La Marque secrète, pas si secrète. 1/2

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Cette modeste présentation sur le CREBESC des « marques secrètes » des Compagnons boulangers du Devoir associées à la Sainte-Baume, n’a pu voir le jour que grâce aux études antérieures de René LAMBERT, Provençal la Fidélité, Compagnon carrossier du Devoir, et de Laurent BASTARD, Conservateur du musée du Compagnonnage de Tours, publiées dans les volumes 7, 12 et 14 des Fragments d’histoire du Compagnonnage édités par le musée du Compagnonnage de Tours.

Le premier qui a abordé le sujet des Marques Secrètes des Compagnons boulangers du Devoir en lien avec la Sainte-Baume est Laurent BASTARD dans les Fragments d’histoire du Compagnonnage publiés ce mois de novembre 2012. La présentation ci-dessous est principalement construite autour de ces écrits. Pour « savoir » sur la Sainte-Baume, et tout ce qui touche aux compagnonnages, lisez ces livres !

En examinant les Marques Secrètes des Compagnons boulangers du Devoir que l’on a pu retrouver à ce jour, on constate que certaines sont revêtues de différents cachets attestant le passage de leur propriétaire à la Sainte-Baume, pèlerinage chrétien en Provence.

Voici différentes Marques Secrètes de Compagnons boulangers du Devoir où figurent ces cachets :

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« Marque Secrète » du  Compagnon boulanger du Devoir

 Poitevin l’ami des compagnons, reçu à la Noël 1836 à Blois. Nous observons le cachet à deux reprises de Lambert ALPHONSE, gardien de la Sainte-Baume. Nous pouvons observe que c’est un Rochelais l’enfant chéri (Rochelais l’enfant chérie) qui signe en tant que Premier en Ville, surement Louis JOURNOLLEAU, le fameux poètes, celui ci ayant été reçu l’année précédente, en 1835 (Musée du Compagnonnage de Tours)

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Marque Secrète d’Alexis ESMEROY, Bordelais l’ami du Devoir

 Reçu à Angers le jour de Pâques 1850. Nous observons à deux reprises le cachet ovale vertical  « Saint Pilon Ste Magdeleine ». Le cachet L.A. (Lambert Alphonse) est absent. Nous pouvons  émettre l’hypothèse que ce Compagnon est passé au printemps 1851 à la Sainte-Baume, après le décès de Lambert ALPHONSE, le 31 janvier 1851. (Archive Compagnons boulangers du Devoir, Cayenne de Bordeaux)

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Marque Secrète de Victor GOURDON, Angevin bon courage,

 Reçu à Bordeaux à l’Assomption 1853. Nous observons à deux reprises le cachet circulaire « Sainte Baume Honnoraty », et sur le bord droit du document, vers le bas, à deux reprises, le cachet ovale vertical « St Pilon – Ste Magdeleine ». (Archive Compagnons boulangers du Devoir, Cayenne de Bordeaux)

Ce même cachet figure sur la Marque Secrète d’Eugène BOUANNE, Saintonge la couronne, reçu à Orléans le jour de Pâques 1852.

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Marque Secrète de Jules (dit Théophile) PERIER, Libourne la résistance,

 Reçu à Tours à la Saint-Honoré 1875. Nous observons à deux reprises le cachet circulaire « Sainte Baume de M. Madeleine » et, sous le blason, le cachet ovale vertical « St Pilon Ste Magdeleine ». (Archive Compagnons boulangers du Devoir, Cayenne de Bordeaux)

Le 25 février 1884, après que plusieurs corps du Devoir aient reconnu les Compagnons boulangers, la première signature de l’un d’eux apparaît sur le registre tenu par Pierre AUDEBAUD, Saintonge la fidélité, Compagnon Charron du Devoir, jusqu’ici réservé aux corps d’états légitimes :

”Joseph Cesneau, Manceau l’ornement du Devoir, reçu à la Rochelle le 15 août 1883, Compagnon boulanger du Devoir, voulant en bon compagnon faire mon tour de France, et visiter l’un de nos plus grands souvenirs, je suis passé ici à Saint Maximin le 25 février 1884 revenant de Toulon après avoir visité la Sainte Beaume. (S.’.E.’.F.’.) C.’.B.’.D.’.D.’. »

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Premier « levé d’acquit » d’un Compagnon boulanger – Joseph CESNEAU, Manceau l’ornement du Devoir– sur lequel est apposé le cachet ovale horizontal de Pierre AUDEBAUD, Saintonge la fidélité.

(Le levé d’acquit est le second document de voyage que doit posséder un Compagnon boulanger du Devoir à partir d’environ 1865-1868) (Archives Compagnons boulangers du Devoir et restés fidèles au Devoir, Cayenne de Tours)

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Marque Secrète d’Elie LEROUX, Tourangeau l’Etoile du Devoir, reçu à Toulouse à la Noël 1884, revêtue de l’ancien cachet de Félix HOTIN, Compagnon Charron dit Picard (1*)* à droite, entre les cachets de Toulon, 9e Cayenne, et de Saint-Etienne, 19e Cayenne ; à droite et à gauche du blason, le cachet apposé à deux reprises de Pierre AUDEBAUD (2*), Compagnon tourneur du Devoir, Saintonge la fidélité (3*). (Arch. Cayenne des Compagnons boulangers et pâtissiers du Devoir et restés fidèles au Devoir)

Ce compagnon boulanger est passé à la Sainte-Baume le 3 mai 1885 en compagnie de François SASSIER, Tourangeau le triomphant et d’Alfred FEUILLET, Berry le triomphant ; c’est le cinquième passage de compagnons boulangers du Devoir constaté par leur signature sur le registre de passage de Pierre AUDEBAUD, Saintonge la fidélité. Ils ont laissé ces trois « messages de mémoire » sur le registre :

« François Sassier est venu visiter Saint Maximin après avoir passé à Saint Pilon et à  la grotte Sainte Baume le 3 mai 1885 en venant de Toulon et repart sur Saint-Etienne pour continuer son tour de France. J’ai été reçu à Agen le S.’.J.’.D.’.N.’. 1884.

Fait a Saint Maximin le 3 mai 1885 par François Sassier dit Tourangeau le triomphant C.’.B.’.D.’.D.’. E.’.D.’.M.’.J.’. »

« Elie Leroux dit Tourangeau l’étoile du Devoir. Reçu à Toulouse le S.’.J.’.D.’.N.’ je suis venu visiter Saint Maximin après avoir passé à Saint Pilon et à la grotte de la Sainte Baume en venant de Toulon et repart sur Saint-Etienne pour continuer son tour de France.

Fait a Saint Maximin le 3 mai 1885 par Elie Leroux dit Tourangeau l’étoile du Devoir C.’.B.’.D.’.D.’.E.’.D.’.M.’.J.’. »

« Alfred Feuillet dit Berry le triomphant C.’.B.’.D.’.D.’. Reçu à Blois le saint jour de Pâques 1883. Je suis venu visiter le Saint Pilon et la grotte de Sainte Baume le 2 mai 1885 en venant de Toulon et je repars pour Saint-Etienne pour continuer mon tour de France.

Fait à Saint Maximin le 3 mai 1885 par A. Feuillet dit Berry le triomphant. C :.B.‘.D.’.E.’.D.’.M.’.J.’. »

Pour conclure cette petite présentation, nous constatons donc que, finalement, la Marque « Secrète » n’était pas si secrète que cela, puisque les Compagnons boulangers du Devoir y faisaient apposer un cachet :

– de 1835 à 1851, par un profane, Lambert ALPHONSE (cachet « L.A. »), gardien, ermite et jardinier (assassiné le 31 janvier 1851 par un cordonnier (non compagnon) :

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– de 1851 à 1859, par un nommé HONNORATY, sur lequel on ne sait rien (cachet « Honnoraty ») :

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– de 1859 à 1884, par les pères dominicains présents à la grotte (cachet « Sainte Baume de M. Madeleine » et « St Pilon Ste Magdeleine » :

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– de 1884 à 1904, par Pierre AUDEBAUD, Compagnon tourneur du Devoir, Saintonge la fidélité (cachet « AUDEBAUD Père des Compagnons D.D. Souvenir de la Ste Baume et de St Maximin ». Celui-ci accompagne quelquefois son cachet de celui de son prédécesseur et marchand de couleurs à Saint-Maximin (et non à la grotte) Félix HOTIN, Compagnon charron du Devoir (cachet « F.H. St Maximin ») :

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– de 1904 à1921 par Louis Octave AUDEBAUD (fils de Pierre), Compagnon tourneur du Devoir, Provençal la fidélité (sous réserves, car nous n’avons pas encore retrouvé de Marques Secrètes de cette période où soit apposé un cachet de Sainte-Baume, et le fait que les CBDD signent le registre de passage de Louis Octave AUDEBAUD, ne signifie pas qu’ils continuent à  faire apposer un cachet sur leur Marque Secrète et leur Levé d’acquit.

Pour la période antérieure à 1835 (Lambert ALPHONSE), nous pouvons émettre l’hypothèse que de la naissance des Compagnons boulangers du Devoir (1810) jusqu’à l’ouverture de leurs deux premières cayennes en Provence (Marseille 1825 et Toulon 1826), ceux-ci ne s’hasardaient pas en Provence. La région était en effet éloignée de leur tour de France à cette époque (il passait par Blois, Orléans, Tours, Bordeaux, Rochefort, La Rochelle et Lyon). De plus, c’était une région hostile professionnellement par le fait que le pétrissage se faisait avec les pieds, et qu’elle  était fortement tenue par les « rendurcis », sociétaires du tour de France, futur Compagnons boulangers du Devoir de Liberté. Donc, il n’y avait en Provence ni point d’accueil, ni mère, ni solidarité.

En considérant cette dernière hypothèse, nous pouvons supposer que les Compagnons boulangers du Devoir, et peut-être aussi d’autres sociétés du Devoir, faisaient apposer un cachet de passage sur leur passeport compagnonnique, voire sur leurs couleurs, par les moines trappistes (de 1824 à 1833) puis par les pères capucins (leurs successeurs de 1833 à 1835), installés à la grotte. Après novembre 1840, date d’ouverture du registre de passage par Félix HOTIN, dit Picard, Compagnon charron du Devoir, s’instaura la pratique du double cachet : le cachet religieux du gardien de la grotte et des moines, et le cachet compagnonnique de Félix Hotin et de son successeur. Mais celui-ci ne fut réservé qu’aux corps d’états reconnus. Jusqu’aux années 1880, les Compagnons Boulangers n’eurent droit qu’au cachet et à la signature sur le livre de passage de l’ermite puis des religieux (ouvert à tous les visiteurs indistinctement).

En 1921, le livre de Louis Octave AUDEBAUD est fermé, et il faut attendre 1947 pour que l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir, ouvre un nouveau registre…

Lors de la naissance de l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir en 1941, une nouvelle pratique dans les Compagnonnages est mise en place, la marque de passage au fer rouge sur de nouvelles couleurs de velours.

Il n y a plus de cachets à apposer sur ces couleurs et autres Marques Secrètes…

La pratique de l’apposition des cachets de Sainte-Baume sur les Marques Secrètes des Compagnons boulangers du Devoir disparaît alors définitivement.

Mais il reste une grande question, pourquoi donc les Compagnons boulangers du Devoir faisaient-ils apposer un cachet de Sainte-Baume sur leur document le plus précieux, la Marque Secrète, véritable passeport compagnonnique ?

(1*) Né à La Neuville-Messire-Garnier (60), le 30 avril 1786. Ouvre en 1840 un livre de signature réservé aux Compagnons du Devoir de passage, et le tient jusqu’à son décès en 1863.

(2*) Né à Neuillac (17), le 15 décembre 1825. Succède à Félix Hotin et tient le livre de signature jusqu’en 1904, année de son décès ; son fils Louis Octave, Provençal la fidélité, Compagnon Tourneur du Devoir, reçu à Marseille le 14 février 1887, lui succède à son tour.

(3*) Nous pouvons facilement retracer le voyage de ce Compagnon grâce à la bonne qualité des différents cachets apposés : Toulouse 11 (en haut, ville de réception) ; Montpellier 22 ; Nîmes 13 ; Marseille 8 ; Toulon 9 ; Sainte-Baume ; Saint-Etienne 19 ; Lyon 7 ; Chalon-sur-Saône 21 ; Dijon 18 ; Troyes 16 ; et Paris 12e Cayenne.

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D. 

La Marque secrète, pas si secrète. (2)

Commentaires concernant : "La Marque secrète, pas si secrète. 1/2" (2)

  1. Leynaud eudes a écrit:

    Bonjour
    Mon cher F.
    Picard,
    Je crois que pour le cachet honnoraty,
    Il s’agit d’un libraire honnorat hypolite qui faisait office de lieu de passage pour tous les pèlerins.
    Je crois avoir lu cela dans un des nombreux ouvrages que nous lisons… (ou textes)..
    Dans tous les cas, Honnorat est un nom courant en Provence….
    Fraternellement et en attendant que tu nous fasses un exposé plus complet sur cette piste.
    Fraternellement
    Île De France L. B. E.

  2. Laurent Bourcier a écrit:

    Chers lecteurs,
    Voici un complètent d’information concernant la marque secrète de Poitevin l’ami des compagnons. Son propriétaire est le nommé Lerein Jean François Marie, fils de François Lerein et de Jeanne Gabard. Marié avec Marie Delphine Maignen. Travaille encore à l’âge de 76 ans, membre des Anciens compagnons réunis de Blois. .DCD 26/03/1889 à Blois chez Sieur Hebrard ; HR 27/03/1889, Discours prononcé sur sa tombe par Dequoy, Blois la Fraternité, publie dans le journal La Fédération Compagnonnique du 2 juin 1889, n 194 et le Ralliement n 135 du 12 mai 1889.
    Picard la fidélité

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