Pendant les années de la grande guerre, les Français se moquent de l’étouffe chrétien des Allemands, le célèbre pain KK, mais on sait moins que leur pain change lui aussi en France.
En effet, une loi du 25 avril 1916 créé le « Pain national » qui remplace tous les autres, et qui met fin à la domination du pain blanc de froment, en mélangeant les blés et en exigeant un taux de blutage plus élevé, 80% et plus tard 85%.
Mais pas question de se plaindre, la presse lui fait un bon accueil au nom de l‘effort de guerre :
« Le pain gris complet est excellent au point de vue de l’hygiène et du goût » Affirme Le Matin du 11 mai 1916.
Certains n’auraient même pas remarqué la différence de goût, d’autres le préfèrent au pain d’avant, des ruraux le trouvent meilleur que le pain de luxe de la capitale…
La Une du Matin du 11 mai 1916.
Les boulangers ne peuvent plus donc cuire que ce pain national, la guerre perturbe en effet la production à tous les niveaux. Les champs de blés sont devenus des champs de bataille, une partie de la production française a en effet été anéantie, effacée par la ligne de front et les obus, ou part pour l’Allemagne.
Il reste certes en France de nombreuses terres à blé mais elles ne sont plus labourées, là où il y a des champs, il n’y a plus de paysans, massivement devenus soldats.
Ce manque de matière première et de bras oblige la France à importer du blé, ce qui coûte cher, d’où le souci du gouvernement d’encadrer dès août 1914 la production de pain. Petit à petit, il perd sa couleur blanche et la préfecture de police de paris par exemple, interdit le pain fantaisie et impose le pain national de 2 kg, fin 1916.
Ce pain national imposé par le gouvernement a un taux de blutage plus élevé, avec 100 kg de blé, on fait désormais 77 kg de farine, au lieu de 74 kg précédemment, ce qui signifie que la farine contient plus d’enveloppes de blé.
En France, ce n’est qu’à partir de 1917 que le pain est rationné, en Août, les cartes de pain font leur apparition et en décembre, la fabrication de la pâtisserie est interdite.
On commence même, mi 1917, à y ajouter du maïs, de l’orge et aussi localement de la pomme de terre.
Le Matin du 17 juin 1917.
Mais bien sûr, aucune comparaison avec situation des Allemands qui subissent une véritable pénurie alimentaire, ils sont obligés au début de bluter la farine à 90%, mais ça ne suffit pas, ils sont contraints alors de faire ce pain, le Kartofell Kriegsbrot, composé de 60 % de farine de blé blutée à 90 %, de 30 % de seigle blutée à 95% et de 10 % de farine de pommes de terre.
Le président Georges Clemenceau mangeant avec des soldats français dans les tranchées près de Maurepas dans la Somme en 1917.
C’est le décret du 27 mars 1919 qui autorisera a nouveau la production de pain blanc, et rendra aux Français leurs croissants.
Laurent Bonneau, Normand la Fidélité, C.B.R.F.A.D.