Extraordinaire petit bout de pâte, on pourrait l’appeler «nœud», «lunette», mais non, on le dénomme «bretzel» du nom du pays où il est le plus populaire, l’Allemagne.
Il a une très longue histoire qui l’a fait évoluer en nom et en forme de «bracchium» du 1er au 9ème siècle puisqu’à ses origines greco-romaine il aurait plutôt eu la forme d’anneau ou de bracelet.
S’ensuivra l’appellation «prezita» au 11ème siècle ou notre bout de pâte prend la forme de cœur et au 12ème siècle la «bretzel» toujours plus sophistiqué avec l’introduction de mouvement torsadé.
Pretzeln, Brezetta, Brätschellen, Precedella, Brezitella, Brezel, etc… seront autant de variantes dans les dialectes et langues .
Sa notoriété le fera devenir enseigne, emblème (pour la boulangerie, c’est clair) au point de le retrouver aussi dans l’héraldique des familles et des villes.
On le retrouvera surtout à cette période qui va du Nouvel-an jusqu’à Pâques en passant par le carnaval.
Au Nouvel-An, en Alsace, il était de bonne coutume d’offrir en tant que parrain, un grand bretzel bien décoré que l’enfant (vu la grandeur) emmenait sous le bras.
Bon nombre de carnaval allemand (notamment à Schramberg dans la Forêt-Noire) reprenne la distribution des bretzels par les personnages déguisés.
Dans le tableau de Breughel de 1554 « Combat de Carnaval et Carême », c’est du côté Carême que l’on retrouve le bretzel.
Dans de nombreuses régions (c’est le cas au Grand-Duché du Luxembourg) il était le gâteau des jours maigres et ne se confectionnait que pendant la période du carême.
Dans la vallée du Neckar (en Souabe- Schwäbisch) à Altenriet, il existe un marché aux bretzels depuis au moins 1848, c’est devenu une fête populaire.
Il a lieu le week-end du «Palmsontag» (dimanche avant Pâques dit des rameaux).
Lorsqu’un jeune offre un bretzel des rameaux à une jeune fille, c’est qui lui déclare son amour.
A la jeune fille alors de répondre favorablement en offrant un œuf dur à Pâques.
C’est ce dimanche des rameaux également que du côté d’Ulm, on peint à la chaux sur les portes de granges un bretzel, s’il est peint à l’envers c’est une dérision, cela signifie que l’auteur du dessin s’est vu refusé ses avances et qu’il l’exprime de cette façon. De nos jours, la peinture se pratique parfois à même la route.
On en fera un jeu «le lancer de bretzel» afin d’essayer d’accrocher à distance, une pièce à l’échelle qui servait de présentoir dans les anciennes boulangeries.
Même si le plus renommé est salé et d’abord cuit (ou échaudé) dans l’eau chaude puis passé dans le four, on retrouvera sa forme caractéristique sous de multiples recettes au lard et aux oignons pour tremper dans la soupe, au fromage avec des graines( sésame, pavot, cumin), le bretzel russe est feuilleté et garni de cacao et d’amandes, sucré et à la vanille il deviendra un bonbon de Noël.
Que de chemins parcourus, quelle fabuleuse identité, c’est impressionnant pour un simple petit bout de pâte façonné.
Pour nous professionnels de cette pâte, le plus beau est probablement la maîtrise du geste. Voyez ce descriptif dessiné.
Et mieux encore ce geste professionnel extraordinaire par cette petite vidéo :
Frustrant, pas le temps de voir la technique, allons-y plus lentement pour bien apercevoir le mouvement afin de «torcher» le bout de pâte allongé :
Plusieurs dessins couleurs de Roni Pruckner sont repris du livre « Brezel Geschichten » de Irène Fröhlich, éd. Knödler, 1993.
Marc Dewalque – Artisan Boulanger – Belgique.