Grèves des boulangers de 1906.

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Grèves des boulangers de Meaux, 22 septembre 1906.

Le pèlerin, dimanche 7 octobre 1906 : « …Les ouvriers boulangers réclamaient le repos hebdomadaire par roulement et a la fois une augmentation de salaires. Les patrons répondirent :
« Nous consentons a organiser le roulement qui est un surcroit de dépenses, et a payer d’avantage nos fournées, mais si le pain que nous fabriquons nous revient plus cher, nous le vendrons plus cher. Qu’on relève la taxe du pain. »
Si l’on relevait la taxe du pain, le consommateur, et surtout l’ouvrier, s’apercevrait que c’était lui, en somme, qui allait payer le prétendu bénéfice de la loi !
La municipalité n’osa prendre de décision : alors, d’un cote, les ouvriers déclarèrent qu’ils ne travailleraient pas s’ils n’avaient pas satisfaction- et les patrons qu’ils n’ouvriraient pas, si on ne faisait droit a leur requête.
Cependant, quelques ouvriers, plus conciliants, travaillèrent en cachette, et certains patrons aussi, les uns et les autres à leurs risques et périls.
Un soir la nouvelle se répandit que les fours n’étaient pas allumes a peu près nulle part et que, le lendemain matin, la ville serait sans pain.
Il y avait un peu de pain dans un quartier, mais fort peu, que l’on se disputa avec frénésie. Bientôt, ce fut la famine. Les autorités purent requérir les manutentions voisines qui apportèrent des boules de son, qu’une population affamée se disputa.
Ce pain fut annonce a son de trompe, et distribue, comme a l’aube de la révolution, derrière des barrières gardées par les troupes.
Des soldats furent mis à la disposition des patrons boulangers pour les aider, tandis que des hussards gardaient leurs magasins.
Puis, des patrouilles a cheval accompagnèrent les porteuses de pains. Heureusement, l’entente se fit à ce déplorable état de choses. » – (Coll.Bourcier)

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“Par suite de la grève des boulangers de Meaux, une distribution de pain, annoncée au son de trompe, est faite aux habitants par la troupe” -Dessin de Darblans- Le pèlerin, dimanche 7 octobre 1906 (Coll.Bourcier)

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Boulangerie en service lors des grèves des ouvriers boulangers, surveillée et protégée par les forces de police. . « L’univers illustre » du 4 juillet 1891. (Coll.Bourcier)

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“La grève des boulangers, devant l’Hôtel de Ville, la population demande du pain”

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“Approvisionnement de pain par la troupe”

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« La première distribution de boules de son »

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« A Meaux, la grève des boulangers, la manutention militaire distribue des boules de son »
(Le pèlerin, dimanche 7 octobre 1906 -Coll.Bourcier-)
La grève des boulangers
(Le Petit Journal, Supplément illustre du dimanche 28 avril 1907)
Devant la Bourse du Travail
Je m’arrêtai l’autre semaine
Et, sitôt passe le portail,
Je remarquai dans ce domaine,
Vociférant a plein gosier,
Certes a se rompre la poitrine,
Boulangers, mitrons, pâtissiers
Et gens de la même farine.

« Que voulez-vous, dis-je à l’un d’eux ?
Travailler si je ne m’abuse ? »
Mais l’autre, d’un air furieux,
Me répondit : « Faites excuse !
Nous voulons – notez ce détail-
Que de besogne on nous degrève,
Car, a la Bourse du Travail,
On ne décrète que la grève. »

En un rien de temps en effet,
La motion fut approuvée
Avec un ensemble parfait
Et la séance fut levée
Pour permettre a ces fiers lapins
D’aller en nombre avant l’aurore,
A coups de poing coller des pains
A ceux qui travaillent encore.
Tout en chemin, des orateurs
Firent de façon clandestine,
Des discours exterminateurs
Bref leur servirent des tartines.
Chez eux la colère survint
Par ces discours qui les appâtent :
C’est de la haine le levain,
Bien qu’ils soient, au fond bonne pate.

En arrivant chez les patrons,
Riant trop top de leur malice,
Boulangers, pâtissiers, mitrons,
Y rencontrèrent la police.
Ils attendirent jusqu’au jour
En dégustant force chopines
Et, finalement, firent four
A cause de Monsieur Lépine*

Alors, ces guerriers désolés,
Quittant leur manières allègres,
Rentrèrent chez eux s’attabler
Devant un repas plus que maigre.
« Nous ne sommes pas des clampins,
S’avouaient-ils avec reproche,
Car, en ne faisant plus de pain,
Nous avons fait une brioche. »

Le temps passa, cahin-caha,
Uniforme et mélancolique,
Sans que le moindre brouhaha
Vienne troubler la paix publique,
Et bientôt tous les boulangers,
Désargentés par leurs boulettes,
Se dirent : « Comment donc manger
Si nous n’avons plus de galette ! »

On serait a moins, je le crois,
Embarrasse, sans aucun doute.
Il est dur, avec ses dix doigts,
De n’avoir pas même une croute.
Mais de la grève, je le crains,
C’est la morale étrange et triste
Que, seuls les boulangers grévistes
Restent toujours dans le pétrin.

Claudin

*Louis Lépine, Préfet de police de Paris de 1899 a 1913, fondateur du fameux concours Lépine.

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Le Petit Journal illustré du 16 Août 1908
Nous voici au dix-neuvième siècle. Extrait du Petit Journal supplément illustré du 16 aout 1908, numéro 926 :

Tant que la coalition demeure interdite par le Code, les grèves sont encore assez rares ; mais, après le vote de la loi du 25 Mai 1864, qui l’ autorise, elles se multiplient de plus en plus.

Les corporations qui, avant cette époque, furent poursuivies le plus souvent pour faits de grèves sont celles des ouvriers tailleurs et des ouvriers boulangers. Dans la seule année 1833, il y eut de graves coalitions des ouvriers de ces deux métiers qui nécessitèrent l’ intervention des tribunaux.

Point de grèves sans chansons. Dans le compte rendu du procès des boulangers grévistes de 1833, j’ ai retrouvé celle que les compagnons chantaient, sur l’ air de la Parisienne, en allant à l’ assaut des pétrins (1*) de leurs patrons :

Amis que l’ union rassemble.

Pour réveiller nos justes droits

Formons le plus paisible ensemble,

Nous mettant sous l’ appui des lois.

Joyeux enfants de la boulange,

Puisqu’ avec le temps tout s’ arrange,

Que de doux accords

Nous rendent plus forts,

La raison pour nous veut réparer son tort,

Célébrons sa louange.

Que notre charmante Lutèce

N’ en souffre pas un seul instant,

Car nous lui faisons la promesse

D’ alimenter chaque habitant.

La disette nous est étrange,

Et puisqu’ il faut que chacun mange,

Que de doux accords, Etc.

Avouez que cette chanson n’ avait rien de subversif pour une chanson de grévistes. Elle témoignait même, de la part de ceux qui la chantaient, d’excellents sentiments. Les braves boulangers faisaient valoir leurs revendications, mais ils déclaraient ne pas vouloir affamer la « charmante Lutèce… »

Pourtant, le sieur Fournier, dit « La Côtelette », qui était l’auteur de la chanson, fut bel et bien condamné à la prison. Il est heureux, pour le farouche M. Bousquet, grand meneur actuel du syndicat des boulangers, qu’il n’ ait pas vécu dans ce temps-là. Il n’est pas douteux qu’on l’eût envoyé finir ses jours aux galères.

Les grèves, depuis lors, ont fait du chemin dans la voie de la violence. Les grévistes chantent plus volontiers, aujourd’hui, l’ Internationale que des chansons idylliques. Ils songent moins souvent à « se mettre sous l’ appui des lois » qu’à employer la terreur… Quant aux grèves, vous savez ce qu’elles sont trop fréquemment : des mouvements de politique anarchiste plutôt que des manifestations d’ intérêts professionnels… »

Dans la seule année 1906 – nous n’ avons pas encore le bilan de 1907 – il y eut en France 1,309 grèves qui ont entraîné, pour les ouvriers, près de 10 millions de journées de chômage. Si l’on évalue seulement à 5 francs chacune de ces journées, cela fait environ 50 millions perdus dans une seule année par le travail ouvrier.

Et je ne compte pas les pertes subies par le patronat, par le commerce par les villes où éclatent ces conflits, ni l’état d’infériorité où les grèves constantes mettent l’industrie française vis-à-vis de ses rivales de l’ étranger.

C’ est la ruine économique de notre pays que consomme peu à peu un pareil état de choses.

Et voilà… Voilà ce que la France doit à ces messieurs de la Confédération Générale du Travail !

Ernest LAUT (2*)

(1*) l’assaut des pétrins est une métaphore qui exprime les coalitions et les destructions des pétrins mécaniques dans les fournils de plusieurs villes de France, par les ouvriers boulangers, ces derniers voyant dans cette modernisation une source de suppression d’emplois, le pétrin mécanique étant considéré comme un concurrent redouté du pétrissage à bras.

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(2*) Journaliste et écrivain Ernest Laut (1864-1951) collabore occasionnellement à L’Illustration au début des années 1900. Il effectue la plus grande partie de sa carrière au Petit Journal Illustré, entre les années 1910 et 1940. C’est lui, notamment qui rédige les articles accompagnant les deux grandes pages couleur de couverture du supplément illustré du dimanche. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages (poésie, histoire, comptes rendus).

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

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