Chapitre 3. Voyages au pays des semences.

Chapitre III Voyages au pays des semences.

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Lorsque j’ai écrit le dossier technique « voyage au pays des semences », c’était par défaut, un des rares textes sur les céréales et la manipulation génétique, et comme j’avais planché sur une abondante bibliographie, le texte est bien passé. On était un peu avant 2000, une époque en pleine opposition sur les Ogm. Ceux-ci furent la goutte qui fit facilement déborder le vase. Vu les risques de pollution génétique évidents et l’accaparement par formatage du marché de la semence, l’arrachage des plantes Ogm par les faucheu(se)rs volontaires forçait à s’interroger sur la légitimité des uns et des autres. La réflexion semencière se limitait alors au principe de précaution face à l’intervention dans les gènes et n’allait pas jusqu’à inclure une alternative au niveau technique de sélection. Puis, au détour d’une conversation, Jean-François Berthellot, qui avec d’autres agriculteurs bios se bat pour la réappropriation de la sélection paysanne, me dit : « tu as tout faux au niveau des conclusions ». Il a fallu ensuite aller comprendre de plus près et rencontrer l’homme de terrain, qui observait, expérimentait, revisitait la sélection et acceptait de se lancer en pionner dans une recherche de longue haleine et sans craindre les échecs.

Comme il pratiquait cette dynamique de sélection paysanne et participative, non pas pour lui seul, l’aide au moment de la récolte de sa magnifique collection d’anciens blés était un moment privilégié pour se réunir sur le terrain et pour l’action.

Ce fut une rencontre merveilleuse, parce qu’il nous invitait à comprendre pourquoi il fallait sortir du rang qui, dans le conventionnel, s’enfonçait toujours plus dans l’appauvrissement de la diversité, s’inféodait à la soi-disant « phytothérapie », amoindrissait la matière nutritive en nanifiant les tiges en réduisant les potentialités de formation de bonnes mycorhizes.

Les mycorhizes, cette merveilleuse symbiose entre les racines d’une plante, ici le blé, et les micro-champignons entourant celles-ci de leur mycellium. Elles rendent la plante plus résistante aux maladies et aux aléas climatiques, elles lui permettent également d’absorber plus facilement l’eau et divers nutriments que ces champignons captent plus facilement.

Avoir sous les yeux d’anciennes variétés, les mettre sous la dent lors de la récolte (fig.1), les moudre avec la certitude de ne rien avoir à ajouter, les panifier en auto-fermentation, et finalement décider du début à la fin, quel pain on mettait sur la table, tout ça était merveilleux. On avait du mal à attendre le rassissement du lendemain tellement il nous tardait d’apprécier le résultat.

Les premiers pains de touselle, de petit épeautre, de khorasan nous ont en plus envahi de bonheur, car on n’avait pas deviné que l’on pouvait atteindre une telle qualité gustative. Un horizon s’ouvrait à tous les participants, et ce n’était que le début d’une longue amitié, mais surtout, une aventure semencière et boulangère, la quête d’un renouveau de la sélection paysanne[1]. On la décrira dans un deuxième temps (IV), mais d’abord, faisons l’état de la situation.

III. 1. Graines de semences

L’amélioration de la sélection des semences de froment et autres céréales panifiables a probablement été effectuée par les premiers agriculteurs (ceux qui abandonnèrent la vie nomade). Ils prélevaient des graines pour leurs prochaines récoltes en sélectionnant simplement les plus gros grains battus des plus beaux épis. Ce type de réemploi des graines en semences et cette sélection dite « massale » dérangent les experts autoproclamés du secteur semencier[2]. De fait le froment est rétif à la transformation et aux manipulations génétiques, il est en effet autogame et tend à devenir homozygote.

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Ce qui signifie dans un français plus abordable que le froment s’autoféconde. Les étamines d’une fleur fécondent presque toujours les ovaires de la même fleur, (eh oui, le blé fleurit !), puisque cela se passe à l’intérieur de la balle, l’enveloppe de la graine (haut de la fig.2.).

Ce type de fécondation, c’est le caractère autogame du froment.

La tendance à devenir homozygote, c’est qu’en étant autogame, on reproduit le même caractère, dans sa descendance[3]. De plus, le froment est une monocotylédone, ce qui a été longtemps un obstacle pour la manipulation génétique, puisque les premiers transferts de gènes s’effectuant à l’aide d’agro-bactéries (à partir de 1997)[4] sont inopérantes sur les monocotylédones[5]. De nos jours, on emploi des techniques, dites Crispr Cas9, c’est-à-dire que c’est comme un « ciseau génétique », qui coupe l’ADN à l’aide d’enzymes dites de restriction. Puis est suivi de l’action d’une enzyme ligase qui ressoude les chaînes d’ADN séparées, mais après avoir intégré le gène dit d’intérêt ou retirer un gène qui serait non souhaitable. La Française Emmanuelle Charpentier et l’Américaine Jennifer A. Doudna ont reçu le prix 03_003_Floraison d'un épillet.jpg

Nobel de chimie en 2020 pour avoir décrit cet outil en 2012. L’américaine en a publié un livre dont titre et sous-titre sont révélateurs ; « Un coup de ciseaux dans la Création. Le redoutable pouvoir de contrôler l’évolution »[6]. Ce type de paire de ciseaux  au sein du vivant devra être soumis à un cadre légal clairement précisé au risque de dérapage de recherche et dont la descendance serait déclarée arbitrairement de parfaite !

Pour l’instant, cela est parfois déclaré comme, « Nouvelles Biotechnologies » (III.12 et III.13) et/ou OGM cachés, non déclarées comme tel en tout cas. Les plaidoiries pour ou contre s’annoncent serrées à l’avenir ou l’on souhaite changé la dénomination « modification génétique » par « édition génétique ».

Plusieurs chiffres circulent sur les possibilités d’allogamie du blé, c’est-à-dire de fécondation croisée par des pollens venant d’autres variétés de triticum qui peut atteindre jusqu’à 10 % certaines années. En quelque sorte, il y a 90 % de chances que cela ne se passe pas. Une fleur de blé peut rester ouverte de huit minutes à une heure (fig.3). Les étamines des anthères de blé produisent en moyenne 450 000 grains de pollen. En comparaison et pour mieux comprendre l’autogamie ou autofécondation du blé par rapport aux autres céréales, on parle pour le seigle d’une production moyenne de 4 000 000 grains de pollen et de 25 000 000 grains pour le maïs. Soit respectivement, 9 à 55 fois plus de pollen.

Les grains de pollen de blé ne sont viables que 15 à 30 minutes. Côté de la fleur hôte, le stigmate reste réceptif 6 à 13 jours et en reçoit plus ou moins 6 %.

Le vent, l’humidité ambiante et la température qui agissent sur la viabilité du pollen sont à prendre en compte pour comprendre les possibilités de croisement entre espèces ou variétés.

Le dessous de la figure 3, montre ce qui se passe lorsque la fleur de l’épillet émet son pollen à l’extérieur (les 5 à 10%), ce qui donne une chance à l’allogamie (échange génétique) et prouve que, dans la nature, le blé a besoin de se régénérer à l’extérieur de temps en temps.

En plus de ce croisement déjà rare pour le blé, la démultiplication du génome est encore plus inhabituelle, mais a été constatée plusieurs fois par les généticiens dans le groupe de graminées dont le blé fait partie (X.4). Ainsi, une graminée sauvage, une égilope (fig.37 dans X.17), qui a une paire de chromosomes BB, a pu polliniser le blé Urartu, un cousin de l’engrain aux chromosomes AA et donner par fusion des deux paires de chromosomes, l’amidonnier est né, il comporte ainsi deux paires de 7 chromosomes, AA + BB, et que l’on trouve toujours à l’état sauvage.

Le terme d’accident génétique est parfois employé pour expliquer qu’ici, il ne s’agit pas de croisement entre deux génomes, mais d’une duplication et superposition d’un génome entier sur un autre dénommée polyploïdation, ce qui explique que certains pro-OGM osent avancer que le blé serait en fait le premier Ogm. Sauf que dans ce cas, la barrière des genres, et même parfois des espèces, n’est pas transgressée.

Le passage de l’état dit sauvage ou naturel, en tout cas non cultivé, exploité par le monde nomade de cueilleurs-récolteurs, à l’état de culture entretenue par un monde sédentarisé, se serait opéré d’après Kent V. Flannery sur dix millénaires[7]. On a eu semble-t-il le temps de s’adapter !

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C’est dans le Croissant fertile[8] et assez souvent dans le massif des Zagros que l’on a actuellement découvert les plus anciennes traces d’établissement de culture (9000 ans avant J.-C.[9]), encore que cela soit contestable et sujet à révision suivant les découvertes archéologiques à venir. Des fouilles en Israël et Jordanie ont dernièrement fait évoluer les connaissances[10] .

D’après les dernières recherches, les plus anciens recensements de l’engrain cultivé, au rachis non fragile, ont été réalisés dans les fouilles : d’Ali Kosh (Iran-Khuzistan) en 9500 à 8750 avant J.-C., Jarmo (Irak-Kurdistan en 8700 avant J.-C., Cayonu Teperi (Sud-Est de la Turquie) en 9000 avant J.-C., Abu Hureyra (Nord Syrie) en 9000 avant J.-C. et Hacilar (Centre-Est de l’Anatolie turque) en 8900 à 8600 avant J.-C.

Pour l’amidonnier cultivé, on en a identifié dans les fouilles de Ramad (Sud-Ouest de la Syrie) en 8200 et 8000 avant J.-C., Can Hassan (Sud de l’Anatolie) en 8900 et 8600 avant J.-C.

On le voit, cette autogamie du blé fait qu’il ne se croise pas et ne se modifie pas facilement. En milieu naturel et sans intervention humaine, une fécondation par des gènes venant d’autres variétés est considérée comme occasionnelle et rare[11].

Mais, c’est sur base de cette rareté ou « accident » que le froment que nous avons aujourd’hui existe. De l’état sauvage à l’état cultivé, des croisements et des polyploïdiations d’espèces se sont opérés durant les millénaires de la domestication du blé.

Par l’étude morphologique (de l’apparence extérieure), cytogénétique (des chromosomes) et moléculaire du blé, on peut tenter d’esquisser l’évolution ou l’arbre généalogique du froment.

Ce sont des disciplines scientifiques récentes qui vont permettre des définitions plus précises de la généalogie du blé. Somme toute, ce parcours généalogique n’a pu être réalisé que presque 8 000 ans plus tard.

En effet, l’importance des chromosomes dans l’hérédité est mise en lumière dans les années 1920 et c’est l’américain Thomas H. Morgan qui donna les apports décisifs, au point d’obtenir le prix Nobel de physiologie et de médecine en 1933 pour ces travaux.

En 1949, a lieu la première datation au carbone 14 (le décompte de la demi-vie radioactive) de deux échantillons de bois venus de tombes égyptiennes par Willard Frank Libby (prix Nobel de chimie en 1960).

Le terme palynologie forgé en 1944 est aujourd’hui universellement employé pour désigner l’ensemble des recherches archéologiques sur les graines et leurs pollens conservés dans les couches terrestres inférieures.

La relative « jeunesse » de ces connaissances scientifiques explique qu’elles aient parfois du mal à s’imposer sur ce qu’il est convenu d’appeler la connaissance de terrain.

Sur le champ, ce ne sont bien sûr pas les chromosomes, invisibles à l’œil nu, qui permettent de différencier les blés. La femme ou l’homme de terrain classe plus volontiers en parlant de blés nus ou vêtus, grains durs ou tendres, de barbus ou non-barbus, là, on a des repères. C’est ainsi que tous les grains vêtus sont appelés parfois « épeautre » en français, ou « farro » en italien.

Ces 8 000 années autorisent parfois le paysan en Provence d’appeler l’engrain « petit épeautre », l’amidonnier sera l’« épeautre de Tartarie » et du coup, l’épeautre (spelta) en devient le « grand épeautre ».

Les premières céréales, à l’état naturel dites « sauvages », sont d’abord cueillies plutôt que récoltées par les peuples nomades. Elles ont alors une physionomie adaptée à l’auto ensemencement.

On peut de nos jours reconnaître une céréale sauvage à plusieurs points que nous allons détailler.

Tout d’abord le rachis, axe ou colonne centrale, où sont disposé en arborescence les épillets, est fragile. Cette fragilité permet aux graines, une fois à maturité, de se séparer, une à une, à l’entre-nœud de l’épi et ainsi de se disséminer au vent. C’est de l’égrenage ou semis spontané (fig.7). La forme aérodynamique des barbes de la graine va lui donner un comportement lors de sa chute. Cette barbe, ce n’est pas seulement une défense naturelle, c’est aussi un dispositif naturel qui permet aux graines dispersées par le vent de bien se planter dans le sol.

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Enfin, et c’est ce qui différencie le grain sauvage du grain cultivé, il dispose à sa base, au bas de la glume, d’espèces de cils coriaces et hérissés installés à rebrousse-poil (appelés mérithalles) qui lui permettent de s’accrocher et s’incruster dans la terre meuble, sans pouvoir en ressortir (fig.5).

Les graines étant la pitance de pas mal d’animaux, surtout les oiseaux, il leur fallait ces caractéristiques décrites plus haut, afin de se défendre et réussir à se reproduire.

Les humains vont faire progressivement le choix de s’établir et de soigner des cultures. On passe ainsi, pour une bonne part de l’humanité, de la vie nomade à la vie sédentaire. Point de vue que l’on doit modéré en lisant l’éclairage qu’y jette David Graber [12] puisque ce passage n’a pas été si net et si choisi que l’histoire diffusée en abrégé le mentionne parfois.

Par bonheur pour ces femmes et hommes qui ont fait le choix de le domestiquer, le blé sauvage donnait de temps à autre des grains que nous appellerons ici anormaux. On les appellera comme cela un temps seulement, puisqu’après c’est eux qui seront la norme. Ils seront préférés et sélectionnés par les premiers cultivateurs.

En effet, la séparation ou éclatement des épillets de l’épi une fois à maturité (X.2, fig.1 dans chap.II et fig.7 dans chap.X) ne permettant pas une récolte facile, l’anomalie pour les épillets consistait à ne pas se disperser au vent une fois mûrs. Inutile d’aller les ramasser par terre aux environs. On pouvait les récolter sur l’épi, puis les battre à façon, en fonction des besoins. Toutefois après, on devait obligatoirement les réensemencer, donc les cultiver. Toutes ces métamorphoses sont en somme, les premières sélections du blé. Bien d’autres sélections suivront comme nous allons le voir (IV.3).

III.2. L’intéressante qualité originelle

Au Canada, une étude de l’Université du Saskatchewan s’est intéressée de manière approfondie aux caractéristiques des ancêtres du froment panifiable[13]. Les caractéristiques des variétés originelles peuvent étonner[14]. Si une augmentation des fibres dans la farine ne surprend pas vu le petit format du grain, le pourcentage de protéines, de 11,5 % à presque 20 % de protéines, mais pas forcément de qualité « machinable[15] », c’est bon pour la qualité nutritionnelle, grâce aux teneurs en acides aminés de meilleure valeur nutritionnelle (VII.7). La teneur en acide gras, sels minéraux essentiels et en vitamines est également supérieure à nos blés actuels. Ensuite les éléments antinutritionnels naturels du froment, tels les gluténines à haut poids moléculaire, sont à l’inverse en plus faible proportion, ce qui est avancé dans cette étude[16]. Ce petit flashback nous fait dire que tout se passe comme si l’amélioration par la sélection conventionnelle des semences du blé a fait régresser la qualité nutritionnelle des blés.

Les sélectionneurs opèrent depuis le dernier siècle selon quatre critères. Prioritairement, le rendement, ensuite la précocité et la résistance aux maladies et enfin la qualité. Cette dernière souvent exclusivement considérée sous l’angle technologique. Et tant pis pour la qualité nutritionnelle et le goût (fig.14 dans X).

Ces critères sont pourtant décisifs pour l’avenir du pain, il est donc nécessaire de les prendre en compte dès la semence.

III.3. On « s’aime » dès l’hiver, ou on attend le printemps ?

En lisant les auteurs qui ont écrit les premiers traités sur le blé, on remarque que suivant le climat, les pratiques consistent déjà à semer des blés d’hiver dès le début de l’automne ou des blés de printemps vers le mois de mars suivant.

Les semailles d’hiver donnent nettement de meilleurs rendements et de plus gros grains, c’est probablement pour cette raison qu’ils ont gagné la préférence des céréaliculteurs de manière générale[17]. La courbe de diminution des semailles de printemps est constante en France, 250 000 hect. à 50 000 hect., au cours des années 1970-1980. Le semis de printemps devient pratiquement le « rattrapage » des semailles d’hiver lorsque celles-ci ont été brûlées par le gel, (ce qui a été relevé dans les saisons 1946-47 et 1955-56) ou victimes de mauvaises germinations.

Le blé d’hiver ne peut donner un épi qu’après avoir été soumis au gel. S’il est semé au printemps, il ne donnera feuilles et épi que l’année suivante.

Les blés semés au printemps ont quant à eux une meilleure disposition à la qualité panifiable.

Pour ces derniers, l’épiaison dépend plus de l’allongement de la durée du jour, ce que les Russes vont appeler le photostade.

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Il existe la possibilité d’utiliser un troisième type qui sera appelé alternatif pour cette raison, puisqu’il s’agit d’un blé d’hiver tardif ou blé de printemps hâtif[18].

Le choix de semer l’hiver ou au printemps est une stratégie propre à l’agriculteur, mais qui est très souvent subordonnée aux conditions climatiques et de durée de clarté du jour.

Pour comprendre, par l’exemple la culture du blé qui ne passe pas l’hiver, allons voir les conditions de terrain. Dans les bonnes terres noires d’Ukraine orientale, le gel n’est absent que 130 à 160 jours l’an et fait chômer le travail de la terre pendant 7 à 8 mois[19]. Au Canada, « les montants des portes ou autres constructions en bois qu’on démolit en automne sont encore gelés à leur extrémité inférieure » dit-on en 1897[20]. Et il n’est pas rare que les récoltes actuelles dans les régions les plus septentrionales du Canada se terminent sous la neige[21].

Citons maintenant en résumé agronomique les handicaps pour le blé qui lui passe l’ hiver : les très basses températures négatives, la couverture de neige trop mince avant la gelée, l’alternance du gel et du dégel au printemps qui parfois sépare (déchausse) la tige des racines et les vents secs de printemps[22].

Dans les premiers temps de la sélection généalogique, on essaye surtout d’acquérir des graines de ce froment qui soit résistant et précoce. Le premier souci est que la récolte arrive à bon terme, surtout dans les terres gagnées sur l’Arctique. Pour rester plus local et dans une aire française, ce sera vers le Nord de la France que l’on va trouver un grain bien rempli grâce à une plus longue durée du jour et surtout l’absence de sécheresse qui évitait l’échaudage potentiellement plus présent au Sud de la France[23].

La sélection par le climat apporte une rusticité, d’ailleurs, « l’on disait autrefois que les bonnes semences devaient descendre du Nord vers le Sud »[24]. Le premier souci est que la récolte arrive à bon terme. La région d’Armentières, au Nord de Lille a développé une bonne réputation de semences de blé. La petite région de Pévèle dans les Hauts de France, se trouve à l’est de Lille, elle a compté jusqu’à 81 multiplicateurs de graines de betteraves[25], puis beaucoup de ceux-ci devinrent des sélectionneurs-obtenteurs de semence de blé par après. Citons Simon-Legrand, Lemaire-Deffontaines, Blondeau, Cambier-Leleu, Lepeuple, Bataille, G.Laurent. Carbon, Verdavoir, Momont, intégré en 2014 dans le groupe allemand KWS, ce même groupe avait déjà repris Lochow-Petkus en 1968 (X.7.).

La variété Cappelle, descendant du blé de Noé, crée en 1931 et agrée en 1946[26], fut pendant 18 années leader[27] du marché français après la guerre 40-45. Cappelle est aussi le nom du village de la Pévèle où son obtenteur, la firme Florimond Desprez a ses champs de collection. Dans les sélectionneurs spécialisés en blés en France, citons encore l’incontournable Vilmorin repris par Limagrain en 1975 (firme créée par un jardinier du Roi de France, quasi issue d’une « dynastie » où 9 générations se succèderont de 1743 à 1972). Citons encore, C.C.Benoist dans les Yvelines, intégré dans Syngenta depuis 2001, Tézier frères à Valence dans la vallée du Rhône repris également dans le groupe Limagrain [28].

III. 4. L’espoir se nourrit des graines d’Ukraine.

Pour obtenir cette amélioration de précocité, les semences les plus recherchées viennent du Nord, de Russie et d’Ukraine[29]. Même s’il est difficile d’avoir des preuves fondées sur les premiers signes de communautés agricoles organisées, on sait que le peuple scythe (originaire de Mésopotamie, il faut le dire) a joué un grand rôle sur les tchernozioms, les fertiles terres noires d’Ukraine et de Russie[30].

Au début du xxe siècle, le spécialiste russe de l’histoire du blé, M. Jakubziner, écrit que le blé ukrainien a joué très tôt un rôle important à titre de semence. C’était un cadeau pour les paysans, en particulier en raison de sa grande qualité boulangère, sa rusticité, sa précocité et sa résistance au froid[31]. À la fin du xixe siècle, la banque de semences du bureau de botanique appliquée de Saint-Pétersbourg, fondée par Nikolaï Vavilov, fait aussi figure de légende dans l’histoire de l’amélioration génétique du blé[32].

C’est au moins dès 1826, que les semences de blés dites « russes » sont importées régulièrement des riches terres noires d’Ukraine orientale via la Mer Noire et la Méditerranée jusqu’à Marseille[33].

À cette époque, la Russie et l’Ukraine exportaient du blé de bonne qualité boulangère tandis que la France en manquait[34]. Le marquis de Noé, important meunier près de Nérac et propriétaire terrien dans le Sud-Ouest français, écrasait dans ses moulins du blé qu’il achetait directement à Odessa. Il l’ensemençait et en vendait en semence également pour renforcer la qualité de ses approvisionnements locaux, d’où le blé de Noé[35]. Ce blé peut revendiquer une large paternité des premières variétés françaises réalisées par croisement[36].

III.5. Pour cultiver la grande prairie, il n’aura fallu qu’une graine.

Mais c’est surtout sur les terres vierges du Nouveau-Monde, en Amérique, que les semences ukrainiennes et russes vont confirmer leur bonne réputation. Elles sont si connues et recherchées qu’elles ne manqueront pas de « faire partie du bateau ». Nancy Green, racontant l’histoire des émigrants, parle de familles allemandes vivant en Russie.

C’est que l’on compta jusqu’à deux millions de colons germaniques en Russie, dont 600.000 dans l’éphémère république germanique de la Volga[37].

Autre concentration allemande en Ukraine, la colonie de Molotschna fondée dès 1804 sur le Dniepr[38]. Dans ces familles, des communautés mennonites, apparentées à l’église protestante, dont dérivent les Amish. Autres émigrants vers l’Amérique également des familles de molokans ou doukhobors (groupes religieux dissidents eux de l’Église orthodoxe), qui transportèrent aussi leur bonne organisation agricole à travers l’Atlantique, ainsi que des boisseaux de blé de Crimée et d’Ukraine occidentale, résistant aux hivers les plus durs. Ils transformèrent les États du Dakota et le Minnesota en l’une des terres de culture de blé les plus connues au Monde[39].

Entrons plus dans le détail. En 1842, au Canada, où se prolonge la grande prairie du nord des États-Unis, David Fife, un émigré écossais, avait demandé à un ami resté au pays de lui envoyer des semences de l’Europe du Nord. De celles qui résistent aux grands froids et aux courtes et fortes chaleurs du climat plus tranché du Canada. Il reçoit des semences de blé dites « de Pologne » débarquées à Glasgow et venant de Gdansk (ex- Danzig) [40]. Il faut aussi noter que la Pologne d’alors ne couvrait pas le même territoire qu’aujourd’hui. Il faut se représenter les frontières de ce pays à cette époque.

Quant aux Ukrainiens, ils étaient parfois inscrits comme immigrants russes, polonais ou autrichiens, l’Ukraine n’existant pas alors en tant que pays indépendant.

Revenons à David Fife qui ne savait pas si la variété reçue était un froment d’hiver ou de printemps. Comme il reçut ses semences au printemps, il les sema directement. Mais le froment ne mûrit pas, sauf quelques épis, probablement d’une autre variété qui se serait retrouvée dans son mélange par hasard. Il ressema cette variété le printemps suivant, puis les multiplia. Alors que les récoltes avoisinantes souffrirent toutes des conditions climatiques défavorables, ce blé résista.

D’où le soin que l’on apporta à cette variété et l’éloge que les journaux agricoles canadiens en firent dès 1860[41]. Ce type de grain de blé fut appelé Red Fife[42]. Il ensemencera assez vite tout le sud de l’Ontario[43] puis l’ensemble du Canada pour ensuite gagner le nord des États-Unis.

Un des premiers grands sélectionneurs du Commonwealth, le pharmacien canadien devenu sélectionneur, William Saunders, retrouvera l’identité du « Red Fife » en recevant en 1905, soit 63 ans après David Fife, des semences de blé (froment) d’un marchand de graines d’Allemagne. Cet échantillon provenait d’« Halychina » quelque part en « Allemagne de l’Est ou en Russie occidentale ». Il était si ressemblant au « Red Fife » que W. Saunders les compara en culture et panification, mettant en évidence leurs similitudes[44]. Patrick Shirreff reprendra ce Red Fife ou Halychanka (soit « de Galicie » en ukrainien), dans ses blés géniteurs[45].

Vers 1873, des pionniers du Nouveau-Monde s’installent dans un autre climat, la grande plaine au centre des États-Unis d’Amérique. Dans cette contrée c’est le blé d’hiver qui s’implantera. Une communauté religieuse allemande (les mennonites) d’abord invitée en Ukraine par la Grande Catherine II, tsarine de Russie[46], voit aussi ses privilèges de liberté religieuse s’effondrer et prend le parti d’émigrer dans l’espoir de les retrouver ailleurs[47]. Ces mennonites, suivis ensuite par les doukhobores, émigrent et emmènent avec eux des froments cultivés sur les tchernozioms, les bonnes terres noires ukrainiennes[48]. À Manhattan, ville du Kansas (le cœur géographique des États-Unis), un collaborateur scientifique de la station officielle d’essais, Marc Carleton, s’intéresse de près au froment des mennonites[49]. Pris par le virus de l’amélioration, il décide de parcourir par deux fois la Russie à ses frais, en 1898 et 1900[50]. Il en ramène des centaines d’échantillons, notamment les variétés Ghirka[51], un blé tendre de printemps provenant des régions de la Volga, K[o]ubanka, un blé dur, et Karkova, un blé tendre d’hiver[52].

Il étudie et sélectionne ensuite pendant des années leurs comportements. Et finalement c’est la culture du Hard Red Winter, le blé rouge d’hiver résistant, qui s’imposera un peu grâce à lui dans la grande plaine américaine qui deviendra ainsi un Wheat Belt, soit région du blé. Le mennonite Berhnard Warkentin, né en Russie méridionale (Ukraine orientale), devient en 1847 un personnage important de la filière économique du blé aux États-Unis à cette époque. Il importe de Russie vers le Kansas de grandes quantités de la variété Turkey en 1885 et 1900[53].

Les américains du Nord ont conservé jusqu’à nos jours, l’épithète rouge, Red, pour désigner leur blé tendre de qualité, à haute teneur en protéines, dit hard en anglais. C’est un peu comme un label rouge. Le blé à l’enveloppe blanche sera lui associé à l’autre épithète, soft, à moindre teneur en protéines. Ce type de blé est plutôt réservé à la biscuiterie où aux pâtes alimentaires[54].

Ce « label rouge » était historiquement déjà reconnu comme tel en Europe d’après plusieurs sources de l’époque[55] qui évoquent simplement, le « petit rouge » ou le « gros blanc[56] », ou cet usage populaire de destiner le gros blé blanc aux bestiaux et le petit blé rouge aux hommes[57]. On voit encore au Maroc, la farine de blé très riche en son être appelé l’hamra, littéralement, la rouge[58].

Retour au Nord des U.S.A, tout en suivant l’évolution historique. Dans la grande prairie canadienne, la sélection à partir du Red Fife ou dit Halychanka (variétés de blés de printemps), conduira à des variétés populations variant suivant les sélections d’agriculteurs[59] et baptisées bien plus tard de manière générique Manitoba[60].

Charles Saunders (fils de William), éminent sélectionneur de la ferme expérimentale, créa en 1904 la fameuse variété Marquis[61]. On y retrouve toujours les gènes du bon vieux Red Fife ou Halychanka, croisé avec Hard Red Calcutta, une variété de froment d’Inde qui a la spécificité d’être précoce, c’est à dire de mûrir plus tôt, pas pour éviter le gel, mais la sécheresse. En 1918, la variété Marquis représentait 80 % des emblavements de blés canadiens[62]. C’est celle qui permit de fournir l’abondante aide alimentaire nord-américaine pour relever l’Europe en assistance alimentaire après la Première Guerre mondiale. Et du même coup, l’Amérique du Nord va s’installer dans un marché abandonné par la Russie. Celle-ci étant en proie aux orages de la révolution d’octobre 1917 et la lutte interne « entre le marteau et la faucille ». La caractéristique de la variété Marquis est sa capacité à germer quelques jours plutôt que les autres variétés, aptitude très intéressante pour les courts étés et les gelées précoces que l’on rencontre dans ces régions[63]. Par la suite, une autre variété capable de germer encore plus tôt sera créée : Garnet. C’est ainsi que la carte d’implantation du froment fera reculer les frontières de l’Arctique en Amérique du Nord.

Dans notre voyage au pays des semences, repartons en Europe et plus précisément en Russie qui fait partie de l’URSS en 1918. On va y vivre, dès 1928, « l’affaire Lyssenko-Vavilov » et découvrir la soi-disant « biologie prolétarienne » du premier, auto-proclamée par le régime et qui ne sera confondue qu’en 1965. Cela ne réalisera pas sans drame, au point d’envoyer Nikolaï Vavilov en prison à Saratov, où il meurt de faim, le 26 janvier 1943[64]. Vavilov avait entrepris plus de cent missions de récolte à travers le monde, notamment en Iran en 1916 et en Afghanistan en 1924, ce qui lui donnait une certaine autorité internationale en génétique et sur l’origine du blé[65]. Son crime, d’après Lyssenko et les stanilistes, tenait en ce qu’il avait osé prôner une « pseudoscience bourgeoise », en défendant notamment la thèse de l’importance des chromosomes dans la génétique, approfondissement scientifique qui restera ignoré et non enseigné en Urss pendant trente ans[66].

La sélection basée sur la faculté d’épier suivant la durée du jour, le photostade,[67] sera accentuée dans les républiques soviétiques, au début du xxe siècle ; L’épiaison est la période de la vie du froment où l’épi apparaît après la montée des feuilles. De plus les procédés d’hybridation et de la yarovisation ou vernalisation[68] des blés d’hiver, largement préconisés, mais pas inventés par Trofim Lyssenko[69], s’expérimenteront aussi avec un peu de succès et pas mal d’insuccès[70]. La vernalisation consiste en un traitement par le froid (30 jours de 0° à 3°) sur des graines en début de germination[71]. Ce qui permet à des blés d’hiver de germer en étant semé au printemps. Comme les journées s’allongent en été, plus on approche du cercle polaire (cfr. : soleil de minuit), l’école russe a été obligatoirement sensible à l’aspect de la photosynthèse, Vavilov compris. Cela voudra faire reculer aussi les frontières de l’Arctique dans les « Nouvelles Terres Vierges » au Sud de la Sibérie occidentale et le Nord du Kazakhstan. Les échecs répétés des politiques agricoles sous l’ère Lyssenko furent entre-autres responsables, en 1964, de la chute du dernier protecteur de celui-ci, Nikita Khrouchtchev. L’URSS étant devenue gravement déficitaire en besoins croissants de céréales[72]. Il exista alors des achats massifs de graines de la part de l’URSS qui avaient de quoi déglacer une guerre froide ! Vu le manque de blés russes, le commerce des grains aurait pu jouer ce rôle, lorsque les multinationales vendront du grain des abondants greniers américains aux Soviétiques en 1963, mais plutôt qu’un rapprochement entre idéologies, on eu plutôt droit à un scandale politico-médiatique[73].

III. 6. L’amélioration du rendement céréalier.

On voit qu’à ces débuts, les critères de résistance, de précocité puis de qualité technologique à fin d’exportation ont été prépondérants dans la recherche de semences appropriées ou la simple sélection massale (fig.14 dans X).

On a moins de renseignements sur les rendements à l’hectare, puisque l’on était déjà content de « sortir une récolte ». On sait que les anciennes cultures en Europe donnaient de 2 à 8 quintaux à l’hectare, soit 200 à 800 kg pour 10 000 m² (100 mètres sur 100 mètres). Les rendements vont passer à 10 quintaux l’hectare par la sélection massale des semences (fig.4), c’est-à-dire le choix et le prélèvement des plus beaux grains pour servir de semences[74]. Dès cette époque, sans tenir des potentialités du tallage (IV.4) et de la ramification (X.3.1.) un simple épi porte de 45 à 50 grains, voire jusqu’à 60 grains[75]

En France, cela va conduire à l’obtention des premières variétés commercialisées[76] Japhet, dit aussi blé Dieu en 1892, Gros bleu en 1897, puis les croisements de la sélection généalogique dont Bon fermier en 1904[77]. Au début du xixe siècle, c’est surtout dans le nord et l’ouest de la France que s’importent des variétés anglaises à plus haut rendement, mais à plus faible teneur en gluten[78].

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Milieu du xixe siècle en Angleterre et fin du xixe siècle en France apparaissent les premiers résultats de la sélection généalogique et les sélectionneurs appelés à leurs débuts, gentlemen-farmers avec leurs firmes semencières[79]. C’est « l’évolution conduite par la volonté humaine » comme le décrit N. Vavilov[80], en clair, ce n’est plus le vent et les insectes qui déplacent un pollen choisi sur un pistil choisi, c’est les humains. Cette méthode généalogiste consiste à suivre les descendances des croisements orientés par lignées sur plusieurs années (huit à dix) afin de fixer les caractères et ne garder que les lignées les plus productives et résistantes. La variété Dattel sera en 1874 le premier blé français issu de croisements inter-variétaux officiellement fécondé par le choix de l’obtenteur, donc issu de la toute nouvelle sélection généalogique. Elle n’arriva en culture qu’en 1883. Dattel est le résultat d’un croisement de deux variétés de blés anglais : le Blé Prince Albert (blé à haut rendement) et le Chiddam d’automne à épi rouge (blé précoce). J.M. Philippe de Vilmorin le nommera hybride Dattel[81]. Hybride signifie ici croisement orienté et n’est pas à prendre dans le sens actuel hybride F1, soit issu du croissement de la première année (III.9.).

Les variétés Vilmorin 18, Vilmorin 23 et Vilmorin 27 arrivent dans l’entre-deux guerres et elles aussi auront des parents britanniques[82], souvent croisées avec des espèces d’origine ukrainienne dérivant du blé de Noé.

Les froments de pays ou populations locales vont progressivement perdre leur place dans les emblavements[83].

Ainsi, en Europe, les rendements passeront de 15 à 25 quintaux/hectare de 1930 à 1960, puis on arrivera à une moyenne de 52 quintaux/hectare dans les années 1980[84].

Nous sommes en route pour les variétés à haut rendement (V.r.h.). Celles-ci seraient dues plus à l’intensification des cultures (les ⅔ de l’apport[85]), avec ses semis denses, ses apports d’intrants et de mécanisation, qu’aux progrès génétiques des nouvelles variétés de froment (le ⅓ de l’apport[86]). Mais les semenciers donnent un rapport qui leur serait plus favorable ou plus de la moitié de la hausse de rendement serait du à la sélection[87].

En France, dans la Beauce, les pointus, « le club des 100 quintaux », soit 10 tonnes à l’hectare, se gonflent d’année en année de nouveaux membres, à la fin du siècle passé. On cite une pointe de 13 tonnes à l’hectare enregistrée lors de la récolte 1998 dans l’Oise, juste au nord de Paris[88]. Tandis que dans les autres régions du Monde, les moyennes de rendements sont nettement moindre[89]

Le Guinness Book enregistre les records de rendement à l’hectare du blé, qui après avoir été longtemps aux mains d’agriculteurs anglais performeurs, est maintenant détenu en date de février 2017 par des céréaliculteurs néo-zélandais avec 16,791 tonnes l’hectare[90]. Les recordmans remercient généralement les firmes d’intrants pour leurs « aides ».

Pour la moyenne de l’évolution des rendements en France, voire la fig. 4 dans chap. IV.

III. 7. Une sélection très « select ».

Les classifications des blés au début du xxe siècle s’appuient sur des critères technico-économiques, comme c’est le cas aux États-Unis, notamment sous l’impulsion de Jacob Allen Clark et consorts en 1939 qui proposent une gradation de la teneur en protéines allant de hard à soft[91].

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En URSS, dès Vavilov, puis en 1935 avec Flaksberger[92], on sera plus sensible à des critères d’origine géographique, sans trop tenir compte de la morphologie. Les blés français ayant tendance chez Vilmorin a avoir les mêmes géniteurs, Flaksberger les dénommera Triticum Gallicum. Ce sera Jacques de Vilmorin qui s’alliant avec Marcel Chopin (IX.4) pour la création de l’alvéographe, réorientera la recherche vers de meilleures qualités boulangères pour les blés de la firme [93]. Après la guerre 1940-45, en France, une nouvelle variété pour pouvoir être commercialisée doit être bien fixée et supérieure aux variétés génitrices témoins. Ces critères, distinction, homogénéité et stabilité, sont rassemblés sous la norme Dhs, instaurée en pleine période de guerre, 1942 et plus que suggérée par l’occupant nazi auprès de l’administration de Vichy[94]. C’est seulement lorsque ces exigences sont remplies que l’inscription au catalogue officiel des espèces et variétés cultivées en France (dans notre exemple) est effective[95]. Un cap parfois bien difficile à franchir pour les variétés plus anciennes. En effet, il est nécessaire que quelqu’un demande et finance le maintien de l’inscription d’une variété au catalogue officiel pour qu’elle puisse continuer à être commercialisée.

Par définition, le principe de la sélection est inévitablement discriminant.

Le critère de choix de blés rustiques et résistants aux moisissures sera longtemps écarté, on estimait que l’emploi implicite de fongicide « réglait » ce problème. Il faudra attendre 1989 et l’insistance de Gérard Doussinault, pour qu’on instaure un système de bonus/malus[96] dans les valeurs de résistance aux maladies à atteindre.

De plus, au sein du Comité Technique Paritaire des Semences (C.t.p.s.), réglant l’agréation des semences autorisées à être commercialisées, aucun meunier n’avait le droit de vote jusqu’à il y a peu[97]. En 2006, les critères d’admissions de nouvelles variétés mises sur le marché par le C.t.p.s. valident essentiellement sur deux points, les valeurs agronomiques ou rendement à l’hectare et technologiques avec des blés hautement panifiables (soit :Valeur Agronomique et Technique-V.a.t.). Ainsi il faut « atteindre un seuil de rendement dont le niveau est directement dépendant de sa classe technologique ». C’est à dire que pour qu’un blé soit agréé, il faut que par rapport au blé témoin, le nouveau blé soit de qualité supérieure dans sa catégorie technologique. Ces catégories sont soit, blé de force (B.p.f.), blé supérieur (B.p.s.), blé de qualité courante (B.p.c.), blé pour d’autres usages que boulanger (B.a.u.), – blés fourragers, par exemple-, ou pour biscuiterie (B.b.).

Ainsi le blé panifiable courant doit avoir un rendement de 104% par rapport au témoin pour être agréé. Les blés de force étant moins rentable à l’hectare, on leur permet d’être à 80 % de la rentabilité agronomique d’un blé courant sur le marché. Cette évaluation est suivie d’inscription au catalogue en fonction d’une progression de ces critères de rendement et technologiques, qui doivent permettre l’« accès au marché[98] ». Rappelons-le, plus de la moitié de la récolte de blés français part à l’export.

C’est vers 2015 que le C.t.p.s. ajoute des règles environnementales aux critères d’agréation, soit (V.a.t.e.).

Dans le contexte des trente glorieuses (1950-1980), lors de la fin des importations massives de farines nord-américaines, les produits améliorants de panification vont aisément venir s’implanter[99] dans l’élaboration de la pâte. Ce sera un peu comme un médicament pour soigner cette évolution (XVI.2). Dans ce raisonnement également, la Communauté Européenne, devenue auto-suffisante en termes de production céréalière depuis les années 1960[100] va rendre moins intéressante, par voie de subsidiassions internes, l’importation de blés de force canadiens ou américains. La France, qui de nos jours, exporte près de 50% de sa récolte dans le Marché Commun, dans les pays nord-africains et à des centrales d’achats d’État de l’Est de l’Europe, voit ces dernières disparaîtrent au profit d’acheteurs privés (meuniers par ex.), plus exigeants en termes de qualité. « Il y a là, un problème » ; « La qualité proposée [à l’export] actuellement est notoirement insuffisante pour certains acheteurs » dit le président de l’association des meuniers français (Anmf)[101]. Continuant à parler de ce problème d’inadéquation de marché, il « met en garde contre la course au rendement au détriment de la qualité[102] ». La réaction ne peut se faire attendre. Elle germait déjà, comme le prouve ce constat de Brigitte Mahaut qui écrit qu’« au cours de ces 10 ans [1982/1992], l’évolution de la dureté [lire plus de gluten tenace] a subi un bouleversement total ». « 1988, constitue l’année charnière où les blés médium hard prennent le pas sur les médium soft[103] ». L’auteur parle ici de variétés mises sur le marché et non de variétés mises en culture. La mise en culture (choix de l’agriculteur) fait entrer dans ces éléments de choix de semis, le rendement à l’hectare et la disponibilité des subventions.

III.8. On verse vers le raccourci.

Autre évolution dans la sélection du blé, la longueur des pailles (fig.8), ceci afin d’éviter la verse, c’est-à-dire les céréales couchées sur le champ et parfois impossibles à moissonner, si cet incident arrive tôt dans l’année de culture. Cette verse est favorisée par l’apport d’engrais (nitrates) vers l’entre-deux guerres. Le premier blé a supporter sans verser, l’apport de nitrates et l’amélioration du rendement qui en résulte serait Vilmorin 27 [104], celui-ci mesurait 1,20 m en 1935. Dominique Soltner donne une bonne idée de l’évolution de la hauteur des pailles par la sélection. Après Vilmorin 27, Capelle, fera 1 m., dans les années 1950-1960, Capitole 0,90 m dans les années 1970 et les bien nommés Tom Pouce et Courtot, 0,68 m dans les années 1980[105].

Ce raccourcissement des pailles n’est pas sans conséquence pour la vie du blé ou froment. En effet lors de sa maturation, les nutriments emmagasinés dans la tige et les feuilles migrent en 15-18 jours vers l’épi à l’approche de la récolte. Si la tige ou paille est plus petite, cela n’est pas sans effet physiologique, avec un effet de diminution de la densité nutritionnelle dans les céréales récoltées (VII.10).

Peter Kunz, initialement sélectionneur de céréales pour la méthode bio-dynamiste, porte une vue différente sur le raccourcissement des pailles, il pense qu’il peut s’opérer un changement dans les nutriments du grain.

Dans le sens où lorsqu’ils viennent de la paille vers le grain, ils sont probablement un peu plus prêts à être assimilés, tandis que le raccourcissement des pailles, induit un apport de nutriments beaucoup plus dépendants d’un approvisionnement du sol, moins préparé à être assimilé. Il tire notamment cette observation en comparant les épeautres de haute tiges, aux froments à courte paille moderne. C’est au point où la maturation de l’épeautre commence en bas pour finir vers le haut, tandis que les froments adaptés à l’intensification croissante de l’agriculture jaunissent du haut vers le bas.

Avec ces commentaires nous ne parlons que de lignées variétales pures, pas d’hybride F1, pas d’Organismes Génétiquement Modifiés (Ogm). Voyons quelle pourrait être l’apport de ces deux techniques pour le froment panifiable.

III. 9. Le blé hybride, un pari plus commercial que technique.

Le froment hybride F1 est annoncé depuis longtemps, suite au succès commercial du maïs hybride F1 (vu plus loin), mais il ne convainc pas plus un jour que l’autre. Il faut encore prouver à l’agriculteur que son surcoût (2,5 à 3 fois le prix des semences normales) sera compensé par le rendement où la diminution d’intrants[106].

Les firmes qui se sont lancées dans l’hybridation du froment ont connu beaucoup d’échecs et d’abandons de programme de recherche, on parle même de bulle technologique[107]. Le bilan établi au centre international du Cimmyt après les 40 années de recherches relate les avantages limités de l’effet sur le blé hybride, et amène à penser que si par la biotechnologie on parvient à identifier le gène d’expression d’accroissement du à l’hybridation (l’effet d’hétérosis), c’est par la modification génétique du blé que cette technique évoluera[108].

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Pourquoi cet insuccès du blé hybride ? L’explication se trouve déjà énoncée plus haut (III.1), on la reprend en résumé : le blé est autogame (s’autoféconde) et a une grosse tendance à être homozygote (reproduire les mêmes gènes). Donc, pour produire des semences hybrides, on applique souvent un agent chimique[109] pour stériliser les étamines d’une variété A , devenue ainsi plante exclusivement femelle et prête à être pollinisée par le pollen de la variété B, qui, elle, sera semée sous le vent (fig.9.). Procédé laborieux et coûteux, puisqu’il « faut fermer beaucoup de portes », ce qui est très difficile en pleine nature pour la production de semence. Toutefois, le froment hybride entre parcimonieusement dans la céréaliculture[110]. Le principe de la construction de l’hybride et la constance du résultat sont universels. Il est inscrit dans les lois fondamentales de la biologie (lois de Mendel). C’est que l’on appelle l’effet d’hétérosis (d’hétérozygote) ou F1. Ce qui est recherché ici, c’est que les deux variétés pures qui sont croisées voient souvent les tares devenir récessives et masquées par les effets favorables dominants. Ce qui sera dit, la base de la supériorité de l’hybride sur la lignée pure, mais qui en fait, n’a lieu que la première année du croisement.

Dès le début du xxe siècle, aux états-Unis, on a forcé la sélection des plants de maïs, plante beaucoup plus allogame que le froment (III.1). Plante dont Georges Shull dit, en 1914, qu’elle bénéficie d’effet dhétérosis, soit un changement en repérant bien cet effet de stimulation physiologique et de récupération de vigueur génétique. Puis un autre américain du Nord[111], Donald Jones, eut l’idée en 1907 de croiser deux hybrides (issus donc de quatre lignées pures) et il obtint des descendants très hétérosis ou productifs la première année et les rejetons de ceux-ci, eux, seront très peu vigoureux[112].

Il faut des informations complémentaires pour comprendre l’influence du ministre de l’Agriculture des États-Unis de l’époque, en 1922, Henry Cantwell Wallace, et de son fils, Henry Agard Wallace (*1888 – †1965) qui deviendra même vice-président de Roosevelt avant et au début de la guerre 40-45. Ils sont en même temps propriétaires de la firme semencière Hi-bred Corn Company devenue en 1929, Pioneer Hi-bred, à Des Moines dans l’Iowa. La firme fut revendue en 2000 à DuPont pour 10 milliards de dollars et se dénomme Corteva depuis 2018. À l’époque ils décident que la voie exclusive de l’amélioration du maïs sera l’hybridation et prescrivent par leur influence, la méthode dite hybride aux sélectionneurs américains. Puis les sélectionneurs du monde entier suivront. Ce qui n’était pas difficile, vu l’intérêt commercial de la non-reproductibilité du caractère et l’obligation qui en découle pour l’agriculteur de racheter annuellement de nouvelles semences. Tout bénéfice pour les firmes semencières. On voit là un conflit d’intérêts typique qui est accepté aux États-Unis et qui est même courant presque de l’ordre de la normalité. On lira souvent qu’en termes de productivité (mais plus que rarement pour le blé), on obtient 10 à 15 % en plus par rapport aux semences sélectionnées généalogiquement, ou lignées pures[113]fixées par 12 années de sélection généalogique[114]. Cela dépossédera l’agriculteur des facultés de multiplication du vivant (le producteur ne pouvant plus être le reproducteur) et va la conférer aux investisseurs du commerce de la semence. C’est le début de l’appropriation par les multinationales d’atouts stratégiques, alors que ceux-ci étaient partagés par tous[115]. Et l’on passe de l’exercice d’amélioration génétique à des exercices plus détériorant parce que plus stérilisants, un comble pour la semence[116].

III.10.. Douces années de sélection.

Pour créer une nouvelle lignée (ou variété pure) et fixer les caractères, il faut plus ou moins douze ans. Le turnover (la durée de vie commerciale) de variétés fixées, est aujourd’hui d’environ 4 ans. Il était plus long autrefois[117].

C’est un long chemin (fig.10) où d’année en année on va par exemple : réaliser le premier croisement (F0), sélectionner les lignées descendantes ou vendre en hybride (F1), juger les résistances aux maladies (F2), encore sélectionner les têtes de lignée (F3), évaluer les caractères agronomiques (F4), évaluer le potentiel maintenu (F2, F3, F4, F5), la stabilité du rendement, l’adaptabilité de la lignée, tout en multipliant encore la lignée choisie (F6, F7, F8). Viendront ensuite les deux à trois années d’essais officiels pour l’inscription au catalogue (F9, F10, F11).

Douze années pendant lesquelles l’obtenteur a travaillé sans être rémunéré. Son revenu est constitué exclusivement de la vente des semences et la perception des droits d’obtenteur protégé par une convention internationale datant de 1961, revue plusieurs fois par après. Plusieurs pays européens ont intégré l’U.p.o.v., soit Union pour la Protection des Obtentions Végétales dite en d’autres abréviations Cov ou Dov [118]. L’obtenteur appose son droit à toutes personnes achetant ses semences et depuis 2001, s’est vu autorisé un prélèvement auprès des agriculteurs, curieusement intitulé Contribution volontaire obligatoire dans un premier temps, devenue en 2019, Contribution à l’Innovation et à la Recherche Variétale (C.r.i.v.) [119].

Par contre l’obtenteur ne peut s’opposer à ce qu’un autre obtenteur se serve de son matériel (sa semence) pour créer une nouvelle variété. Ce système européen à l’origine se veut protéger la recherche de l’amélioration variétale des semences et ne privait pas l’agriculteur de l’usage fermier ou domestique des ressources génétiques considérées comme patrimoine humanitaire, moyennement l’acquittement de la taxe précitée. Cette convention a attiré petit à petit les investissements privés dans le secteur[120].

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III. 11. La vie devient une marchandise brevetable.

La recombinaison génétique (ou manipulation génétique) des semences va pousser plus loin que cette convention Upov[121]. Lors de la vente des semences génétiquement modifiées, des contrats sont obligatoirement signés entre acheteurs et vendeurs de semences. Ils confèrent des droits technologiques aux groupes semenciers en stipulant que l’on ne peut plus prélever des graines de sa récolte pour les semer l’année suivante sous peine de condamnation pénale. C’est la protection du brevet[122].

L’un ou l’autre système (droit de la taxe d’obtention et brevet) occasionne la perte de l’usage fermier ou plutôt libre de la graine de la part du paysan, ou l’autorise dans le cas de la convention d’obtention suivant le payement de la contribution à la recherche et l’innovation variétale (C.r.i.v.).

Comme pour un euro de semences, il y a plusieurs euros d’engrais et pesticides, il existe un grand intérêt de les rendre par manipulation génétique interdépendants et vendus en kit[123]. Au début, c’est plus de 90 % des applications de modification génétique qui sont produites pour faire des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VrTH). Exemple : le brevet sur la molécule active du Roundup, (le glyphosate), insecticide vendu par Monsanto, arrivait à échéance en 2000 et il réalisait la moitié du résultat net de la firme. Celle-ci eut l’idée de relancer une protection commerciale en manipulant génétiquement les semences pour les rendre plus tolérantes au glyphosate. Ainsi le brevet Roundup ready (Rr) de la semence prolongera de maximum 20 ans le délai légal de protection commerciale de la molécule créée en son temps par Monsanto. Le brevet est un forçage contractuel et légalisé de la fidélisation de la clientèle. Pourtant, « la biotechnologie est le résultat de travail de milliers de personnes qui ont patiemment édifié les fondations, les murs et posé la charpente du toit d’un édifice énorme. Maintenant que ces travaux sont terminés, des corporations nouvelles et anciennes sont en train de s’amasser et de se disputer pour pouvoir poser les dernières tuiles sur le toit et décréter que tout leur appartient[124] ».

Là où cela devient génétiquement gênant, c’est que le brevetage du vivant fait payer à peine 10 années de recherche, d’ailleurs à ses débuts, financée par les États[125] et que l’on exige la gratuité des milliers d’années de sélection qui ont précédé[126]. Ainsi les paysans des Andes ont failli devoir payer des droits sur une plante (la quinoa) dont ils n’ont cessé d’améliorer les premières versions et qu’il a suffit de ramasser et d’identifier scientifiquement, d’où, découverte, donnant droit à la possibilité de breveter[127]. Le bureau européen des Brevets (Epo) installé à Munich se finance sur le nombre de brevets accordés et n’est pas critique sur l’éthique des « découvertes » et la protection des gènes natifs[128]. La culture à grande échelle de la quinoa hybride brevetée risque, elle, de jouer un mauvais tour aux exportations boliviennes, un pays à économie rurale déjà fragile. Comme le dit A. Apoteker[129], le gène n’est qu’une page du grand livre génétique. Cela ne transforme pas en inventeur celui qui l’a arrachée et photocopiée. Le même cas juridique existe pour le teff (X.10).

N’est-il est pas immoral de breveter ce qui devrait être le patrimoine commun de l’humanité et de se l’approprier.

Ajoutons que la mise sur le marché de nouvelles variétés Ogm, sans les observer trois ans par le comité d’agréation officielle, comme il est d’usage, a été critiquée, après l’échec d’une récolte de coton transgénique[130]. Comme le risque de scléroser l’amélioration génétique et d’éteindre encore plus la biodiversité doit aussi être énoncé. Certaines plantes sélectionnées autrefois qui donnèrent de grands résultats avaient 87 parents et grands-parents. Comment avoir accès à l’avenir à ce potentiel s’il est couvert de brevet[131] ? Autre exemple plus récent, le riz doré génétiquement modifié pour supplémenter l’apport de provitamine A, a exigé la levée de quelque 70 brevets[132].

L’introduction dans les plantes, des gènes du Bacille Thuringiensis (Bt) [133] et des gènes produisant des substances du neem[134] risque de priver la pratique de l’agriculture biologique de deux des rares produits de protection phytosanitaire autorisés [135], en prenant le risque de rendre les insectes cibles plus vite résistants à ces substances naturelles.

C’est le 9 octobre 2020 que l’on annonce que le soi-disant premier blé OGM , le blé HB4 est développé par Trigall Genetics, avec un accord co-entreprise (joint-venture) entre Bioceres et la société française Florimond Desprez (III.3), l’un des leaders mondiaux de la génétique du blé. Cela concerne une résistance à la sécheresse et le marché allant de l’Argentine vers le Brésil qui absorbe près de 50 % de l’offre argentine, quatrième pays producteur mondial[136]. Une semaine après, l’Association brésilienne des industries des biscuits, pâtes et pains et gâteaux industrialisés (Abimapi), l’Association brésilienne de l’industrie du blé (Abitrigo), et 90% des membres de l’association de meunerie ont aussitôt réagit en déclarant vouloir y mettre leurs vetos[137].

III.12. Génétiquement sans gêne.

Mais d’abord où en est le génie génétique sur le froment ?

Les moyens d’effectuer la cartographie du génome du froment panifiable sont possibles et de plus en plus précis. Fruit de collaboration internationale l’ITMImap, soit International Tritical Maping Initiative, est une « cartographie génétique » entreprise depuis 1995 et est à portée de main[138]. En 2019, à l’heure où seule une partie a été interprétée de manière avérée et fonctionnelle, le consortium international de séquençage du génome du blé (Iwgsc) a annoncé sa volonté de donner un coup d’accélérateur à cette recherche en demandant à une firme privée leader mondial du séquençage et de la biologie synthétique (Arbor Biosciences), de l’aider dans cette recherche[139].

Les méthodes de transfert de gène sont dites maîtrisées[140]. On dénomme même Nouvelle biotechnologie la mutagenèse dirigée, la cisgenèse, l’intragenèse, etc.[141], qui ne sont pas cernées par des règlementations et les contournent, tout en étant déjà mise sur le marché[142]. La fusion des deux protoplastes nécessitant l’implication de colchicine qui « est connue pour bloquer la division cellulaire »[143] dans la génétique, sera aussi contestée. Il faut dire que 1 milligramme de cette matière est toxique et 4 milligrammes sont mortels.

L’utilisation de la culture in vitro en laboratoire permet d’éviter la longueur des cultures in sito et d’introduire des fragments de chromosomes avec la technique du rétrocroisement, vue plus loin (fig.11). Il existera ainsi des blés non agréé pour la vente en semences et de ce fait, plus utilisés en sélection qu’en culture. Par exemple dans le croisement détaillé du cultivar Renan, la variété est issu du montage à quatre voies, (c’est à dire croisement réalisé à l’aide de quatre variétés différentes), Vpm apporte la résistance au Puccinia responsable de la carie du blé, Courtot va réduire la taille de l’épi, Maris Huntmans apporte le rendement, Mirovniskaïa, la qualité technologique. Les potentialités ouvertes étant énormes, il ne reste plus qu’à voir ce que l’on fait de cet outil remaniant à souhait l’expression de la vie. Remarquons que l’outil traduit plus le caractère de ceux qui l’emploient. C’est le caractère de l’ouvrier plus que le caractère de l’outil[144].

Il existe pour ne parler que de l’incidence de la manipulation génétique des graminées dans le milieu alternatif, l’exemple de Kernza, qui se veut être un blé pérenne partant de Thinopyrum intermedium. Pérenne veut dire qui ne ressème pas, du moins de 2 à 5 ans, puisque là, on fait fi de l’assolement, méthode de lutte anti-peste essentielle en agriculture bio. L’obtenteur utilise le séquençage de l’A.d.n. et la fusion de protoplastes pour aider à atteindre les variétés et les traits qui comptent[145].  Dans les initiatives pour le blé de demain, un autre blé est aussi à découvrir pour l’exemple, c’est le blé 2 AB, de 2017. Si on écoute la communication de la firme Goodmills de Hambourg qui le promotionne, demain avec leur blé 2AB, tout en mangeant du pain, plus de problèmes avec le gluten et les Fodmap’s, ces petites chaines de sucres qui ne sont pas bien digérées et fermentent dans le gros intestin provoquant des ballonnements.

Goodmills est une firme qui est le successeur d’autres firmes allemandes de matières premières ou améliorants pour boulangeries (ex-Phoenix, Kampffmeyer Food Innovation, etc…).

Comment fait cette firme pour faire du pain sans gluten et avec moins de Fodmap’s tout en utilisant du blé ?

Ils ont créé un blé 2 AB qui a les génomes A et B comme l’amidonnier et le blé dur, d’où le blé 2 AB. Le nom latin du nouveau blé est d’ailleurs Triticum turgidum forma sanum. Danone avait bien, en 2010, rebaptisé de manière autoproclamée le bifidobacterium lactis DN-173 010 en bifidus acti-régularis. C’était la période où les autorités avaient demandé à Danone de cesser leurs allégations santé exagérées.

Par quelle voie de sélection est obtenu le blé forma sanum ? Il n’existe rien dans la communication de la firme qui permet de le savoir. Ne me demandez pas s’il s’agit de méthodes de recherche génétique par mutation dirigée soit, vrai ou faux O.g.m., ou simplement d’une variété de blé tétraploïde, c’est obscur parce rien n’est dit là-dessus. Je suppose qu’il faudra demander aux commerciaux qui au mieux vous renverront vers le staff technique, ce qui promet une discussion où il faudra s’accrocher. À moins aussi, que selon la formule consacrée : « Parmi les informations fournies par les producteurs innovants, le traitement confidentiel peut être accordé à l’information dont la divulgation pourrait nuire sensiblement à sa position concurrentielle ».

Dans ce cas, tant pis, si le contrôle sanitaire (peu probable), ou mieux, vos clients vous demandent une transparence. Cela n’empêche pas la firme dans sa communication de dire « Comme le blé 2 AB ne contient que les génomes anciens A et B, il peut être classé comme authentique blé ancien. Cela contraste complètement avec les variétés de blé plus modernes qui contiennent le génome D en plus, comme le blé tendre et le grand épeautre ». Tout cela est écrit sans gêne avec le titre « L’authenticité est dans les gènes ». Et de critiquer l’épeautre sous un titre accrocheur : « L’épeautre n’est pas une solution ». Pourtant des linéaires entiers de Reformhaus (magasin de diététique) sont remplis de farines d’épeautre en Allemagne. Voici le commentaire de la firme sur la farine de grand épeautre « souvent suggérée comme une solution lorsque le blé provoque des problèmes digestifs. Mais cela ne peut pas être vrai. L’épeautre n’est pas un grain antique authentique. Il s’agit d’une sous-espèce de blé et, en raison du croisement avec différents types de graminées, il contient le D-gluten et donc le dérangement gênant ». Pour la firme promotrice le blé dur est déclaré avoir des « Fodmap’s élevés », l’engrain est dit « très riche en Fodmap’s » et enfin le seigle est dit « extrêmement riche en Fodmap’s ». Qu’est-ce qui reste ?

Comment la firme peut-elle avancer qu’il n’y aura pas de Fodmap’s ? Parce que le « blé est cultivé dans des champs de blés spéciaux 2 AB, séparés des autres champs de blé ». De plus « avant que la farine ne soit livrée au boulanger, elle est fermentée de manière naturelle, nous le faisons pour réduire le niveau de Fodmap’s dans la farine ». Ce que dans une fermentation au levain on peut obtenir également. Ce blé aurait nécessité 20 années de recherche. Goodmills ne revendique que d’être un « partenaire expérimenté et imaginatif pour les matières premières et les ingrédients à base de céréales de haute qualité » et n’ambitionne pas de nous surprendre au niveau de l’éthique nutritionnel de la recherche. On trouve chez eux, un produit alimentaire qui permet de remplacer la viande, le WheatMeat®, en consommant les protéines non grasses du blé (XVI.4.6), donc, une autre face diététique, anti-diabétique du gluten[146].

On sait que dans le domaine du transgène, l’aventure des mises en application ne doit pas se faire sans garde-fou. L’Union Européenne ayant dans ce sens édité en 1990 une directive O.g.m. en milieu confiné (expérience de laboratoire par exemple) et une directive pour les O.g.m. disséminés dans la nature. Ce qui est « driblé » en 2016 par les nouvelles technologies génétiques précitées[147]. Les chercheurs des centres officiels parlant des potentialités de la modification génétique pensent surtout introduire les gènes produisant des protéines de bonne valeur boulangère, alliant ainsi les connaissances spécifiques de la technologie de la pâte à l’essor du génie génétique. Des transferts d’allèles nuls (groupe de gènes où il y a absence de synthèse protéique ou expressions non encore identifiées) pourraient amener prochainement sur le marché des aliments nouveaux. Par exemple dépourvu des gliadines (protéines du gluten) qui affectent les malades cœliaques (intolérance au gluten). Même si on devine que les allèles, dits nuls, peuvent révéler une expression lorsqu’une situation non encore définie se présente.

Enfin et probablement surtout, l’identification des gènes va permettre d’affiner encore mieux pour la sélection des semences telle qu’elle se conçoit actuellement et on recherche grâce à la technique du rétrocroisement (voir fig.11), de ne garder dans les lignées de la descendance que le gène d’intérêt que l’on veut transférer.

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Pour les gènes responsables de la synthèse de la protéine provoquant la maladie cœliaque certains voudront par exemple, les remplacer par des gènes d’engrain[148]. Dans l’Union européenne, un moratoire (un peu passoire) a fait barrage aux nouvelles autorisations. Ce n’est pas le cas aux États-Unis, bien que dans cette confédération, l’état du Vermont demande depuis 2014 un étiquetage pour les aliments contenant de l’ O.g.m. [149].

Au niveau modification génétique, le blé n’était pas trop concerné fin du siècle passé, même aux États-Unis.

Par contre, ce n’est pas le cas en Chine, où 1 400 000 000 d’habitants (20 % de la population mondiale) doit se contenter de 7 % des terres cultivables du globe. Là, la révolution génétique se réalise sans contrôle sécuritaire sévère, « un luxe que les pays pauvres ne peuvent pas se permettre ». Vu de Chine, la modification génétique est perçue comme un prestige national, la double hélice d’A.d.n. est statufiée dans les parcs publics[150]. Le blé génétiquement modifié est connu en Chine depuis les années 1970 et la création de blé N6 médium par le professeur Chu C.C. Début du xxieèmeéè siècle, quelques variétés de blé O.g.m. (Jinghu 1, Bejing 8686, Huapei 764 par exemple) ont été créés et sont cultivées. L’amélioration par modification génétique vise la résistance aux virus, bactéries, moisissures, insectes où herbicides et plus récemment la qualité du grain de blé. Grâce à ce choix d’amélioration génétique, la Chine a l’espoir d’être exportateur de blé vers les années 2025 à 2030[151].

Le blé étant une des plantes les plus cultivées au Monde est inévitablement convoité vu son marché. Ainsi, la firme Monsanto avait prévu un blé Roundup ready, résistant à son herbicide vedette, c’était la variété Bob White une des meilleures variétés agronomiques du moment, qui était la réceptrice[152]. On peut donc tout aussi bien choisir la version non O.g.m.[153]. Ce dernier blé Roundup ready (Rr) a fait craindre à 950 agriculteurs bio canadiens la perte de leurs marchés du blé bio.

Ils ont introduit un recours contre les firmes productrices de semences O.g.m.. Il faut dire que suite à la perte de capacité à fournir le marché du colza bio, contaminé par l’ O.g.m. de toutes les cultures colza-canola réalisées autour d’elles, (le colza est une plante très allogame) les producteurs de colza bio se sont vus refuser leur colza à la vente labélisée bio[154].

Fin de l’année 2003, le bureau canadien du blé (20 % du marché mondial) a rejeté le blé Rr et le secteur du blé californien a suivi par crainte d’être le premier et des réactions des « consommacteurs[155] ».

Les directions des boulangeries Weston de New York, du Grandi Molini Italiani et l’association des meuniers japonais ont décidé en tout cas de n’être pas les premiers et de boycotter[156]. En mai 2004, une campagne d’envoi de tranches de pain par la poste est soutenue par 15 collectivités canadiennes. Les boulangeries et épiceries fournissent tranches de pain et enveloppes avec l’adresse du Premier ministre Paul Martin, afin de protester contre le blé O.g.m. [157]. Ce même mois de mai 2004, c’est finalement Carl Casale, vice-président de l’exécutif de Monsanto, qui annonce que suite, d’après eux, au manque de potentiel commercial, cela a provoqué l’intention d’arrêter les études sur le blé de printemps transgénique après sept années de recherches[158].

En fait, il faut semble-t-il interpréter cette démarche plus comme du marketing boursier de Monsanto envers ces actionnaires que comme une décision strictement économique. Il ne fallait pas perdre la face envers l’opinion publique faisant pression sur les gouvernements, canadien (en minorité à ces moments) et en début de campagne électorale (Bush / Kerry, en novembre 2004) aux États-Unis, sur un thème où 83 % de la population canadienne était pour un moratoire[159].

En octobre 2003, Monsanto avait déjà fermé ses centres européens de recherche sur le blé, après « une consultation exhaustive des clients dans l’industrie du blé[160] ». Pour comprendre l’intérêt d’un blé résistant au pesticide, il faut dire qu’aux États-Unis, vu l’étendue des cultures, l’industrie agricole ne laboure plus après récolte, elle désherbe avec un herbicide, puis on ressème dessus. économie de temps et de main d’œuvre. On comprend plus aisément l’importance d’avoir des plantes résistantes à l’herbicide. Que pensez de cette pratique ? La destruction des herbes (mauvaises ou bonnes) priverait les populations des pays en développement de récoltes d’aliments d’appoint et saisonniers ou faisant partie de la pharmacopée locale. Mais c’est surtout les agriculteurs américains qui peuvent craindre que les gènes de résistance à l’herbicide se transmettent aux graminées de la même essence génétique[161]. En 2003, on écrit déjà que des herbes sauvages (pesse et bidens) résistantes à l’herbicide sont apparues sur 250 000 hectares dans des états près de la côte Est des U.s.a.. Du ray-grass résistant est apparu en Californie et dans des champs de blé australien[162]. La lutte contre les mauvaises herbes déclencherait un mécanisme connu d’engrenage de traitement de pesticides toujours plus intense, polluant et coûteux (V.5).

Pour parler de la pratique, et être critique, non sur des projets ou sur l’outil, parlons de l’état de la situation en Amérique et des O.g.m. déjà mis sur le marché. C’est la résistance aux pesticides, aux insectes et aux virus que l’on transgène principalement[163]. La stérilité mâle obtenue par manipulation génétique en introduisant des inhibiteurs qui procurerait des semences-suicide trahit bien la volonté commerciale et lucrative des chercheurs, heureux qu’ils étaient d’avoir trouvé cette sécurité économique à proposer aux commerçants de la semence[164]. La licence génétique T.p.s., soit Technology Protection System, sera vite surnommée Terminator par un de ses plus grands détracteurs (Pat Roy Mooney). Ces semences qui s’auto-suicident, Monsanto en avait acheté le brevet à une entreprise ou l’état fédéral des U.s.a. avait aidé la spin-off et avait des parts avec Delta & Pine Land Company. Monsanto a décidé le retrait de la licence T.p.s. du marché le 4 octobre 1999. Le président de Monsanto (Bob Shapiro) démissionnera peu après[165]. Cela indique les limites du potentiel de ce type de révolution génétique que certaines firmes avaient voulu franchir, surtout au niveau alimentaire non fourrager[166]. Prônant la révolution génétique après la révolution verte, les responsables communication de ces multinationales s’auto-proclamant des sciences de la vie prêchent qu’ils relèvent le défi alimentaire du xxie siècle. Note contradictoire toutefois : Phil Angels (directeur de la communication de Monsanto) déclarait à Michael Pollan dans The New-York Times Magazine, le 28 octobre 1998 que « Nous [Monsanto] n’avons pas à garantir la sécurité des produits génétiquement modifiés. Notre intérêt est d’en vendre le plus possible. C’est à la Food & Drug Administration [F.d.a. organisme US de contrôle sanitaire] de veiller à leur sécurité [167]». Cependant, les vases sont tellement communicants entre le secteur privé et l’administration et spécialement entre Monsanto et la F.d.a., qu’aux États-Unis le phénomène a reçu un nom : le revolving door, soit la porte-tournante[168] ou de fonctionnaires, on devenait dirigeant de firmes privées et de dirigeant on faisait partie des experts consultés. La Communauté européenne connait également un système de « porte tournante » entre l’Efsa et les lobbys[169].

III.13. Gènes sans frontière.

La pollution génétique issue de cette révolution portant le même nom pourrait être aussi grave que d’autres pollutions chimiques et nucléaires déjà connues. Il faut surtout souligner que la transgénétique est une technique nouvelle qui élimine les barrières entre règnes, végétaux ou animaux.

Par exemple le gène du bacille, bacillus thuringiensis (Bt), est incorporé dans les gènes de semences. Si le bacille émet sa toxine suivant ses paramètres d’activité (température, hygrométrie), ici la toxine insérée dans les tissus végétaux est produite systématiquement[170]. Ce qui risque d’induire une réponse immunitaire plus rapide de la part des insectes cibles. Au point que l’E.p.a. (agence américaine pour la protection de l’environnement) préconise de laisser des zones refuges de semis conventionnels représentant 15 à 30 % des surfaces transgéniques[171].

On est en train de réfléchir sur la présence inhabituelle de toxine du bacille thuringiensis (Bt) dans les ruisseaux côtoyant les cultures O.g.m. Comme si le gène était assimilé dans des bactéries et que celles-ci produiraient de manière anormale la toxine[172]. Peut-être déjà une pollution génétique ? Un gène de la noix du Brésil avait été inséré dans certaines graines de soja, ce qui avait conduit à des réponses allergènes limitées aux seuls consommateurs de noix autrefois[173].. Un comble pour le lait de soja employé parfois dans le bol alimentaire des super-allergiques au lait de vache. Comment l’exercice du métier de nutritionniste et diététicien va-t-il encore pouvoir se pratiquer et connaître la traçabilité des allergènes ? Pioneer, la grande firme semencière, a dû arrêter le développement de son produit de « soya à la noix »[174]. Des agriculteurs et transformateurs alimentaires U.S. se sont opposés en 2002 à la manipulation des cultures à des fins pharmaceutiques[175]. Ils craignent que les vaccins, les enzymes, les anticorps et les hormones ou autres substances pharmaceutiques introduites dans les gènes ne se retrouvent accidentellement (par pollution génétique) dans leurs produits[176]. Ces craintes se précisent. Pas un an après, du soya de qualité alimentaire (+ de 17 000 m³) a été contaminé par une parcelle de maïs transgénique cultivé un an plutôt sur la même terre, afin d’être efficace contre la diarrhée des porcins. Cet incident, l’administration le disait isolé, limité géographiquement, circonscrit. Pourtant, deux mois avant la même firme incriminée ci-devant, ayant procédé à ces essais, avait dû brûler 63 hectares de maïs transgénique qui avait sauté la barrière. Cette pharmaculture s’opère aux États-Unis avec des autorisations discrètes et sur des lieux tenus secrets dans 315 champs en plein air et dans le voisinage des cultures alimentaires. Elles ont été le fait de 20 entreprises et universités[177]. D’autres chercheurs en mal d’efficacité, pour rendre plus vendables leurs brevets, ont imaginé introduire des gènes de mutation rapide dans les plantes et les animaux afin d’étudier leur évolution. Ainsi des décades d’années se raccourcissent en quelques mois afin de diagnostiquer plus rapidement le bon produit commercial. Comment régler le problème, si ce gène mutant et cancérigène s’échappait[178] ? Citons une autre forme possible de pollution, alimentaire cette fois. Dans une Grande-Bretagne déjà traumatisée par la crise de la vache folle, une expérience nourrissant des rats avec des pommes de terre génétiquement modifiés vit les organes filtrants de ces rats atrophiés. Mais le chercheur (àrpàd Pusztai) fut licencié, ses équipes de recherche démantelées et les études complémentaires de Stanley Ewen récusées aussi ? Fameuse occultation ! Et cela sans qu’une seule publication ne fut un temps, autorisée sur une des rares études signalant que la modification génétique est dangereuse au niveau de la toxicologie alimentaire[179]. Le danger consiste aussi en ce que le comportement sans passé évolutif dans des écosystèmes qui ne les ont pas sélectionnés (sans prédateur) est imprévisible[180]. Il est impératif d’apprécier avec précision les besoins et les risques de cette technique[181]. Aucune compagnie d’assurance ne veut se risquer à couvrir le risque. Bien sûr depuis le début de la biotechnologie, des aspects positifs sont promis. Par exemple, le transfert sur les céréales des capacités des légumineuses à capter l’azote de l’air[182] et ainsi d’éviter l’apport intensif polluant et coûteux d’engrais azotés. Est-ce parce que l’azote de l’air est gratuit que ces recherches n’aboutissent pas ou simplement parce que la nature du blé ne saurait accepter une telle greffe génétique de son système racinaire ne possédant pas de nodosités (fig.4 dans 5) ?

Les alicaments (aliments-médicaments), comme par exemple la banane contenant le vaccin contre l’hépatite B, le riz doré enrichi à la pro-vitamine A avec des gènes de jonquilles au début, ou d’autres plantes aux vertus diététiques veulent se donner un profil positif et doré au potentiel du génie génétique.

III. 14. Sélection génétique = érosion génétique ?

Sur les 10 000 à 50 000 plantes comestibles, seulement 150 à 200 sont utilisés à cet effet[183]. Les espèces à germination rapide, à forte rentabilité agronomique seront privilégiées car le marché n’a ni le temps d’attendre, ni de peu rentabiliser. En Grèce, les variétés améliorées de blé (Vhr – Variétés à haut rendement) ont été le choix de l’agriculteur (bien conseillés dans ce sens) et ont remplacé, des années 1930 à 1957, les variétés du pays (Landraces) à un niveau qui pourrait atteindre 90 %[184].

En Italie, la variété « Ardito » est connue depuis 1920 grâce à un croissement à trois voies effectué par N.Strampelli entre la variété néerlandaise Wilhelmina (rendement), la variété italienne Riéti (ancrage local) puis avec la variété japonaise (mutante et naine) Akagomugi dite aussi blé à bec de canard (X.5). La variété « Ardito » va passer en 1925 de 3% des surfaces de blé tendre, à 50% en 1940[185]. L’évolution qualitative de la culture du froment panifiable a surtout fait la part belle au rendement agronomique, il a en effet été multiplié par 10 en 70 ans (fig.6 dans IV). Si l’on prend la situation de départ, on constate une perte des qualités nutritionnelles. Dans l’amélioration de la sélection, peut-on qualifier de progrès, la perte de fécondation du caractère par l’hybride F1 et la dépendance aux produits phytosanitaires par modification génétique. A part l’aspect du progrès de la valeur marchande mesurable, le progrès de la valeur morale et éthique n’a jamais été pris en compte pour définir le mot progrès, qui navigue ainsi sans conscience[186].

Ces évolutions (plutôt que progrès pour rester critique[187]) ne se sont réalisées que grâce à une armada coûteuse de produits phytosanitaires et de fertilisation d’engrais de synthèse. Rappelons-le, on attribue plus le progrès des cultures aux méthodes culturales qu’à la sélection. C’est une agriculture pour riche agriculteur ou agriculteur de pays riches.

Le blé a quelques dispositions naturelles pour se défendre de ces sophistications manipulatrices. Mais si une responsabilité politique ne se développe pas, seuls les grands groupes issus de méga-fusions et investisseurs des « sciences de la vie » décideront ce qui est bon pour l’ensemble de la citoyenneté du Monde. Les énormes budgets de recherche (minimum : 1 milliard de dollars pour par ex. : un marché intérieur français de la semence d’1,8 milliards de dollars/an) ont favorisé les regroupements.

En 1996, les deux géants et ex-frères ennemis suisses, Ciba-Geigy et Sandoz, se marient pour créer Novartis. Et après nouveau mariage en 1999 avec Astra Zeneca ( qui est déjà une fusion entre une firme suédoise et une firme britannique en 1999 ) pour créer Syngenta dont la division semence sera acquise par ChemChina en 2017, vu plus loin.

Du Pont qi a acquit Pioneer, (OPA finalisée en 1999 de 10 milliards de dollars), cette dernière intégrera en son sein Dow Chemical en 2017, compagnie qui avait acheté Union Carbide en 2001, responsable en 1984 de la catastrophe de Bhopal (500.000 victimes dont 3.787 morts « officiels ») du à un fuite de gaz insecticide. Finalement en 2018, cette fusion d’entreprises portera le nom Corteva (Contraction des expressions Coeur & Nature).

Monsanto firme du Missouri se « mariera »  avec Calgene, DeKalb, Asgrow puis Pharmacia Upjohn en 1999. Seminis Vegetable Seeds qui sera acheté en 2005 pour 1,4 milliards de dollars. Finalement la firme Monsanto sera reprise par Bayer en 2016, vu plus loin.

Fin 1998, Rhone-Poulenc et Hoechst (précédemment en joint-venture avec Schering dans AgrEvo et qui avait acquis Plant Genetic Systems), fusionne et crée Aventis, l’ensemble sera repris par Bayer en 2003.

En 2016-17 après plusieurs OPA, ChemChina (China National Chemical Corp, société du parti communiste chinois) achète Syngenta pour 43 milliards.

En 2016 toujours, Bayer a racheté Monsanto pour 59 milliards de dollars.

La concentration du marché en est pratiquement à son maximum, avant la situation de monopole de marchés nationaux ou au sein de traités de consortium d’états et même pour le marché international[188], ce qui nécessite après chaque opération de regroupement des contrôles de la part d’organismes officiels régulant l’interdiction de ce monopole du marché ne laissant plus la possibilité à la libre concurrence de jouer le jeu.

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Tout cela se passe sur quelques années principalement à la fin du xxe et début xxie siècle[189]. Cela se décide par un conseil d’administration en fonction du bilan financier et de la voracité plus que de l’humanité des actionnaires de toute façon anonymes et insouciants des dégâts collatéraux[190]. C’est comme cela que se prennent les décisions, est-ce responsable ?

Actuellement on demande aux pays du Sud de la Terre, ce que nous, pays du Nord de celle-ci, n’avons pas réussi nous-mêmes, c’est-à-dire sauver le patrimoine et la diversité génétique. Seuls 4 % des surfaces de la Terre sont aménagées pour la préservation des espèces[191] et paradoxalement à l’heure de la biotechnologie, le trésor de la diversité génétique est en voie d’extinction. Indice de mauvaise gestion du patrimoine, la perte de variabilité génétique est très forte, parfois avec des taux d’extinction 100 fois supérieurs au passé[192]. Dans ce qu’il est convenu d’appeler du nom du biologiste russe Centre Vavilov (lieu que l’on considère d’origine de l’espèce et où la plus grande variété de cette espèce est présente), les populations de blés originels ont subi une réduction considérable par la révolution verte et la diffusion de nouvelles variétés[193]. À l’inverse, sur les 136 variétés de froment créées en France de 1959 à 1982 on remarque qu’elles sont presque toutes cousines et que la descendance de la variété Noé puis Capelle sont prépondérantes[194].

Dans les années 1970, la variété Cama occupait près de 50 % des surfaces cultivées en Belgique[195]. À la fin de ces mêmes années 1970, la moitié du froment canadien n’appartenait qu’à une seule variété. Encore récemment, dans la récolte française de 1994, la variété Soissons détenait 40,5 % des surfaces cultivées en froment et dans certaines régions, elle occupait plus de la moitié des emblavements[196]. Au point qu’en 1994, alors que la variété Soissons détenait encore 38 % des emblavements, l’enquête sur le comportement en boulangerie des variétés cultivées ne se faisait qu’en étude de complémentarité de cette variété[197].

Et pourtant, c’est dans le patrimoine variétal qu’on a trouvé la solution à la crise du maïs en 1970 aux États-Unis, où la progression de la maladie dans les champs se faisait à 80 km par jour[198]. C’est dans le capital variétal que des sélectionneurs voulant développer une variété de sorgho riche en protéine ont trouvé deux variétés locales chez des paysans éthiopiens après une quête infructueuse de 9 000 variétés provenant des banques de gènes du Monde entier[199]. C’est grâce au chercheur Jack Harlan qui ramena de Turquie la variété de froment PI 178384 que furent sauvées des récoltes américaines de la rouille jaune, un fléau bien connu aux États-Unis[200].

Cette communauté d’intérêts entre environnement et économie est mise en exergue par ces exemples. Il existe d’autres situations dramatiques où la diversité génétique aurait été une solution, la plus citée est la famine due à la maladie mildiou de la pomme de terre irlandaise vers la moitié des années 1840. Ce qui causa la mort de 800 000 êtres humains et l’expatriation de 1 000 000 personnes. Ce qui fait qu’il y aura longtemps plus d’irlandais hors d’Irlande que sur l’île au gaélique[201]. D’autres crises alimentaires, en Inde, aux États-Unis, en ex-U.r.s.s., au Brésil sont à citer, c’est où sévissent des maladies comme la rouille, le chancre des agrumes. Ces événements n’ont souvent pas dépassé l’information régionale ou spécialisée et n’ont eu aucune chance d’atteindre une phrase d’information d’un journal télévisé de 20 minutes[202]. Comme toute information lancinante et non étincelante, la perte de la biodiversité qui se paie en accroissement du risque en agriculture a bien peu de chance d’être entendue et pris en compte. Ajoutons l’aveu d’un responsable de recherche qui signale qu’aujourd’hui, « ce n’est pas tant la sélection que les conditions économiques dans lesquelles elle se pratique qui poussent à l’uniformisation génétique[203] ».

III. 15. Banquier des gènes et/ou Gène de banquier ?

On pourrait rétorquer que l’on a pensé sauver le patrimoine génétique.

Dans l’immédiat d’après-guerre, les banques de gènes conservent par le froid toutes les variétés de semences des plantes cultivées. Pour conserver ses semences, l’association « Graines de Noé » préconise un taux d’humidité de 14% et 7 à 8°C[204]. Dans les grandes banques de semences, pour une bonne conservation de la germination, on considère qu’il faut pour conserver 3 ans une température de +5 °C, pour 20 ans, -5 °C et pour 100 ans, – 20 °C[205]. Stockées dans du nitrogène liquide à du -150 °C, ce sera sans dommage[206], mais il existe des pertes du taux de germination. Cette conservation s’orchestrent autour des C.i.r.a. (Centres Internationaux de Recherche Agricole, fig.13) avec la collecte et la conservation par espèce[207]. Ainsi l’I.r.r.i ouvert à Los Banos aux Philippines en 1960 se concentre sur le riz, le C.i.p. à Lima au Pérou sur la pomme de terre en 1971. Pour le froment c’est au Mexique que le Cimmyt, Centre international d’amélioration pour le maïs et le froment, (Maize Y Trigo en espagnol) [208], s’ouvre en 1943 et puis s’agrandit en 1966[209]. Sans contester leur rôle positif, la plus grande critique accordée à ces banques de gènes est qu’elle conserve ex-situ avec tous les risques inhérents à la conservation par le froid (pannes et pertes parfois irrémédiables dans ces cas), mais aussi avec le risque d’un taux de régénération faible. Dans quatre banques de gènes, le taux de régénération est de 35 %, 25 %, 33 % et 50 %. Au National Seed Storage Laboratory (Nssl) ou Laboratoire national de conservation des semences des États-Unis, seulement 28 % des 232 210 échantillons testés, avaient été révélés sains et propres à la germination[210]. Le Cimmyt a autrefois distribué en 4 ans plus de 47 000 échantillons à travers le Monde[211]. Il a créé des méthodologies de sélection et a introduit des gènes de nanisme en 1964 dans le blé, dénommé également (X.3.1 et sa fig.5) blé du miracle [212]. Ce qui vaudra en 1970 le prix Nobel de la paix à Norman Borlaug le directeur du centre d’El Batan, près de Mexico. Aujourd’hui le Cimmyt et les autres C.i.r.a. (fig.13) doivent se plier aux règles du marché [213]. Les recherches s’effectuent en partenariat avec des acteurs privés et en transgénique, la distribution des nouvelles accessions se réalise dès lors avec royalties et brevet à la clef.

Un des directeurs de l’Icarda, Salvatore Ceccarelli directeur à ce C.i.r.a. jusqu’à fin 2011 à Alep en Syrie et déplacé à Beyrouth depuis, est dans les experts pour les zones arides et l’orge. Comme il prônait la sélection participative, en créant les semences sur le terrain avec les paysans et non dans des laboratoires de recherche, il se dit « mis sur la liste noire des invités de colloques internationaux », puisqu’il ne souhaitait pas que l’on mise sur une variété de blé quasi universel en termes de sol, mais super-dépendante des intrants.

Jean-Pierre Berlan, ancien directeur de recherche à l’I.n.r.a., se dira lui placardisé du fait de ses positions anti-Ogm. La collection des gènes (dites aussi : germoplasme) devient de plus en plus l’affaire de firmes privées. La chambre forte de l’ile norvégienne des Spitzberg à Svalbard[214], bien qu’initiative de l’État norvégien, est gérée par le Global Crop Diversity Trust où les fondations privées occupent une grande place. La conservation ex-situ, vue par les banques de gènes internationales faillit à la tâche conservatrice de qualité, puisqu’elle ne peut organiser l’entretien de la vitalité de toutes ces semences par sélection conservatrice sur le terrain et ont un taux de régénération fort bas. C’est grâce à la culture sur leurs sites d’origine (in situ) que l’on peut garder l’identité des souches et faire évoluer celles-ci face aux nouvelles conditions environnementales et de culture.

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