Dans le gros recueil de Charles GUILLON : Chansons populaires de l’Ain (1883) se trouvent plusieurs chansons mettant en scène une meunière ou une fille de meunier, convoitée par un beau parleur.
Le thème de la meunière courtisée est courant dans les chansons d’autrefois et il faut savoir que ce n’est pas seulement sa personne qui était l’objet de désir, mais aussi sa fortune, car les meuniers passaient pour des gens fortunés.
Voici la première de deux chansons à la fin différente. Dans celle qui suit, la meunière ne s’en laisse pas conter… Elle fut contée à Charles GUILLON par un habitant de Ceyzériat nommé Charles BRÉDY, dont l’auteur a donné le portrait en témoignage de gratitude.
LA BELLE MEUNIÈRE
1
Belle meunière en passant par ici
Suis-je encore bien éloigné de Paris ?
Quand je t’ai vue dans ces beaux lieux,
De tes beaux yeux je devins amoureux ;
Si tu voulais accomplir mon dessein,
Tu quitterais volontiers ton moulin.
2
Sitôt que j’vous ai-t-aperçu Monsieur
J’ai bien compris que vous étiez chasseur ;
Si vous chassez après mon cœur,
Chassez ailleurs, vous trouverez le bonheur ;
Chassez vos lièvres et vos lapins
Pour quant à moi je reste dans mon moulin.
3
Belle veux-tu venir avec moi,
Nous chasserons tous les deux dans ce bois,
Nous y verrons tous ces chasseurs
Et tous nos chiens qui seront en humeur,
Nous y prendrons quelques gouttes de vin ;
Sera la belle pour bannir nos chagrins (1).
4
Mon bon Monsieur, je n’y bois que de l’eau,
L’esprit du vin m’y trouble le cerveau,
Lorsque j’en bois ça m’étourdit
Ça me fait faire quelques traits de folie,
L’esprit du vin fait perdre la raison,
L’occasion fait souvent le larron.
Dicté par Joseph Brédy, dit Lafleur, à Ceyzériat (Ain).
Joseph Brédy (2)
Voilà donc une meunière qui sait résister aux avances. Dans la prochaine chanson extraite du même recueil, nous verrons qu’une autre meunière céda aux avances d’un galant homme…
- Le style n’y est pas, mais on comprend que la belle (meunière) sera là pour bannir le chagrin des chasseurs, les amuser.
- Joseph Brédy, dit Lafleur, dont c’est peut-être là le seul portrait, était un modeste cultivateur. L’état civil de Ceyzériat nous apprend qu’il était né dans cette commune le 31 décembre 1839. Il s’y était marié le 16 janvier 1863 avec Marie Joséphine Lacroix, cultivatrice, et y décéda le 6 septembre 1902, âgé de 62 ans.