Les scissions 4/7 XXe

Le 26 juin 1922, le compagnon Baudin, Angoumois le Fier Courageux, Président du Conseil central des Enfants de la Vérité dans un courrier intitulé « Le Compagnonnage chez les boulangers de la rue Charlot, 16 » adressé à Auguste Boussion, Nantais l’Ami des Compagnons, compagnon charron du Devoir, Président général du Ralliement de Nantes, énumère les reproches fait aux compagnons boulangers du 16, rue Charlot :

« Dans l’immense tourbillon qu’est notre siècle, le Devoir perd pied, il essaye d’y échapper, il en mourra ou en renaîtra plus fort. De tous les points du Tour de France, quelques trop rares compagnons crient : “ Où es-tu Devoir, ombre de nos pensées, épave légère dans le prolétariat ? ”

Si tu eusses écouté les compagnons clairvoyants, tu ne serais pas dans ce gouffre. Aujourd’hui, tu voguerais, radieux, tandis que tu es affreusement aspiré dans le néant, par qui ? Par la bêtise, l’ignorance, l’incapacité.
Tu as voulu aller à l’aventure, vois quel est ton sort !

Tu es balloté dans ce tourbillon sans but bien déterminé.
Est-il possible que le Devoir se manifeste sans idéal, sans idées saines et probes, de se plonger dans le mal, la calomnie, la haine et le mépris de la fraternité ?

Le culte du veau d’or, nulle justice, l’écrasement d’une partie des siens, ce n’est pas avec de tels principes que la rue Charlot fera régner l’amour et l’harmonie.
Le Devoir de ce jour est un crucifié dans le compagnonnage, pourquoi est-il en lutte avec lui et martyrisé par ce dernier ?
Le Devoir ne peut-il aimer l’harmonie ? A ces questions, il répond : “ Je suis la victime de C∴C∴ que je ne saurais combattre et dont je ne voudrais pas me débarrasser ”.
Le Devoir voudrait vivre tels ses principes vrais, et non un tissu de mensonges, de contradictions, et d’ignorance complète, ce qui nous reporte loin dans le passé du plus pur Moyen Âge.

De nos jours, un C∴ est un animal redoutable à un C∴. Le Devoir, si fier de son talent, de ses capacités, rougit de voir tant d’incapables qui n’ont jamais voulu profiter de ses leçons, et qui sont ses élèves.

Contemplez dans une séance, de la fenêtre d’en face, en spectateur impartial, que de turpitudes, dans la multiplicité de ses aspects ; il ravit un peu, mais écœure souvent.
En haut, une poignée d’intrigants, de parasites, issus des couches sombres du prolétariat, puis en bas, les compagnons sincères, maltraités, esclaves, soumis par la force du fouet, en mépris du droit, de la justice. Les uns debout commandent et se gavent, les autres obéissent.

Ces lignes, cher Pays Boussion, je vous laisse le soin d’en faire usage selon ce que votre sagesse vous guidera. Je l’avoue très franchement, je les ai prises sur la table du Pays Magnan, Angoumois l’Exemple de la Justice. Il est toujours ce qu’il a été depuis 1880, tel à Nantes 1892-1903 au temps où il était secrétaire au journal Le Ralliement de Nantes.

En mon nom et celui du Conseil central qui dirige la société sur le Tour de France, recevez cher Président l’assurance de notre amitié inaltérable pour le Devoir ainsi que tous les C∴C∴ du Devoir de Nantes.
Une cordiale poignée de main, d’un C∴ qui compte sur votre appui, Baudin, Angoumois le Fier Courageux, C∴B∴D∴D∴R∴F∴A∴D∴ de Maître Jacques. Retiré du Tour de France en 1870.

Le 6 août 1922, c’est au tour du Syndicat des compagnons boulangers et stagiaires du n°16, rue Charlot, de s’exprimer auprès du compagnon Boussion, Président général du Ralliement de Nantes. Dans ce courrier, les signataires se considèrent comme les vrais compagnons boulangers du Devoir, et font part de leur inquiétude de voir les Enfants de la Vérité cotiser au Ralliement.

Ils informent aussi que parmi ces compagnons boulangers, lors de leur première réception, deux compagnons exclus à vie étaient présents, et qu’ils ne se contentaient pas de recevoir des métiers de l’alimentation, mais aussi un menuisier. Ils demandent donc que ces compagnons boulangers soient écartés du Ralliement comme brebis galeuses, semeurs de discordes, ambitieux, renégats et traîtres.

Les signataires de ce courrier sont :
Hubert Papin, Saintonge le Bien Aimé, secrétaire adjoint de la Fédération Intercompagnonnique de la Seine,
Joussemet, Vendéen la Bonne Résistance. Massicot Émile, P.E.V. ,
Lebeau, Berry l’Aimable Courageux, S.E.V., Deanjean, Montauban Laurier d’Amour, Rouleur,
Despugeol, Agenais la Clef des Cœurs, secrétaire adjoint, Alac Louis, Rouergue Franc Cœur,
Pelat Félix, Versaillais la Douceur,
Talou Jean, Montauban le Bien Décidé.

Le compte rendu du Congrès Fédéral Intercompagnonnique des 2, 3 et 4 novembre 1922, précédant la naissance de la Fédération Générale du Compagnonnage, publié dans Le Compagnonnage en décembre 1922 nous fait découvrir les interventions et les positions de chacun.
La première journée, Hubert Papin, Saintonge le Bien Aimé, compagnon boulanger du Devoir, secrétaire adjoint de la Fédération intercompagnonnique de la Seine, présente un ordre du jour au nom des compagnons boulangers du Devoir de la ville de Paris, sur l’affaire des Enfants de la Vérité, ainsi conçu :

« Les C∴ Boulangers du Devoir de la ville de Paris décident que leurs délégués ne prendront part aux discussions et travaux du congrès que si ce dernier décidait à l’unanimité, sans aucune abstention, qu’en aucun cas et pour aucune circonstance, les membres de la société des C∴ Boulangers et assimilés, dont le siège central est actuellement 10 rue des Fontaines du Temple, Paris 3e, ne pourra entrer à la Fédération Générale du compagnonnage, même en passant par une autre société, serait-ce même le Ralliement.

Cette soi-disant société de C∴ Boulangers prétend avoir plusieurs succursales sur le Tour de France, ayant été fondée par l’ex C∴ Magnan, exclu à vie de la Société des compagnons boulangers du Devoir de la ville de Paris, 12e Cayenne du Tour de France, chambre directrice. Motif de l’exclusion : Abus de confiance en matière purement compagnonnique. »

À l’extrême gauche : Abel Boyer, Périgord Cœur Loyal, compagnon maréchal-ferrant; Mme Toupin, Mère des compagnons maréchaux de la ville d’Angers ; un compagnon non identifié, un compagnon boulanger avec canne et couleur de rouleur non identifié ; Mme Cornibé, Mère des compagnons boulangers de Paris ; le Premier en ville des compagnons boulangers de Paris, non identifié ; un compagnon charpentier du Devoir ; Mme Pouplard, Mère des compagnons charpentiers du Devoir de Liberté de Paris ; un compagnon charpentier du Devoir de Liberté ; au second rang : Hubert Papin, Saintonge le Bien Aimé, compagnon boulanger du Devoir ; un compagnon maréchal-ferrant non identifié ; un compagnon sellier non identifié ; un compagnon charpentier du Devoir de Liberté ; près de la bannière, un compagnon boulanger du Devoir non identifié.

À la lecture de ce texte, le compagnon charpentier du Devoir Robin demande s’il y a des représentants du compagnon Magnan dans la salle, la réponse est négative, pas de trace des Enfants de la Vérité. Puis Ernest Boyer prend la parole :

« Ce compagnon a mené une campagne sur le Tour de France, et à cette époque, le Ralliement n’étant pas averti de ce que je vous explique aujourd’hui a presque donné raison au C∴ Magnan qui se plaignait de la chambre du Ralliement de Paris. Je crus, à ce moment, bon de mettre en garde les C∴ du Ralliement contre cet homme qui est indigne de porter le nom de C∴. Donc, les C∴ Boulangers nous demandent aujourd’hui si nous devons tenir compte de ce C∴. Je crois que vous serez unanimes à ne voir dans ce C∴ que l’homme qui veut faire lui-même et qui ne nous intéresse pas. » Approbation.

Puis le président de l’Union Compagnonnique d’Angers, le compagnon charron Le Bihan, Nantais la Victoire, informe le congrès d’une situation particulière :
Je vous cite le fait qui s’est produit à Angers. Magnan s’est présenté chez un patron boulanger, (Il y a de très fortes probabilités pour que Magnan utilise ses relations maçonniques pour propager les Enfants de la Vérité sur toute la France, ce patron boulanger est sûrement membre d’une loge.) qui n’était pas compagnon et lui a remis tout un dossier concernant le compagnonnage depuis sa naissance et le priant de fonder une société de C. : boulangers. Me sachant président de l’U∴C∴, ce patron boulanger m’a mis au courant et je l’ai invité à aller voir les C∴ boulangers d’Angers. Je crois que ces papiers sont enterrés dans son coffre-fort.»

Quelques instants après, Hubert Papin tire une nouvelle salve contre Magnan et sa société :
« Les C∴ boulangers demandent que pour aucune raison et pour aucun motif les C∴ que fait le C∴ Magnan ne soient admis à la Fédération. Il fait des C∴ menuisiers, il fait des C∴ de toutes les corporations qu’il rencontre sur sa route. Les C∴ je vous dis ceci : Beaucoup de C∴ et Aspirants boulangers de chez nous vont chez Magnan, dans la croyance que Magnan les fera admettre à la Fédération et à la caisse de retraite. Quelques-uns de chez nous se sont laissé entraîner. Je demande que le congrès décide que les C∴ présentés par Magnan ne soient pas admis à la Fédération. »

Henri Meisterzheim, Parisien la Franchise, Président général de l’Union Compagnonnique prend position en répondant tout simplement « que ces gens qui ne sont pas venus ne sont pas des C∴ ».
La lecture est faite par Ernest Boyer, d’un article de presse diffusé dans le journal de droite L’Intransigeant, le 1er novembre 1922, et inspiré par Magnan :

« Les Compagnons du Tour de France Il s’agit du Tour de France à pied…
Les compagnons du Tour de France déposent une palme aujourd’hui au Père Lachaise sur la tombe d’Agricol Perdiguier, Avignonnais la Vertu.
Les compagnons ? Où les voir ? Car le temps n’est plus où, en les rencontrant sur la route, on pouvait leur dire : « Enfin, je vous trouve chez vous ! »

Heureusement, nombre d’entre eux, amis ou adversaires, se réclament de Jacques de Molay, qu’ils nomment Maître Jacques ou Jacques Bourguignon, duc de Molay et qui fut le dernier Grand Maître des Templiers.
Où voir les compagnons ? Parbleu, dans le quartier du Temple, et même par surcroît de certitude, rue du Temple ou rue des Fontaines-du-Temple !
Ceux que j’ai interrogés ont leur siège dans cette dernière rue, au fond d’un café dont la patronne est leur « Mère ».

Ils s’intitulent Compagnons boulangers et assimilés restés fidèles au Devoir », et constituent une société séparée, d’origine toute récente, première preuve de la vivacité de la foi compagnonnique.
Il y a là, le « Premier en ville » ou président, le « rouleur » ou secrétaire trésorier maître de cérémonies, ainsi que des compagnons divers.

Ces boulangers aux millénaires traditions vont-ils me parler de Jacob, disant à son huitième fils, inventeur je suppose du pain Azyme : « Azer, ton pain sera bon et fera les délices des Rois » ? Non, nous voici tout de suite de plain-pied dans le présent.
Nous avons dix-sept sièges en France, dans des grandes villes. Nous comptons trois cent cinquante adhérents. Ils se répartissent, vous le savez, en aspirants, jeunes compagnons, compagnons reçus et compagnons initiés. Ils sont ouvriers ou patrons, syndiqués ou non, rouges ou jaunes. Patrons et ouvriers se respectent réciproquement. Nul esprit de classe : des Compagnons !

Nous prenons les jeunes gens à seize ans. Aucune cotisation tant qu’ils ne gagnent pas d’argent. Nous aidons les compagnons quand ils voyagent. Ils ont droit de manger gratuitement pendant deux jours dans chaque ville ou ils cherchent du travail. Mais le cas ne se produit plus en ce moment, puisque nous n’avons aucun « flâneur » et manquons au contraire de quatre ou cinq hommes par jour pour faire face aux demandes des employeurs.

Nous avons encore nos cannes, nos couleurs. Mais le temps n’est plus où nous voyagions à pied principalement.
– En 80, interrompit Vendéen la Chaîne d’Alliance * (un patron-compagnon qui va se retirer après fortune faite), en 80 je suis parti à pied de Paris pour Dijon avec deux sous que j’ai dépensés à Vincennes pour acheter une boîte d’allumettes. Aujourd’hui, il est plus économique de voyager en chemin de fer.
(* Trichereau Alexandre, Vendéen la Chaine d’Alliance, reçu à Nantes à la Saint-Honoré 1882.)

– Et pourquoi continuer à faire le Tour de France ? Repris-je.
– Pour apprendre son métier. Ah ! Vous croyez que le pain de Paris est le meilleur de France ! C’est une erreur. Sauf chez les petits patrons, il est trop vite travaillé. D’une manière générale, celui de Rochefort, Toulon, Marseille, Bordeaux lui est préférable.
– Et puis voyager n’est-ce pas là la meilleure manière de nous connaitre entre nous, de nous juger, de nous apprécier et, par là, de nous entraider efficacement ?
Un des nôtres, patron boulanger à Rochefort, nous écrivait un jour :
« Pays, je vais me retirer. Trouvez-moi un bon compagnon, je lui céderai mon fond le même prix que je l’ai payé. »

Un bon fond Monsieur ! Trois fournées en hiver, neuf à dix en été. Et nous savions aussi que, l’ayant installé lui-même, il n’avait eu à en payer que l’aménagement. Riche affaire par conséquent.
Nous connaissions dans la région le compagnon-ouvrier à la Rochelle, Vendéen, marié depuis deux ans. Nous l’avons informé de la chose.
« Arrange-toi avec lui ! » Pour quelques sous, le marché a été conclu.
Et ce cas n’est pas une exception.

Se douterait-on que Comtois Bon Courage, compagnon boulanger, dirigeant aujourd’hui un grand magasin de la rue de Rivoli est licencié en droit ? Licencié en droit aussi Grelot, quatre-vingt-dix ans, dit l’Angevin l’Ami des Cœurs, boulanger depuis son enfance dans les environs de Saumur et dont le fils et le petit-fils continuent la profession, Saumur Bon Accord, soixante ans, dont le fils a repris le fond de boulangerie !

Cela vous étonne. Vous ignorez sans doute aussi qu’un certain boulanger de la Place Clichy, qui n’est pas des nôtres, il est vrai, sort de Polytechnique et fut colonel pendant la guerre ?
En rentrant chez moi, je relus Le Tonnelier de Nuremberg d’André Laphin. »

En réponse à cet article, le compagnon Abel Boyer fait cette lecture et la met au vote :

« Les C∴ de tous Devoirs et rites réunis en Congrès rue des 4-Fils, au siège de la Fédération mutualiste de la Seine, regrettent que l’un des rédacteurs de L’Intransigeant se soit égaré rue des Fontaines-du-Temple pour trouver le compagnonnage.
Le Congrès fait savoir que les véritables C∴ Boulangers du Devoir ont leur siège, 16 rue Charlot, et que c’est cette Société qui possède les dix-sept sections sur le T∴ de F∴.

Quant au milieu de la rue des Fontaines-du-Temple, il n’est composé que par des hommes mis en dehors du compagnonnage. Le Congrès met la presse en garde contre leurs agissements.
Cet ordre du jour à L’Intransigeant est accepté pour lui être adressé. »

Le courrier des compagnons boulangers de la rue Charlot et ces extraits du Congrès Fédéral Intercompagnonnique démontrent bien que les congressistes veulent faire barrage à toute tentative de Magnan d’entrer dans des structures intercompagnonniques (Ralliement, Fédération Générale), car, dans le cas contraire, il aurait obtenu une « reconnaissance » tacite de la nouvelle société des Enfants de la Vérité, des différents corps d’état membres de ses structures.

Joseph Cesneau, Manceau l’Ornement du Devoir
En 1923 Joseph Cesneau, Manceau l’Ornement du Devoir, est délégué au placement des compagnons boulangers de la cayenne de Paris, 16 rue Charlot. En 1924, il est exclu des compagnons boulangers du Devoir de la rue Charlot et rejoint la Société des compagnons boulangers restés fidèles au Devoir dits Les Enfants de la Vérité

(comme l’atteste une copie d’un livret des Enfants de la Vérité – musée du Compagnonnage de Tours – délivré le 21 janvier 1925 à Lucien Bouillette (Né le 19 octobre 1905 à Marines 95.), Versaillais, comportant sa signature : J. Cesneau).

C’est un coup dur porté aux compagnons boulangers de la rue Charlot, car Manceau l’Ornement du Devoir déménage avec le carnet d’adresses des patrons et de plusieurs compagnons.

C’est le compagnon boulanger Georges Renard, Bourguignon l’Ami des Arts, âgé de quarante-deux ans qui lui succède :
«… sans se décourager, le Conseil Central, aidé du Comité de Paris, s’est mis activement à l’œuvre. Que fallait-il pour remonter la Société ? Du travail d’abord. Et pour avoir du travail, un délégué au placement capable de démentir avec preuves à l’appui les calomnies et les mensonges colportés chez les patrons par les délégués scissionnistes, sur notre Société.

Nous avons trouvé ce délégué en la personne de notre F. : Renard, Bourguignon l’Ami des Arts, auquel nous devons une grande part du succès remporté sur ce point. (H.Papin, Rapport moral 1925) »

* Joseph Cesneau, Manceau l’Ornement du Devoir, est habitué au changement de société. Après avoir été reçu compagnon boulanger du Devoir à La Rochelle le jour de l’Assomption 1883, il occupe en 1885 la position de Premier-en-ville de la cayenne de Tours et est pour le ralliement des Compagnons du Devoir.

En 1890, étant domicilié à Sablé-sur-Sarthe, Manceau l’Ornement du Devoir adhère à la toute jeune Union Compagnonnique des Devoirs Unis du Mans.

(* Joseph Arsène Ladislas Cesneau, né le 02/05/1861 à Chevillé (72), fils de Joseph Cesneau, âgé de 39 ans, cultivateur et d’Eugénie Cousin, son épouse âgée de 40 ans. Reçu compagnon boulanger du Devoir à La Rochelle le jour de l’Assomption 1883, il se dirige vers Toulon, passe le 25 février 1884 à Saint-Maximin en signant le livre de passage tenu par le compagnon charron Audebaud (voir chapitre La Sainte-Baume).

En 1886 il est domicilié à Solesmes, commune limitrophe de Juigné-sur-Sarthe, où il épouse le 14 décembre Marie Emilie Baillif, lingère âgée de 16 ans. Le couple Cesneau quitte vers 1888 Solesmes pour le 10, quai National à Sablé-sur-Sarthe où ils tiennent une boulangerie qui verra naître deux fils : le 4 mars 1890, Daniel Joseph Louis (décédé à 83 ans, à son domicile 22, rue Sextius Michel Paris 15e et inhumé le 26/12/1976dans le caveau familial du cimetière du Montparnasse ) et le 13 avril 1891 Vital Joseph Louis Fernand (marié le 24/6/1916 à Paris13e avec Lucie Marie Louise Silvestri).

Le couple Cesneau quitte Sablé-sur-Sarthe entre 1891 et 1894 pour le 61, rue Daguerre à Paris. Deux nouvelles naissances, le 6 mars 1894, celle de Raymond Robert Joseph (marié le 10/02/1920 avec Françoise Bonin. Décédé à Paris le 22/07/1957) et le 14 septembre 1900, celle d’Yvonne Louise Marie Joséphine.)

Entre 1891 et 1894, il monte à Paris où il réintègre la Société des compagnons et stagiaires boulangers du Devoir de la villede Paris et adhère à la Fédération Intercompagnonnique de la Seine.

En 1925, Manceau l’Ornement du Devoir est le délégué au placement des compagnons boulangers restés fidèles au Devoir dit Les Enfants de la Vérité et en 1926, délégué au placement de L’Union Fraternelle des Compagnons et Aspirants Boulangers du Devoir.

Il semble qu’à cette époque la Société des compagnons boulangers restés fidèles au Devoir dits Les Enfants de la Vérité se mue en Union Fraternelle des Compagnons et Aspirants boulangers du Devoir. A noter que cet intitulé a déjà été utilisé par des compagnons boulangers du Devoir de Bordeaux entre 1851 et 1856.

À ce jour nous n’avons retrouvé aucune trace d’activité des compagnons boulangers restés fidèles au Devoir dits les Enfants de la Vérité qui soit postérieure à 1925.
Même situation pour son fondateur, François Magnan, Angoumois l’Exemple de la Justice.

Ce dernier est-il décédé entre 1923 et 1925 ? Est-ce l’arrivée dans ses rangs de Joseph Cesneau, Manceau l’Ornement du Devoir, et de plusieurs autres compagnons boulangers qui provoque ce possible changement ? Nous l’ignorons…
Fernand Péarron, Blois Plein d’Honneur, rencontre en 1925 le président des scissionnistes à leur siège à Paris. Ce n’est pas du goût du président général Hubert Papin, Saintonge le Bien Aimé, car selon lui il a remis en cause l’adhésion de la cayenne de Blois à la centralisation, il en fait part dans son rapport moral pour l’année 1925 :

«… Les manœuvres tentées par les scissionnistes, sur un certain nombre de compagnons de notre section de Paris, les faux bruits et les calomnies mensongères qui furent répandus sur le Tour de France eurent pour cause que la cayenne de Blois, qui avait adhéré sans réserve, reprit sa parole après une visite de son président très courte à notre siège, mais beaucoup plus longue chez les scissionnistes.
S’il est vrai qu’à cette époque les faits pouvaient paraître trompeurs, beaucoup de compagnons indécis fréquentaient les deux groupes. Si le président de la cayenne de Blois veut refaire son voyage, ainsi que les présidents des autres cayennes, lesquels pour le même motif ont refusé de se centraliser, ces Pays verront que la situation a changé, et qu’aujourd’hui elle est claire. Une enquête impartiale leur démontrera que les compagnons n’ont pas tardé à s’apercevoir qu’ils suivaient une route qui était loin d’être celle du Devoir.

Quelle preuve plus probante à vous donner que les nombreuses demandes de réintégrations qui nous obligent à vous proposer tout à l’heure un projet d’amnistie conditionnelle. […]
Les compagnons qui s’étaient momentanément éloignés pour des raisons toutes matérielles, après un appel décidé par l’assemblée générale du 20 mars, rejoignirent la société. Le dernier tronçon, les derniers retardataires, comme je vous l’indiquais tout à l’heure, demandent les réintégrations.

Il ne reste donc plus chez les scissionnistes que les quelques fondateurs, que nous considérons comme renégats, indignes de porter le nom de compagnon et que nous rejetons définitivement du compagnonnage. Il y a aussi ceux qui se sont laissé attirer par manque de connaissance et qui ont été reçus compagnons avec l’assentiment de l’une de nos cayennes dont je vous tairai le nom, elle saura d’ailleurs se reconnaître en lisant ce rapport.

Je n’aurais quand même pas cru qu’en dehors de toutes les traditions compagnonniques, de ce que les compagnons ont de plus sacré, l’honneur des compagnons du Devoir pouvait autoriser des renégats à recevoir des compagnons.
Je veux bien croire encore que ces compagnons, loin du théâtre des événements, ont cru sur parole ce qu’on leur avait dit, mais on n’accomplit pas un acte si important et si grave sans au préalable se renseigner.

Je leur demande, à ces compagnons, au nom de tous les compagnons boulangers du Devoir du Tour de France qui ont refusé dédaigneusement cette demande qui leur fut également faite, s’ils consentent à reconnaître ces compagnons faits par des renégats. J’attendrai la réponse…»

Amnistie
En 1926, une amnistie est prononcée par la Société des compagnons et aspirants boulangers de la Ville de Paris à l’intention des compagnons boulangers qui souhaiteraient réintégrer la branche mère des compagnons boulangers du Devoir, elle est publiée dans le journal Le Ralliement de mai 1926 :

« Amnistie conditionnelle chez les CC∴Boulangers de Paris
Plusieurs CC∴ boulangers qui avaient quitté la Société pour suivre des scissionnistes, reconnaissant qu’ils se sont égarés, ont demandé à la réintégrer. En tenant compte que la faute commise par ces PP∴ est d’autant plus grave que les uns l’ont faite sciemment et les autres inconsciemment, le Président général a demandé à la dernière assemblée :
1/ D’admettre le principe d’une amnistie conditionnelle qui s’étendra à tous les CC∴ boulangers radiés ou exclus par la cay∴ de Paris depuis le 1er janvier 1914, quels que soient les motifs.
2/ De nommer une commission qui devra examiner impartialement tous les cas qui lui seront soumis.
3/ D’établir par cette commission un rapport sur la question qui sera présentée à la prochaine A∴ trimestrielle.
Après une très large discussion, cette proposition a été votée à l’unanimité. »

Extrait du livre « Le pain des Compagnons » L’histoires des compagnons boulangers et pâtissiers

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

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