Reconnaissances 1ère partie


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Chers lecteurs et amis du CREBESC,
Il me semble intéressant de vous présenter en huit articles une modeste étude sur les reconnaissances entre corps d’état du Devoir et bien sûr en particulier, celles qui concernent les compagnons boulangers.
Pourquoi ?
Parce que j’ai pu constater à ma grande surprise que nombreux de mes frères en Devoir avaient bien souvent la mémoire courte, ce qui est assez paradoxal pour des membres d’une société qui repose sur des traditions plusieurs fois centenaires, et que ce thème,  les reconnaissances, si cher aux compagnons du 19e, était de nos jours oublié ou encore pire, ignoré…
Définissons d’abord ce qu’est une reconnaissance et pourquoi une société compagnonnique souhaite être reconnu ?
Une reconnaissance compagnonnique est l’action d’un corps d’état envers un autre, qui vise à reconnaitre ce dernier comme appartenant à la branche du premier, à sa famille compagnonnique, en l’occurrence dans le cas des boulangers, de la famille du devoir, c’est si l’on peut dire l’établissement d’une filiation, l’intégration dans l’arbre généalogique des Compagnonnage  reconnu par ces mêmes Compagnonnages.

Les reconnaissances entre corps sont très importantes au 19e siècle, car elles permettent dans un premier temps à stopper les rixes entre le  corps d’état reconnaissant et le corps d’état reconnu, elles permettent  de faire « mère commune », elles permettent d’être solidaire lors de mouvements protestataires à l’encontre des maitres, elles permettent  aux ouvriers de voyager ensemble et de s’apporter assistance mutuelle, ce qui est loin d’être négligeable.
Deuxièmement, être reconnu « du Devoir », c’est faire partie de l’élite ouvrière de l’époque, avec ses légendes, ses cortèges et ses rites « remontant » au temple de Salomon, c’est le prestige du monde ouvrier.
Une société reconnue par un corps d’état, est sujette à de nouveaux règlements, comme par exemple l’accord et la présence obligatoire de délèguent des corps d’état ayant reconnu, lors d’un changement de mère.
Ces reconnaissances concernent bien évidemment plus particulièrement les jeunes sociétés du Devoir qui apparaissent dans la première moitié du 19e, les maréchaux, les cordonniers, les sabotiers, les tisseurs, les boulangers etc… Mais certains écrits nous font découvrir que cette pratique était aussi en vigueur au 18e siècle.

Le plus vieux document connu à ce jour concernant le corps d’états des boulangers date de 1829, c’est une demande de reconnaissance auprès des Honnêtes Compagnons Passants tailleurs de pierre du Devoir de Bordeaux :

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Compagnon Passant Tailleur de Pierre du Devoir

« Adresse aux compagnons tailleurs de pierre et aux autres corps de (sic) compagnonnage qui se trouvent en ce moment actuel dans la ville de Bordeaux département de la Gironde, lue le jour de Pâques mil huit cent vingt neuf dans le sein de l’assemblée générale.

Compagnons passant frères et amis;
Les ouvriers boulangers qui vous sont connus depuis quelques années sous le nom de compagnons du devoir ont l’honneur de vous inviter de lire avec patience cet écrit jusqu’a la fin, vous le rejetterez alors que vous l’aurez lu s’il vous paraît contenir les simulacres ou (idoles) du mensonge et si la vérité que nous vous soumettons n’émane point d’un (illisible) compagnons existants et reconnus par la société générale de tous les corps de compagnonnage.
Un homme guidé par des principes de dignité vient aujourd’hui avec des sentiments remplis de sagesse vous soumettre le désir de tous ses frères et les souhaits de plusieurs compagnons passants distingués de voir un corps utile à la société prendre au sein du compagnonnage une place d’admirabilité et le même homme muni d’une impartialité absolue viennent vous tenir ce langage rempli de douceur, de sagesse, et de dignité.

Mes très chers frères, je viens au nom de la société de laquelle je suis membre vous faire par acte solennel la soumission qui suit mon discours, ma franchise et ma sincérité en seront les guides. Les boulangers depuis l’époque mil huit cent huit ont été créent et faits compagnons du devoir par le nommer Pierre Laforêt connu sous le nom de La Tranquillité et mort capitaine à Lützen sous les ordres du général Vandamme, sans doute son action ne fut point belle de changer de profession et de créée des compagnons dans son nouvel État, mais nous qui suivons ces principes ne devons point être chargés de la responsabilité de sa faute,  jamais aucune loi ne rendit les enfants responsables de la faute de leur père, ainsi, je viens au nom de tous mes frères vous solliciter de nous admettre au rang des compagnons du devoir si vous nous croyez le mérite de cette dignité.

Nous émanons des Doleurs, nos initiés ou apprentis compagnons sont éprouvés  par mille terreurs, l’eau, le feu, l’air, le fer etc… Nos couleurs sont emblématiques aux douleurs qu’éprouva le premier compagnon qui fut victime de sa faiblesse, notre canne est synonyme avec celles des autres compagnons ainsi que les couleurs et les hurlements, quant à la base de notre reconnaissance, elle est toujours la même hormis la devise qui a dû subir un changement ou variation selon que les circonstances l’on exigé, le mode de notre réception est le même que celui de presque tous les compagnons reconnus et admis dans notre système tel que la main de fer, la corde au cou, les tenailles, le feu, le fer, le poignard, la tête de mort, et les colonnes sympathique du temple fameux etc...

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Les compagnons dont nous prétendons émaner sauront s’opposer n’en doute pas à notre admisibilité dans votre sein, mais vous prenant pour juges nous croyons tous qu’outre les preuves du raisonnement vous voudrez connaitre par vous-même les preuves des faits, c’est-à-dire que vous suivrez ici les mêmes principes d’adoption que vous feriez en toute occasion, au sujet de plusieurs corps de compagnonnage que vous avez admis et reconnus dans le temps, sans interpolation du goût et du génie car s’il fallait que des tondeurs de drap, des cloutiers des tanneurs des bourreliers des chamoiseurs et tant d’autres ouvriers du même genre fissent avec leurs outils et la science de leur devoir, Le Louvre, les Tuileries, le palais et dôme des Invalides, le Palais de justice d’Aix en Provence, le Théâtre de Bordeaux et tant d’autres monuments si célèbres sur le tour de France qui attestent l’élégance et la beauté de l’instruction, il serait pour eux tous de toute impossibilité aussi bien que pour nous de parvenir avec leurs outils à ce degré de perfection humaine, mais telle est la magie de l’habitude et de l’éducation que chacun trouve juste et raisonnable en lui et qui dans toute autre lui paraît extravagante et absurde.

Enfin voici la protestation solennelle que moi enfant de Maître Jacques fait au nom de tous mes frères et amis aux corps de compagnons ici désigné, 1) les compagnons passants tailleurs de pierre, 2) les compagnons charpentiers et leurs frères adoptifs, les chapeliers, serruriers, menuisiers, forgerons, etc…  Sans aucune exception de tout corps admis.
Je promet au nom de tous mes frères que dans quelle région de la terre où je puisse me trouver à ne jamais oublier tout ce que je dois aux compagnons qui nous ont reçus dans leurs seins par adhésion légale, l’estime, les secours mutuels d’assistance et de générosité et que le mépris couvre à jamais de honte et de malédiction tous ceux qui en sont les ennemis et les corrupteurs en les poursuivants jusque dans les retraites les plus obscures et que là, ils déplorent d’avoir soumis leur agrégation aux membres avides des sectes ennemies des corporations qui nous ont adoptés au rang des frères réunis, je promets au nom de tous les compagnons réunis si toutes fois elles ne détériorent ou changent point la sagesse des principes que nous avons en pratique.

Et vos chefs de la société des compagnons passant tailleurs de pierre nous vous chargeons au nom de tout ce qu’il y a de plus sacré en priant la divine providence de faire descendre sur vous et vos frères la paix et le bonheur et de prendre avec eux le jour pour commander un membre de chaque corporation de se réunir dans un lieu par vos désigne et que là dans le calme et le silence vous puissiez entendre quatre membres de notre société vous expliquer les dogmes qui composent la base de notre système et par ce sage moyen, vous nous procurerez la facilité de nous unir à vous tous, pour ne plus faire qu’une force cohésive, un lien commun et un même sentiment.

Il ne tient qu’à vous dans une de vos assemblées de faire part à vos frères du sentiment où se trouvent en ce moment les ouvriers boulangers et vous seul sans détourner les autres compagnons de leurs travaux, pourrez les inviter un mois d’avance par écrit ou autrement pour le jour de Pâques mille huit cent vingt neuf où les boulangers espèrent être nommés par vos frères et amis.
C’est pénétré de ces sentiments que je souhaite de tout mon coeur voir réaliser le témoignage d’estime que j’ai toujours voué aux compagnons remplis de (sic) sagesse et de mérite, c’est mon unique souhait, mon cher frère et ami.

Votre très humble frère et ami.

L’Agenais la Tendresse

A suivre

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Laurent Bourcier, Picard la Fidélité.C.P.R.F.A.D.

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