Quand on payait le pain à la taille

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Article publié dans le journal de Gien le 2 mai 1963

Dans notre enfance, la plupart des clients du boulanger payaient le pain a la quinzaine, suivant une vielle coutume. C’était l’époque du pain de quatre livres a douze sous, soit soixante centimes 1900.

On voyait alors dans toutes les boulangeries, un chapelet de « tailles», sur chacune desquelles figurait le nom du client, écrit a l’encre noire.

La « taille » était une latte de bois léger, longue d’environ quarante centimètres, dédoublés sur l’épaisseur dans le sens de la longueur, et destinée a recevoir  du boulanger  autant de petites incisions, ou coches, qu’il fournissait de pain a son client.

Chaque fois qu’il lui remettait un pain,il rapprochait les deux parties de la « taille »

l’une contre l’autre, et d’un seul trait faisait une coche sur les deux pièces, au moyen d’un couteau-scie.

Le même trait marquait donc avec similitude les deux parties.

L’une, la souche, était conservée par le vendeur, et l’autre, l’échantillon, restait entre les mains du client. Sans aucune contestation possible, l’existence de la double coche faisait foi de la fourniture.

Autant de coches, autant de pain remis. La « taille » tenait en quelque sorte lieu de calepin.C’était assez ingénieux.

Lors du règlement de compte, le boulanger faisait disparaitre les coches en faisant un copeau sur les deux parties de la taille assemblée, ce qui l’amenuisait un peu plus a chaque fois, et lorsque, à la suite d’opérations répétées  son épaisseur devenait par trop faible, elle était tout simplement brulée, et remplacée.

De nos jours, le pain ne se vend plus guerre a crédit , aussi, la « taille » a-t-elle complètement disparu. On s’offre facilement une guitare, un colis de réveillon, une voiture automobile, etc…, payables à tempérament, les choses vues sous un autre angles…

Autres temps, autres mœurs

Andre Barbier.

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Nous observons la boulangère sur le seuil de sa boutique avec les tailles à la main.

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Dans le Loiret, jeune porteur de pain, avec voiture à chien, et tailles à la main gauche.

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Boulanger de Vernou, se préparant à partir en livraison,  (Coll.Privée)

Sans titre8Boulanger décidé, tailles dans la main droite, pain sous le bras gauche.

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La boulangère en tablier blanc, tailles en main.

Voir aussi : Pain Taye

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

Commentaires concernant : "Quand on payait le pain à la taille" (3)

  1. Quittet a écrit:

    excellent site qui nous remémore les particularités d’antan oubliées.
    Mes ancêtres étaient dans la farine: meuniers, amoulageurs, boulangers, etc.
    Un grand merci
    Quittet

  2. Laurent BASTARD a écrit:

    Encore un bon article sur un mode de comptabilité pratiqué aussi, mais à un moindre degré, par les bouchers.
    Sur le site du Centre de recherche sur la canne et le bâton, j’ai aussi évoqué ce sujet sous le titre « la coche de boulanger » (on disait taille mais aussi coche, pour « encoche »).
    Il est curieux de rapprocher cette pratique quasi exclusivement boulangère, d’un vieil usage rapporté dans le Livre des métiers d’Etienne Boileau, et qui concerne aussi les boulangers. Voici la copie de l’article publié sur le même site (crcb.org) :

    Entre 1261 et 1271 le prévôt de Paris, Etienne Boileau, fait consigner les us et coutumes des métiers de Paris. Cet ensemble de réglements est appelé communément le « Livre des Métiers ». Ce volumineux et précieux document a été édité en 1879 et réédité en 2005.
    Les articles du titre I concernent les talemeliers ou boulangers. Ce sont les seuls qui comportent la procédure rituelle attachée à l’accès à la maîtrise, c’est-à-dire au droit d’exercer à son compte. Ils disposent que celui qui a acheté le métier doit payer au roi diverses redevances, à l’Epiphanie, à Pâques et à la Saint Jean-Baptiste, et ce durant quatre ans, avant de pouvoir être pleinement intégré dans la corporation.

    Au cours de cette période, il est indiqué que : « Et aussi doit faire le nouveau talemelier, chaque année des quatre années susdites, une oche en un bâton à l’Epiphanie, avec celui qui détient la coutume du pain de par le roi. » (article XII des statuts).
    Une « oche », c’est une « coche » ou « encoche ». Cette singulière coutume n’est pas sans évoquer la pratique des baguettes détenues par le boulanger et son client, qui étaient rapprochées et encochées lorsque le boulanger lui fournissait du pain à crédit. A la fin d’une période convenue, le boulanger et son client comptaient le nombre de coches, qui était identique, et les bons comptes faisaient les bons amis. (voir l’article La coche de boulanger). L’usage en est aussi attesté chez les bouchers. Il s’est éteint il y a un demi-siècle dans certaines régions.

    Une fois les quatre années de « stage » accomplies, le nouveau boulanger se rendait chez le maître des boulangers, accompagné de ses confrères. Il faisait constater l’accomplissement de son temps grâce au bâton entaillé, brisait sur la façade de la maison un pot de terre empli de noix et d’oublies (gâteaux secs) et entrait dans la maison où lui et ses accompagnants célébraient ce jour par un banquet (article XIII ).

    Le bâton à coches se nommait un « échantillon ». Il ne fallait pas le perdre, sous peine d’amende : « Si le nouveau talemelier perd son eschantillon une fois ou plusieurs dedans les quatre années susdites, il devra, chaque fois qu’il le perdra, un chapon ou XII deniers pour le chapon, à celui qui garde la coutume du roi. » (article XVIII).

  3. Marc Dewalque a écrit:

    L’armoirie du métier des boulangers de la cité de Liège était un blason avec au centre une taille entouré de deux pains

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