« LA MEUNIÈRE ET LE MEUNIER »

« LA MEUNIÈRE ET LE MEUNIER » PAR JEAN BAPTISTE CLÉMENT

Tout le monde connaît, voire a fredonné, la chanson Le Temps des cerises. Elle est l’œuvre de Jean Baptiste CLÉMENT, qui naquit le 31 mai 1836 à Boulogne-sur-Seine (aujourd’hui Boulogne-Billancourt) et qui mourut à Paris le 23 février 1903.

Cette chanson-là, bien qu’écrite avant l’insurrection révolutionnaire de la Commune en mars 1871, reste attachée à cet épisode tragique comme la nostalgie des temps heureux d’avant la terrible répression de la fin mai.

La chanson qui suit, écrite en 1864, évoque un couple de meuniers unis par l’amour et faisant rayonner leur bonheur autour d’eux.

LA MEUNIÈRE ET LE MEUNIER
Chansonnette

Refrain du 1er couplet

En suivant le chemin,
Qui conduit à la rivière,
On arrive au moulin,
Le plus bavard de la terre ;
Jeanne y jase avec Colin,
Jeanne y jase avec Colin,
Et la meule avec le grain.
Au moulin de Colin,
On apporte tant de grain
Que du soir au matin
On entend ce gai refrain :
Ah ! tic tac tic tac
Tic tac tic tac
Au moulin
Ah ! tic tac tic tac au moulin
Au moulin.

« Jeanne y jase avec Colin… »

Sous ce chaume aux grands volets verts,
Où grimpe une vigne fleurie,
L’oiseau quand la mousse est jaunie,
S’y cache à l’abri des hivers.
Aussi, dans leur langue sonore
De la vigne aux nids du sentier,
Ses petits chantent dès l’aurore
Pour la meunière et le meunier.

« L’oiseau, quand la mousse est jaunie / S’y cache à l’abri des hivers… »

Refrain du 2e couplet

Prenez donc le chemin,
Qui conduit à la rivière,
Vous verrez le moulin
(etc…)
(la suite comme le refrain ci-dessus)

Médor joue, et poursuit Martin,
Les pigeons lissent leur plumage,
Et les moineaux du voisinage,
Glanent sur le pont du moulin,
Les Gaulois portent haut leur crête,
Les poules pondent au grenier ;
C’est que tout s’aime, jusqu’aux bêtes,
Chez la meunière et le meunier.

« Les Gaulois portent haut leur crête… »

Refrain du 2e couplet

L’amour, qui fait croire au bonheur,
Rend généreux ceux qu’il protège ;
Quand vient décembre et que la neige
Couvre le toit du laboureur,
Dans la chaumière et dans l’étable
Avec la couche et le foyer ;
Les pauvres sont servis à table,
Par la meunière et le meunier.

« Les époux font marcher en tête / Et la meunière et le meunier. »

Refrain du 2e couplet

***

Cette chanson appelle quelques remarques. D’abord, on notera que l’image des meuniers donnée par l’auteur déroge à la convention qui en fait assez souvent dans la chanson et la littérature des personnages riches et avides, des créanciers sans états d’âme, des gens peu enclins à partager avec les plus pauvres. C’est tout le contraire ici, puisque Jeanne et Colin protègent les oiseaux, qui les remercient en chantant, diffusent leur amour auprès des chiens et des animaux de la basse-cour (les « Gaulois » sont les coqs – gallus  en latin), et, en hiver, accueillent à leur table les pauvres gens. Tout le monde les aime et lors des mariages, on les fait marcher en tête du cortège. Il en est de même dans ses autres chansons où sont mis en scène les meuniers.

Jean Baptiste Clément photographié par Nadar (Wkipédia)

En effet, le monde de la meunerie n’était pas étranger à Jean Baptiste CLÉMENT. Il était lui-même fils d’un couple de meuniers aisés de Montfermeil  et après avoir quitté ses parents, il travailla un temps au Moulin de cage à Gennevilliers. Plusieurs de ses chansons rappellent par leur titre un secteur d’activité qu’il connaissait bien :

JE VAIS CHEZ LA MEUNIÈRE
Sur le dos à Martin,
Je vais chez la meunière,
En suivant le chemin
Qui longe la rivière…

LE MOULIN NOIR
La meule tourne et moud le grain
Au moulin noir du vieux ravin
Il babille au long des grands saules,
Le garde-moulin a six pieds,
Des bras noueux et des épaules,
Comme des troncs de peupliers…

BONJOUR A LA MEUNIÈRE
Sur le dos de son bourriquet
Si vous rencontre la meunière,
Vous mettrez bas votre capet,
Vous mettrez vos genoux à terre ;
Mais prenez  garde à son caquet,
Elle est si belle la meunière ! …

AU MOULIN DE BAGNOLET
Sur la route de Bagnolet
Où l’on chante et boit à la ronde,
Il est un moulin qu’on connaît
Car il tourne pour tout le monde…

Ou encore : LE MOULIN DES LARMES.

***

A Paris, Jean Baptiste CLÉMENT fréquenta très tôt les milieux socialistes et dès 1867 il dut s’enfuir en Belgique pour échapper à des sanctions judiciaires. Après la chute de l’Empire, il joua un rôle actif au sein de la Commune de Paris. Il fut élu le 26 mars 1871 au Conseil de la Commune par le 18e arrondissement. Il occupa plusieurs fonctions dont celle de délégué à la fabrication des munitions puis à la commission de l’enseignement.
Lors de la répression des Versaillais, il écrivit sa célèbre chanson La Semaine sanglante, qui dénonce les exécutions sommaires et appelle à venger les victimes de l’injustice :

« On traque, on enchaîne, on fusille
Tous ceux qu’on ramasse au hasard.
La mère à côté de sa fille,
L’enfant dans les bras du vieillard. »

Il réussit à s’enfuir en Belgique puis gagna Londres où il retrouva d’autres communards. Il fut condamné à mort par contumace en 1874. Il rentra cependant clandestinement en France en 1876 et fut caché par ses parents à Montfermeil, puis, après l’amnistie de 1880, il rentra à Paris. Il y reprit ses activités militantes et participa en 1890 à la création du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire.
Ses obsèques, le 26 février 1903, rassemblèrent 4 ou 5000 personnes. Il est inhumé au Père-Lachaise où sa tombe est toujours visible.

La tombe de Jean Baptiste CLÉMENT au Père-Lachaise (photo Wikipédia)

Un grand merci à Patrick FONTENEAU qui nous a communiqué la chanson La Meunière et le meunier pour qu’elle soit publiée sur le CREBESC.

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