Reconnaissances 9ème partie
Le 31 mai 2015 à Bordeaux, en congrès des Compagnons charpentiers des Devoirs (Compagnons charpentiers du Devoir, enfants du Père Soubise, fusionnés en 1945 avec les Compagnons charpentiers du Devoir de Liberté, enfants de Salomon) a eu lieu une reconnaissance inattendue en quelque sorte, celle des Compagnons boulangers et pâtissiers restés fidèles au Devoir par les Compagnons charpentiers des Devoirs!
Le lieu revêt un caractère tout à fait particulier car c’est à Bordeaux qu’est archivé par les Compagnons passants tailleurs de pierre, le plus ancien document connu à ce jour concernant la reconnaissance des Compagnons boulangers, une demande adressée par ces derniers aux Compagnons Passants tailleurs de pierre datants de 1829, signée d’Angevin la tendresse.
Cette nouvelle reconnaissance en 2015 est en effet d’une certaine manière inattendue, car qui aurait pu envisager il y a encore cinq ans, qu’une telle chose soit possible, après 200 ans de refus de reconnaissance de la part de cet ancien corps d’état considéré dans le légendaire compagnonnique comme l’un des cinq à l’origine du Compagnonnage du Devoir.
Là encore, une leçon que l’homme a bien souvent tendance à oublier, dans notre univers, rien n’est figé…tout se mue, tout évolue, tout se transforme, à chaque minute, à chaque seconde… Dans ce monde en constant mouvement, homme et humilité ne doivent faire qu’un, si l’homme n’est pas rien, il doit avoir en mémoire qu’il n’est pas grand-chose…
Cette reconnaissance n’est pas tombée du ciel, elle est le fruit de rapports fraternels apparus au sein des sociétés d’Anciens Compagnons Réunis vers 1860, entre des Compagnons charpentiers et boulangers, et plus tard, au sein de différents groupements Compagnonniques telle la Confédération Salomon-Jacques-Soubise de l’entre-deux-guerres où Abel Boyer, Périgord Coeur Loyal fut l’un des principaux chefs de file.
N’oublions pas que les Compagnons boulangers et Pâtissiers du Devoir de la Cayenne de Paris, au lendemain de la seconde guerre mondiale, fêtaient Saint Honoré rue Mabillon avec pour invité d’honneur le Compagnon charpentier du Devoir de Liberté, Raoul Vergez, Béarnais l’Ami du Tour de France dit le Serment Fidèle.
Je me dois et je tiens également a citer tout particulièrement une Cayenne où les liens se sont particulièrement tissés ces dernières décennies, c’est la Cayenne des Compagnons charpentiers des Devoirs de Tours qui elle aussi est tout un symbole pour les compagnons boulangers et pâtissier, puisque c’est au 11 rue de la Serpe que les jeunes charpentiers sur le tour de France séjournent, ancienne auberge des Mères Jacob et Criteau, mères des Compagnons boulangers du Devoir pendant près d’un siècle !
Depuis de nombreuses années, il n’est pas rare de remarquer sur les photographies de Saint Joseph prises dans la cour de ce 11 rue de la Serpe, quelques chiens blancs la tête encore enfarinée des fournées dominicales et matinales, revêtus de leurs couleurs au milieu de nombreux chiens-loups.
Je me permets et je tiens à citer plus particulièrement un Compagnon charpentier des Devoirs en activité de cette Cayenne de Tours. Je sais qu’il ne va pas aimer voir son nom couché sur cette feuille et j’espère qu’il ne m’en voudra pas, la modestie et la discrétion étant son maitre mot.
Mais le Devoir m’impose de rendre à César ce qui est à César, c’est la coterie Robert Poisson, Tourangeau la Vertu, Compagnon charpentier des Devoirs, auquel l’on ne peut donner de leçon sur ce qu’est la fraternité entre les hommes de métiers de bonne volonté.
Parmi les compagnons boulangers et pâtissiers de Tours qui ont patiemment tissé ces liens de la grande chaine fraternelle, je ne citerai que ceux qui ont rejoint notre Maître Jacques céleste et que nous aurions aimé voir ce 31 mai à nos côtés, ce sont les Compagnons boulangers Maurice Dufour, Tourangeau l’Etoile du Devoir et Pierre Belloc, Bordelais l’Inviolable.
Inattendue donc, mais paradoxalement également attendu, car cette reconnaissance est aussi le fruit d’un travail plus officiel, d’ouverture et de découverte d’un Devoir envers l’autre. Une oeuvre commencée en 2011 où chacun a participé, où chacun a placé sa pierre, des présidents de Fédérations, de Cayennes, aux jeunes chiens-blancs et chiens-loups, Compagnons et Aspirants sur le tour de France.
J’entends déjà certains dire en rigolant : à quoi bon ces cérémonies d’un autre siècle, ces cérémonies surannées, terminée l’époque des reconnaissances ! Le 19e siècle, il est bien loin ! C’est du folklore !
En bien à ceux-là, je répondrais simplement que le Compagnonnage n’est pas constitué que de formation professionnelle …non, le Compagnonnage, c’est également ces cérémonies rares et particulières qui, outre les signatures sur un parchemin venant figer pour l’avenir le présent, permettent à des hommes de Devoir de s’unir afin de vivre une profonde fraternité à un moment précis, voulu et organisé.
Permettre à travers ce moment fort voulu par leurs anciens, à de jeunes ouvriers sur le tour de France de deux professions de se découvrir et de s’estimer, détruisant ainsi les préjugés issus de l’ignorance réciproque.
Il n’est pas question de folklore quand le moment est vécu profondément, en conscience et dans l’émotion, en harmonie et en communion avec la vie quotidienne de ses acteurs.
Une reconnaissance comme celle-ci, est venue ce 31 mai dernier planter un nouveau jalon dans la mémoire des Compagnons présents, un nouveau repère dans la mémoire des Devoirs de la charpente et de la boulangerie et pâtisserie.
Jalon permettant j’en suis certain, aux générations futures de Compagnons et Aspirants de continuer comme nous l’avons fait et nous le faisons, à voyager sur ce chemin sans fin qui conduit au Devoir accomplit.
C’est cela, Le Compagnonnage !
Vive les Compagnons et Aspirants charpentiers des Devoir !
Vive les Compagnons et Aspirants boulangers et pâtissiers R.F.A.D. !
Et par trois fois : Vive la Fraternité !
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité. C.P.R.F.A.D.