Jeton pour un Pain L’Etoile

Jeton pour un Pain L’Etoile, Prévoyance Moulins Bleus – (80-Somme).

117 – Jean-Claude THIERRY – Collection privée.

Jeton octogonal, 31mm, percé. Zinc. Avers : BON POUR / 1 K° PAIN / PREVOYANCE / MOULINS BLEUS. Revers : pourtour perlé ; Contremarque A. Référencé R. Elie : 10.1.

Une variante de 3 livres, octogonal, 31mm, en zinc est référencée 10.2 dans le R. Elie.

117 a – Jean-Claude THIERRY. Collection privée.

Jeton rond, 30mm percé. Zinc. Avers : BON POUR / 1 K° PAIN / PREVOYANCE / MOULINS BLEUS. Revers perlé. Inédit dans le R. Elie.

L’Etoile est une commune de la Somme, située entre Amiens et Abbeville (Amiénois et Ponthieu). Elle est généralement connue par ses usines des Moulins-Bleus (Saint-Frères) ou les ruines du prieuré de Moreaucourt (Ordre de Fontevraud).

La Prévoyance est fondée en 1899, elle compte 463 Sociétaires en 1930. Son Siège Social est basé à Moulins-Bleus son chiffre d’affaires est de 1.941.164 francs. La nature de ses marchandises sera uniquement le Pain.

Jetons et billets de nécessité

A plusieurs reprises, comme lors de la Révolution Française, de la guerre de 1871 et de celle de 1914-18, furent créés des monnaies de nécessité, billets et jetons. En ces périodes troublées, les monnaies de bronze étaient réquisitionnées pour la machine de guerre. Aussi, pour faire face à cette pénurie de pièces, une solution fut la création de vraie fausse monnaie !

En 1914-1918, alors que la crise monétaire fait rage, Saint Frères, mais aussi Renault et même certaines municipalités et la Chambre d’Industrie émettent des billets et des jetons de nécessité ! Tolérées par l’Etat, par décret du 16 août 1914, ces émissions étaient accompagnées d’un dépôt de garantie de la valeur légale à la Banque de France. L’état s’engageait en retour à prendre en charge les remboursements après la crise.

Concernant Saint Frères on ne connaît l’existence que d’un seul billet de nécessité (14 cm x 9,5 cm), d’une valeur de 5 francs, émis entre 1916 et 1918. Il pouvait être utilisé dans les différentes coopératives La Prévoyance du secteur de la Vallée de la Nièvre.

Saint-Frères, La Prévoyance.

En 1894, les habitants du bas de la rue des Moulins-Bleus se trouvaient à deux kilomètres des commerçants du village.

Saint-Frères entreprend alors de leurs construire un magasin de vente, dit « Economat », lequel sera fonctionnel en 1896. Il semble qu’en 1902 les statuts se modifient pour ceux d’une coopérative, et en 1910, face à l’impopularité des économats, la société Saint-Frères passe à un programme de construction de coopératives pour chacune de ses usines, avec de nouveaux statuts, au nom de LA PREVOYANCE, à l’image de L’Etoile.

Selon la direction,  » Le personnel y trouvera toutes les marchandises nécessaires pour la vie de tous les jours « . Mais ainsi les salaires seront pratiquement réinjectés dans la caisse Saint-Frères, par l’achat des diverses victuailles d’épicerie, de boulangerie et de boucherie-charcuterie, et par les autres produits de nécessité, comme le charbon, la lingerie ou les outillages divers.

La Prévoyance de L’Etoile, aujourd’hui rasée (vers 1985), avait évidemment été construite rue des Moulins-Bleus, côté Flixecourt, entre l’usine et l’école (face au n° 31).

Quelques documents fournissent des chiffres et des compléments, pour l’ensemble des coopératives de la société (vers 1945) : C’est en 1910 que fut créée La prévoyance, société anonyme coopérative à capital variable. A l’origine, chaque Prévoyance était rattachée à une usine, jouissait de son autonomie et fonctionnait comme une maison de commerce indépendante.

Mais en 1930 les statuts furent modifiés et l’administration unifiée eut son siège social à Flixecourt. Les magasins de vente devenaient des succursales. On en comptait alors huit. Pour être actionnaire, il fallait posséder au minimum une action de 100 frs, laquelle rapportait 4 % d’intérêts. En fin d’exercice, l’actionnaire touchait aussi une ristourne sur ses achats qui a été régulièrement de 12 % depuis 1930. Il avait ainsi été distribué 1 613 869 Frs en 1943.

La Prévoyance était gérée par un Conseil d’Administration de 12 membres composé de 6 représentants des employeurs (directeurs d’usine et chefs de service) et 6 représentants du personnel (agents de maîtrise, ouvriers ou employés). A la tête se trouvait un président-directeur-général. Malgré le rationnement et les difficultés d’approvisionnement, le chiffre d’affaire de la Prévoyance suivait un développement sans cesse grandissant.

En 1943, le montant des ventes s’élevait à 21 993 459 Frs, et la valeur de son stock au 31 décembre était de 3 162 120 Frs. Une part des bénéfices était réservée aux œuvres. Ainsi, en 1943, elle avait constitué une provision de 213 500 Frs pour l’attribution d’une prime d’accueil aux prisonniers rentrants appartenant à des familles qui étaient actionnaires au 1er  juin 1940.

Carte-photo du personnel de La Prévoyance de L’Etoile (vers 1946)

De gauche à droite, au premier rang, on reconnaît : Germain DARRAS, le gérant ; Sylvain BOURNOUVILLE, le charretier (livreur, de sacs de charbon, etc.) ; Guy LEGRAND, le vendeur boucher ; Yvette LORGE, 1ère vendeuse (née à L’Etoile, mais demeurant à Flixecourt) ; Martine FOURNIER, 2e vendeuse ; Charlotte MENTION (MANSION), 3e vendeuse ; Lucien PLUQUET, le boulanger ; Fernand DADIER, le tueur, débiteur et préparateur boucher-charcutier.

Au second rang (derrière) : Oscar DADIER, homme à toutes mains ; Marcelle DARRAS, née Pruvot, épouse du gérant, 4e vendeuse ; Alice PRUVOT, belle-mère du gérant, 5e vendeuse.

L’ensemble du personnel de la Prévoyance avait été filmé (vers 1936) à la sortie de la coopérative.

Source : L’Etoile et son Histoire par Ghislain LANCEL – Remerciements à Nicole Bournouville (carte-photo), MMme Jacky Hérouart (dossier et identification d’une partie des noms), Charline Chamu et Régine Pecquet (recherche et identification des autres personnes).

L’usine des Moulins-Bleus avant 1883

Le site des Moulins-Bleus, avant la reprise par Messieurs Saint-frères le 17 janvier 1883, avait comporté plusieurs usines (textiles mais pas uniquement), des habitations et des jardins. Avant le temps des machines à vapeur, ces usines utilisaient l’énergie hydraulique de la Somme, actualisant l’usage des anciens moulins à farine, succédant eux-mêmes à d’hypothètiques moulins à guède dont certains voudraient qu’ils justifient le qualificatif de bleu.

Mais la première mention de « Moulin-Bleu » n’est attestée que depuis 1698. Par contre l’existence de très vieux moulins « a bled » est certaine, avec toutefois des imprécisions sur leurs localisations, en particulier du fait du cours de la Somme fut canalisé, ainsi pour les ruines de deux moulins sur la vieille Somme au dénombrement de 1379  » Sur le courant de leq(ue)lle rivière que on dit la Vieille Somme, nous et nos devanciers eusmes au tems passé, deux molins à usage de morre blé, lesq(ue)ls sont de longtems en ruine. » [BN, Pic. 200, f° 278 à 279 v°].

Saint-Frères – Les Moulins-Bleus.

Saint-Frères est l’empire du textile de la Vallée de la Nièvre dès la fin du XIXe siècle !

En 1857 Saint-Frères ouvre la première usine à Flixecourt.

En 1867 la société effectue ses premiers achats immobiliers à L’Etoile, rue d’Amiens (entre les ruelles Lancel et Ducrotoy).

En 1883 (17 janvier), MM. Saint-Frères se rendent acquéreurs de l’usine des Moulins-Bleus appartenant à M. Blanchet, maire de L’Etoile. Dès lors la renommée des Moulins-Bleus sera assurée pour près d’un siècle… jusqu’en 1969 où Christian Saint, actionnaire majoritaire, cèdera l’affaire au groupe Willot…(avec les désillusions que l’on sait).

L’usine des Moulins-Bleus vers 1892

Voici la plus vieille photo connue de l’usine des Moulins-Bleus. Elle a été prise depuis le toit d’une maison de la rue des Moulins-Bleus, maison dont on voit la gouttière et les fixations en zinc au premier plan (coin en bas à droite).

L’Etoile et son Histoire par Ghislain Lancel : On dispose d’un dessin de l’usine réalisé à une date voisine (vers 1894) et publié par Turgan. Ce dessin donne une vue prise depuis l’autre rive de la Somme. A droite, on y observe un bâtiment au toit arrondi et à gauche on compte 12 sheeds (toits pointus placés côte à côte). Mais sur la photo, on ne voit que les sommets triangulaires blancs de 7 sheeds (à gauche, dans les arbres) et le bâtiment au toit arrondi n’est pas encore construit. La photo est donc plus ancienne, datant de 1892 environ. C’est d’ailleurs certainement la date exacte car d’autres photos d’usines du groupe Saint-Frères portent cette date de 1892 en mention manuscrite.

La photo montre au premier plan le bâtiment du concierge, dont la fenêtre gauche du rez-de-chaussée est murée. Le concierge disposait d’un jardin privé à l’arrière, bien visible. Au fond à  gauche du jardin les WC se déversaient directement dans le fossé de détournement de la Nièvre, fossé qui permettait d’irriguer les prairies de L’Etoile situées entre cet endroit et le château.

Ce fossé passait sous la route, laquelle était protégée de chaque côté par un petit parapet (dont celui du côté usine est visible sur la photo). Le potager, séparé du fossé par un chemin, était cultivé par l’un des habitants de la rue des Moulins-Bleus. Il montre une grande variété de légumes (choux, haricots à rames, etc.) Le jardin est soigneusement entretenu, en pleine production (milieu de l’été).

En bas à gauche (dans le potager), la photo porte un numéro manuscrit (5030) qui semble signifier qu’elle faisait partie d’une collection d’archivage. Une autre photo, celle des cadres des Moulins-Bleus, numéro 5014, serait d’ailleurs de la même année.

Cette photo aux environs de 1892, devant l’usine des Moulins-Bleus. La tenue vestimentaire de ces 29 hommes (et 3 enfants), souvent en cols blancs et gilets, montre sans équivoque que nombre d’entre eux étaient des cadres ou du personnel d’encadrement de l’usine des Moulins-Bleus.

Un seul homme a toutefois été identifié avec certitude, c’est « Monsieur Cornard » (Edouard Théodore FLANDRE), le troisième au premier plan, portant longue barbe blanche et casquette caractéristiques. De son vivant, Thérèse Debruyker, femme à la mémoire remarquable qui avait commencé à travailler aux Moulins-Bleus dès 1916, n’en avait toutefois pas reconnu d’autres !

CPA – Collection privée. L’Etoile – Les Moulins Bleus – les Ecoles.

CPA – Collection privée. L’Etoile – Les Moulins Bleus – Les Ecoles. La Sortie

CPA – Collection privée. L’Etoile – Les Moulins Bleus & La Sortie des Ouvriers.

CPA – Collection privée. L’Etoile – Les Moulins Bleus & La Sortie des Ouvriers.

A droite, on voit le pignon de la Coopérative « La Prévoyance » [J. Hérouart]. Cette école est la première construite par Saint-Frères (en 1889). Sa voisine ne sera réalisée qu’en 1910.

Carte montrant à droite le château d’eau, qui alimentait aussi les pompes de la rue à usage des habitants, et la maison du concierge puis « La Prévoyance ».

Sortie d’usine, maison du concierge, et à l’arrière plan « La Prévoyance » avec son œil de bœuf sur le pignon.

Ce bateau, prédécesseur du Beauvallon, est la Belle Poule. Il n’était encore que tiré par des chevaux, sur le chemin de halage. A droite, la maison du passeur.

Par Jean-Claude THIERRY

 

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