Question boulange avril 2013

Question boulange avril 2013

Des farines 100 % Nature qui retrouvent le goût des céréales. Depuis quelques années, Laurent Bonneau, artisan boulanger à Paris 16ème et compagnon boulanger resté fidèle au devoir, travaille avec un type de farines spécifique issu de la filière Pain 100 % Nature.

Il s’agit plus précisément d’anciennes variétés de céréales cultivées « naturellement » : pas d’insecticides, ni pesticides, ni herbicides et surtout pas d’engrais. Ce qui a séduit l’artisan est moins l’aspect écologique de la démarche, que le goût obtenu grâce à ces céréales. Entretien:

La première farine 100 % Nature que vous avez testée, c’est la farine aux « blés anciens ». Quelle a été votre impression en goûtant pour la première fois du pain fait à partir de cette farine ?

J‘ai tout simplement dégusté un pain qui avait vraiment le goût des céréales qui composent la farine. C’est en quelque sorte le goût naturel du pain. Il faut vraiment le goûter pour bien comprendre.

Je suis allé chez Roland Feuillas à Cucugnan (11) – cultivateur, meunier et boulanger – parce qu’on m’avait parlé de ces farines extraordinaires. Je n’y croyais pas vraiment, mais j’y suis allé pour juger sur place. Au final, j’ai été convaincu par la qualité organoleptique de ces farines.
Ce qui est assez original, c’est que le mélange des blés ne se fait pas à la mouture mais dans le champ.

Pour la farine de blés anciens, Roland Feuillas cultive dans le même champ 6 variétés de blés différents mais complémentaires. Au fil des années, les blés se sont équilibrés, les forces de certaines variétés ont profité aux autres. Une correction naturelle s’est réalisée en quelque sorte. Nous n’avons plus aujourd’hui le même résultat qu’au début, et tant mieux. La farine développe de nouveaux arômes. On peut dire en effet que le mélange ne s’est pas fait au moulin, mais dans le champs. Pour le grand épeautre ou le Barbu du Roussillon par exemple, ils sont cultivés seuls. Ce qui est intéressant pour nous, c’est de faire des pains différents par variétés comme pour le vin avec suivant les cépages. La terre joue également un rôle important, comme dans le vin. Les mêmes variétés de blés cultivés dans un champ en plaine n’auront pas tout à fait les mêmes caractéristiques que celles cultivées un peu plus en altitude. En plaine, la terre est plus riche. Suivant les moutures, l’agriculteur-meunier nous indique de quel champ proviennent les céréales dont est issue la farine.
La qualité de la farine provient non seulement de la méthode de culture des blés mais aussi de la méthode d’écrasement.

Avec cette démarche vous avez également redécouvert la possibilité de travailler certains pains. De quel type de produit s’agit-il ?

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Grâce à la filière Pain 100 % Nature, fabriquer du pain 100 % Epeautre est devenu réalisable, contrairement à ce que l’on enseigne depuis 30 ans. Tout est une question de qualité de farine.

Ce qui est incroyable, c’est de découvrir que certaines choses que l’on nous a appris, des notions établies comme indiscutables, sont aujourd’hui fausses.
Depuis le tout début de ma carrière, on n’a pas arrêté de me dire que fabriquer un pain 100 % épeautre était impossible. Au mieux, on ne pouvait travailler qu’à partir de 60 % d’épeautre, complété par du froment. Ou que de la farine avec du germe n’était pas panifiable
Aujourd’hui, avec le pain de Cucugnan, je démontre le contraire. Et ce, sans aucun additif, sans aucun correcteur. Ces farines ont de fortes propriétés de lissage naturelles. On n’a pas besoin de pratiquer d’autolyse en amont. Au bout de 4 min. de pétrissage, la pâte s’enroule autour du bras, et se lisse très rapidement.

Avec ce genre de farine, on réapprend son vrai métier, travailler et s’adapter comme avant aux farines. On retravaille des farines « pures » sans ajout de gluten et sans amylases de toutes sortes. Chose que l’on n’aurait jamais dû arrêter de faire.

Je pense que ce genre de démarche – Pain 100 % Nature – peut remotiver certains boulangers déçus par l’évolution du métier, par la qualité des farines qui ne va pas toujours dans le bons sens.

Contrairement à ce qui se fait habituellement, le meunier de Cucugnan n’effectue qu’un seul passage sur meule de pierre contre 6 à 7 passages pour la farine de meule courante. Le blé n’est pas chauffé, et seuls les sons sont enlevés, le germe en lui-même reste intact, le respect du grain de blé en quelques sortes. La grande différence de qualité entre la farine conventionnelle et celle-ci provient également du stockage entre le champ, le moulin et le boulanger. Avec la démarche Pain 100 % Nature, la farine est fraîche en quelque sorte, avec une date limite d’utilisation courte d’un mois maximum, contre 3 mois en général. Le blé n’est pas traité et stocké des mois en silo.

Naturellement vous travailler tous vos pains sur levain. Pourquoi avoir opté pour le levain liquide et non le levain pâteux ?
Il y a deux composantes qui déterminent le goût du pain, en dehors du sel bien sûr :

  • La céréale
  • La fermentation

On valorise l’une ou l’autre suivant le produit que l’on veut obtenir.
Par exemple, pour le seigle Auvergnat, on privilégiera l’acidité du levain pour renforcer le goût du seigle. Dans ce genre de produit, on recherche l’acidité. C’est pourquoi, je travaille sur levain dur, pâteux, naturellement plus acide (acide acétique).
En revanche, pour un pain aux blés anciens, les céréales sont très importantes car le goût est plus présent et spécifique par variété. Je travaille donc à partir d’un levain liquide qui est naturellement plus doux en terme de goût (acide lactique). Il n’atténuera pas les arômes de la céréale, contrairement à un levain acétique. L’intérêt est ici de sauvegarder au final, le goût pur et spécifique de la variété ancienne de blé.

Les farines de Cucugnan ont des spécificités organoleptiques, mais également des propriétés santé. Dans quelles mesures ?

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Nombreux sont les clients intolérants au gluten à apprécier de manger de nouveau du pain grâce à la filière Pain 100 % Nature

Pour une panification aisée, une farine doit contenir entre 8 % et 12 % de gluten. Au-dessous, la panification est moins facile surtout pour le pain courant ou de tradition. Mais aucune farine conventionnelle ne contient autant de gluten naturellement.
Alors, les meuniers ajoutent du gluten sec (extrait par les amidonniers). Même la farine de tradition comporte entre 3 % et 4 % de gluten sec. Et on ne sait pas d’où provient ce gluten et comment il est traité. Le gluten sec, c’est ce qui reste sous les ongles après s’être rincé les mains.
En revanche, la farine de Cucugnan ne comporte pas de gluten sec. Il ne s’agit que de farine obtenue par l’écrasement des céréales cultivées. Rien d’autre.
Plusieurs clients intolérants au gluten ont mangé du Pain 100 % Nature. Leur organisme l’a très bien toléré. Ils nous ont dit : « Enfin, on a trouvé un pain que l’on peut manger. »
Et pourtant, il contient au moins 10 % de gluten mais ici naturel. Avec une mouture respectueuse du grain et la présence du germe, cela explose les qualités nutritionnelles du produit final. C’est toute la différence. C’est pour cela que je pense que le pain 100 % Nature a des qualités en terme de goût mais aussi de santé.

Pain 100 % Nature, c’est 4 grandes familles

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La prochaine céréale à intégrer la gamme, c’est le seigle. Laurent Bonneau proposera volontiers le 1er seigle Auvergnat 100 % nature
  • Blés anciens (hydratation à 90 %)
  • Grand Épeautre (hydratation à 100 %)
  • Petit Épeautre (= engrain), beaucoup d’arôme, mie jaune, hydraté à 80 %. « Je qualifie cela de pain-cake car on croirait manger un gâteau. Ce pain ne s’est pas trop développé sur Paris, car la mie est serrée. »
  • Barbu du Roussillon, (hydratation à 90 %) « le goût se situe entre le petit épeautre et le grand épeautre. Le gluten est fragile, la division se fait avec une simple lame de bois. »

La prochaine céréale à venir, c’est le seigle. « Je l’attends avec impatience pour tester le seigle auvergnat 100 % Nature. »

Hugues du Boisbaudry