Pain KK 3/4.

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« LE PAIN K.K. » PAR THEODORE BOTREL

Laurent BOURCIER a évoqué sur ce site le fameux « Pain K.K. » des Allemands durant la première guerre mondiale et l’exposition « Le Pain dans la Grande Guerre » montre abondamment qu’il était devenu un sujet de propagande française. Voici une nouvelle pièce à verser au dossier des chansons patriotiques qui s’appuient sur le double sens du « K.K. » : le pain de guerre allemand, à la pomme de terre (Kartofellkriegsbrot) mais aussi le mauvais pain, l’excrément immangeable, par opposition au bon pain blanc des Français. En somme, le pain des barbares contre le pain des civilisés !

Jean-Marie MOINE, visiteur attentif de l’exposition, n’a pas manqué de nous communiquer la chanson de Théodore BOTREL. Né à Dinan (Côtes-d’Armor) en 1868 et mort à Pont-Aven (Finistère) en 1925, il fut le chansonnier breton « officiel » de la fin du XIXe et du début du XXe siècles. Créateur de « La Paimpolaise » en 1896, il devint très célèbre en chantant en costume breton sur les scènes parisiennes.

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 Théodore Botrel et sa femme Léna

En 1914, il composa et interpréta des chansons patriotiques pour les soldats, combattants et blessés. Dans son recueil Refrains de guerre – Chansons de Route (1er janvier – 31 août 1915) se trouve une chanson qui a toute sa place ici, en ce temps de commémoration du début de la Grande Guerre : « Le Pain K.K. »

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Refrains de guerre – Chansons de Route (1er janvier – 31 août 1915), publiés en 1915 chez Payot.

Elle se chantait sur l’air de la « Chanson des Pommes de terre », très populaire chez les scouts (1), particulièrement bien venu puisque le pain K.K. est précisément un pain à base de pommes de terre. Les deux premiers vers puis les quatre suivants, étaient repris en choeur.

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L’air du « Pain K.K. »

I

Au déjeuner, premier repas (2),

Le Kaiser liche un peu d’moka

Mais, du bout d’sa cuiller,

Ya ya !

Qu’y trempe le Kaiser ?

Un p’tit bout d’pain K K !

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Le Kaiser trempe son pain K.K. dans son moka…

II

Puis au dîner, second repas,

Du « chotodon » (3) dans un p’tit plat

Et, quand vient le dessert,

Ya ya !

Que mange le Kaiser ?

Un p’tit bout d’pain K K !…

III

Quand vient l’souper, dernier repas,

Un bouillon maigre il s’enverra :

Après ce bouillon d’Kulture (4),

Ya ya !

Il s’mettra la ceinture

Pour un bout d’pain K K !

IV

« Des pomm’s de terr’pour les cochons ;

« Les épluchur’s pour leurs patrons. » (5)

Voilà ce que Guillaume,

Ya ya !

Dispense à son royaume…

Avec du pain K K !

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Un vieux couple d’Allemands n’a qu’un pain K.K. pour tout repas…

V

Chez nous, Français, pendant c’temps-là

Tous les civils, tous les soldats

S’envoient au nez des Boches,

Ya, ya !

De la bonne bidoche

Avec du pain polka !

VI

Mais les Alliés, si bons copains,

Donn’ront aux Boch’s quelques bons pains (6) :

Quelques bons pains exquis,

Bien cuits :

Des p’tits pains de Paris

Avec des pains Kakis (7) !

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Le Kaiser tend un morceau de pain K.K. à son aigle (le peuple allemand) qui s’en détourne, tant il est immangeable.

 

(1) En voici le premier couplet : « J’ai une histoire à raconter / J’ai une histoire à raconter / Qu’est d’la plus grand’ simplicité / Qu’est d’la plus grand’ simplicité / C’est que sur tout’la terre / Oui bien, on mang’ des pomm’s de terre / Et vous m’entendez bien / C’est que sur tout’la terre / Oui bien, on mang’ des pomm’s de terre / Et vous m’entendez bien. » (Marie-Rose CLOUZOT : La Clé des Champs (1940)

(2) A cette époque, le déjeuner est ce que nous appelons aujourd’hui le « petit-déjeuner », le dîner est le déjeuner actuel et le souper est le dîner.

(3) Probable francisation d’un mot allemand que je n’ai pas identifié, ou déformation du nom d’un aliment français, prononcé à la manière allemande.

(4) Jeu de mots sur « bouillon de culture », ensemencement de bactéries en laboratoire, et la fameuse « Kultur » allemande, concept associé à l’identité germanique et au nationalisme.

(5) Allusion à la famine due au blocus des Alliés contre l’Allemagne et dont fut victime la population civile. Mais cela me rappelle aussi le propos d’une grand-mère, agricultrice en Normandie, qui disait à ses valets de ferme : « Les bêtes d’abord, les hommes après »…

(6) « Pain », donner un pain, au sens de « coup », est déjà attesté à cette époque et figure dans le Dictionnaire argot-français de Napoléon HAYARD (1907).

(7) Il ne s’agit pas d’une variété de pain mais d’une allusion aux uniformes des soldats coloniaux et surtout des alliés anglais et belges (l’uniforme du poilu français est bleu horizon).

Laurent Bastard

Le dossier KK: Pain KK 1/3 –  Pain KK 2/3 – Pain KK 3/3

Commentaires concernant : "Pain KK 3/4." (2)

  1. Rolande Voinot a écrit:

    Je suis heureuse d’avoir rencontré ce document.
    J’ai 9O printemps et papa qui a combattu les allemands durant la première guerre, me parlait du pain KK
    Avec ses compagnons, prisonniers, ils avaient tué le chien loup de leur gardien, l’avaient enterré et le lendemain, il’a aient mangé !
    Vingt ans plus tard, la barbarie recommençait !
    Partout oú je passe, je m’incline devant les monuments aux morts pour notre patrie.

    Cordialement

  2. Frölich Jean-Claude a écrit:

    Et pourtant certains prisonniers l’apprécient au regard du reste de la nourriture qualifiée de répugnante. Ci-joint un extrait du carnet de prisonnier de René Serre de Noisiel, du 4ème RI fait prisonnier le 16 avril 1917 qui découvre ce pain le 17.
    « A l’heure dite nous buvons un quart de mauvais bouillon de gland, puis nous touchons une boule de pain KK pour quatre. Quelle différence avec notre pain, celui-ci est tout noir, mais on le mange de bon appétit »
    Nulle part dans son carnet qui porte sur plus de 2 ans il n’ émettra de critique particulière contrairement au reste de la nourriture !

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