L’EXPOSITION NATIONALE « LE SAVOIR-VIVRE », PARIS, 1991
Cette exposition fut présentée d’avril à fin juin 1991 à la maison des Compagnons du Devoir de Paris, 1, place Saint-Gervais.
Voici ce qu’en dit Gilles Dutrion, Toulousain Franc-Cœur, l’un des acteurs principaux de cette exposition :
« Ce fut la première et la seule exposition nationale jusqu’à ce jour des compagnons boulangers et pâtissiers du Devoir. L’Association Ouvrière des compagnons du Devoir avait autorisé celle-ci, sous condition qu’elle soit auto-financée… Malheureusement, les travaux de préparation de cette exposition démarrèrent en même temps que la guerre du Golfe (1990-1991), ce qui entraîna la disparition de nombreux sponsors qui s’étaient engagés oralement…, ce qui provoqua un véritable doute sur sa concrétisation jusqu’au dernier moment… Jusqu’au jour où la providence incarnée par le compagnon boulanger André Noailles, Bordelais le Laborieux, par ses relations, nous fit avoir 40 000 francs versés par le Club-Med au titre de la taxe d’apprentissage.
C’est avec du baume au cœur que nous continuâmes à travailler pour cette exposition, nous savions enfin qu’elle allait voir le jour. Toutes les villes du Tour de France furent mobilisées jusqu’à son inauguration en avril 1991. De nombreuses personnes furent présentes ce jour-là. Les compagnons pâtissiers confectionnèrent un ruban en sucre qui fut tiré devant les officiels (M. Paquet, président de la Confédération nationale de la boulangerie, M. Millet, président de la Confédération nationale de la pâtisserie, M. Calvel, professeur de boulangerie, ami des compagnons), et coupé à l’aide d’un ciseau à sucre.
Dans le hall d’entrée de la maison des compagnons du Devoir étaient présentées plusieurs pièces artistiques de boulangers et pâtissiers, l’une d’elle marquera plus particulièrement les esprits, celle du compagnon Franck Perotti, Ile-de-France le Dévoué, un superbe toucan en forêt tropicale. Des niches se situant dans les murs furent utilisées pour présenter les fêtes familiales (baptêmes, communions, mariages…). Dans le hall d’entrée de la salle à manger, fut présentée une pièce d’apparat réalisée par les itinérants de la Cayenne de Bordeaux, confectionnée entièrement en pastillage, sous la direction de Stéphane Leroux, Picard la Tolérance. Cette pièce atteignait, par sa hauteur impressionnante, le deuxième niveau. Un camion bâché de 38 tonnes avait été utilisé pour son transport de Bordeaux à Paris, le transport dura une nuit, et à son arrivée à Paris, avec l’humidité du matin, une partie des collages avaient fondu… Les itinérants de Paris, prirent la décision de tout re-poncer et tout recolorer, afin que ce travail hors du commun, malgré cet accident, puisse être présenté.
En descendant l’escalier qui nous conduisit au niveau de la cour intérieure, des petites vitrines murales avaient été installées spécialement afin de présenter l’ensemble des fêtes annuelles.
Dans le hall de rez-de-chaussée, était exposé par René Edeline, Tourangeau la Franchise, l’historique de nos deux métiers. Puis dans la salle située sous la terrasse, une succession de vitrines, ayant pour thème les régions du Tour de France fut réalisée par chaque ville. Sur le mur de fond, était exposée une grande carte de France réalisée en pâte morte tressée par les itinérants de Paris, les villes de passage des compagnons boulangers et pâtissiers étaient représentées.
Au centre de cette salle, et sur toute sa longueur, pains spéciaux et régionaux se côtoyaient. Dans la salle située à l’ouest, un autre historique, mais compagnonnique celui-ci, présenté par Tourangeau la Franchise. Au centre des machines d’une autre époque que la nôtre, obéissant uniquement aux mains d’Alain Furet, Blois l’Ami du Travail, dans ses œuvres de confiseur. De superbes pains décorés, représentant les signes du zodiaque, réalisés par les itinérants de la ville de Marseille étaient exposés, en compagnie d’un œuf de Pâques entouré des blasons des corporations composant l’Association Ouvrière des compagnons du Devoir.
Au fond de cette salle avait été installé un fournil provisoire, qui fonctionnait chaque jour à la grande joie des gourmands et gourmets visiteurs, animé par les itinérants de Paris, les compagnons maîtres de stage CFA ; Christian Danias, Périgord l’Ami du Travail, meilleur ouvrier de France, fit spécialement le voyage du Massif central à Paris, pour présenter la fabrication de pain de seigle.
Combien de nuits avons-nous passées à préparer tout cela avec l’aide de Paseram, le vaguemestre du Collège des métiers, nos amis, surnommés « les papys » de l’imprimerie du compagnonnage ? Je pense aussi en particulier à un compagnon qui mérite d’être cité plus que les autres, Michel Braillon, Languedoc la Fidélité, compagnon sédentaire de la Cayenne de Paris à cette époque-là, présent tous les week-ends, et aussi à de nombreuses soirées où il nous faisait découvrir quelques lieux insolites lors de sorties nocturnes. Alain Boucherès, Agenais la Tolérance, qui nous a souvent remonté le moral devant quelques bonnes bouteilles, et de succulents rôtis et autres couscous préparés par son attentionnée épouse Bernadette.
Lors de cette exposition, Jean-Pierre Coffe, nous rendit visite, mais pour lui… il n’y avait rien, rien d’intéressant, rien d’exceptionnel qui pourrait faire monter son audimat !…
Il ne comprenait pas que c’étaient des jeunes de 15 à 26 ans qui avaient donné toutes leurs tripes pour réaliser cette modeste exposition ! Par contre, un accueil exceptionnel nous avait été réservé au studio Europe Numéro 1, petit salon feutré, champagne et whisky à volonté avant de promouvoir notre exposition sur les ondes.
Une seule déception quand même, le refus de l’Association Ouvrière des compagnons du Devoir, de nous voir participer à une émission nommée « Ciel mon mardi », jugée trop polémique.
Et si c’était à refaire ; Je résignerais ! »
Gilles Dutrion, Toulousain Franc-Cœur,
répondant aux nombreuses questions des journalistes de télévision
lors du 150ᵉ anniversaire du décès de la Mère Jacob,
parvis de la mairie de Tours.
Extrait du livre « Le pain des Compagnons » L’histoires des compagnons boulangers et pâtissiers
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.