1795 – Jeton Britannique de nécessité et de propagande
Jeton anglais de nécessité et de propagande en cuivre émis en 1795 par le maître boulanger Jonathan Dennis de Tottenham Court Road à Londres. Ce jeton, d’un demi-penny, fait référence à la loi passée en 1794 concernant la servitude à laquelle les boulangers étaient astreints à cette époque, devant travailler à la cuisson du pain le dimanche, jour du Seigneur.
Avers : Jeton de nécessité avec grenetis sur le pourtour avec l’inscription:
BAKERS HALF PENNY (Boulangers – Demi Penny) Dans le champ une gerbe d’épis de blé et un pain, et la date d’émission 1795
Revers : Dans le champ le texte :
To lessen the slavery of Sunday baking and provide for public wants: an act was passed AD 1794 | Pour réduire l’esclavage de la cuisson du pain le dimanche et pour satisfaire aux besoins du public, une loi fut votée en l’Année du Seigneur 1794 |
Tranche : Inscription gravée sur la tranche du jeton : « Payable at Dennis London » (A encaisser chez Dennis à Londres)
Module : 28 mm
Références : British Tokens N°297 – English Trade Tokens (Peter Mathias)
Historique: En 1780, le Parlement britannique vota le « Sunday Observance Act » qui stipulait les activités et les services qui ne devaient pas être prestées le dimanche, le jour du Seigneur. Cette loi fut amendée à plusieurs reprises, notamment en 1794 avec la loi « Observance of Lord’s Day by Bakers Act 1794 », concernant plus particulièrement les boulangers qui étaient sujets à une grande pénibilité due à la chaleur émanant des fournils. Cet amendement définissait aussi les heures auxquelles le boulanger pouvait cuire son pain et le vendre. Cela imposait à tous les boulangers une stricte égalité dans les horaires de travail et de vente des produits. C’est pour commémorer cet évènement et cette avancée sociale importante, et le faire savoir, que le maître boulanger Jonathan Dennis de Tottenham Court Road à Londres émit le jeton illustré dans cet article, d’une valeur d’un demi-penny.
Définitions :
- Une monnaie de nécessité est un moyen de paiement émis par un organisme public ou privé et qui, temporairement, complète la monnaie officielle (pièces et billets) émise par l’État quand celle-ci vient à Ce type de monnaie fiduciaire prend place généralement durant des périodes économiquement troublées : guerre, révolution, crise financière, etc. Les premiers exemples de monnaie de nécessité modernes apparaissent à la fin du XVIIe siècle et tendent à se confondre avec la monnaie officielle d’un pays où les conditions économiques et politiques ne sont pas encore stabilisées : l’offre de l’institut monétaire officiel est alors suppléée par différentes initiatives privées. C’est le cas de ce jeton.
- En Grande-Bretagne, une pénurie de monnaie de petite dénomination avait été signalée dès la fin du XIVe siècle. Une telle pénurie rendait difficile la rémunération des travailleurs et la réalisation des transactions de la vie quotidienne. Les pénuries persistaient et s’aggravaient à la fin du XVIIe siècle et devinrent particulièrement problématiques au milieu du XVIIIe siècle. La pénurie de pièces de monnaie officielle de petite dénomination attint un seuil critique avec le déplacement de nombreux travailleurs quittant les emplois agricoles pour ceux des usines pendant la révolution industrielle. Sans disponibilité en quantité suffisante de pièces de monnaies, les employeurs ne pouvaient faire face à la demande de la masse salariale pour leurs activités. Dans le même temps, le taux de croissance démographique de la Grande-Bretagne entre 1750 et 1800 devait presque quadrupler. La situation s’aggrava à cause de l’écoulement de pièces en argent (loi Gresham), de la prépondérance et de la circulation de fausses pièces de monnaie (on estime qu’en 1786 les deux tiers des pièces de cuivre en circulation étaient contrefaites), et de la production sporadique par la Monnaie Royale (the Royal Mint) de pièces autres qu’en or pendant tout le XVIII ème siècle. Pendant de nombreuses années, aucune monnaie de cuivre ou d’argent ne fut frappée et, en 1775, le roi George III arrêta la production par la Monnaie Royale de monnaie de Le gouvernement n’ayant fait aucun effort pour pallier cette pénurie, les entrepreneurs de tout genre et les commerçants, comme le maître boulanger Dennis, prirent les choses en main. C’est ainsi que les premiers jetons de nécessité furent émis en 1787 afin de payer les travailleurs de la compagnie minière la « Parys Mine Company d’Anglesey « . En 1795 il est rapporté que des millions de jetons furent ainsi frappées et furent d’utilisation courante dans tout le royaume. Le jeton illustré dans cet article fut émis dans les mêmes circonstances.
Ci-dessus le célèbre jeton d’un demi-penny, émis par la société minière Parys Mine d’Anglesey en 1787. Le portrait du druide à capuchon fut utilisé pendant de nombreuses années et fut à l’origine de tous les jetons de nécessité en Grande Bretagne tel que celui de boulanger commémorant la loi de 1794 illustré dans ce dossier. A noter qu’aux Etats-Unis les jetons de nécessité s’intitulent « Hard time tokens », soit « Jetons des temps durs » ! Une appellation imagée qui traduit bien la réalité des conditions de travail des hommes à cette époque.
Claude-Frédéric Maurel