Matricule 20063
Dessin de Wladimir Petrow
Norbert Henri Marcel REMÉRAND est né à Tours le 24 novembre 1922, fils de Marcel Jules REMÉRAND, charron, et de Marie Germaine LHÉRITIER. Il épouse la profession de boulanger et adhère à la Société des Compagnons Boulangers du Devoir de la ville de Tours où il est reçu – à l’âge de 19 ans et demi- Compagnon boulanger du Devoir, pendant l’occupation allemande, le jour de la Saint-Honoré 1942 sous le noble nom de Tourangeau la Bonne Pensée.
Tourangeau, la Bonne Pensée s’engagea dans la Résistance sous le pseudonyme de Henri BRUNEAU.
Nous ignorons à ce jour à quel réseau de Résistance, il appartenait et qu’elles y étaient ses activités.
En juin 1943 il se trouve dans les Pyrénées-Atlantiques où il est arrêté par la Gestapo le 23 juin, nous supposons qu’il cherchait à rejoindre l’Angleterre et la « France Libre » en passant par l’Espagne comme cela se pratiquait.
Il est transféré dans les prisons parisiennes de la SIPO, la police de la sécurité allemande. Deux mois plus tard, il est transféré à Compiègne dans l’Oise où le 2 septembre 1943, il est « chargé » dans un wagon à bestiaux pour une destination inconnue…
C’est l’Allemagne, la Bavière, Weimar et son tristement célèbre camp de la mort Buchenwald.
Ce convoi compte 947 hommes dont 865 français, 27 belges, 22 polonais, 21 néerlandais, 2 tchécoslovaques, 2 roumains et 1 turc (24 d’entre eux parviennent à s’évader durant le transport, seulement 447 sont rentrés de déportation).
Le voyage vers l’enfer dure 4 à 5 jours avec, pour seule nourriture, une miche de pain. Sans eau, entassé avec plus de 60 autres déportés, il partage la souffrance de ses camarades, hurlants, devenant fous ou mourant de crise cardiaque en s’affalant sur le plancher jonché d’excréments.
La sortie du wagon… reste les corps…
En gare de Weimar, alignés, 4 par 4, escortés par des SS et des chiens, les détenus traversent une forêt avant de découvrir l’entrée du camp.
Le portail de fer forgé du camp porte cette sinistre inscription que Tourangeau la Bonne pensée n’a surement pas remarqué ou qu’il n’a pu traduire : Jedem das Seine
« À chacun son dû »
Montres, alliances, habits civils,… tout est confisqué aux détenus, y compris leur identité.
Norbert REMÉRAND,
Tourangeau, la Bonne Pensée, 20 ans, est désormais pour les nazis :
20063
Les prisonniers sont lavés, rasés, désinfectés, habillés de sorte de pyjamas rayés et chaussés de godasses aux semelles de bois.
Les bacs de désinfection et leur mode d’accès obligent les déportés à plonger la tête en avant avec une sensation d’un liquide leur brûlant la peau et les poils. Les prisonniers n’avaient pas d’autre solution que de plonger, sinon, ils étaient frappés au nerf à bœuf ou à coup de câbles électriques entourés de caoutchouc.
Fiche de prisonnier de « Henri BRUNEAU » Tourangeau, la Bonne Pensée par l’administration allemande.
Français Prisonnier. Numéro du prisonnier : 20063
Nom de famille : Bruneau. Prénom : Henri. Profession : Boulanger
Date de naissance : 2.1.1924. Lieu de naissance : Cormery (Indre Loire)
Religion : R.K (religion catholique). Célibataire. Nationalité : Française.
Adresse des proches : père : Bruneau Marcel, au camp de Nouâtre.
Dernier lieu de résidence du prisonnier : Cerelles (Indre Loire)
Assurance sociale : (blanc)
Arrêté le : 23.6.1943. Par : Gestapo (lieu illisible) (Basses Pyrénées)
Détention préventive : SIPO Paris (= Sicherheitspolizei, police de sûreté, Paris)
Envoyé au camp de concentration (KLB = Konzentrationslager Buchenwald) le : 4.9.43
Remarque : 15.1.44 Camp de concentration Lublin.
Buchenwald, les prisonniers à l’appel…
Libération du camp de Buchenwald ( 1945) par l’armée américaine. Des corps, des corps et toujours des corps…
Au début de l’année 1944, Tourangeau la Bonne Pensée est transféré en Pologne vers un second camp, celui de Lublin-Maidanek.
Là encore, un voyage de et vers l’enfer… plusieurs nuits et jours entassés dans ces wagons à bestiaux.
Compiègne-Buchenwald, c’est 800 kilomètres, Buchenwald-Lublin, c’est plus de 1000 kilomètres en plein hiver avec des températures pouvant descendre à moins 35, habillé de cette simple tenue de prisonnier…
Le camp de Lublin-Maidanek, c’est la mort par le froid, par le travail, par les coups, par les balles, par l’absence de soins et de nourriture, par le gaz ou injections.
Les fours crématoires de Lublin-Majdanek
Le chef des chambres à gaz et des crématoriums, le SS-Hauptscharführer Erich Muhsfeldt, déclare :
« Les convois qui arrivaient étaient toujours soumis à une sélection ; […] les inaptes au travail étaient toujours asphyxiés dans la chambre à gaz. »
Le médecin polonais des détenus envoie une note secrète :
« Tous les jours, on met à mort les faibles, les cachectiques et les inaptes au travail ; du bloc du Revier (infirmerie), j’ai pu observer la marche de ces malheureux vers les chambres à gaz, hier, plusieurs dizaines d’officiers soviétiques ont été gazés. »
Au printemps 1945, après la libération du camp par l’armée soviétique, un résistant français prisonnier affecté aux fours crématoires raconte avec une indifférence glaçante comme il a dû dix mois durant enfourner des corps qui certains jours gémissaient et remuaient, et le regard silencieux du cadavre vivant le fixant.
Lublin-Majdanek
Norbert REMÉRAND, Tourangeau, la Bonne Pensée, Compagnon boulanger du Devoir, meurt dans l’horreur et la folie humaine le 21 février 1944, à la fleur de l’âge, il a seulement 21 ans.
Survivants
Il fut médaillé de la Résistance à titre posthume par décret du 24 mai 1957 paru au Journal Officiel le 29 mai 1957.
« Mort pour la France », son nom figure sur le monument aux morts de Nouâtre.
« PLUS JAMAIS CELA »
Je tiens à remercier profondément mes Amis Laurent Bastard, Jean Philippon, Bordelais la Constance, Compagnon cuisinier des Devoirs Unis, et Gérard Jaunet, Tourangeau Va Sans Crainte, Compagnon tapissier du Devoir « Famille du cuir » pour m’avoir communiqué l’ensemble des informations m’ayant permis d’écrire ces quelques lignes de MÉMOIRE.
Picard la Fidélité