Chapitre xXI. CHOIX de FOUR et de CUISSON
XXI.1. Définition de « cuisson dans un four maçonné ».
Choisir sa cuisson, c’est choisir son type de four et c’est souvent le choix qui pose le plus question lors de la création d’une boulangerie. Pour quel four opter ? Quelle énergie utiliser ? Quel espace de cuisson prévoir ?
Et au final, combien tout cela va-t-il coûter ?
C’est la pièce maîtresse du fournil et, souvent, le budget dont on dispose brise des projets échafaudés sur une image : celle du boulanger enfournant dans la gueule d’un four à bois. Si l’on recherche l’authenticité, c’est vers ce type de four que régulièrement l’on se tourne.
Un peu comme le pétrissage manuel permet d’approfondir les bases techniques du pétrissage, même lorsqu’il est mécanique, le four ancestral nous aidera à mieux réfléchir les bases techniques de la cuisson, même si on utilise d’autres fours.
Mais en fait, plus qu’un four dit « à bois », il s’agit d’un four maçonné, massif (entre 40 et 90 tonnes de matériaux), composé de la sole, des rives et de la voûte, ainsi que murs et sable d’enceinte, qui accumule l’énergie et cuit inévitablement à chaleur tombante (fig.1), puisque l’on ne peut pas chauffer à nouveau pendant la cuisson. Il est clair pour ceux qui sont passés d’une chauffe en indirecte à une chauffe en directe que la croûte du pain y gagne beaucoup.
La cuisson au sein d’un espace chaud, c’est toute la différence qui existe entre les termes anglais baking et cooking ou allemands backen et kochen. Nuance qui n’existe pas pour le mot « cuisson » dans la langue française. C’est cuire dans un espace chaud. L’air chaud n’y est pas amené et renouvelé dès que la température baisse.
Dans l’idéal, la cuisson dans le four « consomme » la chaleur emmagasinée par une masse qui entoure la pièce à cuire. Le plus important a considéré pour la cuisson au four est l’enceinte close, il convient de s’interroger sur le type de chaleur nécessaire et sur l’intensité ou la douceur de la chauffe dit J.-Ph. Derenne[1]. Pour passer par une métaphore, la cuisson où la flamme lèche presque le produit à cuire, type grillades, est à l’opposé de la cuisson ou c’est la chaleur emmagasinée qui cuit l’aliment.
La continuité de la chauffe dans un four si elle peut être vivace au début, s’atténue, ce qui est inévitablement vécu pour les fours en chauffe directe.
Un aliment cuit sur une cuisinière ne reçoit la chaleur que par conduction.
La conduction, c’est lorsque deux corps ont des chaleurs différentes, la partie la plus chaude va transmettre la chaleur à la partie la plus froide jusqu’à ce que cela s’équilibre en température entre les deux corps[2]. Un principe général, le froid attire la chaleur, on le remarque aussi avec les pâtes que l’on fait plus chaudes en hiver, qui, si on ne les couvre pas, vivent l’échange thermique de manière intense au point de refroidir plus vite qu’une pâte plus tiède.
Dans la transmission de la chaleur qu’un pain vit par la conduction, le dessous du pain cuira plus vite que le dessus. Puis les températures du pain et de l’emplacement où il a été posé s’équilibreront et ce sera la partie supérieure qui commencera à cuire de manière plus importante. Ce qui nous permet de comprendre que beaucoup d’anciens boulangers pratiquaient ce geste, fastidieux pour certains, de changer les pains de place pour qu’ils aient plus de fond, du moins lorsqu’ils en manquent.
Évidement la conductibilité est différente suivant le type de corps thermophiles ou pas; dans les métaux, on sait que le cuivre est celui qui réalise le meilleur transfert de chaleur. Ici pour le four, les matériaux sont la pierre et la pièce à cuire est la pâte. La pierre est dite réfractaire justement à cette conductibilité, elle doit emmagasiner la chaleur le plus doucement possible. L’épaisseur et la composition de la sole du four sont donc des qualités importantes dans le choix d’un four.
À la différence de la cuisson par la seule conduction (type cuisinière), la cuisson au four ajoute les vecteurs ; rayonnement et convection.
La transmission de la chaleur par rayonnement (IX.12) peut se comprendre en prenant l’exemple des rayons du soleil. À sa surface, notre « plus grosse étoile » a une chaleur d’environ 5 500 °C. La distance entre le soleil et la terre (près de 500 millions de kilomètres) et les couches de l’atmosphère nous rendent le rayonnement de son feu, supportable.
Pour prendre une expérience tirée du fournil, on peut repérer jusqu’à quel « rayon » le feu du foyer est tolérable, lorsque l’on doit, par exemple, remettre sur le tas de braises une bûche qui a roulé hors des flammes.
La chaleur par rayonnement peut être mesurée par les ondes qu’elle émet appelées infrarouges (soit, en dessous du rouge) parce qu’inférieures à la vitesse de lumière visible, le rouge.
Comme nous le montre la figure 2, dans un four maçonné, la chaleur rayonne à partir de la voûte et un peu aussi des côtés. D’où l’importance de l’épaisseur et de la qualité des matières composant ces voûte et rives, ainsi que la hauteur de la voûte (XXI.7.6).
Côté réception de la chaleur par radiation, la matière qui absorbe les rayonnements est la pâte à pain composé des 15 % d’humidité de la farine et de l’ajout d’eau hydratant la pâte (soit 60 à 70 %). Ce qui nous donne un corps pâteux entre 47 et 50 % d’humidité totale. La chaleur est transmise par rayonnement de la surface vers l’intérieur de la masse de pâte à pain[3].
Le troisième type de transmission de chaleur se réalise par convection : c’est quand un corps et un flux se trouvent en contact alors qu’ils ont des températures différentes. Il existe une convection dite vive lorsque le corps, en l’occurrence le pain, est mis en contact avec un flux chaud le long de ses parois. Cette convection vive des flux sera influencée par l’ouverture ou non des portes du four ou des ouras et l’introduction de la vapeur au début de la cuisson, puis par les vapeurs de cuisson.
L’atmosphère à l’intérieur d’une chambre de cuisson est tout sauf un calme plat.
La convection forcée, c’est lorsque le flux (d’air chaud) est mis mécaniquement en mouvement. C’est le cas dans les foyers où les gaz chauds circulent à l’aide d’une turbine ou d’un gros ventilateur dans les fours dits pour cette raison à convection forcée.
On s’apercevra plus loin (XXI.8.6), lorsque l’on parlera du temps de pose, combien ces trois formes de transmission de la chaleur doivent s’équilibrer entre elles pour les fours à chauffe directe.
Au début de mon installation comme patron boulanger-pâtissier, en 1969, j’étais étonné de l’expression employée par les plus âgés de la clientèle pour apprécier la qualité de leur boulanger. Ils le formulaient en disant : « Il cuit bien ». J’ai mieux mesuré ensuite la portée de ce propos.
Il est vrai que le boulanger d’autrefois se contentait de cuire les pâtes, c’était sa seule compétence. On lui apportait la pâte et il était payé pour la cuisson.
Dans un vieux dictionnaire wallon-français de 1793 le « cûxheje » (la cuisson) était l’expression employée pour « l’action de la chaleur qui sert à cuire ou pour le prix qu’on paye au boulanger pour cuire le pain ». Comme le boucher n’était payé que pour le « touweje » (l’action d’abattre la bête) qui était, selon l’usage, « le salaire qu’on donne à un boucher pour tuer la bête[4] ».
Cet usage est aussi une explication de ce vieux tableau du boulanger corniste, sonnant pour annoncer à ses clients que son four est prêt pour enfourner les pâtes, ou alors pour signaler que la cuisson est finie et qu’ils peuvent venir reprendre le fruit de la cuisson[5].
On le voit sur une peinture à l’huile de 1681 du hollandais Job Adriaensz Berckheyde (fig. 3), assez connue, De hetebroodblazer, soit le boulanger qui appelle pour signaler que le pain est cuit.
Les fours qui n’ont pas suffisamment de masse n’emmagasinent pas la chaleur et de ce fait n’ont pas assez d’inertie thermique pour bien cuire à cœur. On peut le vérifier avec les cuissons de viandes qui restent plus juteuses après leur passage en four de masse, puisqu’il ne faut pas renouveler la source de chaleur. En simplifiant beaucoup pour faire passer l’idée, on pourrait dire qu’avec les nouveaux fours on tend vers une cuisson type « lance-flamme », en s’écartant de la qualité de cuisson boulangère, avec une chaleur accumulée et contenue.
Au fil du temps, la cuisson en chaleur tombante lentement accumulée et restituée a été remplacée par une cuisson réglée sur une certaine température, sans réfléchir à l’ambiance chaleur que l’on génère et qu’il faut renouveler trop souvent dans les fours modernes (XXI.10).
Pour comprendre la différence entre four maçonné et tôlé-isolé avec un schéma moins caricatural (fig.4), il suffit de comparer la cinétique (ici, l’évolution de la température) de trois fours : massifs à chauffe directe (foyer et chambre de cuisson dans la même pièce), massifs à chauffe indirecte (foyer et chambre de cuisson séparée) et enfin, ceux dont la chauffe est dite à convection forcée pour lesquels l’enfournement se fait à l’aide de chariots, typiques des terminaux de cuisson.
Pour la mise à température à partir d’un four froid (en quelque sorte, une part importante du rendement calorique), il existe un net avantage au four à convection forcée qui après une demi-heure arrive à la température de cuisson, contre une heure à une heure et demie en four en indirect et une heure et demie à deux heures pour le four en direct. Ce que la figure 4 ne compare pas bien, ce sont les températures de départ de la chauffe. Puisque si le four massif ne monte pas bien en température, il ne descend pas rapidement non plus en température. Cela devient un avantage, si du moins on fait plusieurs fournées sur la journée et que les panifications sont quotidiennes. Là où il fallait deux heures pour arriver à la température de cuisson, il ne faut plus que vingt à trente minutes dans les chauffes suivantes. Un fournier (entendez : constructeur de four) dit d’un four massif, qu’il faut 45 minutes pour passer de 140 °C à 350 °C et que, pendant la nuit, la température ne tombe que de 200 °C à 140 °C[6].
Autre point à repérer dans ce schéma : pour les fours à convection, l’enfournement d’un chariot avec son contenu fait chuter la température, il faut donc rapidement compenser cette perte de chaleur, ce qui a tendance à moins bien cuire à cœur.
Il existe deux types de four maçonné et à bois.
En France, pour beaucoup, et surtout au regard de plusieurs jugements et interprétations officiels, notamment l’arrêt de la cour de cassation du 17 janvier 1983, on induit le consommateur en erreur lorsque l’on évoque l’appellation « cuit au feu de bois » et que le foyer peut chauffer de manière continue le four. Là où la flamme n’entre pas en contact avec la pièce où l’on cuit le pain, en cuisson dite « indirecte », on ne peut se prévaloir d’une « cuisson au feu de bois[7] ».
Plus qu’un autre four, celui à chauffe directe au feu de bois permet à chaque boulanger de repenser la cuisson en professionnel, de revenir à la démarche de base, à une recherche de compréhension par ces sens, que l’on ne cesse d’évaluer lors des cuissons.
XXI.2. L’évolution dans les choix de cuisson et d’énergie.
Lorsque l’on dépassera la cuisson de pâtes dans la cendre et sur les pierres plates chauffées, on arrive à créer un espace conservant la chaleur dans une enceinte d’argile ou de pierre ; le four [8]. Il sera d’abord à chauffe direct et n’a guère connu d’évolution depuis l’époque romaine, l’appellation « four romain » encore attribuée de nos jours, le prouve.
Le 24 août de l’an 79, l’éruption du Vésuve à Pompéi près de Naples, par l’ensevelissement sous des sédiments volcaniques, nous permet d’attester déjà de four de ce type au premier siècle de notre ère.
Il faut attendre les xviie et xviiie siècles pour que la panification soit de moins en moins une tâche ménagère, surtout dans les grandes agglomérations. On verra alors des fours de taille plus importante, principalement dans les hospices et chez les propriétaires terriens qui devaient nourrir les journaliers. La taille du four restera toutefois limitée à la tâche du pétrissage de pâte dépassant rarement les 100 kilos. Et plutôt que d’augmenter l’espace de cuisson, on construisait un autre four à côté, afin de bien ajuster l’apprêt de la fermentation à la montée de température de cuisson. Parmentier décrit bien la problématique vécue par les boulangers au xviiie siècle utilisant la chauffe en directe[9] : « Il vaut infiniment mieux que ce soit le four qui attende après la pâte, que celle-ci après le four, parce que si on est encore à temps pour conserver et entretenir la chaleur de ce dernier, on n’a pas une ressource semblable au sujet de la pâte dont l’apprêt commencé se suspend et s’arrête difficilement ».
Dans ces fours plus grands, vers le xviiie siècle, l’évacuation de l’air chaud et des fumées ne se fait déjà plus par l’avant (fig.5) avec la chauffe se pratiquant porte ouverte, où fumée et vapeur se disputent l’étroit passage. En bas l’air entre pour nourrir le feu d’oxygène, en haut la fumée sort. L’évolution c’est qu’au fond du four le fournier place les « ouras » (ouvertures de conduit de fumée qui rejoignent la cheminée principale) qui améliorent le tirage d’air de la flamme qu’il faut projeter du foyer, souvent disposé à l’avant du four, jusqu’à l’arrière de la chambre de cuisson. On peut de cette manière boucher l’ouverture du four pendant le temps de chauffe et éviter de polluer l’atmosphère du fournil.
Dans les années 1890, le foyer décalé avec gueulard fait son apparition. Le « gueulard », on l’appelait autrefois « phare mobile », « phare basculant ». Ou encore on dénommait ce type de four, « à buse[10] ».
Ce « gueulard » sert à diriger la flamme de gauche à droite, pour chauffer de manière égale toutes les surfaces de l’espace de cuisson (XXI.7.15 et XXI.8.4). Serge me précisait qu’il existe avec le foyer décalé, un double effet « venturi », lorsque la flamme passe par le gueulard, et qu’elle se détend dans le four, puis lorsque le fluide chaud doit passer par les ouras. Si les orifices (ici, le gueulard et les ouras) se rétrécissent, cela accélère le passage des flammes et gaz chaud ainsi que la combustion. Avec cette dernière méthode de chauffe, il est moins question de flamme pour chauffer la voûte et d’étalement des braises pour chauffer la sole comme c’est le cas pour les fours « romains ». La flamme doit « parcourir » la chambre de cuisson (fig.28) et un temps où la chaleur « se pose » par après est à calculer (XXI.8.6).
Le xixe siècle voit l’introduction de la chauffe indirecte, surnommée « aérotherme » par Jametel et Lamare en 1834, soit à circulation d’air chaud. Les fours utilisant ce système furent d’abord en usage surtout dans le nord de la France et les pays limitrophes[11].
Ici, le foyer producteur des flammes et la chambre de cuisson sont séparés.
On pourra chauffer le four tout en cuisant dedans, ce qui n’est pas le plus indiqué toutefois pour garder une bonne qualité de cuisson.
On remarque deux systèmes de chauffe indirecte : pour le premier, les flammes et leurs fumées vont entourer la chambre de cuisson, comme le four Rolland de la moitié du xixe siècle, un des précurseur des fours à sole tournante (fig.6).
Dans le second système les flammes vont « lécher » des tubes en acier qui vont diffuser la chaleur dans l’espace de cuisson (fig.32 et XXI.9.2.).
Lorsque la distribution de gaz et de fioul apparut sur le marché, certains boulangers, eurent recours à des brûleurs lance-flammes qu’ils dirigeaient dans le four. Pour les fours à charbon, dans un premier temps, assez bref, c’est une caisse en fer sur roulette avec cendrier que l’on promenait dans le four. Ce système de chauffe n’étaient là que pour adapter les nouveaux combustibles aux anciens fours en chauffe direct[12]. Ils disparaîtront lorsque les vieux fours seront remplacés.
Ces transformations marquent le début du règne des fours à chauffe indirecte, seul type de chauffe autorisé lorsque l’on avait recours aux énergies fossiles.
Après un temps d’adaptation au niveau légal , il n’y a que les combustibles bois et gaz qui furent autorisés en chauffe directe.
Le four de boulangerie conserve un aspect extérieur massif, mais un habile système de canaux internes de circulation d’air chaud pour la récupération d’énergie va faire parfois de cette masse, un véritable gruyère.
Autre évolution, l’enfournement avec sole sortante, puis avec le tapis-enfourneur, qui va remplacer efficacement la petite porte étroite en fonte, à balancier ou à guillotine, perdant moins de chaleur à l’ouverture que les portes battantes. Dans le cas du tapis-enfourneur, cela va évincer la pelle en bois élimée, usée et si légère qu’elle en devenait la préférée en permettant d’enfourner des pains à l’apprêt plus prononcé.
Depuis les chocs pétroliers et dimanche sans voitures, (principalement marqué en 1973, 1979, 1990 puis 2008…), sorte d’avant-garde de la crise énergétique, les constructeurs de fours ont cherché, comme les constructeurs automobiles, à diminuer la consommation énergétique de cet outil professionnel.
Ainsi, on a conçu des fours tôlés et fort bien isolés où la chaleur est propulsée autour des chambres de cuisson. On va jusqu’à rebrûler les gaz. Un bémol toutefois, même si l’on emploie des fours à convection forcée moins énergivore. Pour la fabrication de produit surgelé (XVI.5) et cuit en différé dans ce type de four, ce concept de boulangeries « froides » mobilise deux fois plus de demande d’énergie que les productions de boulangeries « chaudes[13] ». Comme quoi, ce que l’on gagne d’un côté, on le perd largement de l’autre !
Ces nouveaux fours à air pulsé (fig.33) sont souvent à usage plus pâtissier et rarement dédiés à la cuisson du pain. Avec ces innovations, on a réussi le pari économique, mais la qualité de cuisson a régressée. Ces fours, de plus en plus efficaces pour dorer une croûte de pain, ont plus de difficultés à cuire à cœur. On parle alors de four à semi-accumulation de chaleur[14] et le côté rationnel de l’économie prend le pas sur la spécificité d’une cuisson au four : l’accumulation de la chaleur dans une pièce pour y cuire.
XXI.3. La lutte contre l’effet de serre et la problématique des combustibles,
Le choix du four dans ce xxie siècle doit principalement tenir compte du choix de l’énergie. Surtout que l’on prenne en compte, la lutte contre la pollution et l’effet de serre. Ce qui aboutit en priorité à privilégier l’économie d’énergie, afin de réduire les rejets de CO2 au maximum[15].
Pour vous aider à faire un calcul comparatif et établir une balance chiffrée des énergies, c’est tout, sauf évident. Lorsque l’on tente ce relevé, on essaye de cerner les divers types d’énergies sur le marché : bois, fuel, électricité, etc. Déjà là, on ne retire qu’une comparaison qui n’est pas raison, au niveau de l’unité comptable. Surtout pour le bois, qu’il faut traduire de volume en poids pour pouvoir comparer les énergies entre elles. Après, il faut transcrire ces chiffres du poids en kilocalories où le bois produit deux à trois fois moins que les énergies charbon et fuel. Si on parle en kilojoules, il faut multiplier la kilocalorie par 4,184. Le kilowattheure (1 kcal = 0.001163 kWh), lui, est une mesure du calcul d’énergie donnée par les distributeurs d’électricité, cela définit la quantité de chaleur fournie pendant une heure. Il faut dès lors connaître la durée de fonctionnement de l’énergie en heures et minutes pour cuire votre production, avant de pouvoir comparer.
Bien sûr, il faut mettre à jour les prix du marché de l’énergie, qui sont très fluctuant, pour avoir un semblant de résultat, pas seulement un comparatif des coûts, mais aussi des rendements caloriques.
Après il faut encore comparer les consommations par kilo de pain produit, qui diffèrent chez chacun en fonction des surfaces chauffées et de leur occupation.
Vous comprenez qu’au final, le calcul le plus simple est celui qui divise l’énergie consommée annuellement en cuissons par le nombre de kilos de farine transformée, même si on n’est plus tout à fait dans le calcul prévisionnel avec cette méthode. Grace à Henri, responsable de la commission fiscale à la fédération francophone (belge) des boulangers, on sait qu’en 2016, la moyenne d’une quarantaine de boulangeries-pâtisseries est de 36,67 euros pour 100 kilos de farine. Sachant que l’on relève les chiffres de consommation énergétique du four, chauffage, machines et éclairage dans le post énergie et que l’on considère que 90 % de ce chiffre est consacré au four[16].
Dans cette bataille de chiffres, si on prend les tableaux venant des fournisseurs d’énergie, teinté de conflits d’intérêts, on est plus face à un discours sur les avantages de l’offre qu’à de réelles comparaisons.
Ainsi un tableau (fig.7) a été publié dans les années 1990 venant peut-être de Gaz de France. Celui-ci décrivant que la chauffe en direct au gaz était, par rapport aux autres modes de chauffe, celle qui demandait le moins de consommation de kilowattheures. Sur base de quels critères ont été fait ces calculs, je ne pourrais pas vous le dire. Mais il semble avéré qu’au niveau du rendement calorique, le moins bon système est le chauffage de four massif en direct. La flamme et les fumées ne font que passer dans le four et la chaleur des sorties de fumée l’atteste. Autre enseignement, le prix de la kilocalorie venant du gaz de ville est à la date de l’édition (mi-2022) quatre fois inférieur au prix de la kilocalorie venant de l’électrique.
fig.7. Comparaisons thermique et d’inertie, de quatre types de fours en 1999 | ||||
Types de fours | Four à bois en chauffe directe,
dit romain, ou à foyer décalé |
Four à tubes annulaires Mannesmann | Four à convection forcée | Four à convection forcée + échangeur |
Type de Chauffe | ||||
Chauffage direct, montée en température très lente (± 60’ à 90’) Départ à froid :
24 à 36 h. |
Chauffage indirect, tubes hermétiques remplit d’eau ou huile.
Montée en température assez rapide (± 30’ à 35’) |
Chauffage indirect
Montée en température assez rapide (± 30’ à 35’) |
Chauffage indirect
Montée en température assez rapide (± 40’) |
|
Fond
Inertie thermique |
Rendement thermique très faible, mais très bonne inertie thermique | Rendement thermique assez bon et bonne inertie thermique | Rendement thermique assez bon et inertie thermique
moyenne |
Rendement thermique moyen et mauvaise inertie thermique |
Brûleur | atmosphérique | Fuel (en général) | Fuel (en général) | Fuel (en général) |
Réglage | Appréciation manuelle empirique | Automatique (thermostat) | Automatique (thermostat) | Automatique (thermostat) |
Capacité
de cuisson |
8 à 16 m², soit 80 à 160 pains de 0,5 kgs | 6 à 20 m², soit 75 à 250 baguettes | 4 à 20 m², soit 50 à 250 baguettes | 70 à 200 baguettes par chariot |
Puissance thermique | 12,5 kW ou plus
par m² de sole |
± 8,5 kW
par m² de sole |
± 9,5 kW
par m² de sole |
Chariot de 150 baguettes
85 kW pour 1 cellu. 160 kW pour 2 cellu |
Température de sortie des fumées | ± 400 °C | 300 à 350 °C | 325 à 375 °C | 340 à 380 °C |
Consommation par 100 kg de farine | 160 à 180 kW/h. | 115 à 130 kW/h. | 130 à 145 kW/h. | 145 à 155 kW/h. |
Observations | Four à sole maçonné en réfractaire de 60 à 80 tonnes
Bonne accumulation de chaleur dans les parois internes (forte inertie) Parfois, brûleur mobile (gueulard) |
Four à sole partiellement ou totalement maçonné
Cuisson indirecte (chambre de cuisson indépendante du foyer) |
Four à sole avec recyclage partiel des gaz de combustion Cuisson indirecte
(chambre de cuisson fermées indépendantes du foyer) |
Four à chariot(s) (cuisson sur filet
inox perforé) Cuisson indirecte Plus gros échangeur D’ou plus de convection forcée Souvent indiqué pour terminal de cuisson |
D’après une information donnée par le bimensuel « Les Nouvelles de la Boulangerie » le 15 octobre 1993 |
L’entreprise, Électricité de France, mettra en avant que l’énergie électrique (fig.8) donne une souplesse d’utilisation imbattable, puisqu’on peut régler la température de chaque rangée de résistances électriques, et donc chaque étage d’un four, à des températures différentes.
Ce qui est vrai aussi pour chauffer voûte et sole à des degrés différents. On insiste aussi sur la stabilité de la montée en température, permettant une régularité de cuisson. Les fournisseurs d’électricité diront également que ce type d’énergie ne nécessite pas d’espace de stockage, est propre, etc. Mais l’aspect des coûts à l’utilisation des résistances électriques et au renforcement du réseau à l’installation ne figure pas dans le tableau d’évaluation. Ainsi que la lourde problématique des déchets nucléaires, puisque tant qu’il y aura des centrales nucléaires, tout équipement raccordé au réseau consommera fatalement de l’électricité provenant du nucléaire, quoi qu’en disent les fournisseurs d’énergie électrique, aussi « verts » soient-ils.
fig.8. Les arguments de vente du four électrique par le vendeur d’électricité | ||
Qualité de production | Coûts compétitifs | Qualité de travail |
1. Souplesse de production : indépendance des chambres, variétés des productions et économies
2. Stabilité des températures 3. Régularité des cuissons 4. Programmation facile et pratique |
1. Montée en température rapide -économie de fonctionnement et gain de temps
2. Entretien réduit, service après-vente allégé (pas de brûleurs) 3. Une sécurité accrue, des coûts d’assurance moindre 4. Pas de stockage 5. Pas de gaspillage d’énergie (une définition exacte de la température nécessaire à chaque cuisson, y compris chambre par chambre) 6. Gains de productivité 7. Un seule énergie pour alimenter le fournil et le magasin |
1. Une sécurité accrue
2. Une température moindre dans le fournil 3. Pas de bruit, ni d’odeur 4. Une programmation plus aisée du travail et de la production |
D’après publicité de la firme E.D.F. (électricité De France) dans revue Filière gourmande 1990 |
Comme on le remarque, il faut appréhender beaucoup de points. En plus des considérations écologiques, la recherche de la meilleure consommation énergétique et celle de la plus grande qualité de cuisson s’opposent un peu entre elles.
Si le bois énergie est meilleur au niveau du bilan carbone, il ne doit pas en arriver à la déforestation, ce qui doit nous conduire écologiquement à n’utiliser que du déchet de bois, aucun bois d’œuvre, et de ne pas promouvoir ce type d’énergie dans l’état actuel du dérèglement climatique. Voilà ce que disent les plus chauds défenseurs de l’environnement. Puisque toute déforestation menace gravement le climat (fig.9). Il est d’ailleurs plutôt gênant de demander aux pays émergents de ne pas couper leurs forêts primaires alors que les pays les plus développés ont supprimé leurs forêts primaires très tôt dans leur histoire. Cela ne doit pas être une lutte entre insoumis et indignés, mais une responsabilité globale dans le vrai sens du terme.
Témoignage personnel, lorsqu’en 1998, nous avons dû changer de four et tenté de faire un choix écologique, on s’est surpris à s’exprimer suivant cette maxime : « allons au moindre mal ! ». Et de s’inscrire dans une économie qui reboiserait la Terre avec, entre autres, la plantation de haies et l’agroforesterie[17]. Tout un programme, avant d’être une réalité dans les chiffres. Il y aura des pionniers qui devront vivre le risque d’« aller voir » et il faudra que d’autres suivent.
Voyons le choix de l’énergie électrique, qui de par son passage progressif et obligé vers les énergies renouvelables, est à prendre en compte si l’on réfléchit à un choix d’énergie d’avenir. Le réseau de distribution est trop bien en place que pour ne pas évoluer. La plus grande aberration de l’énergie électrique, c’est qu’on transforme de l’énergie mécanique ou calorique en électricité, pour ensuite la retransformer en énergie mécanique ou calorique. Avec des rendements pas si terribles, et surtout de grandes déperditions à l’acheminement de l’électricité. Si on prend en compte le rendement total de la chaîne de production électrique, je pense qu’un four à bois bien réalisé s’en sort pas trop mal. Et au moins on brûle du bois pour faire de la chaleur, on ne le brûle pas pour faire de l’électricité avec des rendements catastrophiques (centrales biomasse au bois).
fig. 9. Quelques scénarios catastrophes ou pronostic pessimistes, milieu des années 1990, dans le cas d’une évolution négative des changements climatiques |
Si la tendance des années 1995 se poursuivrait au niveau de la consommation d’énergie et de l’effet de serre.
On parlait alors du risque d’être exposer à des bouleversements importants. Voici ceux répertoriés par 2.500 scientifiques de l’Intergovernemental Panel of Climat Change (IPCC) de l’ONU, base scientifique du GIEC. Examinons-les après 25 ans, avec un regard critique sur les évaluations déjà constatées ou pas, depuis. |
– Les forêts canadiennes, russes et amazoniennes sont dévastées par la chaleur et la sécheresse
– Les greniers à blés russes et américains se déplacent vers le Nord – De violentes tempêtes menacent le Sud des États-Unis – Le Sahara s’étend en direction du Nord, au point d’atteindre le Sud de l’Espagne et la Sicile – Pénurie d’eau au Moyen-Orient. Le delta du Nil disparait – L’archipel des Maldives est englouti – Un tiers du Bangladesh est menacé – Les plages de la Méditerranée disparaissent du fait de l’élévation du niveau de la mer – Les stations de ski des Alpes sont contraintes de fermer en raison du manque de neige – Le permafrost des régions arctiques et du Groenland fond en provoquant des glissements de terrains. – Les oléoducs, les routes et les maisons s’effondrent – Les glaces arctiques fondent, entraînant la disparition des ours polaires |
D’après une compilation d’articles dans le Courrier International sous le titre : « Un air moins pollué » d’octobre 1997. |
L’approche que nous menons ici à la recherche du meilleur combustible n’a pas d’autre ambition que d’élaguer un peu la forêt d’informations très complexes pour les boulangers des bois ou les boulangers électriques qui font face aux défis environnementaux de demain.
Les énergies quel qu’elles soient, présentent des problèmes de pollution atmosphérique. Des filtres ont déjà permis aux industries rejetant du dioxyde de soufre (SO2 – les fameuses pluies acides), d’améliorer leurs inévitables rejets soufrés. Le plomb de l’essence devrait être empêché d’émettre sa pollution grâce aux pots catalytiques et à la réduction puis élimination de sa teneur dans le combustible. N’importe quelle énergie émet des résidus polluants et n’importe quelle énergie est nécessaire à la vie actuelle.
fig. 10. Comparaison des principales familles de combustibles carbonés | ||||
Composition élémentaire (ramené à
1 atome carbone ) |
Pouvoir calorique inférieur au Kcal /kg | M³ de CO2 dégagé par tonne
de TEP (*) de combustible |
Tonne de CO2 par TEP (*) | |
METHANE | CH 4 | 11.410 | 1.230 m³ | 2, 4 |
BUTANE | CH2.5 | 10.820 | 1.430 m³ | 2, 8 |
METHANOL | CH 3OH | 4.750 | 1.475 m³ | 2, 8 |
ETHANOL | CH 3O0,5 | 6.400 | 1.522 m³ | 3 |
ANTHRACITE | C | 8.000 | 2.336 m³ | 4, 5 |
CHARBON sub-bitumeux | CH 1,08O0,37 | 7.740 | 1.524 m² | 3 |
PÉTROLE BRUT | CH 2 | 9.900 | 1.618 m³ | 3, 2 |
GASOIL | CH 2,12 | 9.550 | 1.645 m² | 3, 2 |
CELLULOSE | CH 2O | 4.150 | 1.800 m³ | 3, 5 |
BOIS | CH 1 ,6600,66 | 4.500 | 2.049 m³ | 4 |
(*) TEP = Tonne équivalent Carbone. étant entendu que chaque TEP dégagées ne sont valable pour le bois et en terme d’effet de serre, que lorsqu’il s’agit de déforestation nette, sans reforestation de l’espace. |
Le bois-énergie a une connotation naturelle et, comparé aux autres énergies carbone (mazout, charbon, gaz), a donc un avantage au niveau effet de serre.
Contrairement au nucléaire, qui ne figure pas dans la figure 10 précédente comparant les combustibles carbonés, mais qui n’a pas résolu ses problèmes de déchets radioactifs et des risques « atomiques », le bois énergie est là aussi une bonne énergie. Seulement tout n’est pas dit et acquit pour autant, il ne faut pas se contenter de ces constats précités, mais améliorer et ne pas être aveugle face aux problèmes de pollution que l’on rencontre sur notre planète.
Pour bien faire à l’avenir, on ne devrait émettre dans l’atmosphère qu’un faible pourcentage d’énergies fossiles – mazout, gaz, charbon.
Pourquoi ? Parce que l’on rejette dans l’atmosphère du CO2 n’entrant pas dans le cycle du carbone !
Il a fallu des milliers d’années pour produire ces produits fossiles et carbonés que sont le pétrole, le gaz de pétrole liquéfié (Gpl), voire la tourbe. Lorsque que l’on rejette le CO2 issus de la combustion de ces énergies, aucune source propre à la production de ces énergies ne va rétablir le bilan carboné et contribuera ainsi à en rejeter toujours plus.
Un point un peu difficile à comprendre, ce cycle du carbone (fig.11) et la perturbation écologique que cela entraîne lorsque l’on sort de ce cycle.
Le bois et sa combustion vont nous permettre de mieux expliquer ce cycle. Dans sa vie, un arbre va pomper autant de CO2 qu’il va en émettre en terminant celle-ci, qu’il soit brûlé ou laissé sur place à s’auto-composter.
Dès lors, le bois, n’est-il pas une énergie renouvelable ?
Oui, lorsqu’il est pris dans un circuit plantation/abattage équilibré, c’est-à-dire que l’on reboise au moins autant que l’on déboise et que l’on n’utilise que les déchets de bois pour le bois-énergie. Le bois présente un bilan nul en termes d’émission de CO2, ce qui nous intéresse dans les solutions recherchées ici.
Les combustibles fossiles, quant à eux, vont émettre dans l’atmosphère du CO2, sans être capables d’en emprisonner, puisqu’ils se créent sur des millénaires dans les profondeurs du sol. La tourbe, si chère aux bouilleurs de whisky, ne se développe que d’un millimètre par an environ, il a fallu 10 000 ans pour qu’elle atteigne sept mètres de hauteur.
Pour intégrer l’énergie-bois dans les énergies du futur, il faut qu’il n’y ait pas de « déstockage » du carbone pompé lors de la combustion du bois. Il est cependant impensable de voir la production forestière suivre l’énorme augmentation de la consommation d’énergie, si le chauffage au bois tendait à se généraliser. L’approvisionnement ne suivrait pas, les prix « flamberaient » et l’impact environnemental serait négatif, la déforestation entrainant la désertification. Si même l’énergie bois est plus performante au niveau lutte contre l’effet de serre, son utilisation doit rester secondaire et surtout dans les limites d’une non-décarbonisation de l’énergie au niveau de notre planète entière.
Dans les pays où la sylviculture est plus intensive, l’utilisation du bois-énergie est obligatoire pour le chauffage des bâtiments publics, cas du Canada et des pays du nord de l’Europe qui produisent énormément de déchets de bois, qui rappelons-le font ± 40 % de l’exploitation forestière. Avec cet exemple, nous sommes face à des situations géo-spécifiques propres aux énergies renouvelables. Ainsi, le Danemark est passé de 2,3 % en 1990 à 48,8 % en 2015 dans la part d’énergie produite par les éoliennes. En Israël, 83 % de l’eau chaude est produite par l’énergie solaire, et la part du photovoltaïque dans la consommation énergétique israélienne est de 3,5 % en 2017.
Le bois énergie a encore l’avantage de ne pas produire de SO2 que peuvent rejeter les énergies fossiles, coupables de pluies acides et de « smog » allerginisants.
Par contre, il produit d’autres polluants de l’air que nous allons analyser dans le sous-chapitre qui suit.
Ici on va voir les désavantages de la cuisson en direct et de l’utilisation de l’énergie-bois.
En prenant deux données dans la documentation qui précède (fig.6b et fig.6e), on entrevoit tout de suite les désavantages énoncés plus haut.
La première compare les combustibles usuels en termes d’émission de CO2. Le m³ de CO2 dégagé par tonne équivalent pétrole (Tep) fait que le bois dégage 2 049 m³ contre 1 618 m³ au gasoil et 1 430 m³ au butane, soit 1,26 et 1,43 fois plus[18].
Rappelons que la figure 6b, vu plus haut, compare les types de fours proposés par le commerce et notamment leur consommation par quintal de farine panifié. La chauffe directe, dite « gallo-romaine » dans le document, consommerait 160 à 180 kWh, contre 115 à 130 kWh pour le four à tubes annulaires, soit 1,38 fois plus.
Si on ajoute les deux coefficients dans leurs scénarios les plus pessimistes, cela donne plus d’émission de CO2. Il faut préciser que ces chiffres, qui sont les seuls en ma possession, doivent être interprétés de manière critique. Les chiffres émis plus haut devraient aussi prendre en compte l’accumulation de chaleur, plus profitable il est vrai aux boulangers qui cuisent beaucoup, la récupération de la chaleur pour le chauffage de l’eau et d’autres locaux adjacents est probablement peu repris dans ces calculs. . Mickael Athias a d’ailleurs trouvé sur le net en 2010, un tableau[19] qui chiffré en dépense énergétique sur la cuisson de 60 quintaux de farine au mois, donnait avantage à l’énergie bois. Le gaz naturel étant en coût, à 158% de l’énergie-bois, l’électricité à 170 % et le fioul à 240 %, mais ces calculs ont été réalisé à quelle date et suivant quels critères précis mesurant l’empreinte écologique ?
Plus de recherches n’ont pas assez été entreprises sur un système de four tombé en désuétude pendant au moins trois quarts de siècle. Vu la régression de vente de fours à bois, les derniers constructeurs de four à bois n’ont pas pu apporter les modifications que les nouvelles donnes écologiques indiquent.
C’est pratiquement une terre vierge au niveau amélioration des procédés. Au-delà de ces rectifications, remarquons que pour la problématique de l’effet de serre, si la chauffe aux déchets de scierie, noyaux d’olives, coques de noix est déjà une solution en soi, il serait vertueux de chercher d’autres pistes d’isolation, récupération de chaleur et peut-être aussi mutualisation de l’outil, pour améliorer l’empreinte écologique du bois-énergie.
XXI.4. Les polluants émis par le bois énergie
La chauffe au bois n’est pas « aussi inoffensive qu’on voudrait bien le croire[20] ». C’est le titre que le ministère de l’environnement du Québec donne dans son information au public.
Le Canada, pays où le bois-énergie est abondant, est un endroit pointu pour l’observation de la problématique des substances gazeuses et autres, émises dans notre milieu de vie par le combustible bois.
C’est surtout crucial en hiver avec l’émergence du smog favorisé par le froid canadien et l’absence de vent.
Reprenons l’inventaire québécois avec (précisons-le bien) ce que sont les potentialités toxicologiques (pas moins, pas plus) sur la santé publique[21].
- Bien sûr, le monoxyde de carbone (CO) entraînant maux de tête et l’étourdissement pouvant être fatal est dû à une mauvaise combustion ou manque d’oxygénation du feu. Une bonne combustion donne du gaz carbonique (CO2). Les portes bien hermétiques et le soin parfois apporté à l’isolation amplifient le problème. Comme ce gaz (CO) est plus lourd que l’air, un espace grillagé de deux centimètres sous la porte éviterait le problème, mais occasionne une déperdition de chaleur.
- L’oxyde d’azote (NOX) vient parfois irriter le système respiratoire, et à concentration élevée, il peut conduire à l’œdème pulmonaire. Ce gaz entre aussi dans la problématique des pluies acides.
- Les composés organiques volatils (Cov), famille définie de manière assez large, sont des précurseurs de gaz à effet de serre.
- L’acroléine et le formaldéhyde produits, peuvent être cancérigènes.
- Viennent ensuite les hydrocarbures aromatiques polycycliques (Hap), cancérigènes d’après les expériences de laboratoire sur animaux. Ils font l’objet d’une veille sanitaire plus précise et d’un suivi législatif.
- Dioxines et furanes, cancérigènes plus notoires, sont cités pour la chauffe du bois traité, interdit dans l’alimentaire, mais parfois utilisé pour les poêles à bois. La dioxine est une substance de synthèse brulée crée par les humains.
- Pour clore cet inventaire, non plus avec des gaz, mais avec des particules fines. Elles peuvent aggraver les maladies respiratoires avec comme corollaire, l’augmentation des risques cardiaques. On devient très attentif à cette pollution en essayant de limiter au maximum les rejets.
Cet inventaire de la direction de la santé publique de Montréal s’est opérée parce qu’en milieu résidentiel, le chauffage au bois a augmenté de 60 % de 1987 à 2000. Du coup, en secteur résidentiel, 47 % des contaminants toxiques de l’air émanent du chauffage au bois, 33 % pour l’industrie, 17 % pour le transport qui a équipé les moteurs de filtres à particules et pots catalytiques.
Et en Europe, où en est-on ? Une directive européenne (76/464/Cee) veut cerner certaines substances dangereuses dans le milieu aquatique qui réceptionne les pollutions atmosphériques et en deviennent indicatrices. Du coup, la veille sanitaire se focalise sur les Hap par le contrôle fort suivi de la pollution des eaux de surfaces. Dans un rapport de 1990, dans le domaine alimentaire en général, la Dgccrf (« les fraudes ») a analysé plus de 200 échantillons de produits alimentaires. Parmi ces produits, 34 relevaient du groupe pain et pizzas. Cinq de ces produits présentaient des teneurs élevées en Hap. Le commentaire fait état de « quelques concentrations dans les pizzas cuites au feu de bois ». Voilà qui explique pourquoi les autorités préfèrent envoyer les pizzerias sur les roses quand elles leurs soumettent des demandes d’installation de fours à bois. Comme la cuisson des pizzas s’opère à four ouvert avec les braises maintenues sur le côté intérieur du four, la combustion incomplète des produits organiques génère des hydrocarbures aromatiques polycycliques (Hap). Il semble que les études aient jusqu’à présent laissé de côté les pains cuits au feu de bois. Il faudra probablement établir des différences, d’abord, parce que pour le pain, il s’agit de cuisson avec four à porte fermée et après le retrait des braises.
Tout ceci est de la veille sanitaire et conduit généralement à des recommandations très utiles pour la santé, plus rarement à des interdictions, autrement le barbecue serait sans doute le premier sur la sellette.
Au niveau environnemental, on parle de potentialité et d’études devant permettre l’établissement de limites d’exposition. Pour limiter l’exposition aux contaminants, les recommandations canadiennes, qui nous semblent les plus pointues, incitent à limiter les foyers et poêles à bois, les feux de bois extérieur, et oblige à ne brûler que du bois non traité. Les poêles à combustion lente sont plutôt proscrits que prescrits. Une mauvaise combustion due à un mauvais séchage ou à un manque d’oxygène font également partie des points à éviter. Une éducation grand public se met en place dans le pays à la feuille d’érable.
XXI.5. L’évaluation de l’énergie-bois
Voici un sous-chapitre spécial bois-énergie puisque très présent dans les chauffages alternatifs actuels et du fait de la complexité de ce secteur énergétique parfois difficile à comprendre.
fig.12. Le poids du stère ( = ± 1 m³)
de différentes essences de bois et de la bûche reconstituée et compactée |
|
Charme | de 400 à 500 kilos |
Chêne | de 380 à 480 kilos |
Hêtre | de 350 à 450 kilos |
Bouleau | de 300 à 400 kilos |
Peuplier | de 250 à 350 kilos |
Mélèze et Pin | de 300 à 400 kilos |
Épicéa et Sapin | de 250 à 350 kilos |
Buches compactées de feuillus | de 245 à 255 kilos |
D’après MARIN, 2004 et renseignements personnels |
À l’achat, le bois se compte au stère, une unité de volume qui complique le calcul du coût du bois, puisque suivant l’essence de bois et de sa longueur, le stère de bois peut passer du simple au double lorsqu’on compare en terme de poids. D’ailleurs le stère est une unité de mesure non autorisée au niveau juridique puisqu’il n’est pas une mesure stable en cas de conflit commercial (fig.12 et fig.13).
Comme on pratique plus que rarement la réserve de fagots de nos jours, il nous faut parler des diverses essences du bois qui sont souvent présentée comme différentes en puissance de chauffe. Mais remarquez que cela tient à cette manière traditionnelle du marché du bois de vendre dans une mesure de capacité (le stère -fig.13)[22] et pas au poids qui permet de le comparer avec les autres énergies.
Un résineux sera plus poreux qu’un feuillus. On dénommera de manière générique les résineux comme bois blanc ou tendre (venant de la traduction de l’anglais soft). Le bois de feuillus sera dit rouges ou durs (de l’anglais hard). Le bois mou/résineux est plus léger au m³ que le bois dur/feuillus et sa plus grande porosité permet une plus grande aération/alimentation du feu. Ainsi, le bois « blanc » (résineux) brûle plus vite. Le bois « dur » (hêtre ou chêne par exemple) « tient » le feu plus longtemps. L’emploi de bois de peuplier est déconseillé par Vincent qui a mit sa main autant dans le ciment pour construire des fours que dans la farine pour faire du pain. Le peuplier donne des fumées « froides », freinant le tirage et en plus malodorantes qui empestent les alentours, précise-t-il.
Il est important de dire qu’un four n’est pas un poêle. Pour le premier cité, on cherche à monter vite en température, et pas tant à tenir longtemps la flamme, celle-ci doit s’éteindre, ne pas faire trop de braises, afin de pouvoir enfourner assez vite après avoir atteint la température souhaitée.
fig.14. Conditions de coupe et de séchage |
Dans l’hémisphère Nord, la coupe sans sève, a lieu de novembre à mars
Cette coupe sans sève donne en général, 10 à 15 % d’humidité en moins que la coupe avec sève |
Le bois fendu sèche plus vite
que le bois en rondins |
Le séchage s’opère mieux à l’extérieur, lorsque la ventilation naturelle
peut bien passer entre les bûches couvertes, que celles-ci sont ne sont pas disposées à l’ombre et idéalement à l’abri de la pluie |
D’après DOUARD et SEGOVIA, 2004. |
Au poids et en termes de pouvoir calorifique les résineux ont, à teneur en humidité égale, de 1 % à 10 % de pouvoir calorifique en plus que les feuillus[23]. Ce qui contredit les idées reçues, mais qui pourtant est prouvé. Attention, ici on parle en termes de poids et non plus en termes de volume. En respectant la logique du marché du bois de chauffage (la vente au m³), on peut trouver des tableaux, (fig.12), qui compare les différentes essences de bois au poids approximatif d’un stère[24]. Dans un stère, un bois qui file tout, sauf droit, cela peut amener à des comparaisons « tordues » également (fig.13).
Mais comme tout se chiffre la sentence économique sera bien présente. Ce sera encore plus difficile, si vous acheter du bois sur pied. Et si vous voulez compter au plus juste, c’est le séchage du bois qui est la qualité primordiale pour la combustion et le rendement calorique.
Le pouvoir calorifique est évidemment inversement proportionnel à sa teneur en eau. Le bois à l’abattage peut en contenir jusqu’à 45 % (hors sève) ou 65 % (en sève) pour l’épicéa.
La meilleure précaution consiste à utiliser du bois bien sec. Certains préconisent le bois dur (feuillus), le bois tendre, comme le résineux sapin, doit être séché plus longtemps, et la résine qu’il contient peut produire un goudron cancérigène (la créosote) bien connu dans l’encrassage et par les feux de cheminées.
L’utilisation des pellets et buches compactées a connu une commercialisation bien amorcée sur les poêles. Ce secteur économique des déchets de bois compactés aura du mal à s’implanter, car les lobbys des secteurs de la papeterie et des fabricants de panneaux de bois compressés n’ont pas souhaité qu’un troisième secteur industriel s’installe sur le marché des déchets de bois.
L’utilisation des plaquettes dites aussi bois déchiquetés a une empreinte écologique moindre que les pellets, puisque leur séchage nécessite moins d’énergie.
La valorisation des bois d’éclaircies doit aussi tenir compte du fait que l’on prive les sous-bois d’un apport d’humus, comme me l’a justement signalé Basile.
Le proverbe wallon a bon dire que l’on n’enfume que les bons morceaux (allusion au fumage du jambon), les voisins et leurs lessives ne supportent pas longtemps cet « enfumage ». Et vous, vous aurez du mal à faire prendre votre feu ainsi qu’à chauffer valablement votre four.
La combustion va en effet, user de l’énergie pour convertir l’eau en vapeur avant de pouvoir flamber les gaz dégagés, pour la chauffe.
Enfin disons aussi que le bois, surtout humide, produirait plus d’hydrocarbures polycycliques aromatiques – Hap- (polluants, vu ci-avant – XXI.5.).
Le séchage est un handicap pour les résineux qui doivent « sécher » plus longtemps que les bois de feuillus, hêtre, chêne voir bouleau ou autres.
Un bon séchage s’opère mieux par divers précautions (circulation de l’air et entreposage au sec). Voyons d’après les indications des spécialistes de l’énergie-bois[25], le pouvoir calorifique en fonction de l’humidité (fig.15).
fig.15. Pouvoir calorifique et
taux d’humidité du bois (*) |
|
Humidité du bois | Pouvoir calorifique |
50 à 60 % | 2,0 kWh/ kg de bois |
25 à 35 % | 3,4 kWh/ kg de bois |
15 à 25 % | 4,0 kWh/ kg de bois |
(*) Il existe de petits appareils pour mesurer l’humidité du bois |
Pour parler de l’aspect de la grosseur du bois de chauffe. On sait que l’entretien des haies vives permet l’élaboration de fagots, dits parfois fascines. C’était un travail agricole se déroulant autrefois pendant la saison morte dans l’agriculture.
Dans le département de la Manche, on citait un boulanger qui utilise 6 000 fagots l’année, livré par une trentaine d’agriculteurs. Ces fagots d’environ douze kilos étaient l’unité de mesure pour le calcul de la chauffe. Ce type de conditionnement du bois est de petite section et sert aussi bien au démarrage qu’à l’entretien du feu. Bien sûr, le petit bois convient pour faire prendre le feu et les plus grosses sections pour tenir le feu. Pour un feu vif des sections d’environ cinq centimètres seront nécessaires pour ne pas faire durer un feu trop longtemps. Des sections de dix centimètres produiront des chauffes plus longues et lentes, convenant aux chauffes de fond et les premières cuissons après reprise du travail lors du repos hebdomadaire (XXI.6.2).
Il existe aussi sur le marché des déchets de bois, des plus gros fagots venant de bois de délignage.
La nouveauté aujourd’hui, c’est la bûche ou briquette de bois compressée, ce qui devrait valoriser le bois de petites sections et les déchets de scierie (à contrôler auprès des fournisseurs). Elles ont parfois un espace cylindrique vide en leur milieu lorsque le diamètre de bûches compactées dépasse les 70 mm. de diamètre, ceci afin de mieux aéré le feu.
À l’achat, c’est plus coûteux, mais cela a l’avantage d’éviter le stockage (réserve de combustible de plus d’un an à l’avance pour sécher), d’avoir moins d’encombrement (une tonne équivaut à deux à quatre stères de bois de chauffage) et d’être plus propre. Si Il faut néanmoins que la bûche compactée soit conservée dans un endroit sec, et qu’elle reste à une humidité de 6 à 8 % qui lui donne un bon pouvoir calorifique. Les fabricants de parquet en bois ont souvent l’occasion de commercialiser des déchets de bois assez secs (environ 20 % d’humidité). Certaines parqueteries broient et compactent leurs déchets sans liant, sous forme de bûches rondes. Pour ce marché, plus question de mesurer au volume, mais bien au poids. Et là, le bois blanc est plus avantageux, même s’il nous faut encore lutter « culturellement » contre des idées souvent bien ancrées, comme vous l’avez remarqué dans le texte ci-avant.
Le pellet ou granulé de bois a été le premier sur le marché du bois de déchet à prendre place. Suivant l’évolution de la technologie des poêles à pellet, les fours à pellets s’inscriront comme produit innovant début du xxie siècle avec parfois, allumage et approvisionnement automatisé, souvent dépendant de l’électricité. La puissance de flamme exigée pour des fours professionnels a nécessité des études de renforcement d’alimentation en oxygène ; la technique serait encore à faire ses maladies de jeunesse.
Le bois déchiqueté ou plaquettes ne nécessite pas tant de manutentions, il reprend les voies de chauffe suivies par le pellet, mais avec moins d’empreinte écologique puisqu’il ne nécessite pas tant de séchage. Il fait encore certaines maladies de jeunesse (principalement bourrage des conduits d’acheminement) au niveau de son emploi en chauffe.
XXI.6.1. Quelques pistes d’amélioration du four de masse et en chauffe direct.
Le four à bois en indirect aurait avantage de transférer les évolutions déjà connues dans les fours et poêles à bois avec la compression des gaz et leurs re-combustions. Mais pour rappel, il ne permet pas l’appellation « cuit au bois » et propose une autre qualité de cuisson quand il perd l’effet de masse apportant l’inertie thermique.
Les filtres et installation de lavage des fumées réduisent le tirage d’air et conduisent à d’autres problématiques difficiles à équilibrer au niveau de l’efficacité de l’outil et des risques qu’ils présentent. En milieu urbain, de par la concentration d’habitat et le côté procédurier plus vécu d’un voisinage, il faudra parfois s’en équiper.
La récupération de la chaleur peut tout bêtement être la petite niche encastrée en façade en tant que fondoir, pour fondre matières grasses ou chocolat, tiédir un peu d’eau, sécher plus rapidement, etc.
Pour la bulle d’eau installée sur le dessus du four, il faut se dire que c’est un autre problème, puisque chaque nouvelle arrivée d’eau froide refroidira un peu la voûte, mais vous procure de l’eau chaude par récupération de la chaleur. L’épaisseur de la séparation entre la voûte et la bulle s’ajuste avec une couche de sable car, parfois, c’est de la vapeur qui peut sortir du robinet. Il faut surtout prendre garde de ne pas installer des bulles (ou boiler) en galvanisé ou autres métaux ne résistant pas longtemps à la plus forte corrosion occasionnée par l’eau chaude. Une bulle percée ne se remarque pas directement. Si l’eau descend sur le faîte du four, cela risque alors d’abîmer de manière irrémédiable la maçonnerie de la voûte et l’isolation. L’option inox semble mieux, mais ne permet pas d’éviter ce risque de fuite à la longue, la bulle-inox ne tient parfois que dix ans. Vu les accidents fréquents de fuite des ballons d’eau, beaucoup de fourniers ne souhaitent pas installer ces systèmes au-dessus du four, les risques de fuites et la diminution des performances de l’outil qu’il vous propose motive leurs conseils. Des serpentins d’eau autour de la cheminée pour alimenter le réseau d’eau chaude ou le chauffage central ont également été testés. Cela aurait tendance à avoir des effets sur le tirage. Certains ont tenté de récupérer la chaleur des gaz sortant de la cheminée en plaçant des tuyaux en travers. Ce n’a pas toujours été une réussite, une trop grande chaleur provoquant des ruptures de tuyaux et la formation de goudron dans la cheminée, en refroidissant trop les gaz en transit.
La récupération de la chaleur se pratique aussi avec un circuit d’eau en acier inoxydable ou en cuivre installé dans la couche de sable au-dessus du four avec le même risque que celui du ballon d’eau installé sur la voûte vu précédemment. Alors, peut-être vaut-il mieux les installer sur les côtés du four. Par exemple dans le « tour du chat », l’espace entre les murs du four et des murs porteurs de la maison et ou seul le félin faisait son tour, espace qui doit être de 20 cm.. Ces espaces qui atteignent parfois des températures de 70 °C. sont suffisant pour des systèmes d’échangeur de chaleur ou pompe à chaleur qui, peuvent perfectionner le rendement thermique. De plus cette dernière option évite les risques de fuite d’eau au dessus de la voûte.
Prenez bien en compte que l’eau chaude pourra servir pour l’entreprise, l’ambition de procurer l’eau pour des appartements devra se calculer au risque de ne pas refroidir trop le four surtout dans les périodes hivernales et cela reviendrait à chauffer son eau à l’énergie-bois. On peut penser dans la conception du four à des systèmes de conduit d’air chaud pour récupérer la chaleur suffisante pour un espace four-caisson à moindre température, sachant cuire des pâtisseries.
Des réseaux échangeurs à basse température ou de pompes à chaleur air-eau sont probablement appelés à un bel avenir, puisque le four massif produit une énergie qui pourrait ainsi ne pas être perdue (fig.16).
L’utilisation de l’énergie de la biomasse (transformée en gaz) venant de compostage peut être envisagée selon les situations vécues dans l’entourage immédiat.
On devrait peut-être penser au partage du fournil comme cela se passait avec le four banal autrefois, surtout lors de choix de fours à forte inertie thermique. Car si ceux-ci perdent difficilement leur chaleur, ils demandent aussi beaucoup d’énergie pour remonter en température.
Et cetera, soit à chacun à faire preuve d’imagination.
Voilà jusqu’où on a pu aller dans cet inventaire.
Espérons simplement qu’il ouvre des pistes et rende plus écologique encore la panification artisanale à taille humaine.
XXI.6.2. Recherche de meilleur rendement calorique
On apprend vite que le four à bois est avant tout un four maçonné et que son inertie thermique est plus profitable en économie de chauffe pour les boulangers effectuant de nombreuses chauffes sur la journée. Les dernières chauffes de la journée exigent nettement moins de bois que la première. Si le travail se déroule sans trop d’interruption dans la semaine ce sera aussi profitable dans le sens où l’on évite des chauffes dites « de fond » c’est à dire sans cuisson pour remonter la masse en température (XXI.8.3) perdue par un à deux jours d’inactivité. Quand c’est possible, c’est parfois préférable de louer son four les jours chômés par l’entreprise pour cette raison de mutualiser au maximum l’outil.
Un tableau datant de 1944, nous indique que les pertes de chaleur d’un four de masse se réalisent principalement par rayonnement et par la cheminée. Encore que le rayonnement de la masse permet des économies d’énergie dans l’immeuble comportant un four à bois massif.
Rappel utile, le bois est une énergie renouvelable, si du moins on ne déboise pas, on peut obtenir un label à ce propos [26]. Celui que je réfère en notes est belge, mais la problématique est planétaire.
Une polémique s’est créée opposant l’organisation Greenpeace Canada et les responsables de la revue Bioénergie international. Le débat a poussé de manière pointue la crédibilité de l’argumentaire des uns et des autres sur la production d’électricité à partir de l’énergie-bois[27].
Revenons au four à bois, plutôt ancien comme on le définissait d’emblée. C’est les propositions des nouveaux marchés de l’économie écologique qui ont induit des évolutions. Quand sont apparus les pellets et les bûches compactées, cela a apporté une régularité qui manque aux bois coupés suivant qu’il est plus ou moins sec, qu’il est d’essence de bois différente ou encore de volume inégal.
Dans le four à gueulard, foyer décalé oblige, la taille de ce dernier est nécessairement petit (70 cm de profondeur et de hauteur et 35 cm. de large, pour une sole de 6 m²) afin que la flamme se projette plus haut sur les parois du four. Le confinement des bûches compactées dans cet espace peut amener un problème, le manque d’oxygène ou appel d’air nécessaire à une bonne combustion, surtout lors d’une charge maximum. Cela peut empêcher l’oxygène de bien alimenter la flamme, d’autant que les bûches compactées gonflent en volume en s’embrassant. Autre problème ou adaptation du four à bois a vis-à-vis des bûches compactées est l’ardeur (irradiation) de la flamme. La bûche compactée a un pouvoir calorifique supérieur et ne fait souvent que 10 % d’humidité pour 20 % pour le bois sec. Ce qui abime les pièces en fonte du four à gueulard plus rapidement en les déformant par effet de forge plus important.
Le foyer est souvent réalisé avec des briques compactées à pouvoir réfractaire supérieur (XXI.7.13).
Une nouvelle formule issue toujours du marché du bois-énergie est le pellet. Contrairement aux bûches compactées il peut avoir une alimentation automatisée (et par conséquence, une dépendance électrique) venant de la citerne à pellets. Le réglage de la flamme avec l’apport d’oxygène est dès lors facilité. C’est important pour pouvoir juger la qualité de la flamme d’un jaune vif et de fumée à peine visible au niveau de la combustion et par conséquent de moindres rejets dans l’atmosphère.
La petite taille des pellets (environ 6 millimètres de diamètre) les rend plus sensibles à la prise d’humidité que la bûche compactée, ce qui pourrait contrarier, avec par exemple bourrage, le passage dans les faibles conduits d’arrivage automatique, c’est pourquoi la réserve de l’alimentation automatique est souvent proche du four afin de rester bien au sec.
Pellets et bûches compactées subissent un séchage et un compactage (obligatoirement sans liant, on est dans l’alimentaire), ce qui occasionne une dépense énergétique lors de leurs fabrications.
Ainsi d’autres acteurs préfèrent les plaquettes (bois déchiqueté en petits morceaux) qui portent encore moins d’empreinte écologique. Ici aussi, l’alimentation peut être automatisée, la prise d’humidité des plaquettes sera également un risque à éviter, ainsi que les « queues de déchiquetage » qui sont reconnues être à l’origine du « bourrage » des conduits d’alimentation.
Les chaudières de chauffage central ont vécu avant les fours toutes sortes de transformations et d’adaptations à ces nouvelles formes d’énergie, des sécurités anti-bourrage et incendie, des sondes oxygène et fumée s’installent pour perfectionner toujours plus l’outil.
Les sondes permettent de meilleurs réglages de combustion et évite mieux les pollutions de particules fines et d’autres polluants (Hap et Cov) issues surtout de manque d’oxygène ou de combustion de bois non sec (XXI.4).
Le mâchefer est un résidu de combustion composé des sels minéraux que l’arbre a absorbé. Il est présent lors de chauffes dépassant les 600 °C environ et surtout avec l’écorce des bois de délignage et probablement les plaquettes, il encrasse les brûleurs et est à l’origine de problèmes rencontrés dans la chauffe industrielle.
Un conduit plus gros pour le pellet que le fuel est évident, mais il n’est pas à comparer avec le conduit pour les plaquettes plus encombrant. Là, il faut savoir intervenir sur l’outil soi-même pour ne pas devoir appeler le dépanneur à chaque « bourrage », par exemple. C’est le lot de beaucoup de nouveaux outils à leur début d’installation.
XXI.7. Pour sauvegarder une qualité de cuisson de chauffe en direct et en masse.
Au-delà du choix de type de four et du choix du combustible, j’ai été frappé par la demande de conseils pour l’auto-construction d’un four à chauffe directe. La perte de savoir-faire qui menaçait la connaissance accumulée pendant des siècles invitait également à sauvegarder ce qui pouvait l’être, voir à se le réattribuer de manière communautaire. Un travail a été entrepris à ce niveau par une coopérative d’intérêt collectif à majorité paysanne « L’atelier Paysan »[28]. Cette belle initiative de réappropriation de savoir-faire et construction de projet dimensionné à taille humaine a mis en place en accès libre un tutoriel avec plans pour la construction d’un petit four de cuisson en indirecte à sole tournante pour 20-25 pains (XXI.1).
« L’atelier Paysan » a développé également beaucoup de tutoriels d’outils pour la culture et le tri-nettoyage des graines (VI.4).
Comme peu d’informations ne sont diffusée sur des fours maçonnés de plus grande capacité, le propos dont nous vous entretenons concerne plutôt ceux-ci.
Autant un boulanger n’est pas un maçon, autant ce dernier ne construit pas des fours tous les jours. Il a besoin de connaître la problématique qui dans un espace arrive à engranger de la chaleur en son sein par une flamme qui demande autant une arrivée qu’une sortie d’air. Comme les artisans fourniers en possession de savoir-faire depuis des générations se raréfient, il semble nécessaire de récolter l’information avant qu’elle ne disparaisse, et d’apporter nos briques à cet édifice. Un maçon passionné peut facilement être titillé par le challenge moyennent des connaissances sur le choix de four que le boulanger peut lui apporter.
C’est surtout dans le monde des paysans voulant sortir de la commercialisation par la voie de la grande distribution et souhaitant valoriser leur production, que la demande d’auto-construction est bien présente. Si un achat s’effectuait chez ces personnes voulant pratiquer toute la filière de la sélection à la cuisson (quatre métiers) le moulin semblait être l’achat prioritaire et le four devait être auto-construit pour ne pas être trop lourd dans le financement nécessaire de la volonté de valoriser sa production.
De plus les fourniers (constructeurs de four) existants sur le marché pratiquent de plus en plus la construction avec leurs clients, afin de réduire la facture. Pour indication, lors d’un relevé de prix datant de 2010, le four maçonné chauffé au bois, permettant des cuissons de 100-150 pains, fait le triple au prix (± 45.000,00 €) d’un four à bois en indirect sur deux étages et sole tournante permettant des cuissons de 85 pains.
Le four sur sole tournante, en tôle et avec moins de réfractaire, pour cuire 15 pains coûtera jusqu’à 9 fois moins cher que le premier.
Comme nous le verrons au sous-chapitre suivant, quand le renouvellement de fournées sur la journée occupe trop d’heures de travail, on pense vite à acquérir un four de plus grande capacité afin de réduire son temps de travail.
XXI.7.1. Le calcul de la dimension de la sole.
L’espace de cuisson est à conjuguer avec la capacité du pétrin, mais on règle plutôt en priorité la dimension du pétrin sur celle du four, puisque faire plus de pétrissage est plus simple que d’agrandir le four.
Pour le nombre de pains que l’on projette de produire, établi au m², cela dépend du type de pains, souvent les références de vendeur de fours ne font pas cette différence.
Les pains en moules (platines, en « belge ») prennent moins de place que les pains sur soles sans baisures, certains donnent 17 pains, d’autres, 16 pains d’un kilo cru moulés au m². Ce qui ne permet pas toujours à la chaleur de bien passer entre les moules et risque de donner des côtés de pains moulés mal cuits. En pains cuits sur soles et sans baisures, j’arrivais à 14 pains d’un kilo cru au m², grand maximum, un ex-boulanger devenu fournier cite 12 pains d’1 kilo au m². Une qualité de cuisson conduit souvent à laisser la chaleur bien circuler par rayonnement et convection (XXI.1) autour du pain ou de la pièce à cuire.
Si vous devez transcrire vos besoins de surface de cuisson et que vous aviez précédemment un four à chauffe indirecte, il est bon de tenir compte du temps chômé lors de la chauffe en direct et du temps de pose (les deux prenant parfois 3/4 à 1 heure), ce qui oblige lorsque que l’on doit cuire avec des délais assez rapprochés en temps d’augmenter parfois à 150 à 200 % la surface de cuisson par rapport au four à chauffe indirecte. Pour éviter le surendettement de départ, le choix de petits fours à sole tournante de forme ronde permettant l’enfournement et le défournement à la bouche du four est limité à 25 pains par étages. Cela risque de multiplier les cuissons sur la journée et donc d’allonger les heures de travail, mais permet également de limité les frais d’investissement et de créer la trésorerie pour construire un plus grand four, une fois l’aventure du projet confirmée économiquement.
XXI.7.2. Quelle forme pour la sole du four (ovoïde, ronde, rectangulaire) ?
Seuls les fours de soles de forme rectangulaire permettent l’enfournement à tapis. La porte plus étroite se veut avoir cette dimension afin de ne pas perdre trop de chaleur à l’ouverture du four. Pour la circulation de la flamme et de la chaleur les formes rondes ou mieux ovoïdes sont préférées. C’est la forme de poire que S.Vaury en 1834 écrit être la meilleure[29]. Elle permet par rapport à la forme ronde d’éviter les angles morts (hors champ de vision, à moins de passer sa tête dans le four) et de moins oublier des pains dans le coin avant lors du défournement.
XXI.7.3. Quelle pente pour la sole (l’âtre) ?
Si vous pensez cuire des tartes avec un appareil liquide, dans votre four, vous oubliez ce qui est dit après et passez immédiatement au sous-chapitre suivant.
Pour traduire les textes de Malouin et de Vaury[30] en langage actuel, le pouce faisant dès 1668, 2,707 cm et le pied 32,484 cm.
P. Malouin en 1767 parle de 13,5 cm de pente. S. Vaury en 1834 ne donne pas plus de 4 cm de pente pour un four d’une profondeur de 3,5 m. On pourrait conseiller une pente de l’âtre de 3 %. La pente de la sole peut être bien inclinée, mais surtout la voûte doit suivre la même inclinaison tout en étant courbe sur sa largueur.
Cette pente de la sole du four était aussi calculée pour éviter que la chaleur et la vapeur (qui monte toujours) sorte trop du four à chaque ouverture de la porte. Cela permet aussi de voir l’état des pains du fond lors de la cuisson et de défourner en pente. Les derniers pains enfournés profitent des vapeurs de cuisson des premiers pains enfournés dans un four de grande capacité.
XXI.7.4. Quels carreaux et leurs dispositions sur la sole
Le dessous de la sole peut être en béton, mais elle sera toujours recouverte de sable ou l’on pose les carreaux, afin de pouvoir effectuer facilement des ajustements ou remplacements de carreaux cassés. On peut stabiliser ce sable en y mélangeant un petit peu de chaux, nous conseille Vincent le fournier.
Pour remonter ou redescendre la pelle du four, il faut une sole plane et régulière où l’enfourneuse ne risque pas d’accrocher.
Parfois les carreaux de quatre à six cm d’épaisseur se disposent en diagonale plutôt qu’en ligne pour éviter les coups sur les arêtes lors des multiples mouvements d’aller et venue de la pelle à enfourner. S’ils sont placés droits, disposer une ligne sur deux décalée d’une moitié, en quinconce (fig.17).
XXI.7.5. Quelle ceinture extérieure du four, le chaînage ou cintrage ?
Souvent réalisée en parpaing ou bloc de béton (pour les fours importants), elle permet de contenir la pression exercée par la voûte. Cela dépendra aussi de la hauteur de la voûte, si elle est trop base la traction l’emporte sur la compression et si elle est trop haute la compression sera trop faible pour donner une traction[31] maintenant intact l’arc de la voute.
XXI.7.6. Quelles forme, hauteur et dimension de la voûte ?
En 1767, Malouin parle de la voûte dans son chapitre consacré au four et à la cuisson[32].
Avec la coupe transversale vue de côté, la voûte en forme d’ellipse dès le début s’appelle « en cul de four », mais lorsque la courbure de la voûte ne commence qu’après un court tunnel à l’entrée du four, la forme est dite « en cul de chapeau », ou par après en « anse de panier ».
Si l’on emploie du feu genre « feu de paille », la voûte aura une hauteur de 48,7 à 54 cm. Par contre si on utilise du gros bois pour un plus long feu, la voûte aura de 27 à 32,5 cm de haut. Dans le grand four de l’Armée à Compiègne (xviiie siècle), de 4,6 m de profondeur, la voûte était élevée de 65 cm. Pour Parmentier[33] en 1778, les plus grands fours ont environ 4,5 mètres de profondeur. Le four pour les gros pains entre 3,25 et 3,90 mètres, le four pour les petits pains entre 2,6 et 2,9 mètres. La hauteur de la voûte (fig.19) étant toujours proportionnée à la grandeur de l’âtre, mais Parmentier a une préférence pour le dôme assez bas, 43 à 47 cm de la sole jusqu’à la clé de voûte.
Plusieurs descriptions de hauteurs de voûtes des re-constructeurs de fours en Californie, Alan Scott et Daniel Wing[34], et les conseils du Gret pour l’Afrique de l’Ouest[35] mettent en évidence l’importance de la hauteur de la voûte par rapport à la hauteur de la porte (celle-ci ne doit faire que 63 % de la hauteur de la voûte – fig. 19). Sinon on risque une perte de la chaleur par la porte ou, si la voute est trop haute, de créer des poches d’air froid. Un four à pizza a souvent une voûte plus haute qu’un four à pain, puisqu’il garde très souvent du feu lors de la cuisson et de la fumée dans le four.
La forme de voûte peut se construire de diverses manières. L’aide la plus simple, se réalise avec un gabarit de sable. Ou avec une armature légère en bois, pour voûte basse. Il peut exister pour des petits fours, des coffrages réalisé en bois que l’on brûle lorsque l’on « cuit le four », c’est à dire lors des premières mises à feu. On peut faire la voûte sans gabarit, en plaçant les briques inclinées « à la volante », pratique très professionnelle exigeant plus de savoir-faire que les fourniers de père en fils ont encore.
On veillera aussi a bien maçonné les briques bord à bord (pratiquement sans cimentage à l’intérieur du four) et pas trop inclinées ( côté extérieur ) au risque de créer des effets de désolidarisation dus aux vécus dits « écarts thermiques », dilatant au chaud, re-compressant au froid, émiettant ainsi le cimentage[36]. Pour réduire ce risque on utilise des briques de plus petites sections dans les courbures accentuées de la voûte ou des briques biseautées dénommée « gros coins »[37] (fig.20).
Afin de créer une harmonie dans l’ensemble des formes du four et de la porte, on peut utiliser autant que possible des multiples du Nombre d’Or.
Pour donner envie d’en savoir plus à ceux qui ne le connaissent pas encore, voici des extraits du livre « Géométrie du Nombre d’Or » de Robert Vincent : « Ce nombre encore appelé « section dorée » ou « divine proportion » est, selon les définitions encyclopédiques, un nombre « Φ » (1,618…) correspondant à une proportion considérée comme particulièrement esthétique.
Dans la nature, par exemple, les roses, les fleurs de tournesol et de chardon croissent et s’épanouissent selon les lois de la « divine proportion ». Il en est de même pour les plantes pentagonales, pour la pomme et d’autres fruits.
Et dans l’architecture qui, de la pyramide du roi Chéops, érigée vers 2600 avant notre ère, en passant par les édifices romans et gothiques jusqu’à un ouvrage datant de 1950, « le modulor », que l’on doit à l’architecte Le Corbusier, repose sur le nombre d’Or[38].
Les briques sont toujours rangées sur la tranche (sur le chant) afin de donner plus d’épaisseur à la voûte – pour une meilleure inertie thermique. Le rangement s’effectue en ligne et finit par la clé de voûte au milieu (fig.18 et 21).
La pose des briques de la voûte peut être effectuée en spirale. Souvent cette spirale démarre sur le pied droit (ou rive ou encore côté du four), c’est-à-dire, des carreaux assez épais disposés de manière perpendiculaire, sur la base du pourtour du four.
Lors de l’élaboration de voûte de grand four, il faut laisser des espaces creux pour placer les entrées des ouras et la gaine du pyromètre.
La voûte en coupole avec pose de briques en rosaces irai dans le sens contraire de l’aiguille d’une montre.
La voûte ronde peut être aussi disposée en assise superposée paire et impaire et pas en spirale.
XXI.7.7. Quelle disposition des conduits de fumée (ouras)
Ce passage permet déjà de bien comprendre la nécessité qu’il y a eu de faire des sorties de fumées sur l’arrière du four. Et non plus par la bouche du four située à l’avant (fig.5).
Il commence à être décrit fin du xviiie siècle par Dransy et par Parmentier [39].
Le livre « Le tirage des cheminées à feu ouvert », de J. Louvière[40], est une bonne source à mes yeux pour comprendre comment obtenir un bon tirage. Il signale même les régions françaises avec leurs vents dominants.
Les ouras s’indiquent sur des fours pour professionnels de plus de 4 à 5 m² de surface, au vu de leur profondeur.
Les conduits reviennent de l’arrière du four vers la cheminée située souvent en tête de four. Ainsi les deux conduits de fumée où transite un air chaud de parfois plus de 400 °C, réchauffent la voûte, on récupère de cette façon, un peu de chaleur évacuée par la cheminée.
Il est préférable de faire démarrer les ouras dans la voûte plutôt qu’au ras de la sole, pour éviter les dépôts de cendres qui pourraient nicher dans l’encoche du fond du four à ras du sol, ce qui réduit le tirage et exige plus de suivi et d’entretien (évacuation des cendres accumulées avec le temps à cet endroit), tandis que lorsqu’il démarre dans la voûte, les cendres sont nettoyées régulièrement lors du passage de l’écouvillon (XXI.8.5).
Les tiges permettant l’ouverture et la fermeture du conduit sont en métal et sont glissées dans un gainage allant de l’arrière du four à l’avant afin de pouvoir faire ses opérations en façade de four. Il faut bien étançonner les gainages lors de la construction afin qu’il ne plie pas lors d’ajout de sable ou de terre. Ce qui peut créer des difficultés de manipulations, si les gainages ne sont pas restés bien horizontaux.
Les emplacements où les fermetures d’ouras sont disposées dans le début du conduit de cheminée ne seront pas trop recouverts pour qu’en cas de réparation, ils soient facilement accessibles. La tige allant jusqu’à l’avant du four est attachée (goupille) au milieu du fermoir.
Des solutions simples ou Système D, type clé de cheminée avec un simple plaque amovible obstruant ou ouvrant le passage des gaz, peuvent aussi s’appliquer, comme sur les poêles à bois[41], ce sera moins pratique et durable, surtout pour les ouras qui sont très sollicités.
La possibilité d’avoir une clé de cheminée en doublon des fermetures d’ouras peut s’avérer utile. À une certaine époque, plusieurs constructeurs ont imaginé des fours à foyer décalé avec trois ouras : un devant, un au milieu et un au fond pour mieux diriger la flamme.
D’autres ont conçu des fours à cinq ouras, ce qui transforme presque le boulanger en conducteur de locomotive à vapeur, obligé de surveiller les feux et le tirage en permanence.
Les deux systèmes ne semblent pas avoir persisté probablement par la débauche de main d’œuvre et de suivis qu’ils exigeaient.
XXI.7.8. Quel type d’enfournement ?
Les portes basculantes pour/avec tapis enfourneur, ont obligatoirement des soles de fours de formes rectangulaires, se voient sur le site des constructeurs de fours, elles fonctionnent simplement sur base de contrepoids fixé sur le rebord du dessous et qui bascule facilement.
Il faut penser à la hauteur d’emplacement de la porte (et inévitablement de la sole du four) afin d’éviter les courbures à perpétuité pour enfourner et défourner, un geste tellement répétitif qui peut facilement conduire à des maux de dos.
Mentionnons les anciennes portes à balancier ou à guillotine qui sont parfois récupérables sur d’anciens chantiers de démolition et même encore produites.
Il est clair que l’enfournement par tapis enfourneur ne change rien à la qualité du produit par rapport à un enfournement à la pelle-enfourneuse. Mais il faut le prévoir dès la construction du four. Il y a un avantage que n’offre pas le tapis-enfourneur, c’est de pouvoir laisser un peu plus d’apprêt aux pâtons. Surtout que l’on ne lame que deux pains à la fois sur la pelle, ils attendent moins et sont vite placés au fond du four pour s’ouvrir et créer une belle grigne.
XXI.7.9. Soupape et ramonage
L’entretien des conduits de cheminée nécessite un ramonage. Même si celui-ci n’est qu’annuel (surtout lors de l’utilisation de bois dur et sec). Il faut penser à ces conduits au départ de cheminée principalement, qui permet aussi de créer ce qui s’appelle une « soupape », c’est-à-dire un lieu que l’on sait ouvrir et fermer suivant les besoins de refroidir rapidement ou plus souvent de bien conserver la chaleur dans les conduits.
Lors de la construction de ces conduits, il est bon de penser à garder la possibilité d’avoir des regards avec bouchoirs en façade pour le ramonage, surtout si les conduits font des angles où la suie est susceptible de se concentrer.
XXI.7.10. Quelle hotte d’aspiration des vapeurs et fumées ?
Sur four à bois en chauffe direct, ne pas prévoir des aspirations de fumée trop puissantes pour ne pas gêner l’appel d’air nécessaire au démarrage du feu. C’est spécifique au four à bois, parce que les fours modernes à chauffe indirecte prévoient en très grande majorité pour le confort des travailleurs, de fortes aspirations des vapeurs de cuisson. Ce qui n’était autrefois qu’un simple appel d’air venant de l’état surpressionnaire de l’atelier. Mais trop d’aspiration de la hotte affaiblit l’appel d’air nécessaire à l’oxygénation du feu de bois.
XXI.7.11. Le pyromètre ou comment prendre la température du four.
Où faut-il placer la sonde de température ? Dans la voûte, sur les rives, dans la maçonnerie ? Aucun endroit n’est précis et la mesure de la température dans un four maçonné qui fonctionne sur l’inertie thermique ne peut qu’être indicative. La voûte va donner des températures plus élevées dans les fours à gueulard et il faudra en tenir compte si on se fixe les 270°C pour enfourner par exemple. Placé les sondes dans les rives à l’aide d’un gainage ou au milieu de la voûte sont les endroits les plus choisis. Si les sondes sont dans la maçonnerie, ce ne sera encore plus approximatif, surtout lors de la reprise de cuisson après inactivité.
Avec le temps, à la longue, l’aiguille du pyromètre « faiblit » et ce sera de moins en moins précise, mais toujours indicative. Le thermomètre ou pistolet laser (ou dit à infra-rouge) peut remplacer, bien sûr, mais c’est plus de manipulation et lui aussi faiblit en exactitude au bout d’un temps assez court.
De toute façon, il est clair qu’avec un four à bois en direct, il ne s’agit pas de régler minutieusement un thermostat et d’attendre le déclic.
La charge de bois étant réglée obligatoirement avant l’enfournement, il faut beaucoup plus réfléchir la chauffe, mais souvent la qualité de cuisson plus réfléchie peut apporter certains avantages.
XXI.7.12. L’emplacement de la cheminée et habillage de celle-ci ?
La cheminée est souvent placée « en tête de four » pour pouvoir faire passer les conduits de fumées (ouras) sur la voûte et récupérer un peu la chaleur qui sort par la cheminée.
Les boisseaux ne devront jamais rétrécir la sortie des gaz et fumées. Il faut aussi éviter les coudes, pas plus de 20°, s’ils font 5 mètres et 45° s’ils sont plus courts.
Couvrir la cheminée avec un chapeau si vous voulez éviter les retours de flamme. C’est rare, mais c’est arrivé d’avoir des flammes qui lors de tempêtes peuvent venir en sens inverse, vers le fournil (XXI.8.1.).
Le dépassement du faîte des toits voisins très proche est important pour le tirage, surtout dans les vallées.
Pour les petits fours sans ouras gardant la porte ouverte, l’évacuation des fumées et l’appel d’air nécessaire à la combustion se disputent le même espace et la cheminée sert de hotte.
XXI.7.13. Le choix des matériaux réfractaires
Pour comprendre ce que signifie le mot réfractaire attribué aux matériaux par une image rapide, on peut le constater dans un four avec gueulard qui a un minimum d’espace métallique réservé à l’assise du gueulard. Si vous déposez votre pain sur l’assise métallique, il grille immédiatement en dessous. Tandis sur la pierre, qui plus est « réfractaire », il cuit patiemment. Cette pierre emmagasine doucement la chaleur et la rend posément également.
Les meilleures terres à four ou parfois certaines pierres (par exemple dite de molasse ou tuff, grès argilo-calcaire, qui sont taillées) étaient connues et repérée autrefois dans chaque région. Les plus réputées sont la terre blanche de Larnage (dans la Drôme). Pour les Alpes maritimes la pierre de Biot est citée par Edmond Mari. Dans le Massif Central, Michel Marin[42] et J.F. Moulin[43] citent le basalte ou pouzzolane, mentionnée également en Suisse, dans le Lot et Massif Central, la serpentine dans les Hautes-Alpes, mais ces pierres conviennent plutôt pour des fours de petite taille. Au xviiième siècle, Malouin[44] évoque, pour la « terre à four », une espèce d’argile propre également aux potiers et parle de carreaux composée de terre glaise bleue (la meilleure est veinée de rouge) et coupée de glaise verte qui s’émie. Elle se trouve à Vanvre et Gentilly près de Paris, ajoute-t-il. Parmentier[45] ne parle que de terre d’argile bien battue et tamisée et carreaux de bonne réputation venant d’Allemagne, vu après. Aujourd’hui avec la spécialisation et l’étroitesse du marché du four maçonné, sont pris en compte les meilleurs endroits, souvent des tufs ou terres volcaniques comme dans la Vulkaneifel, l’Eifel des volcans, en Allemagne, où 50 entreprises d’un village (Bell) et 500 personnes vivaient de la construction de fours à pain.
Aux xixe et xxe siècles, cela a été la principale source de revenus de ce village de Rhénanie. Aujourd’hui, il y a encore trois entreprises de fabricants de fours.
Sur la qualité du réfractaire alimentaire, le site aux fours à pain [46], qui concerne des fans de fours maçonnés ménagers, précise presque comme une devise que pour le four, le réfractaire n’est pas nécessaire. Ils disent que la teneur en alumine n’est pas encore la teneur en aluminium. Et que si l’aluminium devait éveiller un principe de précaution au niveau sanitaire, il faudrait alors plutôt s’inquiéter de soda contenant de l’acide phosphorique et conservé longtemps dans des canettes en aluminium.
Les fours à usage alimentaire ne doivent pas avoir des teneurs trop élevées dans les éléments minéraux tel oxyde de fer, de plomb et de cadmium, ce qui est plutôt propre au four de céramique, verrerie et sidérurgie. Un simple brique de terre cuite (pleine quand même) contiendrait 10 % d’alumine. Certains constructeurs donnent des taux d’alumine de 22 à 32 % pour la chambre et 44 % pour le foyer.
La résistance au feu de la « terre à four » de Larnage, près de Tain l’Hermitage est de 1630 °C pour une teneur en alumine dite naturelle de 20 à 22 %, pas d’ajout. Les briques de fours de poterie (850 à 1 000 °C) et métallurgie (1 200 °C) ont des teneurs en alumine ajoutées pour arriver à résister à ces plus hautes températures que nos 250 à 300 °C nécessaires à la cuisson du pain, ce qui peut conduire lors de la chauffe à des températures avoisinant les 500 °C.
Si le réfractaire ne semble pas nécessaire, on ira pas pour autant jusqu’à le dénigrer en termes d’emmagasinement de la chaleur dans un four à usage professionnel. Les briques de ciment réfractaire sont parfois appelées « brique léopard » sur le marché français, ou on trouve aussi des briques réfractaires qui ont une fonction isolante qu’il faut éviter, du fait qu’elles n’emmagasinent pas la chaleur.
Le choix du matériau réfractaire ou pas, doit être lié au fait que l’on pratique des cuissons régulières ou pas, permettant de profiter de l’inertie thermique. Si on cuit 2 à 3 fois la semaine avec un grand espace de temps entre les chauffes, comme le réfractaire emmagasine lentement la chaleur, il vaut peut-être mieux ne pas employer trop de réfractaire pour viser une plus grande flexibilité pour des réchauffes plus rapides, moins consommatrices d’énergie.
Et le choix inverse si on cuit ou chauffe six jours sur sept, là, une bonne qualité réfractaire maintient une bonne température à la masse.
La chaux éteinte ajoutées au mortier (trois à quatre portions de sable pour une portion de chaux grasse[47]) apporte aussi un bon effet. Le liant entre les briques de voûte nous est conseillé par Vincent le fournier, cela va d’un liant à la poudre fine de chamotte avec fondu (le coulis) jusqu’à l’argile pure. Le fondu employé par certains fourniers est un « ciment » réfractaire, composé de calcaires, d’argiles et d’alumines, utilisé le plus souvent comme accélérateur de prise, il est réfractaire et résistant à la chaleur jusqu’à 600 °C avec du sable et 1300 °C avec de la chamotte (terre cuite broyée plus ou moins fine). Il existe un risque pour ce « fondu – en coulis » de poudrer avec le temps en tombant sur le pain, et comme il est bourré d’alumine, certains l’évitent. Même si les briques de voûte, sont coté intérieur du four, bord contre bord et sans joint de ciment apparent, on n’évite pas l’émiettement tombant sur la sole.
XXI.7.14. Quel foyer décalé avec gueulard ou foyers latéraux ?
Le désavantage du foyer décalé avec gueulard est son prix, quelques milliers d’euros en pièces de fonderie ; assisse et gueulard, rond d’assisse et parfois gamelle. Mais c’est un investissement qui a ses avantages. Le foyer décalé permet d’avoir une sole et un travail plus propre, évitant l’harassant travail du retrait des cendres. Il est situé obligatoirement en dessous de la sole, mais peut être décalé de la porte du four ce qui permet de moins souffrir de la chaleur lors des enfournements, on évite ainsi le dégagement irradiant la chaleur venant des braises restées dans le foyer et s’échappant sur l’avant du four (XXI.7.20). La maçonnerie du foyer décalé sera plus étudiée au niveau matériaux, car plus que d’autres à l’épreuve du feu. Un léger joint sera préférable à pas de joint du fait des dilations dues aux chocs thermiques plus importants et plus fréquents qu’il subi. Ce foyer décalé ne sera jamais trop grand afin de bien chasser la flamme dans la chambre de cuisson. La chambre du foyer décalé pour une sole de 6 m² fait 70 cm. de profond et 35 cm. de large. En dessous du feu posé sur une grille, l’espace (dit cendrier) entre la grille et le dépôt de cendres devra ne pas être trop bas, car les braises incandescentes descendant du foyer prennent beaucoup de volume par rapport aux cendres éteintes, ce qui risque de nuire à l’espace d’appel d’air nécessaire à une bonne combustion. Idéalement, on doit racler régulièrement ces braises et cendres pour ne pas dégrader de trop les pièces en fonte du cendrier.
Les fours à bois allemands de l’Eifel ont deux foyers au lieu d’un, disposés de part (fig.22) et d’autre, parfois même dans le fond du four, quand on a suffisamment d’espace dans le fournil.
La grille du cendrier d’un four à bois allemand (établie un escalier plus bas que la sole du four) et sur laquelle est réalisé le feu de bois est basculante. Ce qui permet un nettoyage plus facile de celle-ci et deux foyers au lieu d’un permettent une chauffe plus rapide.
Pour la grille du cendrier en foyer décalé avec gueulard, un cadre reposant sur une encoche maçonnée en chanfrain ou dans une rainure sera nécessaire.
Il est parfois préférable de la réaliser avec un cadre reposant sur l’encoche et supportant des barreaux de fonte plutôt qu’une grille d’un seul tenant, pour la simple raison que remplacer un ou des barreaux est plus facile et moins coûteux qu’une grille. N’oublions pas que c’est le foyer qui nécessite le plus d’entretien et de réparation.
La récupération-recombustion des gaz est également indiquée lors de la construction du foyer (fig.23). Cette recombustion procure d’abord des économies et surtout une chauffe plus rapide. Elle produit aussi de l’oxyde d’azote, à surveiller (XXI.4.).
Il faut faire revenir les gaz aux deux tiers de la hauteur du foyer et démarrer le conduit à la base du cendrier.
Un inconvénient est la fragilité de la paroi du foyer qui en résulte lors d’emploi intensif et de l’ardeur du feu issu des bûches compactées.
Le sol de l’espace cendrier établi en pente vers l’intérieur du four permet d’y disposer de l’eau de façon à ce que les braises s’éteignent, ce qui permet d’éviter les effets de forge des braises incandescentes déformant les grilles du cendrier. C’est un conseil que Basile a reçu d’un ancien fournier, André Lefort, issu d’une lignée dans la branche fourniers depuis des générations. Sachez qu’alors vous obtiendrez du charbon de bois, et plus de la cendre (potasse) qui peut amender votre terre de culture.
XXI.7.15. Quel gueulard avec assise et gamelle ?
Les gueulards en fonte, assez lourds (26 kgs), se trouvent chez les fourniers qui ont les moules adaptés pour leur fonderie. Pour les gueulards en inox réfractaire (9,5 kgs), il s’agit de découpe, pliage et soudure d’acier inox réfractaire. La différence de poids entre les deux matières donne avantage au gueulard en inox réfractaire. Mais la différence de prix penchera pour les gueulards en fonte trois fois moins chers. Par contre la durée de vie du gueulard inox est largement triplée (XXI.6.2).
Sur l’assise se pose ; soit, le gueulard, tant qu’il y a de la flamme,
La gamelle, depuis le retrait du gueulard jusqu’à ce que l’on enfourne.
Le rond d’assise, lorsque l’on enfourne.
XXI.7.16. Quel appareil à buée (ou torpille) ?
Aménagés souvent sur les rives (pied-droit ou côté), ce sont de simples réceptacles métalliques d’eau froide, chauffés en même temps que le four et qui provoquent de la vapeur dès l’introduction d’eau.
Sujet à entartrage lors de l’emploi d’eau calcaire, il est parfois nécessaire de créer une possibilité d’intervention aisée sur les cannes à buée pour débouchages fréquents, à moins d’utiliser un adoucisseur (XIII.5) éliminant le calcaire sur la distribution d’eau.
Une conduite directe vers la torpille risque de provoquer lors des fermetures du robinet des « effets-béliers » ou retours assez bruyants dans la conduite forcée d’eau. Si le travail s’effectue la nuit, cela peut indisposer le sommeil des autres occupants de la maison. C’est pourquoi il est parfois préférable d’aménager en façade de four, des pots à eau alimentant l’appareil à buée évitant le retour de vapeur dans la conduite.
XXI.7.17. Quel tablier ou autel pour le four ?
Il faut laisser déjà la possibilité de reculer à l’aise avec l’enfourneuse, ce qui demande une zone de dégagement au moins aussi longue que la profondeur du four.
Un autel spacieux permet de ne pas déposer les pains sur le sol de l’atelier, lorsqu’il s’agit de moules.
C’est un espace de travail agréable à hauteur humaine, permettant au dos de moins trinquer. C’est que pour votre dos, il n’existe pas de plan B.
XXI.7.18. Quel éclairage du four ?
Souvent sujet de difficulté de résistance à la chaleur, le choix des ampoules doit être réfléchi avec votre vendeur spécialisé. Parfois le conseil d’un transformateur vers un bas voltage de 24 volts permet l’emploi d’ampoules spéciales de 24 volts aux gros filaments plus résistants. L’ampoule halogène peut être intéressante aussi, si elle n’est pas imbriquée dans des matériaux plastiques, mais bien dans des matériaux résistants à la chaleur. Les pièces comme les soquets doivent être en porcelaine et les fils électriques couverts de silicone résistants.
Les emplacements-encoches avec verres pyrex au fond et espace pour supports de lampe, doivent être prévus à la construction. Parfois lors de chauffe enfumant, le verre peut être noirci de suie et il faut les nettoyer sans devoir trop allonger le bras à l’intérieur du four, grâce à l’aide d’un outil rallongeant efficacement votre bras.
XXI.7.19. Quels outils spécifiques au four à bois ?
Repris d’une planche du livre de Malouin de 1767, sur les outils du four à bois. Il existe le rouable ou rave pour sortir les cendres du four à bois. Divers pelles à enfourner. Le porte-allume permettant à l’époque d’éclairer le four avec un petit feu disposé sur un petit plat. L’étouffoir où l’on mettait les braises extraites du four et son couvercle éteignant les flammes. La pelle permettant d’évacuer les cendres. Le balais servant d’écouvillon pour nettoyer la sole avant l’enfournement. D’autres tiges métalliques crochetées peuvent servir pour manipuler le gueulard.
XXI.7.20. La nécessité d’un canal de débraisage ou registre ?
Pour les professionnels obligés de faire plusieurs chauffes sur la journée, un canal de débraisage peut être utile. La chauffe peut avoir atteint sa température et il reste encore des braises dans le foyer. Si l’on retire le gueulard et recouvre avec le rond d’assise, la chaleur, les fumées et gaz ressortent en façade au moment d’enfourner. Ce qui est assez déplaisant et qui peut déjà s’éviter en décalant le foyer (XXI.7.14). La solution est alors de débraiser, soit mettre les braises dans un étouffoir (tambour), soit avec une pelle adéquate les porter en dehors du fournil en veillant à la sécurité anti-incendie, soit créer dans la maçonnerie un canal qui va de l’espace foyer vers le conduit de fumée, tout en ayant la possibilité de garder ouvert la porte du foyer et de fermer la seconde porte qui se trouve en façade de four obturant l’irradiation de la chaleur venant de l’espace cendrier-foyer. On appelle souvent ce conduit de fumée, un registre ou encore à l’anglaise by pass.
XXI.7.21. La nécessité d’un canal d’arrivée d’air ?
Pour exemple, une entreprise avait installé deux fours de chauffe en direct au bois de 16 m² dans ce que j’appellerais un hall industriel pour la hauteur comme pour la largeur, ce n’est pas l’espace qui manquait. Lorsqu’un expert a calculé les besoins en oxygène pour les deux foyers, il a trouvé que c’était insuffisant et ils ont fait des arrivées d’air de l’extérieur pour alimenter le feu en oxygène. Pour une consommation totale d’un kilo de bois bien sec, il faut l’apport de 4,5 kg ou 3,5 m³ d’air (composé à plus ou moins 22 % d’oxygène). L’appel d’air est nécessaire à la combustion surtout au démarrage du feu. N’oublions pas que c’est le gaz qui procure la flamme, pas le bois. Des arrivées d’air venant de l’extérieur sont parfois aménagées pour compenser le manque d’appels d’air que le fournil peut contenir. Surtout lorsqu’un feu ne démarre pas et fume, la tentation de faire fonctionner à fond la hotte va encore affaiblir plus l’arrivée d’air à la base du foyer. L’arrivée d’air devra au moins être horizontale, au mieux monter de l’extérieur vers l’intérieur et prise dans un vide ventilé par exemple.
XXI.7.22. Le contrôle des points de risques d’incendie
Le dessus du four ne doit pas comporter de matières inflammables vu les températures qui y règnent, souvent supérieures à 70 °C.
Évidemment, il ne faut pas laisser des matières inflammables près du foyer, les braises prennent parfois plus d’une journée à s’éteindre.
L’incendie de la ville de Londres qui démarra le 2 septembre 1666 et dura quatre jours a détruit 13 200 maisons et 87 églises, tout cela à cause de la négligence d’un boulanger ayant laissé sécher son bois pour le lendemain dans le four qui contenait encore quelques braises.
En 2000, l’installation d’un four à bois en plein quartier huppé de Londres (Elizabeth Street) par Lionel Poilâne constitue une sorte d’exploit au regard des règlements administratifs[48] en vigueur depuis cet incendie. Parmentier signale sans plus de détails dans son livre de 1778 « des incendies terribles[49] ». Dans les règlements, on sera obligé depuis de garder un espace entre le mur mitoyen et le mur du four (dit « tour du chat » – XXI.6.1), on limitera l’installation de four en zone urbaine et on demandera une deuxième voûte au-dessus du four.
De toute manière aujourd’hui, un extincteur à disposition est une obligation et une bonne précaution à prendre.
Par contre les détecteurs de fumée et les fours à bois ne font généralement pas bon ménage.
XXI.7.23. Quelle isolation ?
Il faut d’abord laisser sortir l’eau de la maçonnerie ou laisser « respirer » un nouveau four avant de penser à son isolation. Cela peut durer plusieurs mois, suivant le temps passé entre la fin du montage du four et la mise à feu qui sera progressive.
L’isolation du four peut se réaliser avec des produits isolants anciens, couche de terre appliquée après le « dérhumage » (sortie de l’eau de la maçonnerie). Sur cette couche de terre argileuse, on déposait souvent du sable jaune. Sébastien D’Ornano conseille de réaliser cette couche en plusieurs fois, puisqu’elle se fendille par les écarts de températures vécus et que l’apport des couches superposées et espacées dans le temps remplit ces crevasses. Aujourd’hui des isolants modernes (vermiculite, perlites et autres…) et écologiques (béton de chanvre banché, laine de roche, et autres …) peuvent entourer le four.
Pour le sable déposé sur la voute du four, il joue plus le rôle d’inertie thermique que d’isolant et dès lors il faut compter une couche assez épaisse (50 cm). Sable qui a pu servir de gabarit pour façonner la voûte (XXI.7.6), un réemploi en somme.
XXI.7.24. Quels sont les entretiens et réparations le plus fréquentes ?
Les entretiens le plus fréquents se réalisent souvent au foyer. C’est à cet endroit que la maçonnerie et les pièces en fonte ou en acier inoxydable réfractaire souffrent le plus, du fait des variations de température plus intense.
C’est souvent lors d’arrêt conséquent de production que l’on soigne les réparations du four massif. Il faut dès lors bien préparer (commandes de produits réfractaires et pièces en fonte) ces moments. Les boulangers n’ont généralement pas le temps d’attendre plus de quelques jours pour faire leurs réparations, c’est une erreur au niveau d’un bon travail de maçonnerie qui devrait ne pas se refroidir avec de trop forts écarts de température, puis surtout prendre le temps de sécher après maçonnage et toujours idéalement ne réchauffer le four qu’en faisant des paliers ne dépassant les hausses de 50 °C. Malheureusement, avant chaque réparation, on refroidit le four à l’eau froide et avec soupape et clés ouvertes. On arrose dès l’arrêt des cuissons et le lendemain. Bien sûr, après réparation, il faudra veiller à disposer d’assez de temps pour remettre la température du four à niveau. Deux jours sont souvent le minimum pour ce temps de réparation. Hélas ce n’est pas souvent le cas. L’arrêt de travail est sanctionné pécuniairement et de ce fait, il se raccourcit énormément.
Le re-maçonnage du foyer, autour des assises de gueulard, à l’entrée du four, sont les réparations les plus fréquentes. Fréquent aussi le changement des pièces en fonte, rondelles d’assise et assises de gueulard, gueulard (surtout ceux en fonte) et grille du cendrier. Comme les bûches en bois recomposé donnent une flamme plus vive, elles abîment plus vite le foyer. Il est parfois nécessaire de bien veiller à retirer les cendres du foyer, comme pour les bois donnant plus de braises.
XXI.7.25 Chronologie des travaux de construction d’un four à bois
Comme toute tâche importante en durée et en efficience, la planification de construction d’un four maçonné risque de nous faire dresser une liste des travaux à accomplir.
L’on se trouve devant un mur et parfois sans être maçon. La spécificité de ce métier de « fournier » ne doit pas disparaître, faites-vous aider par eux si d’aventure l’auto-construction d’un four pour professionnel est une nécessité pécuniaire pour vous. Ce texte peut servir à vous aider à choisir, à peut-être répondre à ce qu’il faut prévoir dans son choix, à connaître quelques ficelles du métier. C’est pourquoi dans la vingtaine de points abordés dans ces infos, certains se marqueront d’un sigle (*) puisque ces travaux devront faire partie des plans d’architecte avant la construction et d’autres peuvent être postposés en étant réalisés après l’ouvrage de maçonnerie (fig.24).
Vincent le fournier me transmettait des réflexions qu’il avait avec la ou le boulanger-e pour mûrir le choix du four à construire. Les questions peuvent essayer de cerner le rythme et la quantité hebdomadaire de production estimée, la capacité de travail de la personne, le type de bois disponible à proximité, la faisabilité de l’approvisionnement de l’entreprise (scierie, bucheron, etc.) jusqu’au four et enfin le budget à ne pas dépasser comparé au coût des travaux.
fig.24. Chronologie des travaux à entreprendre pour un four à bois maçonné | ||
(*) | 1 | Autorisations légales (bonne présentation du dossier au niveau de l’effet de serre et luttes préventives contre les particules fines, par exemple) |
(*) | 2 | Décision sur l’implantation dans la mesure des possibilités (orientation face aux vents dominants, par ex.) |
(*) | 3 | Décapage sol (pas de fondation nécessaire pour le four, éviter de le lier aux fondations des sols du fournil vu le poids du four de parfois 50 à 80 tonnes, quand il s’agit de four de 100 pains) |
(*) | 4 | Plan d’implantation du four (avec calcul de dégagement nécessaire au défournement, au moins X 2,5 la profondeur du four). Il faut un espace nécessaire, afin de permettre à l’enfourneuse d’y sortir entièrement et de dégager la fournée, une fois cuite |
(*) | 5 | Calcul des murs de cintrage des fours (si nécessaire) et écarts avec les murs mitoyens |
(*) | 6 | Élévation des murs de cintrage (si nécessaire) en prévoyant espace sur un coté, si le foyer est décentré par rapport à la porte du four |
7 | Prévoir la loge pour le cendrier et foyer décalé avec espace suffisant pour les braises qui peuvent occuper du volume et ne plus laisser assez d’espace pour l’appel d’air nécessaire au feu sous la grille du cendrier. | |
(*) | 8 | Cimentage du foyer surbaissé, au moins 5 cm plus haut afin de faire émerger l’assise du gueulard au raz de la sole. Prévoir les emplacements et gaines des canaux de débraisage (registre) et d’appel d’air, s’ils sont nécessaire. Prévoir pour l’assise de la grille du cendrier, un chanfrein ou une découpe de glissière |
9 | Couler la chape de béton de la sole du four (au mieux bétonnage sur remblais de vieux four), puis laisser au moins 5 cm de sable pour la pose des carreaux) | |
(*) | 10 | Monter la façade basse et l’autel (espace devant les portes permettant de déposer au besoin, les pains sortis du four avec l’enfourneuse) et caler la ou les portes du four. Pose éventuelle de poutre métallique en façade pour renforcer l’armature sur la largueur. Pose éventuelle de tiges filetées faisant la longueur du four avec plaque à chaque bout (dont une soudée) pour resserrer la maçonnerie après le séchage complet du four (quelques mois) |
11 | Poser sur la sole de béton, le sable, le damer, puis poser les carreaux joint contre joint | |
12 | Poser le pied droit (partie perpendiculaire qui démarre la voute). Ne pas poser les carreaux sous le pied droit et les torpilles ou appareils à buée | |
(*) | 13 | Pose du coffrage ou gabarit de la voûte (soit effectué en sable, soit à l’aide de tout autres gabarit en prévoyant le passage des ouras et son conduit de fumée. Pensez au gainage pour la sonde pyromètre. |
14 | Pose de la voûte, le plus beau travail avec l’ajustage de la clé de voûte | |
15 | Séchage de la voûte pour permettre le cimentage de bien prendre | |
16 | Recouvrement de la voûte avec le sable (utilisé pour le gabarit) ou débris d’ancien four | |
(*) | 17 | Construction des conduits de fumée (ouras) vers la tête du four ou se situe la cheminée, avec installation du gainage permettant à la tige de fer d’être manipulée en façade de four pour fermer ou ouvrir les ouras |
18 | Recouvrement de la voûte avec le sable. Dans un deuxième temps après le dérhumage, dans les espaces creux pour niveler l’épaisseur de la couche | |
19 | Construction de l’entrée de la hotte à vapeur et la cheminée | |
20 | Finir la façade du four (c’est de l’esthétique) | |
21 | Chauffe progressive (de petit feu à plus grand feu) dans la chambre de cuisson, pour cuire le four (1 à 2 semaines ou plus si possible) afin de ne pas faire crevasser la maçonnerie par les dilations du aux écarts entre les conditions très chaude/froide | |
22 | Pose des enduits argileux sur la voûte en plusieurs fois pour remplir les fentes des crevasses qui se créent | |
23 | Pose d’Isolant diffusant (permettant l’évacuation de l’humidité) après un temps, lorsque l’on estime que l’humidité est bien sortie de la maçonnerie | |
(*) Travaux qu’il faut prévoir au départ et qui ne peuvent que très difficilement se réaliser une fois le four monté |
XXI.8. L’apprentissage de la chauffe du four à bois, en direct, dite « sans filet »
Extrait du vocabulaire du boulanger de l’Encyclopédie Diderot D’alembert, en 1782 : « Cuisson du pain ; c’est une des parties de la boulangerie qui demandent le plus d’attention et le plus d’expérience ».
Ce travail est un peu « sans filet », quand la charge de bois doit être précise puisqu’une fois effectuée, elle n’est plus rectifiable. Cela devient presqu’un patrimoine du boulanger des bois, un « savoir-faire », où il est important de partager et transmettre.
D’emblée, un exemple pour les profanes de la chauffe au bois, voici un relevé des seize petites opérations successives (fig.25, c’est du détail) nécessaires pour lancer la chauffe dans le four du haut d’un four à gueulard à deux étages. Rien qu’histoire de comparer avec le simple petit clic qu’est un réglage du thermostat de four en tôle à chauffe indirecte.
L’air de rien, il est bon d’en tenir compte dans l’évaluation d’un prix de revient. Encore que comparer au travail que demande la manutention du bois : réception, coupe, stockage, séchage et approvisionnement près du four, ces seize petites opérations représentent moins de coût en main d’œuvre.
fig.25. Comparaison entre, un seul et simple clic de thermostat et tous les gestes nécessaires pour chauffer un four à bois à gueulard sur 2 étages | |
1 | Ouvrir (tirer) la clé extérieur gauche pour l’oura de gauche |
2 | Ouvrir (tirer) la clé extérieur droitepour l’oura de gauche |
3 | Prendre la barre de fer et ouvrir les portes du four du haut |
4 | Tirer le rond et coupole bouchant l’assise du gueulard |
5 | Prendre le gueulard et l’installer à la place du rond-coupole |
6 | Fermer les portes du four du haut |
7 | Ouvrir les portes du four du bas |
8 | Tirer le rond-coupole du four du bas |
9 | Prendre la grande clé pour descendre la buse encastrée dans la voûte |
10 | Installer la clé dans son support suspendu en façade et mettre les encoches de la buse dans celles de la clef pour descendre celle-ci et l’appliquer sur l’assise |
11 | Ranger la clé dans sa place |
12 | Fermer les portes du four du bas |
13 | Ouvrir la (ou les) porte(s) du foyer |
14 | Charger le bois nécessaire à la chauffe et allumer le feu |
15 | Fermer la porte du foyer |
16 | Au besoin starter des minuteries (pour les temps de chauffe et pour bouger les orientations du gueulard), dès que la flamme se projette dans la chambre |
Inventaire réalisé (ne prenant pas en compte le savoir-faire pour la maîtrise de la chauffe) pour bien marquer que le four à bois est un choix qu’il faut assumer et prendre en compte dans le calcul d’un prix de revient
Mais qui n’estime pas le plaisir de cette façon de faire, faisant appel à la valorisation de nos sens. « Vous les boulangers, vous n’êtes pas des gardes-barrières, quand même » me disait le fournier Daniel. |
Quand de nouveaux boulangers des bois approchent un four à bois en direct pour la première fois, c’est tout sauf du « tout cuit » !
En effet, conduire une flamme est une expérience tout autre que de commander la température en tournant à un thermostat.
Il faut s’adapter aux tirages suivant la pression atmosphérique, la saison et le vent. Chauffer le four à point, laisser rabattre la chaleur, pour cuire aussi régulièrement de la voûte que de la sole. Vous le voyez, il s’agit d’apprendre « à jouer » avec la flamme, l’accumulation de chaleur, l’élément feu à « engranger ».
Apprécions quelques mises en garde. La première de Monsieur Franck, un des plus habiles boulangers de Vienne au milieu du xixe siècle : « La nature du combustible, la quantité de pâte à cuire, la capacité du four, une première ou une deuxième fournée, sont autant de points importants qu’il est utile de prendre en considération, mais qu’on ne peut indiquer dans un livre, attendu que c’est à la pratique seule qu’il convient d’emprunter l’expérience, le coup d’œil et le tact nécessaires à ces opérations[50] »[51]. La deuxième précision sur la difficulté de la chauffe sans filet nous est apportée par émile Dufour (le bien nommé) : « Aucun ouvrier, ni patron, quel qu’il soit, n’est certain, lorsqu’il chauffe un four pour la première fois, d’arriver juste, s’il n’a pas eu quelques renseignements auparavant. Par exemple : le nombre de fournées qui ont été cuites précédemment, le temps écoulé depuis la dernière, et ce qu’on aura cuit, sont encore des données de nature à modifier la situation ». Il s’agit d’un travail d’équipe.
XXI.8.1. Qu’est-ce qu’une belle flamme ?
L’observation de la flamme est une des spécificités du boulanger des bois, elle doit être bien jaune et assez claire, ne pas fumer.
Mais il arrive, surtout au démarrage du feu, que la flamme n’est pas belle, elle suffoque, elle « tousse » et enfume.
Voici le témoignage d’Émile Dufour[52] vers les années 1930 : « Lorsqu’on chauffe aux copeaux, et que l’on recharge le foyer, il faut qu’il y ait toujours une flamme, sinon les copeaux carbonisent dessous, et une fois le four plein de fumée, lorsque la charge prend feu, tout saute. C’est ce qu’on appelle le retour de flamme. Pour éviter cet accident, si l’on veut éteindre, on appuiera fortement avec la pelle sur la charge de copeaux, en dégageant un coin, mais il faut faire cette opération dès qu’on a éteint. Si l’on n’a pas eu le temps d’appuyer et si l’on voit la menace on ouvrira en grand la porte du foyer, la porte du four et les ouras, l’effet sera moins violent. Il se produit souvent un retour de flammes parce qu’on a oublié d’ouvrir la bouche du four de un ou deux centimètres ; la fumée arrive alors dans le four où le manque d’air l’empêche de flamber. Cela se produit surtout au début d’une chauffe lorsque le foyer est trop garni. Donc ouvrir légèrement la porte du foyer et la bouche du four, afin que tout se consume à l’intérieur. Avec le bois, que l’on chauffe intérieurement ou dans le foyer [décalé], il se produit aussi, mais moins souvent des retours. » Vincent le fournier nous indique que si l’on dispose d’un registre (canal de débraisage – XXI.7.20), on l’ouvre et l’on envoie un sérieux coup d’air chaud dans la cheminée, relançant le tirage, qui « avale » tout net les gaz et fumées emmagasinées dans la chambre. C’est fascinant à observer, dit-il.
Mais rassurez-vous, ce type de retour de flamme est à classer dans la catégorie, incident rare, plus fréquent lors des dérhumages (XXI.8.2).
Avec un dessin et quelques explications, Jules Louvière donne aussi l’indication que la conformité topographique de votre emplacement de fournil et de la cheminée vous obligeront à tenir compte de cela. Les fours installés dans des vallées encaissées n’ont pas le meilleur profil géographique d’aménagement pour cette raison. La présence d’obstacles en aval des vents dominants et la fréquence de formations de tourbillons d’air, observables à l’automne avec les feuilles mortes, peuvent obliger à réfléchir sur l’installation d’une sorte de tablette de refoulement dans la cheminée comme cela se passe pour la cheminée de feu ouvert. Attention toutefois au dépôt de suie et cendres qui risque de s’installer sur le rebord de cette tablette et de la diminution du tirage. Un accès facile avec regard à cet endroit devra être pensé pour pouvoir ramoner.
On peut prendre quelques précautions lorsqu’il fait une tempête de vent, afin d’éviter les accidents dus au retour de flamme, il vaut mieux bien fermer la porte du foyer décalé, avant d’ouvrir les portes du four lorsqu’on bouge le gueulard.
Comme le dit Émile Dufour, on supplée quelquefois à ces problèmes de tirage en ouvrant légèrement les portes pour apporter plus d’oxygène à la flamme. Mais pas de trop, parce que à l’inverse, la flamme s’éparpille, se disperse. Alors, les portes du four à ouras, lorsqu’elles sont fermées et basculantes, tremblent par la force venant d’appel d’air. C’est un réglage naturel mais limité par cette même nature. On ne sait pas mettre plus d’oxygène dans l’air et plus d’air dans la pièce.
Pour un démarrage de feu, il est nécessaire de placer les bûches de façon à ce que l’oxygène de l’air puisse bien circuler entre. Tout ceci, afin que le feu prenne bien et n’étouffe pas, parce que privé de cet oxygène.
Pour avoir un bon tirage d’air, il faut que l’air traverse le foyer depuis l’entrée (dite aussi prise ou départ d’appel d’air) situé en-dessous de la grille du foyer jusqu’à l’oura. Pour bien faire, il faut que l’appel d’air pour le foyer soit en zone surpressionnaire et chaude et que la sortie d’air soit en zone dépressionnaire et froide (fig.26). Ainsi par l’aspiration vers l’extérieur, des vents de vitesse parfois phénoménale parcourront la cheminée vers l’extérieur.
Lorsque le feu fume en sortant de la cheminée et que vous n’êtes plus à votre première cuisson, c’est probablement parce que la charge est trop forte, il vaut mieux mettre en 2 fois la charge de bois prévue dans le foyer.
L’accident rare du retour de flamme est à inscrire dans ces moments de réglage de flamme, lorsque juste au démarrage du feu, que la flamme n’est pas belle, elle suffoque, elle « tousse », enfume, on réduit les autres appels d’air contrariants (créé par le ventilateur de la hotte, par exemple) afin de ne pas gêner l’appel d’air qui doit partir du dessous du feu.
Ce sont des réglages naturels qu’il faudra encore ajuster lorsque le « plafond du ciel » ou le baromètre est bas, suivant les régions, d’autres regarderont à l’orientation du vent, cela peut aider aussi.
Cette différence entre l’air chaud circulant dans la cheminée et l’air de la pièce plus froid, existe moins à l’allumage du feu et ce qui représente souvent une difficulté que l’on tente de résoudre en faisant brûler du papier à la soupape, endroit situé à la fin des conduits de fumée (ouras) et au départ de la cheminée, comme pour ouvrir la voie et prendre l’humidité.
Afin de permettre à tous ceux qui entreprenaient la même tâche de se retrouver un peu moins dans le « brouillard enfumé », alors que l’exigence de vente n’autorise pas le dérapage d’un apprivoisement, j’ai continué à rédiger avec mon filleul Laurent, un texte qu’Éric, de passage au fournil en fin 2004, a judicieusement critiqué pour le rendre plus lisible. Seules, six années d’expérience font part de notre approche du four à bois, ce document serait certainement plus riche si des hommes de métier ayant un plus long vécu y avaient encore plus participé.
C’est pourquoi je crois très fort que ce document est perfectible, mais comme il manquait, voilà déjà cette première lumière pour attiser la flamme de tout professionnel qui se lance dans cet investissement de « savoir-faire » de réglage de flamme et d’appel d’air avec les éléments que la nature met à notre service.
Distinguons maintenant les diverses chauffes.
XXI.8.2. Chauffe pour « sécher » un nouveau four, dit « dérhumage »
Il faut chauffer à l’intérieur du four au début avec un petit feu espacé, puis petit à petit ou de jour en jour avec de plus grosses bûches de bois (bois « rouge » de préférence), pour tenir le feu à ce moment et savoir que comme la rosée arrose mieux que la pluie, la braise sèche mieux la maçonnerie que la flamme.
« Lorsqu’un four est neuf », écrit émile Dufour[53], « on le traite comme suit : une fois la construction terminée, on étend sur toute la surface du carrelage, pour éviter qu’il ne brûle, une couche de fins gravats ou de sable d’environ un demi-centimètre d’épaisseur, car pour cuire au four on chauffe toujours intérieurement. Cette opération terminée, on fait une petite charge et on laisse brûler doucement. On laisse le four poser pendant deux heures, bouche et ouras ouverts. Après, on peut chauffer graduellement, mais pendant cinq à six jours, on laissera les ouras un peu ouverts. Après la bouche restera seule ouverte. Un four quel qu’il soit a toujours des fissures si l’on procède trop brutalement dès le premier jour, ces fissures risquent d’être d’une largeur exagérée, ce qui peut occasionner des pertes de buée et de chaleur. On risque également de brûler le carrelage où par la suite le pain « ferrera » (c’est-à-dire qu’il brûlera par dessous). Il faut pour « cuire un four », dix jours environ. Il vaut mieux en mettre deux ou trois de plus qu’en moins.
Cette opération se réalise chaque jour, pendant dix à quinze jours, pour les fours qui font plus de cinquante tonnes. Certains disent qu’il faut compter un an de chauffe pour sécher convenablement toute la masse du four. Le cycle des saisons apportant des variantes, il est normal que l’on apprécie les différents comportements du four suivant ces saisons. Pour cela aussi il faut un an.
C’est pourquoi, les premiers temps d’emploi du four, il est souvent plus difficile de profiter de la chaleur « résiduelle » pour cuire de la pâtisserie après les pains : le four n’a en effet pas assez de « fond » pour bien réaliser la deuxième cuisson sur la chauffe.
XXI.8.3. Chauffe de fond après un arrêt de plus d’une journée de cuisson.
Quand le four n’a pas été utilisé pendant un, deux jours ou plus, il est bon de faire des chauffes dites de fond, la veille de la prochaine fournée. Lorsqu’il s’agit d’un four à gueulard, les chauffes ne se font plus à l’intérieur de la chambre de cuisson, mais par l’intermédiaire du foyer décalé. Sur mon four à double sole étagées, on faisait des triples et doubles chauffes (par exemple, trois tours de trois fois dix minutes au-dessus et deux tours de trois fois dix minutes en dessous) lorsqu’il faisait grand froid la nuit.
Les chauffes de fond sont encore plus utiles après les congés annuels. Là, il vaut mieux chauffer par paliers pendant les deux à trois jours précédant la réouverture. D’abord des petites chauffes puis des plus grandes pour ne pas forcer l’ouvrage maçonné qui sinon risquerait de fissurer.
XXI.8.4. Première chauffe de la journée.
Il est difficile dans un premier temps de calculer l’heure à laquelle il faut démarrer la chauffe pour faire coïncider l’apprêt du pâton et un four à bonne température, tout en gardant en tête l’heure butoir de l’envoi au magasin ou au marché.
On peut déjà faire une simple estimation du temps nécessaire allant du début de la chauffe à l’emballage du produit (fig.27).
Nous voilà avec 2 h. ¾ de temps à prévoir, ce qui différencie de tous les fours à chauffe directe généralement plus rapides.
C’est toujours à titre indicatif, car les diagrammes sont propres à chaque boulanger, lorsque l’on façonne les pâtons de pâte ensemencée à la levure, on démarre la chauffe. Sauf si, à l’extérieur, « le plafond est bas », il vaut mieux démarrer un peu plus tôt et attendre que la flamme « donne » bien pour « starter » le minutage de la chauffe.
C’est à l’aide du temps de chauffe du gueulard projetant une flamme que vous obtiendrez le plus une mesure. Pour réaliser une bonne chauffe, l’idéal est de faire correspondre un feu qui donne une flamme suffisante sur le temps défini.
Dans le foyer, placer du petit bois, puis du gros bois, la valeur de quinze bûches compactées pour un four d’environ 6 m² et des allume-feu, seulement si c’est nécessaire. Dans ce cas, certains allume-feu sont plus naturels que d’autres, préférez-les.
Allumer et aller préparer les minuteries sur 10, 20, 30, 35 et 40 minutes, où 9, 18, 27, 30 et 33 minutes, et encore moins s’il s’agit de rechauffes. Quand la flamme aura démarrée, c’est-à-dire que celle-ci sortira du gueulard, il faudra enclencher les minuteries, si cet outil ne vous énerve pas trop (fig.28).
Dans l’exemple de charges de bûches compactées de feuillus, pour des pains d’environ un kilo en première fournée, la chauffe se déroulera comme suit :
0 à 10 minutes : chauffe avec gueulard tout droit en direction du fond du four
10 à 20 minutes : chauffe avec gueulard à gauche ;
20 à 30 minutes : chauffe avec gueulard à droite.
Lorsque l’on oriente le gueulard vers les côtés, il faut veiller à ne pas diriger la flamme trop près des portes, cela les déforme, on peut savoir que l’on est allé trop loin au bruit que les portes font quand on en éloigne la flamme.
Les dix minutes restantes serviront à finir la chauffe en visant les deux coins ou angles du four en deux fois cinq minutes. Il faut ensuite enlever le gueulard.
Si on a oublié de tourner le gueulard, il faut fermer la clef du côté que l’on a oublié de chauffer et laisser l’autre clef ouverte pour finir la chauffe.
Si la chauffe a été inégale (plus forte d’un côté), pour uniformiser la chauffe, il est aussi possible, lorsque les clefs sont fermées, de diffuser de la vapeur dans le four. L’air chargé d’eau « transporte » bien la chaleur et la répartira un peu.
Comme la flamme donne mieux au milieu de la chauffe, la deuxième orientation de la flamme profite d’un plus fort apport de chaleur. On peut alors inverser sa manière d’orienter la chauffe – centre, gauche puis droite – et après rectifier en conduisant le gueulard d’abord au centre, droite puis gauche, lorsque l’on s’est aperçu que le côté droit était plus froid au four précédent.
Pour apprécier si la chauffe est suffisante, de multiples pains plats sont renseignés par Hubert Chiron[54] comme testeurs de l’état de la chauffe en estimant la vitesse de leurs cuissons. Par exemple, la falue, ou les fort semblables fouée, faluche. La flambade (ou flambadelle, flambeche) et la gâche sont enfournées après la flambée du bois, « avant coup » dit même Lionel Poilâne[55]. Ils sont saisis plutôt que cuits, précise ce dernier auteur présentant les pains régionaux français. Le souflâme en Charente est même enfourné au contact des braises.
Pour évaluer si la chauffe est à point, on peut également passer du papier journal dans le four qui doit brunir en peu de temps et non brûler. Comme la farine jetée sur la sole qui doit brunir dans les dix secondes[56]. « Si elle roussit sur le champ, la chaleur du four est au point convenable : que si la farine noircit, le four est trop chaud ; enfin si elle conserve sa blancheur, le four n’est point assez chaud[57] ».
On entendra souvent que la voûte doit être blanche. Le blanchiment des briques est provoqué non pas par l’élévation de la température, nous rappelle Serge sur un fil de discussion de Boulangerie.net, la flamme provoque la pyrolyse des fumées qui se sont précédemment déposées sur les briques, à ce moment la température de surface atteint donc les 700 à 800 °C pour quelques secondes. Dès l’arrêt de la flamme cette température se stabilise entre 300 °C et 350 °C en fonction du temps de chauffe. Une brique chauffée avec un chalumeau blanchit en quelques secondes mais refroidit à la même vitesse.
Donc si le blanchiment de la voûte permet d’évaluer la température d’un four à un moment précis, le boulanger devenu constructeur de four qu’est Serge maintient que cette température dépend de nombreux paramètres : qualité des briques, forme de la voûte, qualité et volume de la masse isolante, qualité du bois, vitesse de la chauffe, météo, etc.
C’est pour tous les futurs « dompteurs de cuisson au four à bois » et tous ceux qui veulent apprivoiser la chauffe au bois en direct que ce partage de témoignages a été « allumé ». Grâce une étincelle due à Laurent mon filleul, pour répondre à la difficulté rencontrée face à ce qu’il appelait « le monstre » qu’était un four à cuisson directe au bois de 80 tonnes et 16 m² de surface de cuisson réparti sur deux étages.
Il y a moyen de rectifier les erreurs de chauffe dans différents cas. Pour un four trop chaud, mettre de la vapeur clés ouvertes pour le refroidir et/ou ouvrir la soupape pour le même cas. Mais dans les deux manœuvres, très important, ne pas oublier de refermer les clefs et/ou la soupape par après.
XXI.8.5. Nettoyage du four avant enfournement
La loque, autrefois une brosse de genêt ou branches de bouleau, mais le plus souvent une serpillière trempée dans l’eau, nettoie la sole du four des cendres que le feu de bois a apportées. Il faut que la serpillière puisse bien tournoyer dans le four. On la dénomme de diverses appellations suivant les régions : L’écouvillon, l’escovet – Jura suisse -, lu houvion – en wallon -, la patrouille ou patouille, le liboudenn -en breton -, l’escouvaille, l’écové. Trempé dans l’eau, égoutté puis passé en tournoyant dans le four, l’écouvillon devra ramasser au mieux les fines cendres de bois restée sur la sole.
Cette opération fait descendre la température de ± 20°C. D’autres aujourd’hui, réalisent ce travail avec un aspirateur équipé en embout résistant à de très hautes températures. D’autres encore soufflent les cendres à l’aide d’une soufflette et compresseur vers les conduits de cheminée. La dernière solution ne semble pas la plus efficace et la plus recommandable.
XXI.8.6. La chaleur se pose ou le temps de pose
Il faut encore que la chaleur se pose ou se répartit, se rabat. C’est à calculer pour ne pas « saisir » le pain en enfournant trop tôt, et ainsi brûler la croute du pain.
Le pain ne pourra être enfourné que dans vingt minutes de temps de pose après la sortie de la flamme du four. Moins si on a passé l’écouvillon, on diminue alors le temps de pose de moitié environ. Si ce temps est dit « de pose », c’est la chaleur qui se pose, ce ne sont pas les boulangers qui font la pause. « La voûte s’échauffe la première parce que c’est là où se porte naturellement toute flamme[58] ». Paroles qu’il faut relativiser dès lors que l’on s’aperçoit que les chaleurs prises par la voûte et par la sole ou le feu s’est pratiqué, doivent « se poser ». Charles Heindrichs dans son petit four familiale auto-construit a placé par passion des sondes à la voûte, sur la sole et à centre du four (± 15 cm.). Résultat, la température de la sole est à la fin de la chauffe à 380°C et celle de la voûte à 280°C. Il faudra plus d’heures (jusqu’à cinq, cuisson comprise) pour que les courbes se rejoignent à 200°C. Par après (jusqu’à 25 h.), la voûte aura pratiquement toujours plus de 20°C que la sole[59]. C’est ainsi que se réalise l’équilibrage entre les divers formes de transmission de chaleur, entre la voûte et la sole (XXI.1 et XXI.8.7). Si le feu vient du foyer décalé la voûte sera plus chaude, tandis que si le feu est réalisé sur la sole, celle-ci prendra plus de chaleur.
Le temps de pose sert aussi à compenser une chauffe trop forte. On augmente alors le temps de pose, ou à l’inverse pour une chauffe que l’on sent trop faible, on réduit le temps de pose.
XXI.8.7. Les chauffes suivantes
« Les boulangers savent sans en connaître la cause, que la première fournée de pains ne vaut pas les suivantes, quoique d’une même pâte. Ce qui vient en partie de ce que le four est plus pur lorsqu’il a été chauffé plusieurs fois de suite[60]. »
En fonction de l’avancement du travail, on doit souvent composer entre le choix de relancer un feu pour réchauffer le four et cuire en deuxième, voire troisième cuisson sur la chauffe. Ce n’est pas pour rien que l’enfourneur était dans les catégories de travailleur celui qui désignait le poste supérieur dans le rang des ouvriers. Dans la cuisson au feu de bois, c’était lui qui dirigeait le travail. Le bon agencement du travail étant pour une grande part, un gain de temps, il nécessite une bonne « lisibilité » de l’apprêt des pâtes et de promptes décisions pour le démarrage des pâtes et des chauffes.
Tous les temps et quantités de bois sont donnés à titre indicatif car il est clair que plusieurs paramètres extérieurs vont venir influencer le travail du « dompteur du four à bois» par après. Et c’est là que cela se corse comme on dit en français.
Les différents paramètres sont – liste non exhaustive (fig.29):
- En premier lieu, l’état du four. Si le four a déjà subi beaucoup de chauffes et bien sûr quand elles se succèdent de près – enfournement tout de rang -, la charge de bois devra être nettement moindre, diminuée de ⅓ à la ½. Il faut bien y réfléchir pour le four principalement pour ne pas devoir « étouffer » le feu et débraiser le foyer.
- Le repère de l’état de la cuisson précédente est une aide plus que précieuse. Bien se transmettre cet état du four lors de changement d’équipe.
- Le climat extérieur : été ou hiver, qui ne refroidit pas tant ou refroidit beaucoup, ciel lourd ou dégagé et temps humide ou sec qui ne permet pas un bon tirage et donc une belle flamme ou qui donne de bonnes conditions pour une belle flamme, venteux ou pas, qui peut contrarier le tirage ou pas…
- L’état d’avancement de la marchandise, fort levé/pas assez levé.
- La nature de la marchandise : un four de baguette ne sera pas le même qu’un four de tarte ou autre pâte sucrée par exemple. On cuit souvent la pâtisserie en deuxième cuisson sur la chauffe et si l’on veut que les baguettes donnent une bonne grigne, elles « jetteront » mieux dans un four chaud sur la première cuisson de la chauffe. Un four de miches de plus d’1 kg n’est pas le même qu’un four de miches individuelles de 50 gr, les pains d’1 kg ont besoin d’une forte chauffe et d’un plus long temps de pose.
fig.29. Réglages pour les différentes chauffes suivant les cuissons | ||
Chauffe ++ | / Première chauffe après refroidissement. Montée de chauffe progressive de longue durée. | |
Chauffe + | / Grosses pièces à cuire (+ de 1 kg)
/ D’après constant de chauffe précédente froide / Météo provoquant moins de tirage, d’ou anticipation du temps de chauffe nécessaire / Gelée persistante sur plusieurs jours pénétrant dans la maçonnerie externe du four |
|
Chauffe – | / Temps orageux ne laissant pas s’échapper l’humidité de l’ambiance chaude à l’extérieur
/ Petites pièces à cuire (± 50 à 100 g) / Constat de chauffe précédente trop chaude |
|
Chauffe — | / Plus de trois chauffes précédentes, fort proches dans les intervalles de cuissons
/ Biscuiterie (utilisant même le solde de chaleur du four) |
Il faut éviter de charger en pains le four trop près de l’assise métallique du gueulard qui a subi le passage de flamme.
Si l’on enfourne plusieurs fois (deux à trois fois) sur la même chauffe, il vaut mieux éviter de charger des pièces près des appareils à buée, ceux-ci refroidissant la place, les pièces déposées à ces endroits ne cuisent pas. On choisit également plus d’espacement entre les pièces à cuire.
Edmond Mari a publié le livre La Dernière Fournée en 1992. Il nous donne un schéma [61] (fig.30) où la première étape, la chauffe est divisée en trois stades – numérotés sur le schéma. Du début jusqu’au n°1, c’est la chauffe modérée, puis intensive et finalement l’étalement des braises puis le retrait des braises qui est suivi d’une stabilisation de la température, le temps de pose (entre no 1 et 2) et de l’enfournement (n°2), la cuisson est la phase (entre no 2 et 3), prenant ± 1 heure et le défournement no 3.
On voit également qu’après le four (plutôt massif comme un four banal) descend de température lentement.
Dans le livre de Daniel Wing et Alan Scott [62], deux courbes (fig.31) font part d’expérience avec prise de température à l’aide d’un pyromètre (sonde thermique).
- à la surface intérieure de la brique en voûte,
- à la surface externe de cette même brique,
Ils montrent comment la chaleur reste plus longtemps dans la maçonnerie « externe » de la chambre de cuisson et la déperdition plus forte de la chaleur de la maçonnerie « interne ».
Pierre Delacrétaz définit encore mieux dans un schéma le refroidissement de petit four maçonné [63] ou les terrines et gros rôti de viande savaient profiter de l’après-cuisson. La très lente cuisson / séchage des meringues devait elle, attendre près de vingt-quatre heures de chutes de température.
Voici l’expérience d’une suite de chauffe dans une boulangerie importante de Paris au xviiie siècle. « On a fait l’expérience à l’Hôpital-Général de Paris, que la première fois qu’on chauffe le four, il faut trois fois plus de bois qu’à la cinquième ; on a trouvé que pour la seconde fournée on brûle la moitié plus de bois que pour la cinquième ; et enfin que la troisième et la quatrième dépensent aussi dans la même proportion, plus de bois que la cinquième ; de sorte qu’un boulanger qui n’a pas le moyen de cuire plus de trois fois de suite, ne gagne pas en proportion comme le boulanger qui cuit six fois, parce que passé la troisième fournée, il en coûte peu à entretenir le four assez chaud pour cuire ».
Une spécificité de la chauffe en direct au bois est encore donnée par Malouin : « On a observé qu’après la cinquième fournée, non seulement il ne fallait plus diminuer la quantité de bois, qu’au contraire il fallait la ré-augmenter dans la suite ; vraisemblablement pour réchauffer les environs du four, qui avaient refroidi, pendant qu’on avait fait les dernières fois que chauffer le four, que l’entretenir, sans pousser la chaleur jusqu’à ce qui le touche vers le dehors[64] ». On remarque bien ici, que l’espace chaud bénéficie des « radiateurs » que sont les pierres de la sole et la voûte[65].
C’est là un des mystères de la chauffe au bois que j’ai pu observer également et qui explique qu’il faut laisser un petit temps ou intervalle si l’on veut cuire un troisième four de petites pièces (de 50 à 200 gr) sur une chauffe. Ainsi la chaleur externe emmagasinée peut être récupérée et restituée vers l’intérieur. Cette conduite des cuissons est spécifique aux fours maçonnés à bonne inertie thermique. C’est ce que présente la fig.19 avec les données comparatives entre la température de la surface intérieure de la brique de voûte et la prise de température à l’extérieur de la brique de voûte.
XXI.8.8. Le « chaud du four » ou solde de chaleur et les braises.
Le « chaud du four » est en fait la chaleur résiduelle, celle qui reste après la cuisson. Certaines pâtisseries étaient cuites dans ce « solde » de chaleur, la plus traditionnelle est cette pomme entière cuite dans une enveloppe de reste de pâte. On l’appelle suivant les endroits : rabottes, roulottes, bolottes, rombosses, rouyats. Le plus souvent on séchait les fruits ou des graines grasses, comme l’avoine. Ce bénéfice du « chaud du four » banal revenait au fournier, lire ici, la personne qui s’occupait de chauffer et de cuire dans le four banal. Cette charge de fournier était parfois attribuée et rémunérée. Au cas où cette fonction n’existait pas, le « chaud du four » revenait parfois à celui qui effectuait la première fournée, plus exigeante en charge de bois. Mais le plus souvent le « chaud du four » était attribué par la municipalité moyennant offre et payement[66].
Guiseppe Garramone dans son livre, Le Four à pain, origine et évolution [67], a publié une photo d’un tableau marquoir fixé au mur du fournil communautaire où était noté le tour de rôle des cuiseurs par jour et par heures. Afin d’effectuer une rotation sur la charge de la première chauffe plus exigeante en combustible et qu’elle puisse se répartir sur chaque participant. Autre compensation dont pouvait bénéficier le fournier ou le premier cuiseur des chauffes de four, il pouvait récupérer les cendres qui étaient utilisées comme engrais (potasse) ou pour permettre de fabriquer du savon à l’aide de graisses végétales ou animales.
XXI.9. Les autres fours boulangers
Si dans la rédaction de ce chapitre cuisson, la part belle a été faite pour le four à bois en direct, c’est pour sauver un savoir-faire qui est aussi une base technique et artisanale de la cuisson. Les autres qui sont présentés par après peuvent néanmoins avoir des avantages ou des inconvénients que nous allons brièvement passer en revue.
XXI.9.1. Les fours alimentés au fuel
Les énergies fossiles sont destinées à s’épuiser et condamnées en tant que productrices de gaz à effet de serre. De ce fait, ils ne sont plus les fours de l’avenir, même si actuellement ils restent des fours avec des avantages économiques à l’emploi et le fuel, la première énergie utilisée. La réserve carbone en pétrole (étymologiquement, huile de roches) est donc limitée par deux points. Le premier est celui d’une réserve qui serait épuisée en 50 ans si on suit la consommation actuelle. Le deuxième point est celui des accords climatiques qui sont appelés « budget carbone » qu’il ne faut pas dépasser pour éviter un réchauffement climatique.
XXI.9.2. Les fours à tubes Perkins et annulaires
Les fours à tubes (fig.32) ont eu tendance à régresser suite aux crises énergétiques de la fin du xxe siècle puisque comportant une masse plus importante à chauffer. Cet effet de masse peut être vu aussi en épaisseur des tuyaux. Tout cela est plus énergivore.
Le système des tubes annulaires avec la tuyère qui entoure la flamme puis fait une boucle autour des chambres de cuisson prenant la relève des tubes plus linéaires dits Perkins dans les dernières décennies du xxe siècle (XXI.2.).
Ils restent des bons fours boulangers avec une inertie thermique qui a parfois fait des concessions, passant d’une meilleure isolation à une moindre recherche d’effet de masse et dont l’épaisseur de sole et voute réfractaire est variable. Les tubes Perkins sont des pièces métalliques allongées et surtout hermétiques et résistantes à la pression, et qui sont dues à Jacob Perkins (*1766 – †1849). Pour les fours, les tubes sont d’un diamètre d’environ 35 millimètres, ils ont une épaisseur d’acier de trois à cinq millimètres. Comme ils sont remplis d’eau, on parle à l’époque de « fours à vapeur ». Puisque par l’inclinaison à leur point le plus bas, ils sont léchés par les flammes dans le foyer et, à leur point le plus haut, ils sont hors de l’enceinte interne du four ce qui entraîne un cycle eau/vapeur à l’intérieur de ces tubes qui transmettent la chaleur [68].
On adoptera depuis 1910, les tubes sans soudure de Mannesmann[69] de Düsseldorf puis la forme annulaire. Fin xxe siècle, certains constructeurs de fours ont remplit les tubes d’huile plutôt que d’eau, puisque la première est plus thermostable.
XXI.9.3. Les fours à convection forcée (air pulsé) rotatifs
Il existe des variantes dans les fours à convection forcée (fig.33) : ceux qui ne comportent pas de chariots et les autres avec chambres de cuisson superposées. Ils sont tous les deux bruyants à cause de la turbine de ventilation qui entraîne une pollution sonore importante. La convection prend une part importante dans la transmission de chaleur. La turbulence d’air chaud dans l’espace cuisson est plus forte et la combustion partielle des gaz résiduels en a fait le four le moins énergivore pour monter en température. Quand ils sont équipés de chariots, ils sont l’exemple-type du four de terminal de cuisson des « boulangeries différées », ceux qui permettent de finir la cuisson de pains précuits (60 à 80 %) suivant le degré de solidification nécessaire et d’apporter la fameuse odeur de pain sortant du four dans les grandes et moyennes surfaces de distribution (VIII.6).
Je reprendrai l’expression d’un reportage sur le pain artisanal en novembre 2013, « il n’y a plus que la peinture qui manque » ou encore cette autre image de « séance de bronzage » à faire subir au pain précuit. C’est dire le côté superficiel de ce système de cuisson plus pâtissier (petites pièces à cuire) que boulanger (grosses pièces à cuire à cœur).
XXI.9.4. Les fours électriques
Les fours électriques bénéficient de très grands réseaux de distribution énergétiques. Comme ce sont des résistances électriques blindées qui chauffent les soles et les voûtes, ces fours ne produisent pas de fumée. La cheminée n’existe que pour les vapeurs de cuisson composées principalement de buée, pas de CO2. Qui dit résistances, dit consommation importante d’électricité. On a un peu vu (XXI.3) le débat que peut susciter l’électricité, surtout celle venant du nucléaire, qui se vante parfois de produire en 100 % renouvelable. En fait, ils injectent du renouvelable dans le réseau à hauteur de la consommation de leurs clients, mais personne ne peut garantir d’où vient l’électricité qu’on reçoit.
Il est clair que la possibilité de chauffer différemment chaque étage et même différencier les températures de voûte et de sole donne une flexibilité de chauffe imbattable à ce type de four par rapport à tous les autres.
XXI.9.5.Les fours alimentés au gaz
Le mode de fourniture du gaz est une des principales questions posées par ce type d’énergie.
S’il s’agit de gaz de distribution (« de ville »), cela simplifie grandement les choses, puisqu’il n’est pas nécessaire de s’équiper de citernes, et demander des enquêtes et autorisations plus conséquentes. Cette même distribution risque de vivre les mêmes vicissitudes que le marché du pétrole dont souvent elle dérive.
À la date de l’édition de ce livre, dans le cas de gaz de ville, c’est l’énergie la moins coûteuse.
On peut également trouver sur le marché des fours à gaz en chauffes directe et indirecte.
XXI.9.6 Les fours solaires.
L’alternative de l’énergie solaire nécessitant ensoleillement conséquent et capteurs imposants arrive à peine à la température de cuisson dans les régions arides du globe. Du moins lorsque l’on cherche à faire fonctionner le four de manière autonome avec une chaleur de surface provenant de miroirs réfléchissants et pas avec de l’énergie photovoltaïque. Ce principe semble plus approprié pour des cuiseurs de repas que pour des fours, mais cela peut évoluer. Il pourrait déjà servir de moyen de préchauffage ou pré-cuisson puisqu’il atteint les 135 °C.
Il existe au niveau plutôt prototype de recherche du Cnrs, à Odeillo près de Font Romeu dans les Pyrénées orientales française, 2.500 miroirs réfléchissant le rayonnement solaire. Ils re-concentrent celui-ci vers un gigantesque miroir parabolique afin d’atteindre des températures impressionnantes[70].
Au niveau, four de plus petites dimensions, le projet le plus abouti arrive du coté de Rouen, (grâce à Arnaud Crétot), à atteindre des températures de 270°C. Il faut agir de manière aussi intuitive que la chauffe au bois (XXI.8) écrit-il[71], en détournant parfois certains miroirs réflecteurs quand c’est trop chaud. Mais le plus souvent, surtout dans les journées chargés en nuages, c’est en répartissant sur la surface de chauffe, moins de pains à cuire, que l’ingénieur en thermique énergétique règle les variations climatiques. En cuisant dans son four solaire 120 kgs de pain en hiver, alors qu’en été, il cuira jusqu’à 250 kgs de pain. L’initiative de ce type de four solaire a évidemment plus de succès dans des pays riches en ensoleillement et pauvre en dollars. C’est en Inde grâce à de bonnes collaborations locales que le projet Solar Fire Concentration du finlandais Eerik Wissenz[72] (où Arnaud Crétot a été initié) se développe le mieux.
On peut aussi comme dans les faubourgs de Lille, installer une centrale photovoltaïque de 34 panneaux[73], ce qui apparaît aussi comme une alternative crédible, pour l’avenir énergétique.
L’énergie éolienne est de plus en plus régentée au niveau de son installation et est généralement destiné à approvisionner le réseau de distribution.
XXI.9.7. Les fours enterrés
Il existe plusieurs types de fours enterrés, ceux pour pain plats d’Orient (XX.3) et ceux des campagnes militaires.
D’abord ces pains cuits dans le tandoor, tannŭr des habitants du Proche et Moyen-Orient[74]. Il s’agit de fours plus petits, plus économiques en combustible et plus adaptés aux petites portions quotidiennes de pains qui se consomme frais[75]. On va y cuire les pains – galettes à la verticale, sur la paroi d’une grande jarre en terre cuite entourée d’une masse de pierre de chamotte (vieux débris de poterie ou briques réduit en poudre) pour composer un ciment. Ou on dispose cette grande jarre dans un trou en terre pour créer l’inertie thermique.
Ils peuvent avoir une plus grande ouverture en façade, et conservent dès lors pour la cuisson, un feu à l’intérieur comme les pizzerias. À la fin on éteint le feu en l’aspergeant d’eau. On voit par ailleurs que l’idéal est de cuire ces pains plats dans des fours très chauds (XX.3).
Les fours de l’intendance militaire étaient obligatoirement installés en retrait du front, pour que leur fumée ne trahisse pas leur position. Et comme le front bougeait, les emplacements des fours de l’armée aussi.
Grace à l’éphémère association « la pomponnette » qui s’est créée chez Alain à Corbie lors du centenaire de l’Anzac Days de la guerre 1914-1918, on a eu une volonté de confectionner des pains à l’identique de l’époque. Laurent, russo-picard et compagnon-boulanger, a aidé une association locale, le « groupe Bidon » à recréer un four démontable : le Godelle. Il a fallu faire un large trou en terre pour y installer l’armature métallique en pièces détachées avec encoches et sur une sole de carreaux réfractaires. Le tout ensuite recouvert de terre de remblai pour donner un semblant d’inertie thermique. Il ne fut pas évident de réussir à dompter ce four du premier coup en deux jours.
XXI.9.8. Les fours ambulants
Cette activité peut avoir quelques avantages de panification itinérante, mais développe un déménagement exigeant et surtout chronophage. Il faut aimer cette vie de camelot et de marché public pour braver par tous les temps ces ventes en plein air.
Cela existait déjà en 1500, quand les foules de pèlerins étaient accompagnées de représentants des différents métiers de bouche, dont les boulangers.
Aujourd’hui on voit beaucoup d’initiatives de boulangerie ambulante qui ont des buts pédagogiques ou artistiques.
Il y a eu une initiative en 2012 de quatre étudiants du Politecnico de Milan qui en recherche de moyens de communication de la convivialité se sont inspirés du four banal. Ils montaient et démontaient au centre de grandes villes, une ambiance fournil pour exprimer le plein sens du terme convive et de rassemblements humanitaires. En Belgique, un autre projet de Julie et Mano est plus rural. C’est par un rutilant distributeur de pain, comme un luna-park ou une roulette de la Loterie Nationale, que l’association Volubilis[76] conduite par une conteuse-boulangère va interpeller la vie du village. Des « pattes blanches » (nom de l’animation momentanée) fournissent aux villageois le jeton qui, une fois introduit dans le distributeur, va prendre tous les chemins possibles pour interpeller le rapport à l’autre et réveiller les motivations. Pour finalement conduire en échange du jeton à la confection d’un pain au levain dans un vrai four nomade, animé par une boulangère-musicienne, pour rappeler la boulangerie autrefois présente dans le village et recréer un contact entre les habitants du village.
Voilà des projets qui révèlent, s’il le fallait encore, la vie pleine de sens de la boulangerie.
Jeannine et Jean-François ont dénommé leur boulangerie d’animation « Le four à bois, la caravane passe[77] ». Le spectacle couplé d’une initiation de panification au levain tient la route, mieux que la sole du four qui ne supporte pas toujours les dos d’ânes et nid de poules de la voirie !
Autre initiative, celle d’un couple bruxellois (Sophie et Vincent) qui a transformé un camion de pompiers pour y aménager des fours à bois (fig.34), dont un four de près d’une tonne[78].
Là aussi, c’est une animation de panification qui se déplace à la demande. Le couple apprend le pain et les maths aux enfants, grâce à la boulangerie.
« Pain-Ponts » n’est pas un drive-in, mais plutôt un drive-out, écrit Vincent avec humour. Ce n’est pas un food-truck, ni une boulangerie mobile, ni un terminal de cuisson, non, non : cela veut fleurer bon la convivialité.
Le permis poids lourd, l’aménagement et l’adaptation du camion ont pris quelques mois. Le gyrophare bleu a été transformé en orange, la pompe frontale a dû être retirée et la sirène désactivée.
Sur le capot avant du camion, l’inscription Brandweer (soit Sapeurs-pompiers en néerlandais) a été transformée en Broodweer qu’on peut traduire par « du pain à nouveau », le projet étant bilingue. Près de 70 ateliers ont été réalisés depuis 2016.
Voilà déjà de quoi donner des idées !
Les fours se déplaçant peuvent avoir des aspects traditionnels comme ceux qu’il m’a été donné de voir en Toscane grâce à mon ami Pasquino Tarantolla.
Une étude a d’ailleurs été consacrée en 1988 à ce mode de cuisson méditerranéen, au testo, par l’anglaise Barbara Santich[79], qui l’a retrouvé mentionné dans un manuscrit du Nord de l’Italie, au xive siècle. Un style de cuisson de « campagne », dans le sens ambulant, puisque ce type de four se transporte facilement.
Il s’agit de chauffer, posé sur deux rails, le testo, une grande poêle en fonte et son couvercle. Une simple pâte azyme fortement hydratée est coulée sur le métal une fois chauffé. On en retire le testarolo, une crêpe très fine et bulleuse cuite d’un côté seulement. Une fois refroidi et découpé en petits carrés ou losanges, le testarolo devient testaroli, que l’on retrempe un très court instant dans l’eau bouillante légèrement salée afin de les faire gonfler. On les passe ensuite dans la poêle et on recouvre de pesto genovese, saupoudré de parmesan, d’huile d’olive, de basilic ou d’ail, suivant les goûts. Ce pain typique de la Lunigiana[80] est à la limite d’une panification, puisque il n’y a pas de fermentation, mais des pains au levain peuvent être cuits dans le testo et alors on y applique le couvercle.
La cuisson du pain dans une cocotte en fonte, très en vogue en panification ménagère en Amérique du Nord, donne à la cuisson une inertie thermique que n’ont pas les machines à pain. Elle permet même de régler le four pour la fermentation vers les 35-40 °C et puis de cuire avec le couvercle dans la cocotte en fonte préalablement graissée ou garni de papier de cuisson. On retire le couvercle après une demi-heure, ce qui aura permis de remplacer le coup de buée du début de cuisson. Certains conseillent même de laisser pointer la pâte une heure dans la cocotte et d’enfourner à four froid montant vers les 230 °C, pendant ± 35 minutes. Suivant la capacité de la cocotte, la cuisson une fois arrivée à température durera une heure à une heure et quart.
XXI.10. Qu’est-ce qu’une bonne cuisson ?
Pour vérifier si le pain est bien cuit, il existe ce geste du boulanger qui exige des apprentis qu’ils aiguisent un peu leur ouïe au fil des fournées.
Il faut toquer avec la main fermée et du revers frapper sur face inférieure du pain. Si le pain est bien cuit, il rendra un son creux et clair (fig.35). Si au contraire le son est étouffé, sourd, il faudra le remettre immédiatement dans le four et vérifier à nouveau périodiquement[81].
Principalement pour permettre à la trancheuse de débiter rapidement en tartines les pains, on ouvrira les clés des ouras ou la porte du four, un quart d’heure avant la fin de cuisson, afin de mieux sécher la croûte en faisant évacuer les vapeurs de cuisson.
Autre geste professionnel qui va s’acquérir à l’exercice, sera de tenir le pain à la sortie du four avec l’autre main qui petit à petit deviendra « cuite ». En fait ce n’est pas tellement que l’on supporte mieux la chaleur de pain qui à la sortie du four fait dans les 80 à 90 °C sur la croûte, mais c’est la manière plus légère de tenir le pain, de jouer avec la chaleur, de ne pas poigner dedans, qui fera que le contact sera moins fort et moins long. Au début de l’apprentissage, les anciens ne manqueront de vous consoler des brulures reçues en vous lançant, plus ou moins ironiquement : « c’est le métier qui rentre ».
Analysons la vie de la pâte une fois entrée dans le four (fig.36), cet instant qui va la figer et la solidifier (IX.6 et XI.1).
Au début de la cuisson, on passe d’une température de pâte de 20-30 °C et on entre dans une ambiance de chambre de cuisson portée à 220-250 °C.
L’absorption de la chaleur va faire que dans un premier temps la vie sera très active tant que la pâte n’atteint pas les 50 °C pour les microorganismes et les 60 °C pour les enzymes amylases. C’est l’histoire de quelques minutes, mais c’est aussi une vie (qui pour employer une méchante métaphore) est menée au pas de course. C’est comme si l’on courait pour ne pas être rattrapé par la coulée de lave incandescente qui nous poursuit et finira par nous rattraper.
La première phase de la cuisson reste une activité biologique où la vie se manifeste encore et se conduit même avec un réel empressement.
Les levures auront leur maximum d’activité vers les 30-40 °C suivant les souches et meurent vers les 50 °C. Dans un premier temps assez court de 4 à 6 minutes, l’activation va passer de l’intense à une chute brutale d’activité par la destruction des cellules de microorganismes. Les bactéries lactiques auront des profils différents suivant que les bactéries sont thermophiles ou pas. Les températures optimales d’activité se situent entre 30 °C et 40 °C, soit une fourchette d’environ 10 °C en plus pour celles qui aiment la chaleur et qui généralement sont homofermentaires strictes.
La mortalité des cellules de bactéries lactiques se situe de la même façon entre 40 °C et 55 °C.
Suivant la taille du pain, cette agitation de la vie avant qu’elle ne disparaisse ne va durer que six à dix minutes au maximum pour les baguettes et environ le double pour les pains de mie d’un kilo et plus.
Les autres forces vives de la farine, les enzymes natives de la plante blé à la différence des microorganismes vont résister un peu plus longtemps à ces hautes températures. Les béta-amylases ont leurs optimums d’activités vers 50 °C à 55 °C, tandis que pour les alpha-amylases, la fourchette se situe entre 60 °C et 65 °C.
La chute d’activité des enzymes est pratiquement verticale et suit assez vite l’optimum. L’inactivation se passe vers 70 °C pour les béta-amylases et 85 °C pour les alpha-amylases natives. Retenez que les amylases exogènes ont d’autres caractéristiques (XVI.11). De nouveau, il nous faut relativiser un peu ces fourchettes d’activation/inactivation de par les divers types et sortes de farine.
Vient à la suite de l’inactivation biologique, l’activation plus physique de la pâte mise au four et du coup un changement de structure.
Va se vivre une expansion des gaz, puisque avec la chaleur, ceux-ci se dilatent (loi de Gay-Lussac), cela commence dès l’entrée au four et s’arrête lorsque la matière qui l’entoure se fige et le dessus du pâton de mince film va devenir progressivement croûte.
La pâte composée d’amidon se gélifie à partir de 60 °C et le gluten et autres protéines coagulent vers les 70 °C. L’évacuation de l’alcool de cette mie de plus en plus rigide suit vers les 80 °C. L’évacuation de l’eau prisonnière des empois (gels d’amidon, de pentosanes et protéique – XI.1) en vapeur ne cessera jamais, jusqu’à la sortie du four.
Ce qui se vit depuis un moment, c’est le stade de la transformation de l’eau en vapeur ou son état gazeux. Dans cette structure figée l’eau migre dans des interstices, vers la croûte et des pentosanes vers l’amidon (XVI.10.4). Tant qu’il reste de l’eau dans cette mie, et ce sera le cas jusqu’à la fin de la cuisson, la température n’atteindra jamais plus de 98 °C.
La déshydratation peut être considérée comme faible, la pâte d’un pain d’un kilo perd pendant la cuisson entre 20 et 25 % de son poids en eau, ensuite la croûte se forme de manière plus prononcée.
Certains pensent que des hydratations de pâtes allant jusqu’à 90 % permettent de vendre l’eau au prix de la farine, c’est une erreur, du moins dans le cas de pains fortement hydratés, puisqu’il faut généralement les cuire plus longtemps au risque de pénaliser la texture et la digestibilité du pain.
Après ces courtes phases biologiques et physiques, on arrive à la cuisson proprement dite. Les réactions de Maillard (VII.4) qui ne sont pas le résultat d’un brunissement enzymatique, vont progressivement souder certains acides aminés (lysine et asparagine) à des sucres simples.
La température montant toujours à la surface du pain, la croûte se caramélise (vers les 155°C), opération distincte des réactions de Maillard.
La croûte et la mie passent par des températures différentes, puisque, comme nous l’avons vu, la mie conserve de l’eau en son sein, ce qui la maintient sous les 100 °C.
Comme les petites pièces cuisent moins longtemps, elles ont généralement un temps de cuisson plus court et à de plus hautes températures.
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