La chanson des boulangers par Albert Coustenoble

Durant la guerre ont fleuri les publications concernant les mouvements de jeunesse (scouts, compagnons de France, Jeunesse ouvrière chrétienne (J.O.C), etc.) ainsi que celles qui ont exalté le travail manuel, celui des champs et de l’artisanat, par opposition à celui des usines, jugé malsain aussi bien pour le corps que pour l’esprit.

C’est à cette époque que R . DELSINNE publia aux Editions Ouvrières Ton métier chante-le… ! , avec une préface de l’abbé MAILLET, directeur des Petits Chanteurs à la Croix de Bois. Ce recueil de chansons est dédié « aux Jocistes de France ». On y trouve des chansons pour les charbonniers, les charpentiers, les chaudronniers, les forgerons, les lingères, les mécaniciens, les mineurs, les sabotiers, les vignerons, les sténo-dactylos, les terrassiers, etc., ainsi que des chansons plus générale sur les apprentis, le travail, les bruits des métiers, etc.

Les boulangers sont évidemment présents.

La « Chanson des boulangers » est l’œuvre d’Albert COUSTENOBLE. Qui était-ce ? Cet artisan boulanger de Lille fut très actif dans le nord de la France durant l’entre-deux guerres et l’après-guerre. Il fut, de 1937 à 1940, le second président de l’Assemblée des présidents des chambres de métiers de France (APCMF) qui devint ensuite l’Assemblée permanente des chambres de métiers. Au plan local, il était le président de l’Union des artisans boulangers du Nord, celui du Syndicat de la boulangerie de Lille et des environs, et le président de la Chambre de métiers du Nord. Il était aussi conseiller prud’homme.
En 1941, Albert Coustenoble fut choisi par le gouvernement de Vichy pour siéger au sein du nouveau Conseil national. Cet organisme consultatif était composé de 213 conseillers, diverses personnalités issus de tous horizons (scientifiques, parlementaires, syndicalistes, professionnels, représentants de la culture, etc.).
Après la guerre, il poursuivit son action pour la défense de la boulangerie et publia notamment des articles dans la revue « Le Boulanger du Nord et du Pas-de-Calais » jusque dans les années 1960.

Albert Coustenoble vers 1938.

Il fut donc l’auteur de la « Chanson des boulangers », sur une mélodie des Flandres harmonisée par R. Delsinne. Ce dernier fait précéder la chanson du texte suivant :

« Pendant l’évacuation, nous sommes restés trois jours sans pain.
Trois jours… c’est peu ! et pourtant, jamais comme dans ces heures tragiques, je n’ai apprécié le suprême bienfait du pain quotidien.
J’ai mieux compris l’angoisse des miséreux qui doivent le mendier et aussi le crime de ceux qui le gaspillent.
La mission du boulanger m’est apparue plus magnifique.
Lui qui, bien avant le lever du soleil, arrive au fournil claustré dans un sous-sol et reste pendant des heures à se brûler la face à la gueule du four !…
Je sais que la machine lui rend aujourd’hui d’immenses services. Le pétrin mécanique apporte au mitron une aide précieuse. Son travail n’en demeure pas moins bien pénible et suppose au « mineur blanc » de résistantes aptitudes physiques.
Pour sa rude besogne si utile à nos vies, soyons-lui reconnaissants. »

 

CHANSON DES BOULANGERS

1

Un métier où l’on n’a pas bonne mine
C’est celui de Boulanger
Jamais ça n’chagrine
Les gâs d’la farine
On a le cœur chaud dans ce bon métier

Refrain

Vivent les mitrons, les gâs d’la farine

Les gais chevaliers du pétrin
Avec entrain
Ils font le pain
Ils s’échinent
Par devant le four
Nuit et jour.

2

Bien avant l’aurore, quel vrai courage
Quand les autres font dodo
C’est le pétrissage
Puis, tourne et pesage
Jamais un mitron n’enfourne trop tôt.

(Au refrain)

3

Malgré nous, la pâte souvent se presse
Ne soyons pas endormis
Il faut de l’adresse
Et de la prestesse
Les bons boulangers sont des dégourdis.
(Au refrain)

4

Sans compter, on y met toute son âme
On veut fair’ de jolis pains
Pour messieurs et dames
On maintient la flamme
Devant le vieux four, qu’on s’y trouve bien.
(Au refrain)

5

La chaleur nous réjouit, nous appelle
Près du four et du pétrin
La vie est bien belle
Quand on tient la pelle
L’hiver peut venir ; nous ne craignons rien !
(Au refrain)

6

On se bat avec toutes les farines
On pétrit de mill’façons
Si votre tartine
N’est pas blanche et fine
N’accusez pas trop le pauvre mitron !
(Au refrain)

7

Tous les ans quand nous arrive la fête
De notre grand saint patron
On est en goguette
On chante à tue-tête
Viv’ Saint Honoré ! Patron des mitrons.

Laurent Bastard

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