Jeton de Pain La Prévoyance de Saint Ouen Somme
(Source : Patrimoine industriel Somme Usines Saint-Frères)
Entre 1910 et 1912, sept coopératives seront installées, dénommées “La Prévoyance”, rattachées à une usine mais fonctionnant comme une maison de commerce indépendante et distribuant des dividendes, construites toutes, d’ailleurs, sur le même modèle.
Une autre raison les a poussés à entreprendre cette construction : le mouvement coopératif, d’inspiration socialiste, s’est développé, à Amiens mais aussi dans les bourgs usiniers.
Une “Bourse des coopératives socialistes de France” a été fondée en 1895. Cinq communes de la Somme, ayant une usine Saint, sont pourvues d’une coopérative socialiste, facilitées par la puissante “Union d’Amiens” créée en 1892 (par exemple : “l’Harmonie des Travailleurs” de Flixecourt ou le“Foyer du Peuple” de Saint-Ouen).
Ceux-ci créeront aussi des coopératives patronales pour mettre un terme, selon eux, au monopole des commerçants comme ils l’ont fait pour les logements construits afin de dénoncer « la hausse exagérée des loyers par des propriétaires cupides et peu scrupuleux ».
A la fin du 19 ème siècle, les Etablissements Saint Frèressont à leur apogée, situation qui va perdurer jusqu’à la première guerre mondiale. Turgan estime, par exemple, que, dans les années 1890, leur valeur totale se monte à 60 millions de francs-or et dénombre, en 1894, 22640 broches de filature jute, pour la seule maison Saint Frères, soit 30% du total français(54000 en 1917) les groupes concurrents venant loin derrière. Toutes branches industrielles confondues, filatures et tissages ils atteindront 60% en1913.
Ils occupent, donc, bien le premier rang dans leur branche :toiles, sacs, bâches mais aussi ficelles, câbles, puis, plus tard, tresses pour espadrilles, stores, tentes, filets de pêche etc…. La fabrication est relayée par un très puissant service de vente en continuelle expansion (en 1904 : 75succursales et dépôts de vente dont 10 à l’étranger – hors colonies -, en 1911: 131, 17 usines pour 12000 ouvriers et employés dont plus de 8000 dans la Somme!)
Après un entre-deux-guerres difficile et malgré la fabrication , à Flixecourt , du métier à tisser circulaire, l’entreprise amorce son déclin. L’entrée, en 1969, dans le groupe Willot , marque un tournant décisif : en 1978 , leur destin est lié à celui de Boussac ( BSF ) jusqu’au dépôt de bilan , en 1981
Arrêt sur la façade de la prévoyance de Saint-Ouen(Source : Somme. Médias arrêt-prévoyance)
Entre l’ancienne voie ferrée et la sortie des usines, la friche de la coopérative laPrévoyance de Saint-Ouen émerge aujourd’hui encore au centre du paysage architectural du bourg. Ce vaisseau de brique remarquable tant par ses dimensions que son agencement et son décor apparaît comme l’un des bâtiments les plus emblématiques du paternalisme Saint Frères. Ici, plusieurs générations d’ouvriers sont venues acheter leur pain ainsi que tous les produits de première nécessité.
La Société CoopérativeLa Prévoyance est née en 1910, à l’initiative de la société Saint Frères, au moment même où l’Etat légifère pour interdire les économats. Ces magasins d’entreprises, réservés aux salariés, avaient la réputation d’endetter leurs clients et de créer une nouvelle forme de dépendance des salariés par rapport à l’entreprise. Décriés par les socialistes dans la deuxième moitié du XIXème siècle, les économats furent concurrencés par les coopératives ouvrières crées à l’initiative des militants du mouvement ouvrier, avant d’être prohibés par la loi de 1910.
Dans l’empire Saint Frères qui employait près de 10 000 salariés au début du XXème siècle, les économats étaient l’exception.L’entreprise avait investit dans le logement ouvrier dans les bourgs dont la population avait soudain grossit, gonflée par le flot d’ouvriers s’activant dans les ateliers, mais pas dans les magasins de produits de première nécessité. Seules, les usines des Moulins Bleus à l’Etoile, très excentrées du bourg avaient bénéficié d’un magasin d’entreprise. Cet unique économat SaintFrères a été conçu en 1906 par l’ingénieur Abel Caron, chef des constructions de l’entreprise.
Dans le Val deNièvre, le mouvement coopératif ouvrier pris donc son essor dans le champ laissé libre par l’entreprise, et occupé seulement par les petits commerçants sédentaires ou ambulants. La coopérative ouvrière l’Union est créée à Amiens en1904. Fort de son succès, elle fait des petits à Beauval, Saint-Léger-Les-Domart, Flixecourt, Saint-Ouen, entre 1904 et 1910. SaintFrères ne peut rester sans réagir.
En 1910, SaintFrères décide d’investir 1 million de francs pour créer 7 magasins coopératifs près de ses sites de production à Doullens, Beauval, Harondel, Saint-Ouen,Flixecourt et Pont-Remy.
L’entreprise fait appel à l’architecte Anatole Bienaimé, auteur notamment de l’hôtel deville de Doullens et d’une centaine de villas au Touquet pour concevoir l’architecture de ces magasins.
Il suffit d’observer la façade du bâtiment principal de la coopérative de Saint-Ouen, qui malgré son état d’abandon présente encore une certaine allure, pour mesurer le soin apporté à l’architecture de ces magasins, censés concurrencer les coopératives ouvrières et les petits commerces.
Le bâtiment imposant, mesure près de 30 m de long. Il se compose d’un corps principal flanqué de deux ailes. L’ensemble, tout en brique couvert de tuile, est hiérarchisé par un jeu de toitures aux volumes différenciés. Le corps principal, plus haut, attire le regard par le soin apporté à son agencement. Il est rythmé par des fenêtres ouvertes sous des arcs surbaissées en briques polychromes
Un cartouche porte l’inscription société coopérative la Prévoyance en mosaïque rouge sur fond jaune dans la partie centrale mise en avant par le traitement en pignon à redent de la façade. Le toit à la Mansard, couvert de tuiles en écailles de poissons évoque quant à lui la fonction nourricière du bâtiment. Ce bâtiment abritait au rez-de chaussée la grande salle de vente et le comptoir.
Les deux ailes latérales, symétriques au corps central présentent un volume plus modeste pour abriter les greniers et magasins annexes : boulangerie et boucherie.
Cette architecture singulière emprunte ses formes à l’habitat urbain par l’emploi de la brique polychrome, aux bâtiments ruraux avec ses toits en croupe à lucarne en bâtière, ainsi qu’à l’architecture régionale des Flandres et de Picardie rythmée par les pignons à redent. Mais, cette synthèse pour le moins originale ne doit que peu à l’inspiration d’Anatole Bienaimé, qui est allé à l’Etoile prendre pour modèle l’économat Saint Frères conçu en 1906 par Abel Caron, ingénieur des Art et Métiers ».
Saint-Ouen (Somme) par ses cartes postales anciennes, collections privées.
Par Jean-Claude THIERRY
bonjour et merci de ces images qui me rappellent ma jeunesse
une question me tracasse!!!
la carte postale de la rue de Vignacourt ne serait ce pas plutôt la rue Philippe Louis ?…maire fusillé par le Allemands…(ancienne rue d’Amiens)
je crois reconnaitre à gauche le café Tœufles (mer Tœufles était aussi maçon) et les entrées des bâtiments en retrait de la chaussée de l’ancienne mairie à gauche et de l’ancienne école des garçons aujourd’hui mairie et postes à droite
merci de votre éclairage
bien cordialement
Jacques Nadaux
Bonjour Monsieur Nadaux
Nous sommes ravis que nos recherches et travaux retiennent votre attention, et que ces images vous rappellent votre jeunesse,
Pour votre question,
Afin d’illustrer au mieux et de manière avérée, j’utilise les CPA (Carte postales anciennes), elles ont connu une essor début 1900 (expo universelle), jusqu’après guerre de 1940,
Elles comportent le lieu qui est précisé par l’auteur, ici apparait en légende : Saint Ouen (Somme) Rue de Vignacourt, nous pouvons toujours douter de la signature de l’auteur,
mais, pour faire « une réclamation », il y a prescription, car la maison d’édition n’a plus « pignon sur rue »…
Bien à vous
Jean-Claude Thierry