J’RONS DES CRÊPES À MARDI-GRAS

Cette gravure, qui célèbre les crêpes, est extraite du Tiroir du Diable, Paris et les Parisiens (1850), publication où collaborèrent nombre d’écrivains de l’époque (Balzac, Eugène Suë, Nodier…) et des illustrateurs comme Gavarni.

La chansonnette qui sert de légende était connue de tout le monde au XIXe siècle :

« Mardi gras,
N’ t’en va pas.
J’rons des crêpes
F’rons des crêpes.

Mardi gras,
N’t’en va pas,
J’frons des crêpes,
Et t’en auras. »

Dans son livre Coutumes populaires de la Haute-Bretagne (1886), au chapitre II (Fêtes et divertissements, du 1er janvier au Carême), Paul SÉBILLOT a étudié les coutumes de cette période de l’année. Il écrit : « Le dimanche gras, qu’on appelle le dimanche crêpier, il est d’usage en beaucoup de maisons de faire des crêpes ; autrefois, dans les fermes, lorsque le propriétaire résidait à peu de distance, on préparait des crêpes pour lui et pour sa famille. (…)

On adresse à Mardi Gras ou à Carnava’ d’assez nombreuses formulettes :

Jeudi-Gras,
ne t’en va pas ;
Nous ferons des crêpes
Et tu en mangeras,
Si ton soû (si ton content)
Que tu en kerveras (crèveras). (E.)

Les enfants chantent aussi :

Carnava’ ne t’en va pas ;
Je f’rons des crêpes
Et t’en mangeras.
Carnava’ s’en est allé
O ses deux sabots percés.
Carnava’ est ervenu (revenu)
O ses deux solées (souliers) cousus. (P.)

Mardi-Gras,
Ne t’en va pas ;
Nous ferons des crêpes
Et tu en mangeras.
Mardi-Gras s’en est allé
Par un petit sabot percé,
Il s’en est revenu
Par un petit soulier cousu. (S.-C.)

Carnaval, ne t’en va pas demain ;
C’est aujourd’hui la Saint-Crépin. (D.) (1)

Carnaval, ne t’en va pas ;
Nous ferons des crêpes, tu en mangeras.
Carnaval s’en est allé ;
Nous avons fait des crêpes, il en a pas mangé.

(…)

Mardi-Gras, ne t’en va pas ;
Nous ferons des crêpes, et tu en auras.
Mardi-Gras s’en est allé
Avec son chapeau percé. (D.)

Variante des deux derniers vers :

J’ons fait des crêpes,
Et tu n’en as pas mangé. (E.) »

Les initiales qui suivent ces chansonnettes sont celles des communes et de leurs environs, où Sébillot les a entendues et notées : Ercé (Ille-et-Vilaine), Penguily (Côtes-d’Armor), Saint-Cast (Côtes-d’Armor), Dinan (Côtes-d’Armor).

Les crêpes (gravure, 1863).

Dans la Revue d’Ardenne et d’Argonne (1897) Henri BOURGUIGNAT, dans un article sur le « Folk-lore ardennais », à propos des jours gras, donne une variante de ces chansonnettes, cette fois avec des gaufres et du chocolat :

« A Rethel, on chante pendant les jours gras :
Mardi-gras, ne t’en vas pas !
Nous f’rons des gaufres ; (bis)
Mardi-gras, ne t’en vas pas !
Nous f’rons du chocolat
.

On trouve encore d’autres variantes de cette chanson (avec des bugnes dans le Lyonnais) partout en France. Quand est-elle apparue ? Comment s’est-elle répandue ? On l’ignore.
Mais est-elle encore chantée de nos jours ? Un visiteur du site l’a-t-il entendue dans son enfance ?

  1.  : C’est un jeu de mots sur « crêpe » et « Crépin ». La Saint-Crépin, fête des cordonniers, a lieu le 28 octobre et lors du Mardi-Gras, dernier jour avant le mercredi des Cendres et la période de Carême, en février ou mars, selon les années.

 

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