Le Devoir – Rite de reconnaissance 3/3

Le baiser fraternel dit baiser de paix

Lors du Devoir les compagnons ne font que se prouver leur qualité l’un à l’autre pour finir par sceller leur alliance fraternelle par le baiser de paix qui est l’aboutissement, la finalité de ce rite.

En 1870, nous trouvons dans le courrier de compagnons boulangers, parmi les formules de politesse : « Recevez très chez Frères par trois fois mon baiser de paix. »

Dans les catéchismes compagnonniques du XIXe siècle, lors de l’enseignement de la légende de Maître Jacques, nous apprenons que celui-ci est trahi par l’un de ses disciples, le nommé Jéron, ce dernier lui donnant un baiser de paix afin que les futurs assassins puissent connaître leur victime. Nous observons là, sans aucune difficulté la transposition de la trahison du Christ par Judas.

Le baiser de paix apparaît une seconde fois lors de la mort de Maître Jacques. Avant de mourir sous les coups de poignards portés par des disciples de Soubise, Maître Jacques donna son dernier baiser à ses disciples venus pour lui sauver la vie, en leur demandant de redonner ce baiser de paix à tous les nouveaux compagnons qu’ils feraient.

Découvrons le baiser à travers les âges ; Extraits du site internet « le baiser free » :

[…] Aucun baiser n’apparaît sur les murs des cavernes, dans les manifestations connues à ce jour de l’art rupestre, ni dans l’art funéraire de l’Homme néandertalien, ni des débuts de l’homo erectus. Il n’apparaît pas non plus dans les manifestations connues à ce jour des arts et autres symboles des sociétés antérieures à celles de l’Antiquité, celles qui sont considérées aujourd’hui comme fondatrices de nos cultures et de notre civilisation.

Les arts sumériens, mésopotamiens comme pharaoniques de la société égyptienne ne représentent rien du baiser sur les lèvres ou de ce qui pourrait y ressembler, même si les représentations de la fécondité sont nombreuses et souvent sublimes. En revanche, la société juive à l’aube de son histoire a peut-être inventé le baiser comme nous le connaissons.

En effet, la Bible est le premier ouvrage qui évoque le baiser. Une recherche lexicographique détermine un peu plus de quarante occurrences dans l’Ancien Testament. Tout d’abord et avant toute chose, le baiser de Dieu, le baiser sans lequel il n’est rien de possible. Quand Dieu créa l’Homme, il donna vie à un être de glaise par un baiser, il lui insuffla ainsi par la bouche vie, âme et amour de son Créateur. Dieu créa la femme de la côte d’Adam !

Quand Laban accueille son neveu Jacob, on lit : « Il le prit dans ses bras et, l’ayant baisé plusieurs fois, le mena en sa maison. » Le baiser de salutation entre hommes d’une même famille, d’une même tribu : « Moïse, étant allé au-devant de son beau-père, se prosterna et le baisa : ils se saluèrent avec des paroles de paix. Et Jethro entra dans la tente de Moïse. »

Le baiser de salutation s’accompagne de gestes de révérence. Il situe l’un par rapport à l’autre. Il résume la convenance et la distance sociales.

Le baiser du pardon, de la réconciliation et de la paix retrouvée : David baisa Absolom et le pardonna ainsi du meurtre d’Amnon.

« Qu’il me baise des baisers de sa bouche, tes lèvres, ô fiancée, distillent le miel vierge. Le lait et le miel sont sous ta langue… » Le manquement, le baiser oublié, est un acte grave : Jésus, le maître des apôtres, reproche à Simon-Pierre de ne pas l’avoir baisé comme il aurait fallu dans sa posture de maître !

Judas convient avec ses complices romains qui ont pour mission d’arrêter le Christ qu’ils le reconnaîtront par le baiser dont il l’honorera. Le baiser sur la bouche est ainsi très important dans la société juive des temps bibliques à l’époque de Jésus.

Les rites du baiser entre hommes, marquant fortement l’égalité et la révérence sociales, restèrent très prisés. Ils survivront et seront pratiqués longtemps dans la France du Moyen Âge. Le baiser de paix, qui ponctue des échanges du type « Que paix soit avec vous » ou encore « Que Dieu vous bénisse », est pratique systématique dans les églises, on baise du baiser de paix à l’accueil, on baise du baiser de paix lors des adieux : « Allez en paix ! », il délimite le lieu et le temps du culte des lieux de l’ici-bas et les autres temps de la vie sociale.

Le Moyen Âge, époque de la chevalerie et de la mise en place de la féodalité, des liens de la vassalité, invente un rite par lequel un homme se soumet à un autre, réaffirme sa « dépendance » vis-à-vis d’un autre, qui est alors d’un rang supérieur.

Le futur vassal s’agenouille devant son seigneur qui a pris ses mains jointes dans les siennes : « Veux-tu devenir mon homme lige sans réserve ? », « je le veux » répond le vassal, « alors tu seras mien » rétorque le seigneur. Le seigneur fait relever le vassal et lui appose un baiser sur la bouche, puis ce dernier prête serment sur les Évangiles. Le baiser a valeur de sceau et scelle un lien de fidélité et d’affection, « alliance et amour ».

Le baiser vassalique. Il rend égal car il est baiser « en nom de foi ». Ainsi, le baiser du Moyen Âge reste pour l’essentiel un baiser d’hommes, qui marque l’égalité des échangistes devant Dieu et les hommes, et corrige les inégalités de fait, de droits ou sociaux. Il se pratique entre gens d’une même institution (seigneurs, églises…) et par son élitisme, il reflète l’importance des ordres de la société féodale. Il s’échange en public : il a besoin de témoins car il scelle une allégeance, un « hommage ».

Le baiser est ritualisé et ainsi sacralisé car il est mélange des chairs en contact et « mélange des âmes », car mélange des souffles. Il est « amour et paix », affection et relation sociale qui ne recourent plus à la violence, il est l’expression de la cité des hommes qui s’inspire de la cité de Dieu.

Avec la Renaissance, le baiser quitte peu à peu la scène sociale et publique. Le premier baiser à subir la nouvelle loi est le baiser des gens d’Église. Le baiser de paix n’est plus directement échangé. Il est pratiqué à l’aide d’un instrument : une bague pour les évêques, une tablette niellée ou encore la croix, un reliquaire, la nappe de l’autel, etc.

Le baiser d’hommage, entre hommes, est lui aussi en voie de disparition avec ce type de lien qui n’est plus nécessaire : tout le monde se soumet à l’État, à son incarnation, aux pouvoirs, les éléments qui vont permettre la naissance de la démocratie (nous sommes tous sujets d’une même autorité) rendent obsolète le baiser d’hommage et de fidélité, « en nom de foi ».

Le baiser perd ainsi, avec son sens sacré et sa ritualisation d’un autre âge, tout rôle authentiquement social.

 

Des tapettes !

Voici une aventure qui m’a été contée par Pierre Belloc, Bordelais l’Inviolable, qui la tenait lui-même de Jean Pebayle, Bordelais l’Enfant Chéri, cette même aventure me fut aussi contée par le fils de Bordelais l’Enfant Chéri, Pierre Pebayle, Bordelais Va de Bon Cœur, qui la tenait de son père (avec de sensibles variantes, mais sans contradiction sur le fond) :

Le 16 mai d’une année oubliée (vers 1920), les compagnons boulangers du Devoir de Bordeaux fêtaient comme tous les ans la Saint-Honoré. Suivant la tradition, ils exécutaient le Devoir sur la place publique, devant leur siège, peut-être cours Victor Hugo.

Le rouleur et les deux compagnons devant se reconnaître, commençaient à exécuter ce rite, au même moment, un charretier quelque peu insolent et mal intentionné vint à passer avec ses montures, et commença à faire claquer son fouet au-dessus des têtes de nos boulangers.

Ceux-ci, imperturbables, terminèrent leur cérémonie en se donnant trois baisers, deux sur chaque joue puis un sur la bouche, comme le voulait la tradition. À cet instant, notre charretier les baptisa bien fort de cette petite mécanique servant à estourbir les petites souris trop gourmandes. Le rouleur, d’une colère furieuse, se jeta sur le charretier et l’estourbit d’un bon coup de canne bien placé sur le crâne.

Et voici notre charretier les quatre fers en l’air pour manque de respect envers la société des compagnons boulangers ! Des gendarmes se trouvant à proximité intervinrent aussitôt, et mirent quatre compagnons au cachot. Vingt-quatre heures au frais pour ouvrir le bal, la prise des identités. Ces quatre compagnons avaient une particularité : leurs noms de famille finissaient tous par le son O.*

 

< Compagnons boulangers faisant le Devoir sur le bouquet, cannes croisées, quittant leur chapeau pour s’échanger les mots. Bordeaux, vers 1965.

Imaginez la tête du commissaire à la présentation des identités des quatre compères ! Laribaud, Naud, Ribault et Thibault qui lui, en plus, était muet ! Vous ne vous foutez pas de ma gueule par hasard ! dut répondre notre commissaire.

Après avoir provoqué le désordre sur la voie publique, voici qu’ils allaient être accusés de non-respect des représentants de la loi.

Mais heureusement cela s’arrangea, et nos boulangers furent libérés rapidement. Rentrant tous les quatre, ils découvrirent, accroché sur le mur de la cayenne, un étrange trophée : Le chapeau de paille !

En effet, après le départ de nos compagnons encadrés par la police, l’un des boulangers présents ramassa le chapeau du charretier qui avait été oublié à terre, l’on pouvait y voir la marque de la pomme de la canne du rouleur qui avait rappelé à l’ordre notre insolent.

Le chapeau fut exposé de nombreuses années, jusqu’au jour où il tomba en poussière et disparut à jamais.

* Ribault, Bordelais le Fier Courageux ; Naud Antoine, Bordelais la Gaieté ; Thibault, Libourne le Secret du Devoir (pour un muet, pas mal du tout…) ; Laribaud, Bordelais la Fleur du Devoir.

Les compagnons boulangers conserveront la pratique du baiser de paix sur les lèvres jusqu’à leur adhésion à l’A.O.C.D.D. en 1946.

 

Ce qui a disparu :

Le coup de poing sur la poitrine

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le compagnon boulanger, à un moment précis du Devoir, se frappait la poitrine du poing, côté gauche sur le cœur, en levant la tête et tournant son regard vers le ciel. Symboliquement, ce geste pouvait signifier que le compagnon demandait pardon à Dieu pour tous ses péchés.

L’abandon du coup de poing s’explique certainement, en cette fin du XIXe siècle, par la laïcisation de la société, ce geste représentant probablement aux yeux critiques du profane, une relation trop importante entre les compagnons boulangers et Dieu.

Le jet de cannes (1938-1940)

À la fin du rite, le rouleur ramasse les deux cannes posées en croix sur le sol et les rend à leurs propriétaires par un jet franc et simultané d’environ trois mètres, distance entre le rouleur et chaque compagnon placé à sa droite et à sa gauche.

Une description du Devoir par le compagnon boulanger René Édeline, Tourangeau la Franchise, lors d’une conduite (Voir chapitre Les Conduites et cortèges.), nous montre que les cannes ne sont pas rendues à leurs propriétaires, mais à leurs vis-à-vis ; ensuite seulement, les deux compagnons, sans l’intervention du rouleur, se les restituent. Nous pouvons voir dans ce geste une représentation de la fraternité.

Pourquoi avoir abandonné cette pratique d’échange de cannes ? Je l’ignore. Un oubli dû au temps qui s’écoule ? Ou bien encore un détail qui n’aurait pas été pris en compte lors de l’unification des rites au congrès de Blois en 1936 ? Ou un simple oubli dû à l’activité restreinte des compagnons lors de la Seconde Guerre mondiale ?

Nous observons de nos jours un changement de cette pratique. En effet, comme signalé précédemment, le rouleur, par un jet franc et simultané de trois mètres, rend les cannes à chaque compagnon se trouvant à sa droite et à sa gauche.

Aujourd’hui, la distance séparant le rouleur des compagnons tend à se réduire au maximum et les cannes ne sont plus jetées simultanément, mais l’une après l’autre. Pourquoi ce changement ? Encore une explication des plus simples et matérielles : lors de ce jet de cannes, plusieurs compagnons, plus ou moins maladroits, ne réussirent pas à rattraper leur canne, celles-ci tombèrent et le choc sur le béton ou le bitume endommagea leur pomme en ivoire.

Le coût financier de cette pomme en ivoire étant élevé, il fut décidé de limiter les dégâts en réduisant la distance entre le rouleur et les compagnons et en rendant les cannes l’une après l’autre. Donc ce passage n’est pas abandonné mais se perpétue en s’adaptant.

L’utilisation du chapeau

Nous observons sur les lithographies les plus anciennes que les deux acteurs du rite utilisent des chapeaux afin de protéger les paroles échangées des oreilles et regards indiscrets.

< Fernand Péarron, Blois Plein d’Honneur, faisant le Devoir devant le siège des compagnons boulangers de la cayenne de Troyes, la Brasserie Tabac du Cirque, rue de Preize, lors du congrès national de 1939.

 

Chez les compagnons boulangers, et cela jusqu’en 1939, lors du Devoir effectué le jour de la Saint-Honoré dit pose du bouquet, tous les compagnons présents retirent leurs chapeaux et, dans le même but de discrétion, se rapprochent et entourent les deux compagnons qui s’échangent les mots.

Et puis, lorsque ces deux compagnons reculent de quelques mètres en se faisant face, les autres s’écartent et ainsi de suite, ce qui donne à ce rite l’image d’un poumon inspirant, expirant…

À noter que pour protéger le « secret » des oreilles profanes, les aspirants forment aussi le cercle, mais derrière les compagnons, cercle qui, lui, reste immobile.

Le compagnon boulanger, pour « pousser les plaints », tient son chapeau de ses deux mains et lui fait décrire des cercles imaginaires de trente centimètres de diamètre, à vingt centimètres du sol, tout en prononçant « les plaints rituels », comme il le fait d’ailleurs avec sa canne.

L’utilisation de chapeaux peut paraître très singulière à notre époque, mais nous ne devons pas oublier que le chapeau était porté jusqu’aux années 1960, comme le jean l’est aujourd’hui, mais le port du jean est populaire, alors que le port du chapeau était révélateur d’un rang social élevé, y compris dans les hiérarchies militaire ou religieuse.

Au XVIIIe siècle, le rôle des tailleurs de pierre d’Avignon indique l’utilisation pour le Devoir du tricorne, coiffure de l’époque. Le XIXe siècle voit l’arrivée du chapeau haut de forme représenté sur toutes les lithographies compagnonniques de cette période, début XXe, l’arrivée du chapeau melon et ensuite du chapeau mou vers 1930. Tous ces différents chapeaux furent utilisés au fil du temps pour le Devoir.

Pourquoi le chapeau a-t-il disparu ?

Après la Seconde Guerre mondiale, la mode du chapeau disparaît, les compagnons boulangers en conservent quelques-uns dans leurs cayennes pour le Devoir, en particulier le jour de la Saint-Honoré et des enterrements.

Mais bien évidemment les boulangers ont tous des tours de tête différents, et parfois le compagnon ne peut remercier que ses oreilles qui lui permettent de maintenir le couvre-chef sur son crâne !

Comme cette situation fut quelquefois ridicule lors de la pratique de ce rite, alors que c’est plutôt le respect et le silence qui sont recherchés, le chapeau fut donc tout simplement abandonné. Afin que les oreilles profanes et indiscrètes n’entendent pas les paroles prononcées, il fut décidé d’agrandir la circonférence du cercle des compagnons qui entouraient les acteurs du Devoir.

Par quoi fut-il remplacé ?

Entre 1970 et 1975 il fut remplacé par le bouquet d’immortelles offert à chaque compagnon boulanger et pâtissier le jour de sa réception et que les deux compagnons portaient à la boutonnière.

De nos jours, lors de la Saint-Honoré, tous les nouveaux reçus compagnons de l’année doivent porter leur bouquet d’immortelles, c’est la raison pour laquelle, sur certaines photographies, nous voyons le rouleur du Devoir porter également un bouquet d’immortelles, alors qu’il ne l’utilise pas pour ce rite.

 

Le Congrès de Nîmes de 1946

À ce congrès il fut décidé que le baiser compagnonnique officiel, même en chambre, serait désormais d’embrasser trois fois, sur les joues uniquement.

Toute décision ayant ses réfractaires, je me souviens du dernier compagnon boulanger qui, malgré la décision du congrès de 1946, pratiquait encore ce baiser sur les lèvres. Il s’agit de Gaston Duhameau, Blois l’Ami des Compagnons, qui se faisait un plaisir d’embrasser les nouveaux compagnons de cette façon, bien sûr à leur grande surprise et afin d’éviter toute confusion dans leur esprit, Blois l ’Ami des Compagnons donnait des explications historiques et légendaires à cette pratique qu’il était le dernier à appliquer.

Il est d’ailleurs à noter que jusqu’aux années 2000, au sein de l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir, seuls les compagnons boulangers et pâtissiers s’embrassaient sur les joues, alors que tous les compagnonnages y adhérant pratiquaient l’accolade (contact joue contre joue), cette particularité a tendance à disparaître.

Au sein de la Société des compagnons boulangers pâtissiers restés fidèles au Devoir, les trois baisers sur les joues sont toujours de rigueur.

< Exceptionnelle photographie d’André Michel, Normand l’Ami des Arts, premier compagnon pâtissier du Devoir (*), se reconnaissant avec son frère de sang et en compagnonnage, Albert Michel, Normand Va Sans Crainte, compagnon charpentier du Devoir de Liberté, arch. familiales.

(* Reçu à Paris à la Saint-Honoré 1938 comme boulanger, pour deux raisons :

La première, bien qu’il soit question chez les compagnons boulangers de recevoir des pâtissiers, la réception, à cette date, n’est pas encore adaptée pour ce métier, et secundo, la société se nomme Société des compagnons et aspirants boulangers du Devoir, ce n’est qu’en 1939 qu’est voté le changement de nom : Société des compagnons et aspirants boulangers et pâtissiers du Devoir.)

 

 

Le Devoir par deux compagnons boulangers restés fidèles au Devoir
(Exoudun, 1er juin 2014), bouquet d’immortelles à la boutonnière.

 

L’exception qui confirme la règle

Le Devoir s’effectue lors de la Saint-Honoré, de la conduite en ville, des enterrements, des topages, de l’entrée en chambre, avec toujours, bien sûr, quelques variantes.

Un article du journal Le Ralliement des Compagnons du Devoir nous apprend qu’à Troyes, lors de la remise de l’écharpe d’Honneur au pays Bertrand en décembre 1932, les compagnons boulangers ont fait le Devoir sur cette écharpe.

À Tours, à la Saint-Honoré 2011, lors de la confirmation de reconnaissance des compagnons boulangers pâtissiers restés fidèles au Devoir par les compagnons cordonniers-bottiers, selliers, maroquiniers, tapissiers du Devoir dit « Famille du cuir », dans les locaux de l’Alliance Compagnonnique situés place des Halles à Tours, les compagnons boulangers pâtissiers firent le Devoir sur leur nouvelle Constitution qui venait d’être signée par les représentants des deux sociétés compagnonniques.

Nous observons là, une sorte de bénédiction compagnonnique, purifier et sacraliser par le rite une bande de tissu, un parchemin confectionné par des mains profanes. Même rite, autres symboles…

 

Le Devoir

Sur le Devoir chacun raisonne
Mais sans pouvoir le définir ;
S’il se trouvait quelque personne
Qui tâche d’y parvenir ?
Il faut qu’il montre son ouvrage ;
Qu’il plaise à tous nos compagnons
Et plus qu’il mène une conduite sage ;
Avec honneur il portera son nom.
Sans ces qualités, je vous le jure ;
Vous ne réussirez en rien ;
Oui, sans cela je vous l’assure ;
Aucun mortel n’y parvient.
Il faut donc suivre les manières
De nos compagnons sur les champs ;
Pour découvrir ce grand mystère ;
Il faut jurer d’être toujours constant.
Sur les lois du compagnonnage
Nous sacrifions sur les champs
La plus belle fleur de notre âge ;
Oui, tout se passe en voyageant.
Nous sommes tous amis et Frères ;
Toujours les mêmes sentiments :
Jusqu’à la fin de notre carrière
Nous soutiendrons ce beau serment.
Quand Maître Jacques nous commande
Promptement nous lui obéissons ;
Mais, sans aucune réprimande ;
Jamais nous ne le contredisons.
Son autorité est si grande
Sur tous les cœurs des compagnons
Qu’il n’en est aucun qui ne tremble
Lorsqu’il entend prononcer son nom.
Maître Jacques nous estime ;
Nous dit : Courage mes enfants !
L’on a vu fléchir des empires ;
Renverser des gouvernements ;
Notre Devoir est admirable
Par ses vertus, par sa grandeur ;
Mais il sera impérissable
Puisque j’en suis le protecteur.
Dans ce saint jour, pleins d’allégresse ;
Portant nos brillantes couleurs ;
Nous assistons tous à la messe ;
Tout en y invoquant le Seigneur.
Les règles de ce grand mystère ;
Jusqu’à la fin du monde entier ;
Nous finirons notre carrière
En laissant de bons héritiers.
Bacchus, l’amour et la folie
Ont pour l’auteur quelques attraits ;
Et la belle union qui nous lie
Chez nous forme un bonheur parfait.
Je vais vous le faire connaître :
Va sans crainte, voilà son nom !
Oui, c’est Bordeaux qui l’a vu naître ;
Vitrier est sa profession.

Bordelais Va Sans Crainte, compagnon vitrier du Devoir.

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D. Extrait du livre  LE PAIN DES COMPAGNONS

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