Voici aujourd’hui, extraites du « Dictionnaire militaire, portatif, contenant tous les termes propres à la guerre, sur ce qui regarde la tactique, le génie, l’artillerie, la subsistance, la discipline des troupes et la marine » (Volume 1 François-Alexandre Aubert de La Chesnaye des Bois 1758 chez Gissey) deux définitions très intéressantes, celle de la boulangerie et celle du boulanger.
Nous allons découvrir l’utilisation de Petrin en marbre, une discipline de fers a l’égard des boulangers trafiquants de farines, ou bien encore l’origine oubliée du mot « tour » (table de travail du tourier).
Bonne lecture !
« Boulangerie, est le lieu où sont construits les fours qui servent à la cuisson du pain pour les troupes. Chaque Place, de quelque sorte qu’elle soit, doit avoir la boulangerie pour le pain de la garnison et être construite dans un endroit écarté des magasins à poudre, mais commode pour le service et le plus près qu’on pourra des farines.
Le bâtiment doit être composer d’un vestibule, qui donne à la chambre de la distribution, laquelle communiquera au grand magasin de pain.
Il doit y avoir une ou plusieurs salles, avec leurs cuves de marbres, pour y travailler les pates ; ces salles aboutissent aux fours, qui seront construits auprès du magasin à bois, et dans un endroit tel que la fumée des fourneaux ne puisse incommoder les quartiers et la maison du Gouverneur.
Toulon ancienne boulangerie de l’arsenal
On conduit par le moyen des pompes l’eau qu’on tire, ou des fontaines, des puits ou citernes, dans la salle des pates, pour la plus grande aisance des Garçons boulangers, auxquels, comme au Distributeur, on fait les logements nécessaires dans le même lieu et parce qu’en temps de siège, ces sortes de bâtiments ne sont guères à l’abri de l’artillerie ennemie, on a soint de faire faire des fours dans les casemates pour s’en servir dans l’occasion, lesquelles doivent avoir les tuyaux des cheminées postés de façon qu’ils ne donnent point d’incommodité à la place.
Les boulangeries en campagne s’établissent dans les villages et dans les villes les plus proches de l’armée, et celles qu’on est contraint de construire à l’hate n’ont de commodité qu’autant que les lieux le permettent, mais elles sont toujours proches des rivières ou de quelques fontaines : au défaut des unes et des autres, on a recours aux puits.
Les ustensiles de la boulangerie pour chaque four sont un pétrin de sapin bien sec, long de six pieds, large au fond d’environ quinze pouces, s’élargissant par le haut, qui doit être de deux pieds et demi. Les barres de devant et les traverses du fond par-dessous, doivent être de chêne pour le rendre solide, avec doubles équerres de tous côtés. Sa profondeur est de deux pieds et le derrière doit être plus haut que le devant, pour la commodité du pétrisseur.
Un Petrin doit contenir environ trois sacs de farine pour faire cinq cents rations et le surplus demeure au levain. Le couvercle de ce pétrin se nomme le tour, parce qu’il sert à tourner le pain ; il a sept pieds de demi de long.
Les autres ustensiles sont :
Une chaudière d’un pied et demi de diamètre et de vingt pouces ou vingt deux de profondeur ; une pelle de fer à enfourner, parce qu’on en use beaucoup de bois, et que celles de fer sont très commodes pour porter en campagne ; une grande pelle à défourner, deux pellerons, un rabe ou fourgon.
Un seau ferre, car les autres durent peu ; un coupe-pâte, une ratissoire ; une gamelle ou sébile pour prendre de l’eau dans les chaudières et de la farine dans les sacs, un bouchoir de four : ceux des fours des Places sont de fer et ceux qu’on porte en campagne sont de bois.
Une balance pour peser la pâte, il faut qu’elle soit à fléau de fer et juste, afin que le boulanger n’ait point d’excuse, s’il fait le pain court.
Un poids de marque de trois livres et demis, car ce poids en pâte revient à trois lives de pain cuit et rassis. Il doit être de fer fondu, afin qu’on ne puisse l’altérer :
quatre demi-livres de cuivre avec leurs diminutions ; les commis s’en sert pour peser le pain et voir ce qui en manque.
On donne encore à chaque four deux tonneaux pour mettre la provision d’eau pour le jour et pour la nuit et des tinettes pour garder les levains.
Outre les ustensiles, on porte toujours a la suite de l’armée un grand fleau de fer, joint a ses plateaux, avec des poids jusqu’à deux cents livres pour peser la farine aux boulangers et toutes sortes d’outils pour la construction des fours, à savoir :
cinquante truelles, vingt marteaux a pointes (les maçons se les prêtent les uns les autres) deux grands compas, quelques règles, des coignées, des haches, des pics, des pioches, des louchets, des bêches, des pelles férées et de tout cela un bon nombre.
La boulangerie de l’arsenal de Toulon est construite en 1695 а l’ouest du bastion du marais qui abrite 6 fours doubles Elle est achevée e en 1700. Cette boulangerie voit en 1785 ses capacités décuplées avec la création d’une aile complémentaire et l’ajout de 8 fours doubles pour la boulangerie afin de produire du biscuit de mer.
Boulangers. Il faut nécessairement des boulangers dans les armées pour faire le pain de munition. Le commis qui preside à la construction des fours a le soin d’assembler les boulangers que les Entrepreneurs des vivres lui envoient de Paris pour travailler au pain de munition. Il laisse aux maîtres boulangers qui sont la tete de la brigade, le choix libre de leurs garcons, afin que le service puisse se faire mieux. Quand les brigades sont formées, il assigne à chacune un four et un autre commis charge du travail leur fait délivrer des farines et ustensiles. Chaque brigade de boulangers, ou chaque four a un commis qui veille au travail de la munition.
La farine qu’on apporte des Places frontières doit être bonne et des sacs de poids ; car lorsque l’un ou l’autre manque, il est impossible aux boulangers de faire de bons pains et de rendre cent quatre vingt ration du sac, comme ils s sont obligé.
Il n’y a point de métier plus rude que de faire du pain de munition et l’on en est persuadé quand on considère que les boulangers d’armées continuent quelquefois un travail plus de cinq semaines sans se coucher, que sur des sacs et qu’ils passent souvent des nuits entières sans dormir, tellement que les jambes enflent, particulièrement aux pétrisseurs.
C’est au brigadier de chaque four à prendre son repas, qu’il puisse délivrer lui-même son pain et avoir l’oeil sur ses gens.
Il y a punition corporelle envers tout boulanger convaincu de n’avoir pas fait du pain du poids de l’ordonnance.
On voit des boulangers sans aveu suivant l’armée, qu’on nomme communément Maquilleurs et qui font du pain pour vendre au quartier du Roi, ces gens-là ne manquent jamais de lier commerce avec les boulangers de la munition et de les porter à tamiser leur farine et à leur en vendre.
On éloigne ces corrupteurs autant que l’on peut et si l’on en trouve quelqu’un saisi de la farine du Munitionnaire, le Directeur ou le Commis Général des vivres est en droit de les mettres entre les mains du prévôt de l’armée, ainsi que ceux qui lui vendent la farine ou dans le four desquels on trouve des instruments à tamiser la farine pour en commercer la fleur avec ces Maquilleurs, et comme il est arrivé plusieurs fois, on pend ces fripons ou ont les envoyes aux galères.
Il faut cent soixante boulangers pour fournir une armée qui consommera cinquante mille rations.
Ce nombre forme quatre-vingts brigades, composées chacune d’un Maître et de trois garçons, dont vingt travailleront pour l’armée et les autres attendront du travail.
Cependant, on leur paye leurs journées à un prix modique jusqu’à ce qu’ils aillent gagner quelque chose aux travaux qu’ils auront entrepris.
On entretient ces surnuméraires par precaution pour être prêts à établir un nouveau travail, lorsque le général a dessein de décamper et de s’éloigner du lieu ou l’armée tire ses subsistances ».
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité C.P.R.F.A.D.