Pour comprendre l’ingénierie enzymatique
C’était en 1852, que Jean-Baptiste BOUSSINGAULT (1802- 1887), lance des «expériences ayant pour but de déterminer la cause de la transformation du pain tendre en pain rassis».
Car pour lui, «ce changement d’état suit l’abaissement de la température, et il ne m’a jamais paru qu’il fût raisonnable de l’attribuer à un effet de dessiccation».
Son expérience consiste à évaluer la perte en eau du pain pendant le rassissement.
Après six jours, la perte de poids du pain n’était que de 40 gr. par rapport à un poids de départ de 3.730 gr., soit une perte d’un tout peu petit plus de 1%.
Voici le tableau de l’expérience de 1852 qui sera encore repris par Emile Boutroux en 1897.
Au bout des quatre pages relatant ses expériences dans les annales de chimie et de physique, sa conclusion est «que ce n’est pas par la moindre proportion d’eau que le pain rassis diffère du pain tendre, mais par un état moléculaire particulier qui se manifeste pendant le refroidissement, se développe ensuite et persiste aussi longtemps que la température ne dépasse pas une certaine limite».
Cette expérience probablement que tout boulanger l’a vécu en «repassant» des pains au four.
Alors c’est quoi cet «état moléculaire particulier» dont Jean-Baptiste BOUSSINGAULT fait référence.
On l’appelle aujourd’hui la rétrogradation de l’amidon !
Etes-vous plus avancé avec cette définition ?
Une petite image pour la compréhension…
En fait, c’est comme si l’amidon se recristallisait.
Une autre image plus parlante, peut être.
C’est bien tout ça, mais le titre parle de «comprendre l’ingénierie enzymatique» ?
C’est que l’astuce est de repérer dans toutes les amylases qui existent, celles qui résistent à la cuisson.
On connaissait déjà en boulangerie des problèmes de résistance à la cuisson par la maladie du pain filant dit «ropy» en anglais, c’est-à-dire visqueux vu l’état du pain qui malgré qu’il soit cuit redevenait flasque.
C’est le bacille dits populairement «des foins» (apparaissant à l’époque caniculaire de la fenaison) qui est responsable de cette maladie du pain filant, il est dit thermorésistant, ce que J.-B. BOUSSINGAULT avait déjà pu mettre en évidence, puisque dans son expérience en mettant le thermomètre dès la sortie du four à 7 centimètre de la surface (croûte) du pain, celui-ci indiquait 97°C, moins que les 100°C fatidique pensait-on à l’époque.
On appelle aujourd’hui le bacille «des foins», bacille subtilis (autrefois bacille mensentericus) et son enzyme amylase est encore fort active à 70 à 80°C.
Mais un autre bacille est encore plus performant, c’est le bacille appelé licheniformis puisqu’il aurait, vu au microscope, la forme un peu fleurie de lichens.
Là c’est à 90 à 95°C que se trouve la température optimale de leur amylase.
Elle sait encore mieux résister à la cuisson à l’intérieur du pain.
Et une fois le pain cuit, ces amylases peuvent être toujours active sur l’amidon en diminuant l’enchevêtrement du réseau recristallisé (dense) de l’amidon (à gauche sur le schéma ci-dessous) en coupant des branchements ou ( à droite) en sectionnant à partir des extrémités des ramifications d’amidon, deux molécules de glucose (maltose) par deux molécules de glucose,action dite maltogénique pour l’amylase du bacille stearothermophilus.
Ces actions permettront à la mie de pain cuite ainsi traitée de garder son moelleux.
Deux problèmes cependant ;
1-/ La classification de l’enzyme dans les auxiliaires technologiques ne répond plus à la définition de ceux-ci par la législation européenne.
«On entend par «auxiliaire technologique» toute substance non consommée comme ingrédient alimentaire en soi et volontairement utilisée dans la transformation des matières premières, des denrées alimentaires ou de leurs ingrédients, pour répondre à un certain objectif technologique pendant le traitement ou la transformation et pouvant avoir pour résultat la présence non intentionnelle de résidus techniquement inévitables de cette substance ou de ses dérivés dans le produit fini et à condition que ces résidus ne présentent pas de risque sanitaire et n’aient pas d’effets technologiques sur le produit fini. » Directive 89/107/CEE, art. 1er point 3.
2-/ Le risque sanitaire d’allergie ou d’intolérance risque de prendre un certain temps avant de pouvoir être décelé et pour cela il faudrait afin d’évaluer le risque que le produit de cuisson en contenant fasse mention de sa présence, ce qui n’est malheureusement pas le cas.
Pour les personnes intéressées par l’enquête de 1852 de J.-B. Boussingault, on sait la télécharger en ligne sur le site http://gallica.bnf.fr
La démarche est la suivante; choisir l’onglet > Presse et revues >>Tapez dans la recherche; Annales de chimie et physique, cliquez sur Accéder à tous les volumes, Choisir l’année 1852, Dans cette année choisir dans la série 3, le tome 36, et puis aller aux pages 490-494 que vous pouvez télécharger en cochant correctement les pages que vous souhaitez.
Marc Dewalque – Artisan boulanger – BoulangerieNet.