Jean Amédée Bousquet dit « le mitron »

Jean Amédée Bousquet est né le 17 juin 1867 à Bordeaux , marié, père d’une fille née vers 1898 . Ouvrier boulanger.

Jean Bousquet milita d’abord au Parti Ouvrier Français dans la Gironde, il appartint ensuite à la Fédération socialiste indépendante du département : au congrès de Paris, (1899), il représenta le syndicat des boulangers et biscuitiers du 7e canton de Bordeaux.

Aux élections législatives de 1898, il obtient 1 005 voix dans la deuxième circonscription de Libourne. Il sera encore une fois candidat, à Paris cette fois, à une élection législative de 1902, dans le IVe arr.

Venu à Paris en 1900 à l’occasion de l’Exposition Universelle, il y resta et organisa le syndicat des boulangers dont il fut secrétaire, se consacrant particulièrement à la lutte contre le travail de nuit.

Dès mai 1902, lors de la constitution de la Fédération nationale des travailleurs de l’alimentation (FNTA), il en est élu secrétaire général et le demeure jusqu’en 1910.
Jean Bousquet participe à presque tous les congrès nationaux corporatifs à partir du XIIIe — 7e de la CGT — tenu à Montpellier du 22 au 27 septembre 1902. C’est cette année la et l’année précédente que le cortège des compagnons boulangers du Devoir de la cayenne de Montpellier, le jour de la Saint Honoré, fut attaqué par des membres de la CGT, voyant dans les compagnons boulangers de mauvais « jaunes ».

En novembre 1903, Jean Bousquet  ne craint pas de brandir la menace de la « grève générale révolutionnaire » lors d’une réunion des bouchers contre les bureaux de placement.

Le boulanger faisant fermer le clapet de Bousquet : Je crois que celui la t’en bouche un coin citoyen Bousquet .

Extrait du journal Le Petit Parisien du 31 decembre 1903 :

L’AGITATION GRÉVISTE

 Après l’« Armistice » des Boulangers. Le Parquet intervient. Arrestations de MM. Bousquet, Laporte, Linon et Beausoleil. Beausoleil. Ce que l’on a dit à la Bourse du Travail.

Le mot d’ordre donné mardi soir par la Confédération générale du travail a été suivi d’effet.

 La grève de l’alimentation est officiellement terminee. Les ouvriers boulangers convoqués hier matin dans la grande salle de la Bourse du travail ont adopté un ordre du jour identique, quant au fond, à celui qui avait été voté la veille, c’est-à-dire l’armistice jusqu’au 17 janvier prochain, date il laquelle le Sénat se sera probablement prononcé sur la suppression des bureaux de placement. Les limonadiers-restaurateurs ont, dans l’après-midi, pris des déterminations identiques.

Mais un incident vient de surgir qui pourrait amener des complications imprévues. Au petit jour, quatre militants de la Bourse du travail ont été, hier, arrêtés sur mandat de M. Ganneval, juge d’instruction, et envoyés aux dépôt.

Un Coup de Théâtre

Voici à la suite de quels faits ces arrestations auraient été ordonnées :

Au cours de l’interrogatoire subi par plusieurs manifestants actuellement déférés au parquet, M. Ganneval, juge d’instruction, aurait recueillit des indications précises permettant d’inculper de complicité de pillage, dégâts de marchandises ou de propriétés mobilières, en réunion ou en bandes, et de bris de clôture un certain nombre de secrétaires ou d’administrateurs d’organisations syndicales. 

D’autre part, les renseignements fournis à la police par le service des recherches prêtaient à ces memes individualités un langage des plus violents dans les multiples réunions tenues à  la Bourse du travail pendant la période de la grève de l’alimentation.

Ces deux éléments d’instruction rapprochés, l’arrestation de MM. Bousquet, Laporte, Beausoleil et Linon fut décidée. M. Ganneval délivra donc les mandats et chargea de leur exécution MM. Hamard et Blot, chef et sous-chef de la sûreté Guichard et Fouquet, commissaire de police. Ces opérations n’ont donné lieu à aucun incident.

Après la réunion de mardi soir, M. Bousquet, secrétaire général de la fédération nationale des travailleurs de l’alimentation, écoutant en cela les conseils de quelques-uns de ses amis, n’avait pas cru prudent de rentrer chez lui, 7, cité Waux-Hall.

Le bruit d’une arrestation possible courait en effet avec une singulière persistance. M. Bousquet, en sa qualité de secrétaire de la chambre syndicale des boulangers avait été un des instigateurs du mouvement de grève, et les potins n’avaient rien d’invraisemblable. 

M. Bousquet ne quitta donc pas la Bourse du travail à l’heure habituelle de la fermeture et monta s’enfermer dans le bureau réservé au syndicat des boulangers, au premier étage. C’est là qu’il passa la nuit.

Bourse du travail en 1906

Pendant ce temps les agents de la sûreté avaient établi une active surveillance aux abords de l’hôtel où habite M. Bousquet depuis depuis arrivée Paris, c’est-à-dire depuis plusieurs années.

A deux heures du matin, n’avant rien vu venir, les agents avisèrent  de cette situation anormale leur chef, M. Hamard, qui, soupçonnant le subterfuge, donnait un nouvel ordre pour que fussent gardés aussi les abords de la Bourse du travail.

L’Arrestation de M. Bousquet .

A sept heures du malin M. Bousquet se décidait à quitter sa retraite et se risquait rue du Château-d’Eau mais à peine avait-il franchi quelques mètres que les agents de la sûreté l’abordaient, déclinaient leur qualité et signifiaient le mandat dont ils étaient chargés.

Le secrétaire général de l’alimentation ne tenta pas d’opposer la moindre résistance elle était d’ailleurs impossible.

Sans dire une parole, il se laissa conduire jusqu’à la mairie du dixième arrondissement, où M. Hamard se tenait en permanence.

Le prisonnier fut invité à accompagner le chef de la sûreté jusqu’au bureau du syndicat des boulangers, où l’on pratiqua en sa présence une perquisition de pure forme. Le magistrat a saisi une canne à épée, déposée dans un coin. Cette arme, qui n’appartient pas à  M. Bousquet, a pu être oubliée oubliée la par une des nombreuses personnes que leurs affaires appelaient chaque jour dans ce bureau où siégeait en permanence le comité de grève.

  1. Jean-Amédee Bousquet, âgé de trente six ans est marié et père d’une fillette de cinq ans.
  2. Clément Beausoleil, assez connu aussi sous le pseudonyme de Floridor, est Parisien. Il est né le 11 octobre 1859 et habite rue de Turenne. C’est l’antithèse vivante de M. Bousquet. Autant celui-ci, Méridional d’origine, râblé, est décidé d’allures, autant celui-la semble timide, chétif et d’aspect maladif très myope, la face terreuse, le cheveu rare, la barbe broussailleuse et de couleur indécise, tel est le portrait physique de M. Beausoleil, qui n’a rien du farouche revolutionaire qu’on l’accuse d’être. Parfois, dans l’emballement d’une discussion, la parole cingle et mord.

Secrétaire du syndicat des employés (alimentation), M.Beausoleil avait, il y a quatre ans,  à propos de cette même question des bureaux de placement, tenté de provoquer la grève des commis de l’épicerie le mouvement échoua. Il se trouva de nouveau mêlé à la récente grève de l’alimentation. Quel role actif y a-t-il joué? Il serait difficile de le préciser car il n’apparaît pas nettement , son influence paraissait plutôt limitée. 

Les renseignements de police représentent représentent Linon, un des administrateurs du syndicat des boulangers comme le bras droit de M. Bousquet ;  ils lui prêtent aussi des opinions anarchistes.

  1. Alfred Linon, originaire de la Caussade (Tarn et Garonne) est né le 11 novembre 1873 ; il exerce la profession d’ouvrier boulanger. Il a été arrêté à son domicile, 49, rue du Vert-Bois, par M. Fouquet.
  2. Blot, sous-chef de la sûreté, avait été chargé d’exécuter le mandat concernant M. Emile-Antonin Laporte, âgé de trente-quatre ans, ouvrier régleur, demeurant 19, passage Parmentier.

Le Cas de M. Laporte

Comment M. Laporte, qui est l’un des secrétaires de la Bourse du travail de Paris, se trouve-t-il inculpé dans cette affaire ? L’instruction judiciaire l’établira peut-être mais actuellement ses amis le défendent avec beaucoup d’énergie.

  1. Desplanques, également secrétaire de la Bourse du travail, nous disait, hier matin, à propos de cette arrestation :

-Mon camarade Laporte n’appartenait ni il la commission executive de la Confédération Confédération du travail, ni au comité de grève de l’alimentation il aurait pu peut-tre, en raison de ses fonctions, assister à quelques-unes des réunions de ces comités : il s’est abstenu.

« Tout au plus, comme militant, a-t-il pris la parole dans une des assemblées générales tenues la semaine dernière par les grévistes de l’alimentation: Mais là, jamais son langage n’a dépassé la mesure, il n’avait pas à donner de conseils et son intervention n’était pas utile. »

Un Manifeste de la Confédération

La Confederation générale du travail se propose de protester, par voie d’affiches, contre cette série d’arrestations survenant au lendeain même de la grève, alors, disent les intéressés, que tout allait rentrer dans l’ordre et que le calme tant espéré allait renaitre.

Voici, a titre de document, le texte d’un manifeste, signé du comité confédéral, annonçant l’armistice et la suspension de la grève de l’alimentation :

« Trois mois d’agitation ouvriere ont amene les pouvoirs publics a comprendre que l’heure est venue  de supprimer les bureaux de placements.

Au lendemain de la journee policiere du 29 octobre, octobre, la pression de l’indignation populaire, la Chambre des députés votait le projet Chambon. Le 28 décembre, sur une question posée, M. Combes montait â la tribune de la Chambre pour faire des déclarations formelles qui font connaître que la question de la suppression des bureaux.de placement sera résolue par le Sénat des sa rentree, au  12 janvier.

La commission confedrale prend acte de ces déclarations, qui constituent un engagemant explicite. Elle estime que cet engagement ne pouvant etre éludé par le gouvernement, il y a lieu pour elle, d’accorder un armistice en suspendant l’agitation syndicale d’ici ta rentrée du Sénat.

La commission confédérale déclare que si, au moment indique par M. Combes, satisfaction n’était pas donnée aux intéréssés, la lutte recommencerait.  Et la campagne reprendrait plus ardente plus vigoureuse que jamais, attendu que le mauvais vouloir parlementaire, dont nous avons eu de nombreux et, typiques exemples, chaque fois qu’il s’est agi de l’amélioration du sort des travailleurs, s’accentuerait ici d’un reniement la parole donnée.

L’armistice serait rompu! Et l’agitation se réveillerait avec une recrudescence d’effervescence légitimée par les nouvelles lenteurs parlementaires.

Les arrestations dont nous parlons plus  haut vont peut-être modifier les dispositions prises par la Confédération générale du travail, mais rien est encore officiellement dit a ce sujet.

Les membres de la commission administrative de la Bourse du travail ont été convoqués d’urgence pour statuer sur le cas de M. Laporte et décider des démarches à faira pour obtenir sa mise en liberté.

Interrogatoire des Inculpés .

C’est au dépôt. même qu’a eu lieu l’interrogatoire de forme de MM. Bousquet, Beausoleil, Linon, et Laporte.

  1. Je juge d’instruction Ganneval a préféré, en effet, se transporter, avec son greffier, aupres des prévenus que de les faire monter à son cabinet.

Les prisonniers ont énergiquement protesté contre leur arrestation qu’ils considèrent, disent-ils, comme une grave atteinte à l’exercice du droit de grève et à la liberté de parole. Ils ont refusé de s’expliquer sur les faits qui ont motivé leur arrestation, en dehors de la présence de leurs avocats. Ils ont choisi Mes Albert Wilm et Uhlric pour défenseurs. Le magistrat, les a fait écrouer à la prison de la Santé. L’inculpation dont ils sont l’objet les rend passibles de peines qui peuvent s’élever de un à cinq ans de prison et da 100 à 3,000 francs d’amende. »

Prison de la Santé

Une grève éclate-t-elle, qui présente quelque importance régionale et à laquelle la CGT est intéressée, vite, un orateur du comité confédéral est dépêché sur les lieux, pour porter la bonne parole et attiser la grève. Jean Bousquet fait partie de ces quelques orateurs de la CGT  qui voyagèrent la France pour intervenir auprès des grévistes. Pour payer le train du « délégué » avec le soin de l’agitation, celui-ci  assume un service de dépêches sur “ sa grève ” au journal ami, L’Humanité..

En mai 1904, Jean Bousquet intervient lors de la grève des ouvriers boulangers de Brest ; une lettre du commissariat spécial des chemins de fer (services de renseignements de l’époque) reprend les phrases les plus caractéristiques du discours de Bousquet devant les ouvriers boulangers réunis :
« L’homme qui travaille doit être plus révolutionnaire que celui qui ne travaille pas. Démolissons tout chez ceux qui sont réfractaires… et d’ailleurs, je forcerai votre maire à marcher à la tete des manifestations et s’il y a résistance de la part des soldats, on les flanquera à l’eau…si un maire socialiste veut suivre la loi bourgeoise, c’est la négation du socialisme. »
Bousquet, accompagné de 1500 manifestants, rejoint l’hôtel Moderne ; dans la soirée plusieurs boulangeries sont saccagées.

Jean  Bousquet est élu en 1905 conseiller prud’homme. Présent à  Amiens le 13 octobre 1906 lors du  IXe congrès de la CGT, il est signataire de la charte dite d’Amiens, proclamant  que «l’action économique doit s’exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n’ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre, en toute liberté, la transformation sociale».

Les ouvriers boulangers rassemblés à la Bourse du travail lors des grèves de 1907

Le syndicaliste Bousquet s’adressant à Clemenceau alors ministre de l’intérieur, 1907 :

Citoyen Bousquet  « La grève des boulangers ira croissant »

M.Clémenceau : « C’est un four ! »

S’il fut absent du congrès de Marseille en octobre 1908, c’est qu’il est une nouvelle fois en prison. Jean Bousquet, qui dirige de nombreuses grèves, est en effet de tous les procès intentés à l’époque à la CGT et ne comparait pas moins de huit fois en cours d’assises.

Nous lisons en effet dans le journal La Lanterne du 25 avril 1908 :

« LES OUVRIERS BOULANGERS.

 Une réunion corporative, tenue hier matin à la Bourse du travail, a été pour les ouvriers boulangers l’occasion de se livrer à une manifestation de sympathie en faveur de M. Amédée Bousquet, récemment sorti de la prison de Clairvaux, grâce à la loi d’amnistie. »

Cellules à Clairvaux dite « Cage à  poules » délimitées sur un espace de 1,5m sur 2m par analogie avec le quartier de la « ménagerie » de la maison d’arrêt parisienne de Saint-Lazare où étaient enfermées les prostituées. Le mobilier de la cellule se composait d’un lit en métal ou en bois, d’un matelas et deux couvertures, d’une tinette (vase de nuit) et d’un broc à eau.

Photographie de groupe prise devant un lieu inconnu, peut-être devant le Tivoli Vauxhall, salle de spectacle située a l’époque rue de la Douane (Aujourd’hui, rue Léon-Jouhaux)qui, durant la seconde moitié du XIXe siècle, et surtout pendant la Commune de Paris, hébergeât de nombreuses réunions politiques jusqu’à la Première Guerre mondiale.

De Bousquet, il en est fait la description suivante: « Noir et velu, la moustache gourmande barrant la bonne figure sur laquelle se reflétaient des sentiments divers et rapides, le torse solide sur des jambes assez courtes, le geste tour à tour narquois et emporté, « Bousquette » prenait son auditoire au ventre », prompt à la colère, mais point méchant et « débordant de jeunesse jusque sur le tard ».

Rassemblement d’ouvriers boulangers en grève devant le siège de leur syndicat-1913-. Paris XVIIIème arr., rue Doudeauville. La Boulangerie coopérative “La Fraternelle”

La Boulangerie coopérative La Fraternelle « Ouverte le lundi »

Jean Bousquet reprit en 1912 son métier de boulanger à « La Fraternelle », boulangerie coopérative, rue Doudeauville, dans le XVIIIe arr., dont il avait été un des fondateurs.

Devant le conseil syndical des ouvriers boulangers de la Seine et la commission de contrôle, Bousquet affirma qu’il acceptait de rester secrétaire permanent mais, qu’il céderait volontiers sa place si un camarade du conseil, plus autorisé, posait sa candidature.

« Grève des boulangers , Pantin 1913 »Soldats destinés au maintien l’ordre et a protéger les boulangeries ayants des ouvriers ne faisant pas grève.

Soldats destinés au maintien l’ordre et a protéger les boulangeries ayants des ouvriers ne faisant pas grève ; lieu non identifié.

Souvenir de la grève 1913 ; Jean Amédée Bousquet, assis au second rang, tenant un journal dans la main.

Jean Amédée Bousquet siégea comme conseiller prud’homme de la Seine de 1914 à 1920. Lors de la scission syndicale de fin 1921, Bousquet rejoignit la CGTU. Le IIIe congrès des syndicats unitaires de la Seine réuni en décembre 1922, salua la présence de Bousquet, « fondateur de la vieille CGT », « sorti récemment de prison » . Une fois encore Jean Bousquet avait passé un temps derrière les barreaux. Il déclara : « Ne nous disputons plus pour les tendances, tournons nous contre la rue Lafayette et luttons pour le succès de la CGTU » . (Confédération générale du travail unitaire)

Lors de ses obsèques à Paris le 28  juin 1925, les militants des deux Centrales CGT et CGTU se côtoyèrent derrière son cercueil.

“La Fraternelle” en 1956

Sources: Maitron en ligne; Les Cahiers de l’Iroise; Gallica; CGT.

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité C.P.R.F.A.D.

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