Boulangeries militaires mobiles de 1914-1918

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« Les fours de campagne pendant la nuit » (L’Illustration)

Lorsque les armées sont en campagne on se sert, pour la cuisson des pains, de fours particuliers que l’on nomme pour cette raison fours de campagne. Nous avons déjà étudié les premiers fours de campagne, qui sont des fours portatifs, aujourd’hui, nous allons voir les fours mobiles.

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Les recherches effectuées à ce jour nous dirigent vers un four roulant  bien précis, le « Geneste, Herscher, et Somasco. ».

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Mobilisation du 17 eme corps à la Une du « Le monde illustré » du  17 septembre 1887

A ce jour, il ne m’a pas encore été possible de trouver la date de mise en service de ses fours roulants. Nous constatons par contre, qu’ils viennent prendre progressivement la place des fours portatifs.

Il semblerait qu’en 1880, ces fours roulants sont déjà en place. Mais pour faire du pain en campagne le four roulant n’est pas suffisant !

En effet, c’est tout un « appareil » qu’il faut faire fonctionner, la cuisson n’étant que la phase finale de la fabrication du pain.

Un convoi de boulangerie est formé de voitures régulières ou encore de réquisition faisant partie intégrante de la boulangerie. En cas de fractionnement de la boulangerie, les voitures du convoi sont réparties entre les sections, de façon que chacune d’elles soit également pourvue.

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Un convoi de boulangerie dans une ville du nord 1914, nous observons les deux cheminées repliés sur chaque four.

Une  boulangerie de campagne se compose de 18 fours roulants, avec les pétrins et les ustensiles nécessaires à leur fonctionnement, 6 tentes-baraques, 6 tentes à distribution et 3 cantines de comptabilités. Son poids total est de 19 600 Kg, les fours roulants non compris .

La boulangerie et son convoi peuvent transporter, en plus du matériel spécial de la boulangerie, les ouvriers, les quantités de farine, sel et fleurage nécessaires à un jour de fabrication et, en cas de besoin, le pain correspondant à environ deux jours de fabrication moyenne. Le directeur des étapes et des services fixes, sur la proposition de l’intendant de l’armée, les emplacements à occuper par la boulangerie d’armée, le moment où elle entrera en fonctionnement et les quantités de pain qu’elle devra fournir journellement.

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A droite, coupes longitudinales et transversales du four roulant, à gauche, coupes longitudinales et transversales du chariot-fournil. (Coll. Bourcier)

Le four roulant se compose de deux fours superposés, enveloppés dans un coffre métallique qui repose sur un train complet de voiture à 4 roues. Il est réservé pour le service en marche, attelage ordinaire de 4 chevaux.

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Four Geneste, Herscher, et Somasco. (BNF)

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Montage d’un four Geneste, Herscher, et Somasco. (Argenteuil – Source Gallica)

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Equipe de mise en fonctionnement des fours roulants Geneste, Herscher, et Somasco. , rue Neuve Popincourt.

La base de calcul pour cuire 1000 rations individuelles est la suivante: 560 kg de farine, 4 kg de sel, 6 kg de fleurage, 357 kg de bois. Il faut y rajouter 360 litres d’eau. Contenance pratique, 160 a 168 rations pour les deux fours. On peut en station, y cuire en 24 heures, 12 à 14  fournées quand on dispose de 2 brigades comprenant chacune un brigadier de four, deux pétrisseurs et un servant de four, avec trois brigades, on peut faire jusqu’à 16 fournées par 24 heures.

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La pesée  dans une boulangerie de campagne à Choloy-Ménillot (Meurthe-et-Moselle)  1916 – Photographies de Jacques Agié  (SPA–ECPAD, réf. SPA-13-X-622 à 624)

Ce qui donne comme production générale d’une section de boulangerie de 18 fours, une production minimum sur 24 heures de 4000 rations, environ, la quantité nécessaire pour assurer la ration journalière d’un corps d’armée. Cette production nécessite près de 230 quintaux de farine, 14 M3 d’eau et 15 tonnes de bois soit entre 20 et 30 stères (m3). Soit 40 tonnes à manutentionner, stocker, transporter et expédier le produit fini. Les contraintes logistiques sont importantes.

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La chauffe dans une boulangerie de campagne à Choloy-Ménillot (Meurthe-et-Moselle)  1916 – Photographies de Jacques Agié.

Lorsqu’il n’y a pas de levain préparé d’avance, il faut 17 à 18 heures, et quelquefois jusqu’à 36 heures pour en fabriquer. Le pétrissage dure de 30 minutes à une heure, la fermentation en panetons, de 20 à 45 minutes, la cuisson, de ¾ d’heure à une heure, le ressuage, de 14 à 20 heures. Si le pain doit être transporté en chemin de fer, il ne faut le charger que 24 heures après sa sortie du four.

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La mise au four  dans une boulangerie de campagne à Choloy-Ménillot (Meurthe-et-Moselle)  1916 – Photographies de Jacques Agié.

Emplacement et emploi des éléments de la boulangerie de campagne (Extrait du  fascicule n° 94 bis du service des subsistances militaires « Alimentation en campagne » aux éditions Lavauzelle.

Article 53 : Afin de faciliter les envois de pain et les apports de farine, les boulangeries de campagne, constituant la boulangerie d’armée, sont installées, autant que possible, à proximité des gares de chemins de fer. Les transports par voies ferrées pouvant être brusquement et inopinément interrompus, ces boulangeries doivent être poussées assez en avant pour qu’elles puissent ravitailler en pain les trains régimentaires ou les convois administratifs de corps d’armée, aux points de contact assignés par le commandement.

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Nous observons que cette boulangerie militaire est effectivement près de voies de chemin de fer, Boran est aussi une ville arrosée par l’Oise.

Les convois de boulangerie servent a transporter, concurremment, s’il y a lieu, avec les convois du service des étapes, les farines provenant de l’exploitation locale ou des envois de l’arrière. Ils servent également a transporter dans les mêmes conditions, aux gares de chemins de fer ou aux points de contact avec les trains régimentaires ou les convois administratifs, les pains fabriqués par les boulangeries.

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« Le Journal Illustré » 1887

Article paru dans « La Science et la Vie » n°20 mai 1915 sous le titre :
Comment est fabriqué le pain que mangent nos soldats, par le commandant B… Officier principal du service des subsistances, en retraite.

Dispositions générales :
Article 1er : Le commandement a le devoir d’assurer dans les meilleures conditions possibles la subsistance des hommes et des chevaux.
Il oriente les fonctionnaires de l’intendance sur ses projets, de manière à leur permettre de prévoir, à temps, les mesures techniques d’exécution.
Il donne des ordres pour échelonner les ressources en vue de les amener aux points voulus, en temps opportun.

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La pause des boulangers

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Stock de bois de chauffage des fours de campagnes sur un quai de Seine à Paris, en attente d’être charger à bord d’un bateau et de remonter la Seine et l’Oise, afin de se rapprocher des boulangeries militaires mobiles. Paris juillet 1914 (Paris en Image)

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Scènes vécues à Troyes pendant la Grande Guerre de 1914 – Les fours de campagne roulants de la 23e Section coloniale installés boulevards Victor-Hugo et du XIV -Juillet (3 aout au 3 septembre 1914). – Les 1.200 ouvriers de la 23e Section, avec leurs fours fixes et portatifs qui fonctionnaient jour et nuit, fabriquaient le chiffre fantastique de 145.000 kilos de pain en vingt-quatre heures qui étaient transportés avec les autobus aux troupes de l’Est.

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La distribution (Source Gallica)

Pour en savoir plus, sur Gallica :

Bulletin officiel du ministère de la guerre. Edition méthodique. Subsistances militaires.

Boulangeries roulantes de campagne. Volume arrêté à la date du 10 août 1909 :

Edition : Librairie militaire R. Chapelot et Cie (Paris) 1910 :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62353767/f36

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

Commentaires concernant : "Boulangeries militaires mobiles de 1914-1918" (5)

  1. BALDACCHINO PAUL a écrit:

    Bonjour,
    Mon grand père paternel était du 4ème zouaves. Il fut grand blessé de guerre (Dardanelles). Il était chauffeur de machine dans les locomotives vapeur. Cependant, j’ai récemment découvert qu’il était, au moment de son incorporation, Chef Boulanger (écrit sur son livret militaire). Personne n’en a jamais entendu parler dans la famille encore en vie. D’où peut être alors ma passion tardive pour le pain (que je fais déjà à la maison comme un vrai pro) et que j’envisage sérieusement d’exercer professionnellement. Je sais que les boulangeries de campagne dépendaient du Train. D’où le lien possible que je fais entre les deux professions (chef boulanger et cheminot). Question: comment et pourquoi est il passé de la boulangerie à la locomotive? A t il seulement travaillé dans ces boulangeries de campagne? Pourquoi est il resté cheminot après la guerre? A cause de sa blessure à la jambe? Beaucoup de questions en suspens. Quelqu’un peut il m’aider à retrouver cette part de mon grand père méconnue à ce jour? Aussi: existe t il encore des boulangeries de campagne sur pied? Comment et où s’en procurer? Existe t il des plans? Des données techniques?
    Merci pour votre aide.
    Paul Baldacchino

    • Bourcier a écrit:

      Monsieur Baldacchino bonjour,

      Dans un premier temps, merci de faire appel à notre service.

      Pour ce qui est de votre ancêtre, à la question, pourquoi passé de chef boulanger à chauffeur de machine à vapeur de locomotive. C’est tout simplement la CHAUFFE direct ou indirect. Voici une biographie proche de celle de votre grand père paternel qui va vous apporter une partie de réponse:

      http://www.compagnons-boulangers-patissiers.com/crebesc/louis-secheresse-tourangeau-laurier-damour/

      A ce jour et à notre connaissance, il n’existe plus de boulangerie de campagne , portatives ou mobiles 14/18; par contre, nous avons le plaisir de vous informer que le CREBESC participe actuellement à la reconstitution/construction d’un four portatif de modèle Godelle, ce four sera mis en fonctionnement réel à Corbie (80) les 22 et 23 avril 2017 lors de l’ANZAC DAY.

      Vous pouvez trouver des donnés techniques des boulangerie mobiles ou portatives militaires 14/18 sur le site de la BNF Gallica.

      Cordialement
      Picard la Fidelite

  2. FRÖLICH Jean-Claude a écrit:

    Merci pour cette remarquable synthèse. Auteur d’un ouvrage familial sur « La Boulange, une histoire de famille(1860-1975) », je vais pouvoir grâce à votre documentation agrémenter la biographie de mon grand père( un temps président du syndicat patronal de la boulangerie en Seine et Marne) par un paragraphe sur son passage aux armées pendant la Grande Guerre à la 5eme COA.

  3. Maunoury Dominique a écrit:

    Monsieur, votre travail est remarquable. J’avais entrepris en 2013 d’exposer les campagnes des soldats de mon village « morts pour la France ». L’un d’eux était boulanger à la 3e section de C.O.A. Votre travail m’aurait bien servi pour documenter mes recherches. Je me suis fait aider par le journal l’Illustration.
    Merci pour la qualité de votre document.
    Dominique Maunoury, lieutenant-colonel à la retraite.

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