CHANSON « LES CREPES »

Cette chansonnette fait partie de toutes celles de la fin et du début du XXe siècle, équivoque et gentiment grivoise, mettant en scène une demoiselle Rosette, son voisin, ses crêpes et… sa fleur d’orange !
Eliane Daphy, sur le site MédiHAL (hal.uca.fr), date la chanson de 1883, grâce à l’affiche ci-dessous, annonçant les concerts de Melle Duparc à la Scala (conservée à la BnF, consultable sur Gallica). Le feuillet serait postérieur, daté d’environ 1899.

Les deux gravures sont issues de la chanson extraite du tome 1 du recueil Chansons et monologues illustrés, édité par la Librairie contemporaine vers 1905.

LES CREPES

CHANSONNETTE

Créée par Mlle DUPARC à la Scala.
Paroles de VILLEMER-DELORMEL. Musique de Henri CHATAU.
Editée par L. Bathlot, 39, rue de l’Echiquier, Paris.

PREMIER COUPLET

C’était le jour du Mardi-Gras,
Je revenais dans ma chambrette,
Mon voisin, qui suivait mes pas,
Me dit : Bonsoir, mam’zell’ Rosette ;
Chez vous, quoi, vous rentrez si tôt !
Faisons-nous des crêpes ensemble ?
– Pour ça, m’écriai-je, il me semble
Que je n’ai pas tout ce qu’il faut.

Il me répond : O ma voisine,
J’ai du beurre et de la farine,
Un’ douzain’ d’œufs
Frais comm’ vos yeux.
– Moi, voisin, lui dis-je, en échange
Je fournirai la fleur d’orange.

2

-C’est entendu, quel gai régal

Nous allons faire, j’imagine !
Mon voisin, d’un air magistral,
S’met à délayer la farine :
Il s’y entendait, fallait voir !
Pour ma part, j’apprêtais la poêle…
-Ah ! dit-il, je bénis l’étoile
Qui nous a réunis ce soir.

Je vous adore, ô ma voisine !
J’lui cri’ : R’mettez donc d’la farine…
Mais lui soudain
Presse ma main :
Pendant qu’il m’appelait son ange,
moi, je cherchais la fleur d’orange.

3

Le feu commence à pétiller,
Mais mon p’tit voisin qui veut rire,
Au lieu de chercher à m’aider,
En s’rapprochant se met à m’dire :
Vous avez un’ taill’, mon loulou,
A rendre jalouses les guêpes…
-Laissez-moi retourner les crêpes,
Lui répliquai-je, ou bien j’lâche tout !

Il ajouta : Belle voisine,
Sur votr’ cou blanc comm’ la farine,
J’veux vous voler
Un doux baiser.
-Ah ! dis-je, si l’on me dérange,
J’vais renverser la fleur d’orange.

4

Il prit ce baiser malgré moi,
Ce fut le seul de la soirée ;
J’en ressentis beaucoup d’émoi,
La crêpe en fut toute brûlée.
Deux mois après ce soir joyeux,
Mon voisin m’appelait sa femme…
C’est étonnant comme on s’enflamme
L’Mardi-Gras, en cassant des œufs !

Il m’apportait en mariage
Deux beaux yeux noirs, un gai visage,
De blanches dents,
Juste vingt ans :
Avec un amour sans mélange,
Moi, j’apportais la fleur d’orange.

5

Quand vint le Mardi-Gras suivant,
Mon mari m’dit tout bas : Rosette,
Nous allons tous les deux gaîment
Faire des crêpes en cachette.
Moi, je lui répondis : Bravo !
J’ai le souvenir très fidèle :
Tu vas voir si je me rappelle
Exactement tout ce qu’il faut.

On trouva, comme à l’origine,
Du beurre avec de la farine,
Puis quelques œufs
Délicieux !
Mais je ne pus, c’est fort étrange,
Retrouver l’flacon d’fleur d’orange.

Laurent Bastard

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