Amis, compagnons, aspirants, celle qui fut la plus honorable de toute les mères du Tour de France, madame Jacob, notre Devoir de mémoire, en cette année de Bicentenaire m’imposait ce texte.
Nous sommes en 1820, les compagnons boulanger du devoir, nos pères, sont à la recherche d’un local, pour y établir leur siège, ils viennent vous rencontrez vous informants qu’ils ont choisi son établissement, elle et son époux acceptent de les accueillir.
Voila comment commence cette tâche épineuse et militante qui devait, plus tard la couvrir d’éloges et de gratitude.
Ode:
A petite Maman
Moi, mourir sans revoir notre belle Touraine,
Et puis Maman Jacob, la Mère souveraine !
Oh ! non, mille fois non, mon coeur est trop aimant,
Pour que j’oublie, ainsi, les devoirs d’un enfant.
Oui, j’ai du vous revoir, bords chéris de la Loire ;
Sans vous, sans votre amour, mon luth harmonieux
N’aurait pu m’inspirer dans mes chants radieux.
Que je regrette, encore, ce temps d’adolescence,
Ou, jeune compagnon, sur le beau Tour de France,
J’entendais, en tous lieux, vanter votre bonté;
Quand votre nom chéri partout était fêté.
Ce nom mille fois dit par l’amitié sincère,
Etait : Mère Jacob, du tour la bonne Mère !
Vous devîntes, dès lors, pour moi, l’ange du ciel,
Ma vie, mon bonheur, mon tourment éternel.
Pour moi, qui vous aimais, comme aiment les poètes,
Ces aimables transports étaient des chants de fêtes.
Que votre nom toujours soit béni par le ciel !
O ! vous bonne Maman , au renom immortel ;
Et que nos petits fils, en parcourant la France,
Unis par l’amitié, vivant dans l’abondance,
Chantent, dans leurs couplets, encore dans cent ans,
Alors que, très-heureux, ils vivront tous contents :
Que la Mère Jacob, cet ange tutélaire,
Etait, des compagnons , la plus aimable Mère !
Libourne le Décidé
Je ne vais pas retracer sa vie ici, de nombreux auteurs ayant immortalisé ses actions. Je vais simplement et humblement vous faire lire quelques témoignages et poèmes d’un compagnon boulanger que vous avez bien connu, Rochelais l’Enfant Chéri.
Saint Honoré 1836 :
« Dés le matin, un rassemblement d’ouvriers, accourus de tout les points de la ville et des environs, s’était donné rendez vous sur la place du grand marché, dans l’intention de guetter notre sortie et de nous enlever nos cannes et nos couleurs. Ces hommes avaient aussi l’idée de nous faire un mauvais parti, du moins, on pouvait le penser en les voyants porteurs de bâtons de toutes dimensions.
Quelques témoins de ces menaçants préparatifs vinrent nous prévenir de ce qui se passait, en nous engageant a ne pas sortir, afin d’éviter des suites désagréables. Cependant, tout était préparé :La musique allait nous arriver, et la messe était commandée pour onze heures, mais après cet avertissement, nous fîmes prévenir la police, qui se rendit à notre domicile, et nous conseilla prudemment de ne pas sortir. Réflexion faite, et après avoir consulté Monsieur le Commissaire de police, qui fut de notre avis, nous demandâmes des voitures qui nous arrivèrent aussitôt, et nous partîmes pour l’église Saint Vincent, escortés d’un piquet de cavalerie qui nous fut aussi accordé à la demande de l’autorité.
La cérémonie religieuse étant terminée, nous retournâmes chez notre Mè dans le même ordre d’ou nous en étions partis. Etant arrivés, et pour éviter des querelles avec nos agresseurs, nous nous dispensâmes encore de porter, comme il était d’usage, des gâteaux chez Messieurs les maitres, le diner, qui eu lieu à cinq heures, se fit assez tranquillement grâce à la mesure de sureté prise par l’autorité, qui avait placé un fonctionnaire à chaque bout de la rue de la Serpe, avec la consigne de ne laisser passer personne sans un motif grave et indispensable, enfin le bal, qui termine cette journée habituellement si belle pour nous, n’eut pas lieu, toujours afin d’éviter les désagréments qui pouvaient en résulter. »
Voyez, d’après de pareils faits, ce qu’était l’ouvrier du Tour de France à cette époque, et vous pourrez juger ensuite de ce que Madame Jacob eu a souffrir par suite de ces pénibles discordes qui, malheureusement ne devaient pas se terminer de si tôt, puisque cinq ou six mois après l’affaire dont je viens de parler, il s’en passa une autre non moins terrible :
« Il arriva un jour que sa maison fut envahie par certains ouvriers qui, pour des motifs d’une futilité singulière, étaient venus nous chercher querelle, et comme, ils arrivèrent dans un moment où nous étions encore à nos travaux, Madame Jacob qui, précisément, se trouvait seule avec sa domestique, et se doutait de leurs coupables projets, vint courageusement au devant d’eux, en leur disant qu’ils n’auraient point à boire et les invitant à sortir sur le champ, sinon qu’elle allait envoyer chercher la police. A cette réponse, qui les exalta davantage, ils se mirent à l’injurier grossièrement, et, non content de cela, ils cassèrent plusieurs objets qui se trouvaient à leur portée ; elle même, en voulant défendre ses intérêts et repousser les récalcitrants, reçue quelques blessures qui, bien que légères, n’en étaient pas moins désagréables.
Heureusement toutes les ouvertures du rez de chaussée avaient été fermées aussitôt, car ils ne se contentèrent pas de ce qu’ils venaient de faire à l’intérieur, il fallut aussi que l’extérieur subit les effets de leur funeste rage. A un signal donné par un des meneurs de cette cohorte, la façade de la maison fut assaillie de projectiles. Une demi heure après, il ne restait presque plus de tuiles sur le toit… »
Femme forte et dévouée, elle résista à toutes ces misères de l’époque, ou beaucoup à sa place auraient succombé.
Elle s’était dit :
« Je me suis chargée d’une mission divine et sacrée, je l’a remplirai fidèlement jusqu’au moment fatal ou la mort seule viendra m’en arracher »
Un autres célèbre compagnon boulanger l’immortalisera au travers de la poésie , c’est notre Frère Arnaud Libourne le Décidé.
Couplets écrits, pour l’anniversaire de notre mère Jacob:
« Le jour si cher de votre anniversaire,
Ici ce soir nous retrouve joyeux
Bonne maman votre gai caractère,
Offre pour nous des attraits merveilleux.
Un jour viendra que le destin prospère,
Réunira dans le divin séjour,
Nos devoirants et notre bonne Mère,
Enfants, chantons, pour fêter ce beau jour.
Lorsque le ciel vous plaça sur la terre,
En vous dotant d’un coeur si généreux,
Des compagnons vous deviez être mère,
Et du devoir un trésor précieux.
Conservez nous votre amitié sincère ;
Inimitable, vous serez toujours
Du riant tour la meilleure des mères.
Enfants , prions pour conserver ses jours. »
Puis, le 24 septembre 1863, payant à la nature cette dette sacrée dont, en naissant, nous nous trouvons tous, sur cette terre débiteurs, elle rejoins notre Maitre Jacques céleste à l’Orient éternel :
« Notre Mère n’est plus »
Prenons le deuil, compagnons de la France
Et que vers Dieu s’exhale nos soupirs,
Gais ménestrels, qui chantez la romance,
Pour quelques temps suspendez vos plaisirs.
Muse d’amour qui m’enivre et m’inspire,
Viens partager mes regrets superflus,
Car aujourd’hui je chante sur ma lyre,
Des compagnons ma mère qui n’est plus bis
Je vais chanter cette femme si bonne,
Des boulangers Mère depuis longtemps,
Je vais chanter cette aimable personne,
Qui fut toujours fidèle aux devoirants.
Frères chéris de la belle Touraine,
Chacun de vous connaissait ses vertus,
Du tour de France elle était la doyenne,
Chers compagnons notre Mère n’est plus. bis
Deux fois vingt ans elle fut notre Mère,
C’était pour nous l’ange consolateur,
Du malheureux soulageant la misère,
La charité faisait battre son coeur ;
Douée, enfin, d’un caractère aimable,
De son amour chacun était confus,
Ses qualités la rendaient adorable,
Chers compagnons notre Mère n’est plus. bis
Combien de fois témoin de son courage,
Nous l’avons vue, puissante déité,
Nous l’avons vue pacifier l’orage
Par ses conseils et son humanité.
Faire le bien était sa seule envie,
Tous noirs défauts chez elle étaient exclus,
Elle a paye sa dette a la patrie,
Chers compagnons notre Mère n’est plus bis
Dans tous les temps elle fut notre intime,
Car son amour nous la faisait chérir ;
Elle est partie en emportant notre estime,
De ses bienfaits gardons le souvenir.
Mère Jacob, qu’ici bas chacun pleure,
Contemple nous du séjour des élus,
Repose en paix dans ta sombre demeure,
Car nous prions pour celle qui n’est plus. bis
Son souvenir, frères du tour de Fance,
Laisse en nos coeurs d’ineffables regrets,
Elle aimait tant la paix , la tolérance,
Qu’a son amour je dédit ces couplets.
L’enfant chéri fidèle à sa mémoire,
Dans tous les temps célébra ses vertus.
Nous lui devons place dans notre histoire,
Chers compagnons notre Mère n’est plus. Bis
Deux ans plus tard, en 1865, nos frères du Tour de France décident de faire construire un monument en son honneur, un petit poème fut composé pour cette occasion :
« A notre Mère Jacob »
Frères, c’est aujourd’hui que sur mon luth sonore,
Pour l’honneur du Devoir, je viens chanter encore
Je vais en compagnon véridique et confus,
Vous chanter les bienfaits de celle qui n’est plus,
Célébrer ses vertus, son amour, son courage;
Muse que je chéris, prête-moi ton concours
Pour chanter dignement notre Mère de Tours.
Bonne Mère Jacob, je viens à ta mémoire
Consacrer mes moments, éterniser ta gloire ;
Je viens, gai troubadour, fidèle narrateur,
Publier à loisir les bontés de ton coeur;
Je dirai à celui qui fait son tour de France
Que tu fus notre guide aux champs de l’espérance,
Et que par tes conseils et ton humanité
Nous goutions les douceurs de la fraternité ;
Chacun était jaloux de connaître les charmes,
Car de l’homme afflige tu tarissais les larmes,
Et de ton coeur si bon l’ineffable douceur
Nous transportait d’amour, de joie et de bonheur.
Mais puisqu’il faut mourir, telle est la loi divine,
C’est un décret d’en Haut devant qui tout s’incline.
La faux du temps trop tôt à moissonné les jours,
Nos instants de bonheur se sont passés trop courts
Emporte nos regrets , femme que je vénère,
Que la terre ou tu gis te soit douce et légère ;
Repose saintement dans ton humble cercueil,
Car les fils du devoir n’oublieront pas ton deuil;
Ils prieront constamment que ton séjour paisible
Ne soit jamais trouble par l’Aquilon terrible ;
Repose donc en paix du sommeil éternel,
Car pour ton âme juste il existe qu’un ciel.
Voila mes Amis, voila mes Pays… Le 31 novembre 2011, jour de notre Bicentenaire, nous avons remplis, notre Devoir, nous avons non seulement honoré notre Mère jacob, nous avons honoré a travers elle toutes les mères du Tour de France, et tous les Compagnons et Aspirants de notre Beau devoir qui ont voyager la France depuis deux siècles.
Notre Mère de tout la haut est fière de ses enfants qui ont été autour d’elle en ce beau jour, et qui plus est, sont restés fidèles au Devoir.
Par trois fois Merci.
Par le Compagnon Bourcier Laurent Picard la Fidélité C.P.R.F.A.D.