Du pain souillé d’ordure humaine…
Il est très rarement abordé par les histo-amoureux du pain ce qu’a été le pain dans les prisons de France au 19e siècle. Un extrait de l’ouvrage Tableau de l’intérieur des prisons de France édité en 1824 nous fait découvrir ce que fut ce pauvre pain pour ces pauvres gens.
La date, 1824, est particulièrement intéressante, c’est en effet la période où nous trouvons pour fait de coalitions et incitations au désordre, le plus de garçons et compagnons boulangers derrière les barreaux,. Ces lignes rapportent donc ce qu’ont vécu et supporté ces hommes…
“Le pain, seule nourriture du prisonnier pauvre, devrait être le premier objet de la surveillance de l’administration. Il serait à souhaiter que sa fourniture ne fût jamais donnée en entreprise aux boulangers, et que, dans aucune prison, on en laissât la distribution aux soins des directeurs ou économes, des concierges et gardiens. Nous savons que, parmi eux, on en vois d’honnêtes et d’humains, mais la plupart sont durs, intéréssés, peu délicats. L’avarice veut se satisfaire par les plus indignes moyens, et la cupidité fait naitre l’injustice. Dès que la distribution du pain est faite par une de ces personnes, et que le boulanger en a l’entreprise, il se forme entre eux une infâme collusion pour lever un barbare impôt sur la seule nourriture des malheureux prisonniers. En pareil cas, les plaintes n’arrivent pas jusqu’à l’autorité : instruit d’avance du jour où le magistrat ou l’inspecteur veut faire sa visite, on distribue ce jour la seulement, le pain convenable ; le prisonnier qui a ignoré cette visite et qui a mangé le pain de la veille, ne peut plus appuyer ses réclamations par la preuve ; et voudrait-il se plaindre, ses plaintes, malgré leur justice, auraient le double inconvénient de lui attirer la haine des directeurs et des gardiens, et d’être traitées d’assertions mensongères d’un prisonnier mutin.
Si la chose était possible, il se faudrait que le pain se fabriquât dans l’intérieur des prisons. Un administrateur livrerait tous les jours, à des ouvriers boulangers salariés, la quantité de farine suffisante. Les boulangers publics donnent peu de soins au pain des prisonniers. Leurs ouvriers, qui font un pain plus fin pour la vente journalière, jettent dans le pétrin des prisonniers tout ce qui est le rebut des autres pétrins. On a vu (ô comble de barbarie ! ) distribuer dans une prison du pain souillé d’ordure humaine ; il paraît que les boulangers croient aussi que les détenus cessent d’être homme dès l’instant où ils sont incarcérée… »
* Tableau de l’intérieur des prisons de France, ou Études sur la situation et les souffrances morales et physiques de toutes les classes de prisonniers ou détenus, par Ginouvier (J.-F.-T.) Paris, Baudouin Frères Libraires, 1824 ; consultable google books.
Fournil de la prison de Fresnes (1900-1915) Source BNF Gallica
Prison de Fresnes, la paneterie.
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.