Le pain bouilli de villar-d’arêne

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Le pain bouilli de villar-d’arêne (hautes-alpes)

Le 11 aout 2014  M. Laurent Bastard, directeur du Musée du Compagnonnage de Tours, lors d’une visite à Villar d’Arène prend plusieurs notes nous renseignant davantage sur la fabrication de ce pain de seigle.

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De gauche à droite, un gros bâton destiné à être posé sur le pétrin afin d’empêcher, lors du repos la toile recouvrant le pétrin d’être au contact de la pâte ;  nous observons les deux encoches à chaque extrémité du pétrin destinées à recevoir ce bâton ; deux bâtons de taille inférieure destinés à la seconde phase du frasage de la pâte (l’eau de coulage étant incorporée bouillante, le frasage à bras est impossible) ; la bêche de découpe ; un « racloir » en bois destinée à la première phase du frasage.

Lors de cette visite  un film  canadien datant de 1953 est projeté.

Voici les notes de Laurent Bastard concerant ce film:

– En 1948 Marcel MAGOT est conseiller aux ATP. Il fait une visite à Villar et voit la fabrication du pain bouilli.

-Ce pain se faisait autrefois sans doute 1 fois l’an dans tous les villages de l’Oisan et du Briançonnais, puis s’est cantonné à V. d’A. et 2 hameaux de la Grave.

-Le manque de bois de chauffage obligea à un mode particulier de fabrication du pain.

Pain de seigle à maturation très courte.

-On coupait les branchages après la moisson. Il n’y avait pas beaucoup de bois dans les montagnes d’alors.

-On faisait le pain durant la semaine de Saint-Martin. Tous les habitants y participaient.

-On tirait au sort en mairie les numéros d’ordre de cuisson du pain par les familles du village.

-Le « fournier » conduit les opérations. Il n’était pas forcément du village. Il louait ses services et son savoir-faire.

-Il fallait 2 heures pour faire chauffer l’eau.

-Le « levain » était composé de 1/3 de farine de seigle et de l’eau chaude qui a bouilli, d’où le nom de « pain bouilli ».

-On mélangeait le tout au racloir. Puis on procédait à un premier pétrissage du levain avec des bâtons.

-On recouvrait le pétrin d’une toile.

-Pendant ce temps les femmes font des gâteaux : girades, ravioles, tourtes aux prunes…

-Le levain reste sous bâche 12 h.

-On ajoute ensuite de la farine puis on pétrit à bras. 2 hommes par pétrin. 400 livres de pâte.

-On déplace la pâte d’un bout à l’autre du pétrin, 6 à 7 fois : c’est la « vire ».

-Pour tenir le coup les hommes boivent du café noir mélangé à du vin rouge.

-Le pétrissage dure 2 heures.

-La pâte est ensuite lissée en surface et on dessine d’un geste du doigt un trèfle à quatre feuilles.

-On couvre la pâte d’une toile pendant 3 h.

-On coupe ensuite la pâte en gros morceaux à la bêche.

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-Les femmes forment les tourtes de pain (les pains) et marquent chacune avec la marque de chaque famille.

-Le fournier nettoie le four des braises et on commence la cuisson.

-On cuit d’abord les girades pour tester le four. Il est éclairé par un petit feu sur le côté. Cuisson : ½ h.

-Puis on cuit les tourtes de pâte (les pains) enfournées à la pelle dans « l’enfer ». On ferme le four avec une porte en fonte, qui est scellée avec un mortier fait de pâte, de cendre, de suie, d’huile de friture et de graisse.

-La cuisson dure 6-7 h.

-Ensuite c’est la fête.

-Les tourtes collent parfois au fond et il faut que quelqu’un, habillé avec des vêtements protecteurs, entre dans le four pour les décoller.

-Les tourtes refroidissent au grenier (= « le paradis »).pendant 1 jour.

-Il deviendra ensuite dur comme de la pierre au long de l’année et il faudra le mouiller dans la soupe pour le manger.

-Fait en novembre, il se consomme jusqu’en mars-avril. Coupé au couteau puis ensuite coupé en grosses tranches mises à sécher.

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La visite du fournil.

-Pour mesurer l’eau : seau en bois : la « seillée » = 16 litres d’eau.

-On faisait 2 fournées par jour : 1 à midi et 1 à minuit.

-Le pain bouilli ne comporte pas de sel, pas de levain, pas de levure. Farine de seigle et eau bouillie très chaude seulement.

-Le mélange eau bouillante et farine de seigle s’appelait « mettre les levains ». Fermentation naturelle.

-Le pétrin est muni d’une encoche à chaque extrémité pour placer un gros bâton dans le sens de la longueur, qui va servir à supporter la toile.

-12 h de fermentation puis ajout de farine et pétrissage.

-16 litres d’eau + 33 kg de farine.

-Les pétrins sont en mélèze.

-Chaque année on choisissait 1 fournier et 1 fourneron (il s’occupait du bois, le fendait, rentrait dans le four).

-Deux pétrisseurs. Ils étaient payés chacun avec un pain.

-On raclait le pétrin avec un racloir et on donnait les raclures aux poules.

-La trace du doigt sur la pâte lors du tracé du trèfle indique, quand elle s’élargit, que la pâte est levée.

-Les morceaux de pâte coupés à la bêche pèsent 4 à 5 kg.

-On fait 9 pains de 5 kg avec 16 l d’eau et 33 kg de farine.

-Une fournée = 130 pains (500 kg de farine, 250 l d’eau = 750 kg de pâte).

-Le four a un diamètre de 4,20 m.

-On fait cuire en même temps les tourtes aux choux pour donner de l’humidité. Ce pourrait aussi être l’explication du nom « pain bouilli », parce qu’il cuit dans l’humidité dégagée par les tourtes aux choux.

Le four était autrefois fermé avec une lauze. On l’a remplacée par une porte en pierre de Volvic.

-« Faire gauchette » c’était tremper un morceau de pain dans la gnôle et le brûler.

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Au cafe-restaurant « Les Mélèzes » de Villar-d’Arêne. A gauche, Alexis Faure, à droite, Charles Faure en train de « faire gauchette » Cliche Marcel Maget (site :culture.gouv.fr)

Merci à Laurent Bastard pour  nous avoir communiqué ses nombreuses notes.

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

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