Petite histoire du pastillage.

Bien connu des pâtissiers, le pastillage s’utilisait de multiples façons. Il se composait principalement de sucre, puis d’amidon et de gomme. Cette dernière était pulvérisée, puis ramollie et regonflée à l’eau.

On en utilisait de toutes sortes, de la gomme arabique, extraite de certains mimosas, à l’adragante, extraite d’astragales, des arbrisseaux des pays chauds.  Suivant le cas, du blanc d’œuf ou de la gélatine pouvaient être incorporé aux préparations des pastillages.

Chacun adoptait la formule qui convenait le mieux à l’effet recherché. La plupart des livres anciens présentent plusieurs recettes de pastillages et il semble bien que cette technique soit  issue de la confiserie. Aux origines, ce procédé servait en effet à fabriquer une multitude de piécettes, de petits palets, de lentilles, que l’on appela pastille en l’honneur de leur créateur, Jean Pastilla, un protégé de Médicis.  Celui-ci  en suivant la reine en France, importa sa technique et lança une mode. Il déclina ses pastilles à tous les parfums à la vanille, à la rose des prés, à la framboise, à l’iris… Les véritables bonbons étaient nés !

Plus tard, le pastillage se retrouva sous la forme d’objets détaillés, modelés, assemblés, plus ou moins importants, suivant qu’ils étaient bibelots ou éléments de pièces décoratives.  Ainsi, en 1571 par exemple, à l’occasion d’une collation que Paris offrait à Élisabeth d’Autriche, femme de Charles IX, on cite qu’en plus des massepains, biscuits et autres singularités, on avait imité des figurines, des fleurs et des mets de toutes sortes en pâte de sucre.  L’auteur ajoute que 300 paniers pleins de toutes sortes de fruits faits en sucre furent distribués aux dames et demoiselles qui se trouvaient là.

À la renaissance, les grandes cours européennes se disputaient les faveurs des artistes confiseurs d’Italie (de Venise particulièrement) et de Madère.  En 1600, le pastillage atteignit des sommets à Florence.  À l’occasion  d’un banquet donné par le Duc de Toscane, en l’honneur de sa fille Marie de Médicis, qui allait partir pour la France afin d’épouser Henri IV, on vit sur les tables plusieurs grandes pièces : le portrait du roi, des arbres, des oiseaux… Toutes étaient si poudrées de sucre que l’on croyait qu’il avait neigé dessus, toutes étaient si finement exécutés qu’elles captivaient le regard. Quand le  premier service fut enlevé, la table principale se sépara en deux parties, qui disparurent de part et d’autres . Pendant ce temps, une autre table montait du sol, garnie de lampadaires, de bougies, d’assiettes, de plats, de verres…en sucre, bien évidemment !

Alors que jusqu’au XVIIe siècle les pièces montées visaient essentiellement le colossal, le siècle suivant les fit plus légères, ajoutant de la surface  et soustrayant de la hauteur, beaucoup de hauteur… L’ensemble y gagna en élégance. Les pièces étaient placées au milieu et à l’extrémité des tables. Elles prenaient la forme de monuments, de pyramides, de colonnades, de temples, de jardins… Elles étaient agrémentées de personnages, évoluant à l’extérieur comme à l’intérieur du décor.

Plus fantaisistes et plus stylées à la fois, elles se devaient d’extérioriser l’élégance de la société d’alors. Elles étaient indiquées tantôt en caramel, tantôt en sucre, appellation se rapportant ici au pastillage, plus facile à modeler. Entre 1720 et 1800 s’exprimèrent de grands confiseurs, particulièrement habiles aux pastillages. Ce fut le cas de Deforges, nommé « premier décorateur de la cour » sous Louis XV . Vint ensuite Delorme, d’un gout très recherché, qui mérita le titre de « fleuriste de la Cour».

L’almanach général des marchands de 1770 indique que les confiseurs  étaient parvenus, à l’aide de quelques mixtions, à former toutes sortes d’objets creux en sucre (statuettes, fleurs, petits animaux) afin de contenir des noix ou des marrons. Certains, transformés en présentoirs enrubannés, contenaient des bougies ou des livres à offrir le jour de l’an.

En ces mêmes années, un dénommé Berthelemot, réalisait de célèbre décorations en sucres pour les fêtes publiques et particulières. Mais la palme revient sans doute à Duval, « Confiseur du roi et des menus plaisirs de Monsieur », propriétaire de l’enseigne « Au grand monarque », rue des Lombards à Paris. Il s’était fait une spécialité d’œuvres sucrées plutôt pharaoniques, telles le blocus de Gibraltar par mer et par terre, le passage du Roi à falaise pour se rendre à Cherbourg.

L’entrée de l’Empereur de Chine dans la ville de Pékin…L’almanach Dauphin, en 1789 parlait de ses réalisations  avec force éloges, tout comme le Mercure galant qui n’hésitait pas à les comparer à des « …tableaux dignes de Messieurs de l’Académie… » L’ampleur de ses sujets, la richesse de se colorie et les variétés de ses images ont consacré Duval. De nos jours le pastillage et toujours utilisé, mais à tendance à s’effacer  progressivement dans les compositions des  pièces artistiques, ayant du mal à résister à l’invasion des moules en silicones, permettant des moulages de toutes formes en sucre coulé.

Cette matière est aujourd’hui,  principalement utilisée par une catégorie de pâtissier cherchant plus particulièrement  à connaitre, à ressentir,  les difficultés qu’on put  rencontrer leurs « anciens », leurs « maîtres », Antonin Careme et autres Duval !

Texte composé principalement  d’extrait de “La Grande Histoire de la Pâtisserie-Confiserie Française” par S.G. Sender (1930-2009) et Marcel Derrien « Berry l’ami des arts ». Édition Minerva.

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité.

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