci-dessus nommés ont été témoins du coup porté par Laumagne à Macé.

Macé s’étant présenté devant nous sur notre invitation, nous avons fait une déclaration entièrement conforme au rapport de l’agent de police. Nous avons vu qu’il a, un peu au-dessous de l’épaule droite, sur le dos et le côté, une forte plaie contuse, large d’un pouce environ, longue de huit au moins avec gonflement.
Il nous a paru ne pouvoir s’aider qu’avec peine du bras droit. Ayant fait comparaître le dit Laumagne, nous l’avons interrogé comme il suit :
P : Quels sont vos nom, prénoms, âge, profession, lieu de naissance, domicile ?
L : Laumagne Baptiste, âgé de 21 ans, né à Panacey dans le Gers, y demeurant.
P : Êtes-vous compagnon ? L : Oui Monsieur.
P : Hier soir vers huit heures, passant rue du Commerce avec deux autres boulangers et ayant à la main une canne de compagnon, avez-vous attaqué le nommé Macé, qui passait avec trois autres, les avez-vous traités de cochons de rendurcis, avez-vous voulu porter à Macé un coup de canne qui a été paré par un de vos camarades ?
L : Passant hier soir vers huit heures rue du Commerce avec un boulanger travaillant chez le sieur Dufour à Tours et un autre travail- lant chez le sieur Vernal à Rochecorbon, j’ai été insulté par quatre ouvriers boulangers qui passaient. Il est vrai que j’ai levé une canne sur un, mais je n’avais pas l’intention de le frapper, ce n’était que pour les faire se retirer.
P : Pourquoi, malgré les défenses de la police et malgré sans doute que vous sachiez que l’on saisit souvent des cannes aux compagnons dans les rues, en portiez-vous une qui par sa longueur et sa grosseur n’est pas à un usage ordinaire ?
L : Je ne savais pas mal faire.
P : Avez-vous suivi les quatre boulangers dont vous m’avez parlé et arrivé rue du Change, avez-vous porté un coup de votre canne à Macé, et ce coup a-t-il fait rompre votre canne ?
L : Macé m’a insulté, c’est pourquoi je lui ai porté ce coup. Il est vrai que ma canne a cassé.
P : Macé avait-il une canne ? L : Non Monsieur.

Représentation faite à Laumagne de la longue canne cassée et à lui demandé s’il la reconnaît. A répondu qu’elle lui appartient et est celle dont il a parlé. Nous l’avons retenue et y avons attaché une note indicative de son objet pour être déposée au greffe comme pièce à conviction.
Et attendu que Laumagne est inculpé d’un délit prévu par l’article 311 du Code pénal de 1810, l’avons fait conduire à la maison de dépôt à la disposition de Monsieur le procureur du Roi à qui le présent sera adressé pour être ultérieurement fait et statué ce qu’il appartiendra.
De quoi, nous avons rédigé le présent procès- verbal fait et clos lesdits jour et an vers midi et avons signé. Deslile. »

Cours de canne

Trois acteurs du compagnonnage (*), Jean-Louis Ménétra, Parisien le Bienvenu, compagnon vitrier du Devoir au XVIIIe siècle, Agricol Perdiguier, Avignonnais la Vertu, compagnon menuisier du Devoir de Liberté au XIXe siècle, et François Joseph Fourquemin, menuisier sur le Tour de France, contemporain d’Agricol Perdiguier, nous apprennent que les cours de canne sont très répandus à leurs époques, nos compagnons boulangers ne devaient pas faire exception, bien au contraire :

* (Information publiée par Laurent Bastard sur le site internet du Centre de Re- cherche sur la Canne et le Bâton (www.crcborg/le projet).

Brevet de bâton : « Nous soussignés, Maîtres et Professeurs de bâton, déclarons nous être réunis aujourd’hui à l’effet de reconnaître M. Genoux, élève de M. Maycanty en qualité de Maître et après nous être par nous-mêmes assurés de ses talents et connaissances et lui avoir rappelé que la prudence et la modération doivent être les premières qualités de celui qui professe notre Art, nous lui délivrons le présent.
Nous invitons nos amis et Frères d’Armes à lui porter aide et assistance au besoin, promettant réciprocité de notre part sur leurs recommandations. Fait à Verdun le 26 juin 1841. » Imprimé par Fournier, rue St Jacques, 31, à Paris.
Un détail retient l’attention, présence sous le trophée de gauche d’un emblème maçonnique, équerre et compas ; coll.J. Philippon.

Tous les compagnons, nous avions une passion démesurée pour apprendre l’espadon (1) et savoir manier la canne… À Tours j’avais reçu quelques leçons (2). Ménétra était à Tours vers 1755-1756.
J’oubliais de dire que pendant le temps que je fus à Tarare, les com- pagnons et les aspirants allaient tous les dimanches matin sur un plateau en haut d’un petit monticule prendre des leçons de savates, de chaussons, de bâtons, de cannes, etc. ; comme je ne donnais nul- lement dans ces sciences-là, je n’étais pas bien vu des autres qui ne purent jamais me faire entendre raison à ce sujet. (3)
Dans chaque compagnonnage, on apprenait à manier la canne, le bâton, et à assommer promptement son homme. Les plus forts, les plus terribles, les plus audacieux étaient les plus célèbres, les plus aimés des compa- gnons. Tuer son semblable, du moment qu’il n’était pas de notre société, ce n’était pas un crime. (4)

  1. L’espadon (spadone, « grande épée », Zweihänder en anglais et allemand) est une épée maniée à deux mains, développée en Europe centrale et de l’Ouest et très appré- ciée des lansquenets et des gardes suisses, demeurée en usage du XVe au XVIIe siècle. Ce nom désignait par ailleurs une autre arme à la fin du XVIIIe siècle et début du XIXe siècle, à savoir le sabre.
  2. MÉNÉTRA (Jean-Louis), compagnon vitrier du XVIIIe siècle, Journal de ma vie, réédition en 1998 chez Albin Michel.
  3. FOURQUEMIN (François Joseph) (1799-1880), Souvenirs d’un menuisier Niver- nais au XIXe siècle, introduction de Jean Tulard, présentation de Jean-Louis Balle- ret et Jérôme Lequime ; Autun, Éditions du Pas-de-l’Âne, 1998. Le manuscrit des souvenirs de François Joseph Fourquemin est conservé à la bibliothèque de Nevers. Fourquemin, ouvrier menuisier natif de Nevers, aîné de six ans d’Agricol Perdiguier, fit son Tour de France dans les années 1820 et côtoya les compagnons, mais il refusa de se faire recevoir au sein de leur association.
  4. PERDIGUIER (Agricol), Mémoire d’un Compagnon (1855), rééd. Paris, Librairie du Compagnonnage, 1977.

Le boulanger Michel dit Pisseux, Maître de canne

Fils de boulanger, et boulanger lui-même, Michel dit Pisseux6, est né en 1794 à la Courtille, quartier populaire de Paris. Cet homme des faubourgs, habitué des combats de rue, ouvre vers 1824 à la Courtille une salle où il enseigne le combat à la canne, au bâton et sous le nom de « savate » une méthode de combat à mains nues, synthèse personnelle de son expérience des rixes.

Certains émettent l’hypothèse que Michel fut membre d’un compagnonnage de la boulangerie, Sociétaire ou Devoirant, à ce jour, il n’existe aucun élément permettant d’affirmer quoi que ce soit à ce sujet, le surnom (On trouve dans certains historiques le nom de Michel Casseux, ce nom n’est que celui du personnage romanesque de Michel « Pisseux » dans Les mémoires du Vicomte d’Aulnis d’Edmond d’Alton Shee en 1868.), donné à Michel – comme cela se pratique dans les compagnonnages – est probablement à l’origine de cette supposition.

Joseph Charlemont ( CHARLEMONT (Joseph), La boxe française historique et biographique. 1899.), l’évoque dans ses souvenirs : « À cette époque, il y avait, dans les barrières de Paris, de nombreux établissements, cabarets, bals et bouges fréquentés par une population de bas étage des plus à craindre, on s’y battait constamment et il fallait avoir bons poings, bons pieds et bons yeux, avec cela du courage et surtout de l’audace pour s’aventurer dans un milieu aussi dangereux.

Michel Pisseux était un de ceux qui ne craignaient pas de fréquenter ces lieux si dangereux pour les gens paisibles et honnêtes. Il devint même la terreur de ce quartier […] Quoique habitué qu’il était au milieu de ces gens batailleurs et de mauvais aloi, craint et très redouté dans le quartier de la Courtille, il était d’un caractère très doux et n’aimait ni les disputes ni les batteries, il les évitait le plus souvent qu’il pouvait.

Intelligent, il avait profité du contact de cette ignoble population, pour en observer les différents coups qu’elle pratiquait dans les combats ainsi que les différentes manières de se battre. Il en fit un résumé, classa les coups qui lui paraissaient les plus pratiques, et en composa une théorie appelée « l’Art de la savate ».

Il ouvrit une salle dans son quartier et donna le premier des leçons de ce nouveau sport […] Il donna aussi des leçons de canne, nous avons dit ailleurs qu’il avait publié une théorie de la savate, ainsi qu’une théorie de la canne. On le disait de première force à ces deux exercices, ainsi qu’au bâton.

Une leçon de canne. Dessin aquarellé attribué à Leclair, peintre de tableaux- souvenirs pour les compagnons à Bordeaux, sous la Restauration. Dépôt du musée national des Arts et Traditions populaires au musée du Compagnonnage de Tours.

Son enseignement rencontre un grand succès et en 1847, il quitte la Courtille pour ouvrir une salle dans un quartier mieux fréquenté, au n°10 puis au n°38, rue Buffaut, faubourg Montmartre. De nombreuses personnalités de l’époque se pressent alors pour recevoir ses leçons.

Parmi elles on peut citer le Duc d’Orléans, le célèbre dessinateur Gavarni ou bien encore Théophile Gautier. Le fameux chef de la police et ancien bagnard Vidocq, fils de boulanger et ancien apprenti boulanger, oblige ses policiers à être formés en canne.



< Musée ou magasin comique de Philipon : contenant près de 800 dessins ; publié en 1842.

L’enseignement dispensé par Michel dit Pisseux était avant tout axé sur l’efficacité en combat, notamment dans la rue :

Les élèves faits par Michel ont été remarqués dans tous les assauts pour l’exécution de leur jeu. Pourquoi ? C’est ce que je vais vous expliquer :

C’est parce qu’enfin, dans le jeu de Michel, dit Pisseux, là tout est combat, tout est fait selon les bases de la savate, qui sont l’aplomb, la facilité de l’exécution naturelle, dont nous sommes doués.

Là, pas de coups de pieds en l’air, dont il serait impossible à personne de profiter dans la rue, sur un pavé glissant, si un malheur voulait qu’on ait recours à son savoir dans une rixe quelconque. (Théorie pratique sur l’Art de la Savate et de la Canne, auteur anonyme, 1843. Gallica.)

Au fond de sa salle d’entraînement et de combat était présentée la publicité lithographiée suivante
(De Paul Gavarni, dans Gavarni, l’homme et l’œuvre de Jules & Edmond de Goncourt, 1873.) :

Maître de danse, entrepreneur de tournées, roulées, suées, brûlées, trempées, tripotées, tient magasin de gifles, calottes, gnons, torgnoles et poche œil (bon teint), tient tour de reins, coups de triques et coups de pieds n’importe où, renfoncements soignés.

Selon l’Annuaire du commerce, Michel dit Pisseux enseigne jusqu’en 1858 au 38, ou 48, rue des Martyrs.
(LOUDCHER (Jean-François). Histoire de la savate, du chausson et de la boxe française. 2000.)

En 1864, il habite, désargenté, une vieille maison de Montmartre où d’anciens élèves comme Gavarni lui portent ou lui font porter un Louis de temps à autre.

Après avoir enseigné savate et canne au plus grand de son époque, Michel dit Pisseux décède en 1869 dans des conditions misérables :

C’était à ce moment un grand vieillard à cheveux blancs et barbe blanche, il pouvait avoir 1m75 environ. Il mourut quelques années après, oublié de sa génération et presque inconnu de la nouvelle, il avait alors 75 ans.
(CHARLEMONT (Joseph), op. cit.)

Extrait du livre « Le pain des Compagnons » L’histoires des compagnons boulangers et pâtissiers

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

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