VICTOR PERDRIAU A DONNÉ SON NOM À UNE RUE DE TOURS
Un compagnon boulanger du Devoir, et non des moindres, a donné son nom à une voie de Tours. En venant de l’avenue de Grammont et en empruntant la rue Febvotte, se trouve une petite voie, à gauche, où se trouve apposée la plaque suivante : « IMPASSE PERDRIAU BOULANGER-PROPRIÉTAIRE DU TERRAIN 1824-1899 ». Il s’agit de Victor Louis Perdriau, dit Manceau Fleur d’Amour.
L’histoire de ce compagnon boulanger a été contée le 9 janvier 2022 sur le CREBESC par Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, dans un article intitulé « Victor Perdriau, Manceau Fleur d’Amour ». Les lecteurs s’y référeront et je ne rappellerai ici que quelques épisodes de la vie de ce compagnon.
Né à Dissay-sous-Courcillon (Sarthe) le 3 juin 1824, il fut reçu compagnon boulanger du Devoir à Tours à la Toussaint 1842 sous le nom de Manceau Fleur d’Amour. Son frère Frédéric, né en 1827, fut aussi reçu compagnon boulanger à Tours à l’Assomption 1846 sous le nom de Manceau le Soutien du Devoir ; il décéda en 1870.
Victor Perdriau eut très tôt maille à partir avec la police et la justice. Le 20 juillet 1844, âgé de 20 ans, il fut inculpé d’injures publiques envers un magistrat dans l’exercice de ses fonctions » et condamné à 24 heures de prison et 25 francs d’amende. Plus tard, en 1853, il fut inculpé d’affiliation à la société secrète républicaine de la Marianne. Hostile au régime autoritaire de Napoléon III, il avait préparé des exercices de tir au canon artisanal dans des caves, avec un autre compagnon, un tisseur-ferrandinier du Devoir, François Martel, Dauphiné le Soutien du Devoir, par ailleurs connu comme auteur de chansons. Victor Perdriau, déclaré coupable d’association secrète, fut condamné le 15 mars 1854 à 6 mois de prison, 100 francs d’amende et 5 ans de privation des droits civiques.
Mais Victor Perdriau est aussi connu comme auteur d’actes de sauvetage et surtout comme l’un des organisateurs de la souscription lancée en 1863-1864 pour élever un monument funéraire à la mémoire de la Mère Jacob. Son nom figure sur la plaque qui fut apposée sur le piédestal de la statue qui figure toujours sur la tombe de la Mère Jacob, au cimetière La Salle de Tours. Il fut actif au sein de sa Cayenne jusqu’à sa mort.
Plaque apposée sur le monument funéraire de la Mère Jacob à Tours, où figure le nom des compagnons Victor Perdriau, Frédéric Perdriau, son frère, et Félix Parfait.
L’histoire des rues de Tours renferme probablement la date à laquelle le conseil municipal vota l’attribution de son nom à l’impasse qui part de la rue Febvotte. Faute de la documentation nécessaire, restons dans une fourchette de dates. Notons d’abord que l’état de recensement de Tours de 1896 ne mentionne pas l’impasse Perdriau. En revanche, notre compagnon et son épouse, âgés de 72 et 75 ans, sont présents au 4 de la rue Febvotte.
Mention de Victor Perdriau et de son épouse au 4, rue Febvotte en 1896.
Perdriau donna ou vendit probablement à la Ville de Tours le terrain qui permit de créer la voie à son nom, laquelle n’apparaît que lors du recensement de 1906.
Victor Perdriau étant décédé en 1899, on peut supposer que la cession est intervenue de son vivant, entre 1896 et 1899.
Mention de l’impasse Perdriau sur l’état de recensement de Tours en 1906.
Il est à noter que son fils Victor, né à Tours en 1855, demeurait à Paris au décès de son père en 1899. Il n’est pas mentionné rue Febvotte en 1901 mais il figure avec son épouse sur l’état de recensement de 1906, à l’angle des rues Febvotte (au numéro 14) et de la nouvelle impasse Perdriau. Il habitait probablement dans l’ancienne maison de son père, la numérotation de la rue ayant dû changer suite à la création de l’impasse.
Mention de Victor Perdriau fils et de son épouse au 14, rue Febvotte en 1906.
Un plan joint à l’Annuaire Arrault de 1938 permet de localiser la rue Febvotte par rapport à l’impasse Perdriau. Les voies n’ont guère changé depuis, mais plusieurs habitations de l’impasse furent sinistrées lors des bombardements de 1944.
Plan de Tours de 1938, où l’impasse Perdriau est voisine des écoles toujours existantes.
Un compagnon boulanger du Devoir a donc donné son nom à une voie, certes modeste, de Tours. Peut-être en existe-t-il d’autres ailleurs. En tout cas, il est plaisant de constater que Victor Perdriau, deux fois condamné au XIXe siècle, une fois sous Louis-Philippe et une autre sous Napoléon III, a hissé son nom bien en évidence dans la cité sous la IIIe République, régime qu’il avait appelé de ses vœux. À défaut de son titre de compagnon, son métier de boulanger est clairement affiché sur la plaque de rue, et les Chiens Blancs auront désormais une pensée pour lui en passant dans son ancien quartier.
Laurent BASTARD