L’union compagnonnique 1/2

Les compagnons boulangers du Devoir aux compagnons boulangers, pâtissiers, cuisiniers, charcutiers des Devoirs Unis… Voici un chapitre que j’ai confié à l’historien des compagnonnages et de l’Union Compagnonnique en particulier, l’un de mes Frères en Compagnonnage, Jean Philippon, Bordelais la Constance, compagnon cuisinier des Devoirs Unis.

En effet, écrire ces lignes moi-même aurait été possible, mais elles n’auraient été que recopiage ou «remix» des nombreuses recherches effectuées depuis plus de trente ans par Bordelais la Constance.

Étant un adepte fervent du «rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu», j’ai décidé de partager avec lui Le Pain des Compagnons et je romps donc ce morceau à son intention.

Bordelais la Constance fait partie de ces compagnons vivant en profondeur et en conscience le nom qu’il porte, ce cum panis, «celui avec qui l’on partage le pain» , de façon simple et profonde, sincère et fraternelle.

Agricol Perdiguier

En 1839, sous la monarchie de Juillet, Agricol Perdiguier, Avignonnais la Vertu, compagnon menuisier du Devoir de Liberté, entama à travers son livre la prise de conscience du monde du Compagnonnage et releva ses contradictions, notamment les rixes entre corps d’état ou entre rites.

Cette époque donna naissance aux premières sociétés d’Anciens Compagnons Réunis qui regroupaient des compagnons remerciés, de corps d’état et de rites différents, dans diverses localités de France, leur but étant de se secourir mutuellement.

Ce chapitre est dédié à la mémoire de Pierre Gauducheau, Vendéen la Ténacité, compagnon boulanger des Devoirs Unis, reçu le 7 mai 1983 à Nantes, président général de l’Union Compagnonnique de 1993 à 1999, décédé de maladie le 8 janvier 2011.

Sociétés de secours mutuels et clubs

En 1842, à Lyon, fut créée la 123e Société de secours mutuels sous le nom des Anciens Compagnons Réunis, Amis de l’Industrie.

À Paris, au lendemain de la révolution de 1848, fut créé le Club des Compagnons de tous les Devoirs Réunis (1) dont les chevilles ouvrières furent principalement des compagnons tailleurs de pierre du Devoir Étranger et le compagnon cordonnier-bottier Toussaint Guillaumou (2), Carcassonne le Bien Aimé du Tour de France.

En 1864 fut créée à Lyon une seconde société compagnonnique de secours mutuels, portant le numéro 170, la Société des Anciens Compagnons de Tous les Devoirs Réunis, qui groupait en son sein des compagnons de divers corps et rites.

C’est elle qui, voulant poursuivre l’œuvre d’Agricol Perdiguier, prit l’initiative d’un immense banquet ré- unissant le 2 avril 1865 à la Rotonde tous les compagnons.

< Couleur bleue présumée d’une société d’Anciens Compagnons des Devoirs réunis de Paris ; Coll. privée.

Ce banquet fut considéré à l’époque comme l’une des plus belles fêtes que le Compagnonnage ait connue. À ce banquet étaient présents de nombreux invités, avocats, médecins, économistes et près de trente compagnons boulangers :

  • Antoine Chabanne, Forézien le Triomphant (reçu à Lyon à Pâques 1844).
  • Jacques Teyssot, Clermont la Résistance (reçu à Lyon à Pâques 1849).
  • Guillaud, Lyonnais le Bien Estimé (reçu à Lyon à Noël 1840).
  • Benoît Édouard, Lyonnais le Flambeau du Devoir (reçu à Lyon à l’Assomption 1846).
  • Joanny Deschamps, Dauphiné la Franchise (reçu à Lyon à Pâques 1861).
  • Rochet, Sablais Va De Bon Cœur (reçu à Orléans à la Toussaint 1833).
  • Guillaumier, Limousin le Décidé (reçu à Lyon à la Saint-Honoré 1839).
  • Gauthier, Dauphiné le Vainqueur (reçu à Lyon à la Saint- Honoré 1840).
  • Louis Millon, Dauphiné le Flambeau du Devoir (reçu à Troyes à Noël 1850).
  • Perraud, Dauphiné la Fidélité (reçu à Lyon à la Toussaint 1852).
  • François Dervieux, Dauphiné Beau Désir (reçu à Lyon à Noël 1843).
  • Jean Putavy, Forézien Cœur Joyeux (reçu à Troyes à Pâques 1861).
  • Pierre Duplat, Vivarais la Clef des Cœurs (reçu à La Rochelle à Pâques 1851).
  • Claude Fraisse, Dupuy Soutien du Devoir (reçu à Lyon à Pâques 1852).

(1) Voir chapitre Les révolutions, paragraphe La révolution de 1848.

(2) Frère du compagnon cordonnier-bottier du Devoir Louis Guillaumou. Il fut l’un des fondateurs en 1854 de la Société des compagnons cordonniers de l’Ère Nouvelle du Devoir. En 1853-1854, il demeurait à Bercy, 21, rue de Charenton. Auteur des Confessions d’un Compagnon (1864). Décédé à Vienne (Autriche) où il enseignait le français.

Tableau souvenir du 1er congrès de la Fédération Compagnonnique de Tours les Devoirs Réunis, Lyon, le 1er novembre 1874 ; premier portrait, rangée du centre, Achille Liausu, Bordelais la Fraternité, compagnon boulanger du Devoir représentant les Anciens Compagnons Réunis de Bordeaux ; Coll. privée.

  • Séraphin Champion, Dauphiné l’Aimable (reçu à Dijon à la Toussaint 1858).
  • Honoré Joubert, Dauphiné l’Amitié (reçu à Lyon à la Toussaint 1847).
  • Claude Ticeron, Dauphiné l’Ami du Tour de France (reçu à Rochefort à la Toussaint 1852).
  • Jean Cuminal, Vivarais le Soutien des Couleurs (reçu à Lyon à la Toussaint 1854).
  • François Guillon, Dauphiné la Justice (reçu à Paris à la Saint- Honoré 1864).
  • Émile Trémeaux, Bourguignon Cœur Joyeux (reçu à Lyon à l’Assomption 1855).
  • Hugues Chapuis, Lyonnais Plein d’Honneur (reçu à Lyon à Pâques 1853).
  • Jean Gourgaud, Forézien Cœur Loyal (reçu à Lyon à Noël 1864).
  • Jacques Lalisse, Dauphiné l’Exemple de la Sagesse (reçu à Lyonà Pâques 1856).

Couleur rouge de la 170e société
de secours mutuels composée d’Anciens
compagnons remerciés de Lyon
fondée en 1864 ; coll. J. Philippon.

  • Étienne Rousset, Dauphiné l’Ami de la Gloire (reçu à Lyon à l’Assomption 1853).
  • Claude Mioland, Mâconnais la Vivacité (reçu à Lyon en 1845).
  • Thomas, Forézien le Bien Décidé.
  • Blanc, Bédarieux la Fidélité.
  • Laplanche, Béziers le Serment de Fidélité.
  • Bernard, Dauphiné la Faveur.

En 1872, sous l’impulsion de Lucien Blanc, Provençal le Résolu, la Société des Anciens compagnons réunis,
Amis de l’Industrie et la Société des Anciens Compagnons de Tous les Devoirs Réunis fusionnèrent.

 

La Fédération Compagnonnique
de Tous les Devoirs Réunis

Couleur rouge de la Fédération
Compagnonnique de Tous les
Devoirs Réunis, 1874 -1889.

Du 1er au 3 novembre 1874 se tint à Lyon le congrès des Sociétés d’Anciens Compagnons Réunis. Celui-ci rassembla vingt et une sociétés d’Anciens Compagnons Réunis sur les vingt-cinq existantes à l’époque, sociétés qui se fédérèrent et fondèrent la Fédération Compagnonnique de Tous les Devoirs Réunis.

Le compagnon boulanger du Devoir, Liausu, Bordelais la Fraternité, représenta la Société des Anciens Compagnons Réunis de Bordeaux, et à ce titre, vota la fondation de cette fédération. Lucien Blanc en devint le premier président général.

Le but de cette société était de réorganiser le compagnonnage. Un cérémonial compagnonnique fut établi pour tout compagnon entrant dans la Fédération Compagnonnique de tous les Devoirs Réunis, le partage d’une coupe de vin qui unifiait en un seul et même faisceau les compagnons des trois rites Salomon, Jacques et Soubise.

L’article 6 de ses statuts en était la démonstration : «Tous les compagnons sont égaux, les rangs, les préséances sont abolis». À cette époque les compagnons boulangers du Devoir furent reconnus mais pas par l’ensemble des compagnonnages du Devoir. Adhérer donc à des sociétés d’Anciens Compagnons Réunis fédérés et ainsi avoir droit à la parole dans des assemblées communes fut cependant pour eux un signe fort de recon- naissance de leur qualité de compagnon.

Lyon, second congrès, du 25 au 27 septembre 1879

Ce congrès, présidé par Lucien Blanc, Provençal le Résolu, eut la particularité de ne pas rassembler uniquement des sociétés d’An- ciens Compagnons Réunis, mais aussi les corps actifs, les participants acceptèrent la constitution fédérale et donnèrent leur accord à une reconnaissance générale.

Le corps actif des compagnons boulangers du Devoir de la cayenne de Lyon apposa son cachet sur la constitution. Cependant, la volonté de Lucien Blanc, Provençal le Résolu, d’unifier le Compagnonnage, connut à ce moment-là ses limites, car tous les corps d’état ne rejoignirent pas la F.C.D.T.L.D.R. (Fédération Compagnonnique de Tous les Devoirs Réunis.) ni plus tard l’Union Compagnonnique.

< Le compagnon boulanger du Devoir Jean-Baptiste Morin, Vendéen l’Ami des Compagnons, revêtu de la couleur de la Fédération Compagnonnique de Tous les Devoirs Réunis.

En effet, certains défendirent bec et ongles leur histoire, leur identité et leurs rites, considérant que leurs organisations avaient prouvé par le passé leur efficacité et que ce nouveau compagnonnage n’apporterait que confusion et perte d’indépendance.

Un courant d’opposition fut fondé en 1880 à Nantes, le Ralliement des Compagnons du Devoir. Un titre de chevalerie (Chevalier de l’Ordre de Maître Jacques et du Père Soubise), une caisse de retraite et un journal furent créés, qui apportaient ainsi aux compagnons Restés Fidèles Au Devoir des avantages sociaux comparables à ceux proposés par la Fédération. Cette caisse de retraite est tou- jours en activité aujourd’hui.

Bordeaux, troisième congrès, du 4 au 6 septembre 1884

Lors de ce congrès de la Fédération Compagnonnique de Tous les Devoirs Réunis, toujours sous la présidence de Lucien Blanc, Provençal le Résolu, vingt et un corps actifs étaient représentés par quarante-neuf délégués, trente-neuf villes fédérales d’anciens compagnons envoyèrent chacune un mandataire.

Mais huit compagnonnages du Devoir déclinèrent l’invitation. La fusion de deux compagnonnages fut évoquée : celle des menuisiers du Devoir avec les menuisiers du Devoir de Liberté, de même que celle des compagnons cordonniers-bottiers du Devoir avec ceux de l’Ère Nouvelle du Devoir.

Une fusion passagère des menuisiers eut lieu mais ce n’est qu’en 1889 que les cordonniers fusionnèrent. Une caisse générale mutuelle fut créée.

Par délibération, de nouveaux articles furent ajoutés au règlement. Chaque corps d’état conservait son rite (article 5) ; chaque société administrait librement ses finances (article 6).

L’article 16 adjoignit à l’administration centrale un conseil de vingt-cinq membres. L’organisation de la caisse de retraite fut modifiée. Tout compagnon actif ou retraité pouvait adhérer à la caisse, ainsi que son épouse. La cotisation de douze francs fut maintenue ; pour bénéficier de la retraite il fallait être âgé de plus de cinquante-cinq ans et avoir cotisé durant au moins cinq années.

< Honoré Joubert, Dauphiné l’Amitié, représentant les Anciens Compagnons Réunis de Vienne au congrès de Lyon en 1874.

Les membres du congrès étaient toujours préoccupés par la situation de plus en plus compromise du Compagnonnage. Mais les compagnons, s’ils étaient d’accord pour reconnaître le mal, étaient loin de s’entendre sur les moyens à employer pour le combattre. Les uns attribuaient la décadence du Compagnonnage actif à l’exclusion des hommes mariés dont ils réclamaient l’admission, d’autres voulaient que l’on perfectionne l’enseignement professionnel. Le délégué Alexandre Salles, Alexandre le Poitevin, compagnon serrurier du Devoir, demanda en vain que l’on reçoive les ouvriers de tous les métiers. Une motion de Mathurin Gaboriau, L’Espérance le Saintonge, compagnon cloutier du Devoir, tendait à la fusion de tous les corps et de tous les rites et subit le même sort. On décida cependant d’admettre les compagnons charpentiers du Devoir de Liberté. Le congrès se sépara le 5 septembre, les divisions entre compagnons demeurèrent toujours profondes, autant que par le passé, et l’accord fut loin d’être complet entre les sociétés composant la Fédération. En 1886, afin de pallier le manque d’effectifs de certains corps d’état, comme les boulangers, il fut décidé de recevoir compagnons des hommes mariés, la notion de Tour de France s’effaça…

De la Fédération de tous les Devoirs Réunis à l’Union Compagnonnique

Du 3 au 7 septembre 1889, eut lieu à Paris le quatrième congrès de la F.C.D.T.L.D.R. Ce congrès devait unifier le Compagnonnage en vue de le régénérer. La Fédération Compagnonnique de tous les Devoirs Réunis prit le nom d’Union Compagnonnique. Lucien Blanc en devint naturellement le premier président général.

Au cours de ce congrès une commission ad hoc fut créée et chargée d’étudier les « intérêts de l’activité » (activité, nom utilisé à l’époque pour représenter les corps actifs sur le Tour de France), c’est-à-dire d’analyser les modalités à mettre en place afin que toutes les sociétés adhérant à l’U.C. puissent accepter le principe d’une réception générale unique, en harmonie avec les rites existants et qu’ainsi une Union Compagnonnique puisse voir le jour.

Un vote eut lieu dont voici les résultats :

  • 18 corps actifs présents acceptèrent la fusion.
  • 2 corps actifs présents la refusèrent.
  • 4 corps actifs présents s’abstinrent.
  • 28 villes de la Fédération Compagnonnique votèrent l’U.C.
  • 7 ne votèrent pas, les délégués étant absents.

La constitution de la Fédération Compagnonnique fut amendée pour devenir celle de l’Union Compagnonnique et le sujet de la formation professionnelle fut abordé. Le congrès adopta l’article suivant :

Article 11 : le règlement déterminera le port des insignes et créera un insigne spécial et uniforme qui sera offert aux nouveaux reçus par l’Union Compagnonnique. Ainsi au bout d’un certain temps tous les compagnons auront un seul et même insigne le jour de leur réception.

Le congrès créa aussi un journal intitulé l’Union Compagnonnique qui fut édité à Lyon deux fois par mois, de 1889 jusqu’à la mort de Lucien Blanc en 1909.

Les compagnons Boulangers du Devoir, corps actif, étaient représentés par trois délégués :

    • Abel Ruppert, Blois Fleur d’Amour (Reçu à La Rochelle à Pâques 1859.)
    • Antoine Gibrat, Bordelais le Soutien des Frères (Reçu à Tours à l’Assomption 1846.)
    • Auguste Hérault, Poitevin Cœur Loyal (Reçu à La Rochelle à Pâques 1851.)
    • Joseph Jaboureck, Guépin la Clef des Cœurs (Reçu à La Rochelle à l’Assomption 1878). P.E.V. de la cayenne d’Orléans, représentait la chambre fédérale de cette ville.

Les compagnons boulangers du Devoir présents à ce congrès adhérèrent aux principes de l’U.C., mais durent soumettre leur décision au Tour de France, lequel ne la ratifia pas.

Le 12 décembre, ces compagnons boulangers signèrent l’acte organique et constitutionnel de l’U.C. se plaçant sous l’égide des trois fondateurs légendaires du compagnonnage, Salomon, Jacques et Soubise. Abel Ruppert, Blois Fleur d’Amour et Achille Blandeau, Angoumois l’Ami du Courage (Reçu à Bordeaux à l’Assomption 1847.), signèrent au nom du corps d’état des boulangers du Devoir.

Plus de deux cents compagnons boulangers du Devoir adhérèrent à l’U.C. L’U.C. organisa son congrès du 3 au 9 septembre 1894 à Nantes. Devant les prises de position du Ralliement des Compagnons du Devoir qui, par son organe, attaqua de façon virulente les buts et la constitution même de l’U.C., le congrès décida de recevoir les aspirants des corporations n’ayant pas encore adhéré à l’U.C. Tel fut le cas des boulangers.

Le Congrès de Nantes

Nous irons au congrès de Nantes
Compagnons des trois fondateurs,
Avec nos mines rayonnantes
Parés de nos riches couleurs,
Avec l’intention sincère
De démontrer à l’adversaire
Sans fiel ni propos discourtois
Que si chez nous vient la jeunesse
C’est que nous usons de sagesse
De sollicitude à la fois.

C’est qu’aux débats de notre cause
Auxquels nous l’avons convié
Il n’a plus dit la même chose ;
Nous, nous n’avons point dévié.
Nous avons fait plus au contraire ;
Nous l’avons même appelé frère
Quand il nous traitait de Judas ;
C’est que chez nous la foi l’emporte,
La haine ridicule est morte
Et ne ressuscitera pas !


Tableau souvenir du congrès de l’Union Compagnonnique à Nantes du 3 au 9 septembre 1894.

Nous sommes le nombre et nul doute
Que nous ayons la qualité ;
Confiants nous suivons la route
Qui mène à la légalité.
Oui, pour accomplir sa réforme
Notre organisme se transforme
Cédant à la loi du progrès ;
Et Salomon, Jacques et Soubise
Présideront la cour d’assises
La cour d’assises du congrès !

Compagnons au labeur énorme,
Frères aux métiers délicats,
Le principal des vœux qu’on forme
C’est la paix entre corps d’état !
C’est des devoirs l’autonomie ;
Qu’on se tende une main amie ;
Qu’on abjure erreurs, préjugés !
Après cela viendront en foule
Les projets nouveaux qu’on refoule
Avant de les avoir jugés.

Frères aux charges permanentes
Ainsi qu’aux propos aigres-doux
Vous irez au congrès de Nantes
Pour apaiser votre courroux.
Là, vous pourrez sans symétrie
Exposer votre théorie
Avec son application.
Nous, nous exposerons la nôtre.
Tant mieux pour vous si c’est la vôtre
Qui mérite l’attention.

Haut les cœurs !
Haut les consciences !
Le nom de compagnon pâlit
Depuis qu’on vit sans déférences
Dans un perpétuel conflit.
L’astre du beau Compagnonnage
Encore à l’éclatant mirage
Viendrait-il à diminuer ?
Non, si sous ses chaudes haleines
Nous savons dissiper les haines ;
Oui, si l’on veut continuer.

Nous irons au congrès de Nantes
Jeunes et vieux, sages partout
Pour voir des choses étonnantes
Sortir de l’alambic qui bout ;
Pour appuyer le témoignage
Des corps du beau Compagnonnage
Sur les conquêtes à venir ;
Pour consacrer par sa présence
L’œuvre extra fraternelle en France
Espoir sacré de l’avenir !

Le poète compagnonnique
Envoie à ses frères aimés
Sa voix pour le Devoir unique
Ses vœux pour les projets formés.
Au nom du Devoir qu’il révère
Il lève par trois fois son verre
Et boit à la santé de tous ;
Puis reprenant sa douce lyre
Il chante en son joyeux délire
Compagnons, de grâce, aimez-vous !

Eugène Reigner, Rochefortin l’Ami des Compagnons Château d’Oléron, 24 janvier 1894.

 

Le premier compagnon boulanger de l’Union Compagnonnique

C’est à Dijon que le 23 février 1895 fut reçu le premier compagnon boulanger de l’U.C., Charles Maire, sous le nom de Bourguignon la Fidélité, présenté par des compagnons de Lyon, Claudius Tournaire, Forézien l’Ami de la Liberté et Claude Mioland, Mâconnais la Vivacité, Premier en ville depuis plusieurs années. Mais ceux-ci furent violemment attaqués dans la presse de l’époque pour avoir agi ainsi et furent qualifiés de traîtres au Devoir :
«Aux CC∴ Boulangers Du Devoir Chers frères,
La société qui s’intitule, par ironie sans doute, Union Compagnonnique, vient de déclarer officiellement la guerre à notre corporation. Elle a reçu un prétendu compagnon boulanger ; ces messieurs auront eu grand soin de choisir un jeune homme qui n’ait jamais bougé de sa ville natale, car si leur recrue avait quelque peu voyagé, elle ne serait pas tombée dans le panneau.
Je n’insisterai pas sur le rôle qu’ont joué dans cette comédie unioniste les sieurs Mioland et Tournaire, anciens compagnons boulangers, je dis anciens à dessein, car il me paraît impossible que la chambre administrative de Paris ne frappe pas d’une exclusion, qu’ils n’auront certes pas volée, ces deux messieurs…… À dater de la réception susdite nous traiterons les unionistes en ennemis. J’ai le ferme espoir que nombre de compagnons boulangers qui en font encore partie enverront immédiatement leur démission à Messieurs Blanc, Frugier et compagnie. Quant à ceux qui n’auront pas assez de cœur au ventre pour prendre cette détermination, un vote général du T.D.F. leur appliquera, je l’es- père, la seule peine qui puisse frapper celui qui trahit son serment et son devoir. Ils ne peuvent en effet rester compagnons boulangers du Devoir et combattre leur société mère comme membre de l’Union, il faut être de l’un ou de l’autre……Allons compagnons, debout à la déclaration de guerre, à l’Union répondons par des actes.
Ménager, Tourangeau l’Ami des Arts C. Boulanger D.D.»

À Lyon, le 15 février 1895, cinq compagnons boulangers du Devoir signèrent l’autorisation donnée à l’Union Compagnonnique de recevoir des compagnons boulangers :

Livret de membre de l’Union Compagnonnique, section de Dijon, de Louis Dutrion, Bourguignon l’Aimable Courageux, daté du 1er janvier 1901. Bourguignon l’Aimable Courageux quittera l’Union Compagnonique en 1909 pour rouvrir à Dijon la 18e cayenne des compagnons boulangers du Devoir.

Nous tous soussignés compagnons boulangers du Devoir de diverses villes du T.D.F.,
Vu l’état où se trouvent plusieurs villes où nous n’avons plus de Mère, ce qui nous empêche de recruter des aspirants,
Vu le refus de notre société de répondre à la demande de la circulaire du congrès de Nantes,
Vu la demande faite par plusieurs de nos aspirants de se faire recevoir à l’U.C.,
Considérant qu’il est dans l’intérêt de notre corporation de recevoir à l’U.C. les aspirants dignes et capables qui lui seront présentés, conformément au règlement,

Par ces divers motifs, autorisons l’U.C. à recevoir les aspirants boulangers aux conditions suivantes :
1er- Que les aspirants seront d’une conduite sans reproche, attestée par des pièces à l’appui, tel que casier judiciaire, livret militaire ou autre équivalent.
2ème- Qu’ils seront capables de faire avec honneur les travaux qui leur seront confiés.
3ème- Que les compagnons qui les présentent se seront assurés de leur savoir professionnel et s’en porteront garants.
4ème- Aviser après chaque réception la société la plus proche de la corporation des compagnons boulangers afin que cette dernière puisse enregistrer ses nouveaux membres et les instruire.

Claude Mioland, Mâconnais la Vivacité.
Claudius Tournaire, Forézien l’Ami de la Liberté.
Jules Goy, Lyonnais l’Ami du Tour de France.
Jean-Baptiste Coquet, Lyonnais Cœur Sincère.
Jean André Cuminal, Vivarais le Soutien des Couleurs.

Suivirent :
À Château d’Oléron, le 18 février 1895
Eugène Reignier, Rochefortin l’Ami des Compagnons.

À Jarnac, le 1er avril 1895
Louis Pingeot, Périgord l’Ornement du Devoir.
Jules Loupard, Angoumois la Victoire.
Bernes, Limousin l’Ami des Frères.

À Agen, le 2 avril 1895
Léopold Modeste, Champagne l’Ami des Compagnons.
François Gayon, Landais la Fraternité.
Louis Conques, Béarnais l’Ami du Travail.
Antoine Gaillac, Agenais la Plaisance.
Henri Laforgues, Agenais l’Humanité.
Jean Larroumet, Montauban la Bonne Conduite.
Caban, Agenais le Bien Aimé.

À Bordeaux, le 9 mai 1895
Paulin Gruimaudou, Bergerac le Soutien des Couleurs.
Delrieux, Bergerac le Triomphant.
Jean Baptiste Colon, Angoumois l’Aimable Conduite.
Bertrand Julien, Libourne la Concorde.
Adrien Thibault, Bordelais le Juste.
Édouard Lemory, Quercy Noble Cœur.
Faveau, Saintonge le Soutien des Couleurs.
Jean Flouret, Bordelais la Pensée.
Gadoux, Angoumois Bon Accord.
Bernard Souris, Limousin Bon Accord.
Léon Bruneau, Tourangeau la Clef du Devoir.
Pierre Coiffard, Angoumois Beau Séjour.
Louis Thore, Gascon Cœur Sincère.
Louis Cros, Vivarais l’Amitié.
Honoré Joubert, Dauphiné l’Amitié.

À Giez, le 15 juin 1895
Edmond Victor Roger, Parisien l’Aimable.

À Toulouse
Louis Conques, Béarnais l’Ami du Travail.
Firmin Batut, Toulousain l’Enfant Joyeux.
Alexandre Turlan, Toulousain la Vigueur.

À Chalon-sur-Saône
Jean Marie Barraud, Mâconnais la Gaité.
Claude Jacob, Mâconnais le soutien du Devoir.
Denis Ménager, Mâconnais la Fierté du Devoir.
Jean Viaud, Chalonnais la Liberté.
Jean Baptiste Chatillon, Chalonnais Franc Cœur

À Angers, le 5 octobre 1895
Samoyault, Poitevin Sans Chagrin.
Martin Reille, Toulousain le Secret du Devoir.
René Bordereau, Saumur la Vigueur.
Cyprien Corbineau, Saumur Cœur Content.
Bardin (nom incertain), le Fier Décidé.

Cachet attribué aux compagnons
boulangers du Devoir dit
Les Amis de l’Union,
1890-1895

À Toulon
Florent Borrely, Saint-Esprit le Flambeau du Devoir.
Henri Perrin, Avignonnais Plein d’Honneur.
Firmin Sartori, Provençal l’Ami des Compagnons.
Lacombe, Languedoc Bel Exemple.
Véron Giraud, Brignoles la Clef des Cœurs.
Antoine Hébrard, Languedoc Belle Union.

À Troyes
Charles Villard, Dauphiné l’Ile d’Amour.
Édouard Robereau, Poitevin la Sagesse.
Joseph Roux, Dupuy le Triomphant.
Auguste Challiot, Saintonge le Bien Courageux.
Ferdinand Gérard, Champagne le Bien Estimé du Tour de France.
Jean Chauvin, Angoumois l’Enfant Joyeux.
Henri Sechet, Angoumois la Tranquillité.
Victor Poussin, Manceau Beau Désir.
Joseph Oddoux, Dupuy l’Ami de la Gloire.

À Nantes
Eugène Baron, Angevin l’Aimable Conduite.
François Huet, Nantais l’Enfant Joyeux.
Louis Ferré, Nantais Bel Exemple.
Isidore Olivier, Nantais le Génie du Devoir.
Jean Richou, Angevin la Tranquillité.
Philippe Cariol, Quercy l’Enfant Chéri.
Gérard Meignier, Nantais l’Ami du Droit.
Jean Haumont, Nantais le Bien Estimé.
Émile Barre, Angevin va de Bon Cœur.
Pierre Marie Vincent, Nantais la Pensée.

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D. Extrait du livre  LE PAIN DES COMPAGNONS

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