LA MARCHANDE DE GÂTEAUX, PAR PIERRE LACHAMBAUDIE (1844)
Ce n’est pas souvent que les boulangers et les pâtissiers sont présentés dans la littérature sous un jour négatif, car ils sont synonymes d’activité indispensable à la vie, de gourmandise, de saveurs et de parfums délicieux. La fable de Pierre Lachambeaudie échappe à la règle, car les produits de sa marchande de gâteaux illustrent la vanité des apparences, la séduction, l’illusion et la déception.
La marchande de gâteaux de Nanterre, gravure XIXe s.
« LA MARCHANDE DE GÂTEAUX
« Qui veut manger mes beaux gâteaux ?
Croquez, messieurs, ils sont tout chauds ! »
Une marchande ainsi d’une voix glapissante
Criait. Une couleur dorée, appétissante,
Une molle fumée en tourbillons flottant,
Tout s’offrait pour tenter un estomac avide.
Eh bien ! l’on ne mangeait pourtant
Qu’une pâte froide, insipide,
Car la fumée était une moite vapeur
Que laissait transpirer un appareil trompeur.
Les honneurs et la renommée,
Les promesses des grands, les pompeux écriteaux
Exhalent bien souvent, comme ces froids gâteaux,
Peu de chaleur et beaucoup de fumée. »
Une marchande de gâteaux à Lyon, au parc de la Tête d’Or, vers 1900. Détail d’une carte postale.
On ne peut s’empêcher de penser aux odeurs attractives qui émanent des boutiques de viennoiseries installées en ville et ouvertes largement aux regards et aux narines des passants. A la différence près qu’en général on ne peut plus parler de « pâte froide, insipide ».
Pierre Lachambeaudie naquit à Montignac (Dordogne) en 1806 et mourut à Brunoy (Essonne) en 1872. Il travailla dans une maison de commerce à Lyon puis dans une société de chemins de fer à Roanne. Il s’affilia au mouvement des saint-simoniens, et manifesta toute sa vie ses opinions républicaines, démocratiques et socialistes. Monté à Paris, il intégra les goguettes (sociétés chantantes) et devint célèbre par ses fables qu’il récitait lui-même en public. Il publia ses Fables populaires en 1840, qui furent rééditées et couronnées par l’Académie française.
Ami du révolutionnaire Blanqui, il fut arrêté après les journées sanglantes de juin 1848 puis libéré grâce à l’appui de Béranger. Lors du coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851, il fut à nouveau emprisonné et échappa de peu à la déportation. Il dut s’exiler en Belgique et, de Bruxelles, il publia ses Fleurs d’exil en 1852. Rentré en France en 1859, il continua à publier de nouvelles œuvres.
Il décéda à Brunoy le 7 juillet 1872 et fut inhumé à Paris, au cimetière du Père-Lachaise
Portait illustrant la biographie de Lachambaudie, dans la collection « Les contemporains », par Eugène de Mirecourt (1857).
Il nous faut remercier une nouvelle fois notre ami Patrick Fonteneau qui nous a fait connaître cette fable et communiqué le portrait ci-dessus, issus de sa collection personnelle.
Laurent BASTARD