Du pain ou la mort ! Louise Michel

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Nous sommes le 9 mars 1883, une manifestation de sans-travail  aux Invalides s’organise, lors d’un meeting organise par le syndicat des menuisiers, d’abord dispersée par la police, elle réussit néanmoins à  s’organiser et défiler.  Pendant que les manifestants se dirigent vers l’Elysée, un groupe de cinq cent personnes se forme dans les environs de Latour Maubourg, avec a leur tète une nommée Louise MICHEL,  elle y arbore un drapeau noir improvise  a partir d’un vieux jupon fixe sur un manche a balai qui lui a été remis par un ouvrier,  une inscription en blanc figure dessus :

« Du pain ou la mort ! »

La manifestation gagne les rue du Four, des Canettes et le boulevard Saint Germain en mettant à sac plusieurs boulangeries sur leur passage, et se dirige vers la rue de Sèvres.

Au crie de : « du pain ! du pain ! »

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Louise MICHEL parmi la foule, arborant le drapeau noir, lors  du pillage de la boulangerie de Mr AUGEREAU au 13 rue du Four.

« Paris – La Manifestation du 9 mars. – Pillage d’une boulangerie. – Louise Michel »
Une de « Le Monde Illustré » du 17 mars 1883

Plusieurs boulangeries sont pillées : 8 rue de Sèvres, 3 rue des canettes ; 13 rue du Four, et 125 boulevard Saint Germain. Au carrefour de la Croix Rouge, les manifestants enlèvent les poulets à l’étal d’une rôtisserie.

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Carte postale de la boulangerie situe 3 rue des Canettes, saccagées le 9 mars 1883.

Notons l’erreur de date dans la légende de la carte postale.

C’est lors de cet évènement, que pour  la première fois un drapeau noir apparait dans une manifestation.  Louise MICHEL est recherchée, puis elle se rend aux autorités quelques semaines plus tard, elle est condamnée le 22 juin 1883 à six ans de prison assortis de dix années de surveillance de haute-police pour «incitation au pillage».

Lors de son procès, Louise MICHEL, lors de sa défense le 22 juin 1883, devant la Cour d’Assise de la Seine dira :

« … Il y a quelque chose de plus important, dans ce procès, que l’enlèvement de quelques morceaux de pain. Il s’agit d’une idée qu’on poursuit, il s’agit des théories anarchistes qu’on veut à tout prix condamner… »

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« …Parce que ce drapeau est le drapeau des grèves et qu’il indique que l’ouvrier n’a pas de pain. Si notre manifestation n’avait pas du être pacifique, nous aurions pris le drapeau rouge, il est maintenant cloué au Père Lachaise, au-dessus de la tombe de nos morts. Quand nous l’arborerons nous saurons nous défendre …» (Ecrits sur l’Anarchisme – Ed Seghers, 1964)

Libérée en janvier 1886, suite à la grâce du président de la république Jules Grévy, elle devient rapidement la figure de proue des anarchistes donnant d’innombrables conférences à travers la France.

Le 3 juin 1886, lors d’un meeting de solidarité avec les mineurs grévistes de Decazeville, elle est à nouveau condamnée à quatre mois de prison pour insultes envers le gouvernement. Refusant de faire appel, elle est finalement relâchée en novembre suite à une remise de peine.

Elle mène alors une intense propagande en faveur de la grève générale.

Le 22 janvier 1888, lors d’une conférence au Havre, un individu tire à son encontre  deux coups de revolver.

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Blessée d’une balle à la tête, qui ne sera jamais extraite, elle fera tout pour obtenir la grâce de son agresseur.

A nouveau inquiétée suites aux émeutes du 1er mai 1890 à St-Etienne et à Vienne, elle s’exile alors en Angleterre.

Mais qui est donc cette femme, révolutionnaire anarchiste, qui se trouve sur tous les fronts des revendications ouvrières ?

Qu’a-t-elle dont de ci particulier pour pouvoir faire naitre chez ses semblables, a son égard, autant l’amour que la haine ?

Tout simplement un passe exceptionnel ! Découvrons le !

Louise Michel est née le 29 mai 1830 a château de Vroncourt (52), fille d’une servante et « de père inconnu ».  Elle grandit au près de sa mère. Elle reçoit une bonne instruction et une éducation libérale, lisant Voltaire et Rousseau.

À partir de 1851, elle poursuit des études à Chaumont où elle obtient le brevet de capacité permettant d’exercer la profession d’institutrice. En septembre 1852, à 22 ans, elle crée une école libre à Audeloncourt où elle enseigne durant une année avant de se rendre à Paris.

En 1856, elle vient s’installer à Paris où elle enseigne dans une pension. Pendant les quinze ans qui suivent, elle poursuit régulièrement son activité d’enseignante. En 1865, elle ouvre une école (un externat) au 24 rue Houdon, puis un autre cours rue Oudot en 1868.

Elle se montre favorable à des idées très nouvelles comme des écoles professionnelles et des orphelinats laïcs.

Intéressée par la littérature, elle publie plusieurs textes, et notamment des poèmes, qu’elle signe sous le pseudonyme « Enjolras »

Elle entretient une correspondance de 1850 à 1879 avec Victor Hugo, un des personnages les plus célèbres et les plus respectés de l’époque, et lui adresse quelques poèmes. Elle s’introduit dans les milieux révolutionnaires, collabore à des journaux d’opposition.

En août 1870, à 40 ans, en pleine guerre franco prussienne, elle manifeste contre l’arrestation de plusieurs blanquistes.

En septembre, après la chute de l’Empire, elle participe au Comité de vigilance des citoyennes du 18e arrondissement de Paris dont elle est élue présidente

Dans Paris affamé, elle crée une cantine pour ses élèves. Elle rencontre Georges Clemenceau, maire de Montmartre. On assiste alors à d’étonnantes manifestations : femmes, enfants, gardes fédérés entourent les soldats qui fraternisent avec cette foule joyeuse et pacifique.

Louise MICHEL fait alors partie de l’aile révolutionnaire la plus radicale aux côtés des anarchistes, et pense qu’il faut poursuivre l’offensive sur Versailles pour dissoudre le gouvernement d’Adolphe Thiers qui n’a alors que peu de troupes.

Elle est même volontaire pour se rendre seule à Versailles et tuer Thiers. Elle n’est pas suivie et le projet avorte.

Selon une anecdote fameuse, le 22 janvier 1871, en habit de garde nationale, elle fait feu sur l’Hôtel de Ville. Propagandiste, garde au 61e bataillon de Montmartre, ambulancière, et combattante, elle anime aussi le Club de la Révolution à l’église Saint Bernard de la Chapelle.

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Louise MICHEL en uniforme de Fédéré.

En avril-mai, lors des assauts versaillais contre la Commune, elle participe aux batailles de Clamart, Issy-les-Moulineaux et Neuilly.

Sur la barricade de Clignancourt, en mai, elle participe au combat de rue dans lequel elle tire ses derniers coups de feu, elle se rend pour faire libérer sa mère, arrêtée à sa place.

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Son arrestation le 24 mai 1871, (par le peintre Jules Girardet), elle sera détenue au camp de Satory près de Versailles.

« Louise Michel et le drapeau noir » D’Achille le Roy (Extrait)

 « Au jour fatal

Où sombra la Commune,
Quand notre sang gonflait le vaste égout,
Aussi vaillante au feu qu’à la tribune,
Devant Versailles elle resta debout.
Proscrite au loin, vers de brûlantes plages,
Elle y sema le germe fraternel.
Les plus cruels ne sont pas les sauvages…
Honneur, honneur à Louise Michel ! »

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« Louise Michel à Satory » haranguant des communards, par le peintre Jules Girardet.

Dans ce camp de Satory, elle assiste alors aux exécutions et voit mourir ses amis. Lors de son procès par les Versaillais, elle lança cette phrase aux juges qui la condamnaient à la déportation : « Si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi ».

Entre 1871 et 1873, elle passe vingt mois en détention à l’Auberive, transformée en prison, et se voit condamnée à la déportation.

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Frégate Virginie, a quai dans le port de Toulon.

Louise MICHEL, et vingt autres femmes condamnees sont dirigees sur  La Rochelle , ou le 9 aout 1873 a l’Ile d’Aix, elles sont embarquees, sur la fregate Virginie, au cote de 61 déportées en provenance du fort de Quelern, embarques antérieurement a Brest, et de 88 déportées qui étaient internes а la citadelle de Saint-Martin-de-Ré. C’est la première déportation de femmes condamnées de la Commune.

Dans ses souvenirs, Louise Michel parle des haubans et des cordages couverts de glace. Le commandant Launay, l’ayant plusieurs fois vu pieds nus dans sa cage, et de crainte de la vexer, lui fait parvenir une paire de chaussons par l’intermédiaire d’Henri Rochefort. Mais le lendemain, elle est toujours pieds nus, car elle a fait don de ce présent à une autre déportée plus malheureuse qu’elle !

Apres 120 jours de traversée, la Virginie entre en rade de Nouméa le 8 décembre 1873. Un hébergement particulier a été prévu dans la commune de Bourail par l’Administration Pénitentiaire, pour les femmes condamnées а la déportation en enceinte fortifiée. Mais Louise Michel et toutes les autres femmes refusent de quitter leurs compagnons d’infortune et menacent de se jeter а la mer si elles n’obtiennent pas satisfaction. Les autorités seront obligées de céder et les femmes embarquées sur la Virginie rejoindront la presqu’ile de Ducos comme les autres deportés en enceinte fortifiée. (Sources :http://www.bernard-guinard.com/index.html)

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Louise MICHEL en déportation en Nouvelle Calédonie

En Nouvelle-Calédonie, où elle purgea sa peine pendant sept ans, ou elle enseigne aux jeunes Caldoches, et tiens des discours de rébellion aux plus vieux.

Le 9 novembre 1880, Louise MICHEL rentre du bagne grâce à la loi d’amnistie, après 9 ans de prison et de déportation.

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Plaque commémorative posée le 9 novembre 2000 à Dieppe, sur la Tour au Crabes.

En avril 1890, Louise MICHEL est arrêtée à la suite d’un discours qu’elle a prononcé à Saint-Étienne et de sa participation à un meeting qui entraîna de violentes manifestations à Vienne. Un mois plus tard, elle refuse sa mise en liberté provisoire, car ses co-inculpés restent en prison. Elle finit par tout casser dans sa cellule, un médecin demande alors son internement comme « folle ». Le gouvernement, qui craint des histoires, s’y oppose. Elle a alors 60 ans. Finalement, elle est libérée et quitte Vienne pour Paris le 4 juin. En juillet, Louise se réfugie à Londres où elle gère une école libertaire pendant quelques années. À son retour le 13 novembre 1895, elle est accueillie par une manifestation de sympathie à la Saint-Lazare. Une foule  qui l’acclame aux cris de « Vive Louise Michel, vive la Commune, A bas les assassins! »

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Arrivée gare Saint-Lazare, le 13 aout 1895.

Pendant les dix dernières années de sa vie, Louise Michel, devenue une grande figure révolutionnaire et anarchiste, multiplie les conférences à Paris et en province, accompagnées d’actions militantes et ce malgré sa fatigue ; en alternance, elle effectue des séjours à Londres en compagnie d’amis. Très surveillée par la police, elle est plusieurs fois arrêtée et emprisonnée, et condamnée à six ans d’incarcération et libérée au bout de trois sur intervention de Clemenceau, pour revoir sa mère sur le point de mourir.

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Louise MICHEL, sur la fin de sa vie…

Quelques mois avant sa mort, d’octobre à décembre 1904, Louise Michel alors âgée de 74 ans, se rend en Algérie avec Ernest Girault pour une tournée de conférences. A son retour, très affaiblie, elle meurt dans un hôtel de Marseille le 9 janvier 1905. Ces funérailles ont lieu le matin du 22 janvier ; plusieurs milliers de personnes suivent le triste attelage entre paris et le cimetière de Levallois-Perret.

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La Danse des bombes, 1871  de  Louise Michel

Amis, il pleut de la mitraille.

En avant tous! Volons, Volons!

Le tonnerre de la bataille

Gronde sur nous… Amis, chantons!

Versailles, Montmartre salue.

Garde à vous! Voici les lions!

La mer des révolutions

Vous emportera dans sa crue.

(Refrain)

En avant, en avant sous les rouges drapeaux!

Vie ou tombeaux!

Les horizons aujourd’hui sont tous beaux.

Frères nous lèguerons nos mères

A ceux de nous qui survivront.

Sur nous point de larmes amères!

Tout en mourant nous chanterons.

Ainsi dans la lutte géante,

Montmartre, j’aime tes enfants.

La flamme est dans leurs yeux ardents,

Ils sont à l’aise dans la tourmente.

(Refrain)

C’est un brillant levé d’étoiles.

Oui, tout aujourd’hui dit: Espoir!

Le dix-huit mars gonfle les voiles,

O fleur, dis-lui bien: au revoir.

  Dédié aux femmes de tous les pays: résistantes mais aussi en lutte pour leurs droits fondamentaux

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Sortie 7 avril 2010

« La tâche des instituteurs est de donner au peuple les moyens intellectuels de se révolter. » (Louise Michel)

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité C.P.R.F.A.D.

Commentaires concernant : "Du pain ou la mort ! Louise Michel" (4)

  1. Yves MURIE a écrit:

    Les relations de Louise avec Victor Hugo ne furent pas qu’épistolaires… J’ai raconté dans Victorine, ouvrage auto-édité en 1999, et dans L’enfant de la Vierge rouge (Editions L’Harmattan, 2002) comment une fille, Victorine (mon arrière-grand-mère) était née de la rencontre tumultueuse de l’été 1851, quand la jeune élève institutrice est venue voir à Paris son « cher maître »… Mais cela dérange beaucoup de gens d’imaginer que la Vierge rouge était mère…
    Yves MURIE, 15 La Croix Verte
    50300 Le Val Saint-Père

  2. Laurent Bourcier a écrit:

    Tres chers « Manu »
    Merci pour ces précisions! 🙂
    Je viens à mon tour apporter une autre information qui m’a été envoyé par un fidèle lecteur :
    Louise Michel est entrée en Franc-Maconnerie le 13 Septembre 1903 au sein de la Loge « La Philosophie Sociale » à l’âge de 73 ans.
    Initiation suivie de sa première conférence le 14 septembre 1903 à la Loge « Diderot » sur le thème du féminisme.
    Merci à ce fidèle lecteur d’avoir apporte sa pierre !
    Mes amitiés à tous.
    Picard la fidélité

  3. Cestere Manu a écrit:

    Trés cher Picard,
    Juste une petite correction sur ton article de louise michel,
    elle en effet été institutrice a Nouméa, lorsque sa peine c’est allégé en déportation simple et non en enceinte fortifiée, où elle enseignait non pas au « caldoches » ( mots qui est venu bien plus tard, ) mais elle enseignait aux enfants des personnels pénitentiaires, commerçants et de quelques déportés qui avait une famille avec eux, elle a aussi essayé de créer un enseignement pour les jeunes kanak
    Mais elle a surtout étudié les Kanak, langue, légende,culture et également l’agriculture et les plantes endémiques. Elle a d’ailleurs permis de sauver de la maladie les papayes, mais je ne me souviens plus de l’histoire, il me semble que dans le film, cette anecdote est raconté
    Elle a pris d’ailleurs la défense du grand chef Ataï lors de sa rébellion contre les institutions , elle prit souvent la défense des kanak. Elle fit plusieurs livres sur le monde kanak, en particulier sur leur légende et histoire ,
    Elle reste très méconnue encore ici en nouvelle calédonie, mais pour certain c’est elle que à été la première à prendre la défense et à vouloir mettre les kanak sur le même pied d’égalité que les occidentaux

  4. Salut à Roland,
    Et merci pour la révision de ce bel épisode des luttes populaires, pour l’exemple de cet être exceptionnel.
    Bises
    Gégé

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